SOCIETY n°246 - Page 6 - 246 6 Society SOMMAIRE Dinos 10. On est venus avec les questions, lui avec les réponses. Lait cru 12. Ou comment la folie trumpiste s’attaque désormais au lait pasteurisé. Marion Montaigne 14. Les cinq âges auxquels l’illustratrice s’est exclamée: “Eurêka!” Quand Flunch flanche 16. La chaîne de cafétérias la plus iconique de France annonce des fermetures en série. Irrémédiable? La politique française wrapped 18. Parce que s’il y a une profession qui nous a bien entertainés cette année, soyons clairs: c’est elle, la politique française. YANN AUDIC – THEO MCINNES La guerre de l’huître 24. Riec-sur-Bélon, son petit port, sa rivière, ses huîtres de renommée internationale… et son ambiance de guérilla entre ostréiculteurs. Bienvenue au phare west. P. Diddy 30. Autrefois autoproclamé “meilleur rappeur du monde”, businessman richissime, P. Diddy dort en prison depuis septembre, accusé d’être à la tête d’un système de crimes et de trafics sexuels. Voici l’histoire de sa chute. La ville de Sa Majesté 48. Fun –ou scary– fact: en plus de régner sur l’Angleterre, Charles III a pour passe-temps de créer des villes nouvelles. Visite guidée dans la première d’entre elles, Poundbury. GUILLAUME BLOT – ACKERMAN + GRUBER 8 Monsieur Noël 68. Pascal Audin est le nom de l’homme qui détient la plus importante collection de boules à neige de France. Mais sa vie est tellement plus grande que ça. La bataille des boues rouges 72. Le saviez-vous? Le droit environnemental international est né en Corse, dans les années 1970. On vous raconte ça. 100 bonnes raisons… 82. …de ne pas s’éterniser. Et pas seulement parce que 2024 fut encore une année de merde, globalement. Society SOMMAIRE Jérôme Commandeur 54. Un humoriste qui parle autant à la France de Quotidien qu’à celle de TPMP a forcément un secret. Qu’il dévoile ici. Dérapages on Ice 60. L’Amérique n’a peur de rien. Et surtout pas d’organiser des courses de voitures sur des lacs gelés, comme le prouve le duo de photographes Jenn Ackerman et Tim Gruber. MNHN 2024 © Gérard Dubois / costume3pieces.com Exposition 27 nov. 2024 — 8 juin 2025 Sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel MACRON Président de la République Trocadéro, Paris Gratuit -26 ans 10 Society ACTUPUNCTURE 1. Les droits télévisés de la Bundesliga, le championnat de football allemand, ont été attribués pour plus d’un milliard d’euros par saison. Et vous, c’est quoi le dernier truc que vous avez payé beaucoup trop cher? La bouteille d’Evian à l’aéroport. 5. La municipalité de Séoul a dépensé 322 millions de dollars dans un plan pour lutter contre la solitude. En vrai, à partir de combien de millions on ne se sent plus seul(e)? Je pense que c’est l’inverse: plus on monte, plus on se sent seul(e). – NICOLAS FRESCO / PHOTOS: RENAUD BOUCHEZ POUR SOCIETY Écouter: KINTSUGI. En concert à l’Accor Arena de Paris les 21 et 22 février 2025, et en tournée dans toute la France 3. Une pièce romaine à l’effigie de Brutus, faite en or et datant de 43 ou 42 avant J.-C., a été adjugée pour près de deux millions d’euros lors d’une vente aux enchères. C’est donc ça, l’inflation? C’est donc ça, le xxie siècle? 4. Vincent Lagaf va faire son retour à la présentation du Bigdil à partir du 2 janvier sur RMC Story. OK mais vous, Dinos, c’est quoi le programme télé disparu que vous aimeriez vraiment voir revenir? Vidéo Gag, définitivement. 2. Dans une de ses ultimes allocutions en tant que Premier ministre, Michel Barnier a déclaré: ‘Je suis fier de servir. Les dorures, je m’en fous.’ Vous aussi, pour les fêtes, vous préférez gérer la bouffe que la déco de table ou le sapin? Je n’ai pas eu de sapin de Noël depuis 2017, car la dernière fois, je l’ai enlevé en mars de l’année d’après. Cinqquestions pointues surl’actuà… Dinos Rappeur TÉLEX. Un Britannique de 34 ans qui avait posté sur les réseaux sociaux une photo de sa barre chocolatée Mars complètement lisse a été indemnisé par le fabricant à hauteur de deux livres, soit 2,40 euros. 11 Publicommuniqué 5juillet2016 Leslie Matlaisane reçoit un mail au sujet intriguant: “Urgent: pouvons-nous nous rencontrer?” Le message ne l’est pas moins: l’expéditeur l’informe qu’il est en possession d’œuvres de son oncle, Ernest Cole, jusque‑là gardées dans un coffre-fort d’une banque suédoise coffre-fort d’une banque suédoise. Comment des clichés du photographe sud-africain auraient‑ils pu atterrir là? Après deux ou trois jours d’hésitation, Matlaisane accepte finalement l’invitation et, en 2017, il effectue le périple jusqu’à Stockholm. Là-bas, il reçoit plus de 60000 négatifs de photos prises par son oncle, des notes sur ses projets, des couvertures de magazines utilisées comme inspiration. Tout est parfaitement préservé, organisé méticuleusement par dates et lieux. En revanche, personne ne peut répondre à ces questions: qui a déposé ces affaires ici? Qui a payé pour que la banque les garde? Depuis combien de temps? En 1967, le livre du photographe Ernest Cole, House of Bondage, expose au monde entier la violence de l’apartheid. En exil à New York, le Sud-Africain ne publiera jamais d’autre ouvrage jusqu’à sa mort, en 1990. En 2017, sa famille découvre plus de 60000 de ses négatifs dans un coffre-fort d’une banque suédoise, sans explication. 1956 Ernest Cole quitte l’école à 16 ans. Noir dans une Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid, le jeune homme ne veut plus subir le système éducatif mis en place par les oppresseurs afrikaners depuis le Bantu Education Act de 1953. Il continue l’école par correspondance et fait le ménage dans un studio de photographie de Johannesburg pour gagner un peu d’argent. C’est à ce moment qu’il commence à prendre ses premières premières photos de la vie photos de la vie quotidienne des Noirs quotidienne des Noirs en Afrique du Sud en Afrique du Sud. 19mai1966 Ernest Cole quitte l’Afrique du Sud avec, dans sa valise, des milliers de négatifs. Pendant près de dix ans, il photographie tout ce qu’il peut: les escaliers réservés aux Blancs, les villages reculés où l’État a enfermé les natifs dont il a volé les terres, les mineurs noirs remontant du centre de la terre, la richesse du pays, sans jamais pouvoir espérer toucher leur part. Mais conscient qu’il ne pourra jamais publier librement ses travaux sous le gouvernement sud-africain, il ne voit qu’une solution: l’exil une solution: l’exil. Ce sera New York. 1967 Publication de House of Bondage, le livre de photographie d’Ernest Cole montrant la vie sous l’apartheid pour les Sud‑Africains noirs. Une œuvre déterminante œuvre déterminante qui expose au reste du monde la brutalité quotidienne du régime ségrégationniste. Peu de temps après, le photographe obtient une bourse de la Ford Foundation afin de documenter la vie des Afro-Américains dans les villes du nord et les campagnes du sud, alors que le mouvement des droits civiques prend de l’ampleur. Mais le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné. Son livre ne sera jamais publié, sans que l’on sache vraiment pourquoi. 1968 Ernest Cole part pour l’Europe. Dans une lettre demandant un visa au gouvernement norvégien, il explique être fatigué de son travail de documentation du racisme, qu’il soit sud-africain ou américain. Il estime que “l’homme total ne vit pas qu’une seule expérience”. Il voyage en Angleterre, au Danemark et surtout en Suède. Entre 1968 et 1972, il y passe environ trois mois par an. Là-bas, il se lie d’amitié avec le photographe Rune Hassner et travaille avec lui à l’agence Tio, qui le soutient et organise une exposition de son travail. Cole confie au groupe de photographes une partie de ses photos et quelque 500 originaux. Mais aucune mention de aucune mention de 60000 négatifs, de coffre ni de banque 60000 négatifs, de coffre ni de banque. L’artiste passe aussi beaucoup de temps avec les sœurs Ingrid et Katarina Vick. Assez pour leur donner le travail d’une vie? Âgées aujourd’hui de 85 ans et à la mémoire qui flanche, elles ne sauraient le dire. 18février1990 Ernest Cole décède à New York d’un cancer du pancréas, neuf jours après l’annonce de la libération de Nelson Mandela. Un temps sans domicile fixe, il alternait séjours dans des foyers et périodes de vagabondage. Selon le directeur de la rédaction du New York Times de l’époque, Joseph Lelyveld, Cole aurait perdu Cole aurait perdu tous les négatifs qu’il possédait tous les négatifs qu’il possédait aux États‑Unis en 1977, après qu’il les a laissés dans un foyer pendant plus d’un an. Il note toutefois qu’“Ernest [lui] a toujours laissé penser qu’il avait des négatifs en Suède”. Il n’a en revanche jamais mentionné où ils étaient ni qui les gardait. Le mystère reste donc entier. LE MYSTÈRE ERNEST COLE Voir: Ernest Cole, photographe, de Raoul Peck, en salle le 25 décembre. ET LE LAIT DEVINT MAGA Depuis que Robert F. Kennedy Jr., futur ministre de la Santé américain, a déclaré ne plus consommer la moindre goutte de lait pasteurisé, la mode du lait cru fait rage outre-Atlantique. Autrefois boisson prisée par les hippies à tendance médecine chinoise ou des stars hollywoodiennes (Sylvester Stallone, Patrick Dempsey, Gwyneth Paltrow) prêtes à débourser dix dollars le litre dans les épiceries de luxe Erewhon, le raw milk coule désormais dans les veines de l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene ou de Nicole Shanahan, l’ancienne colistière de Robert Kennedy Jr. à la présidentielle. L’inépuisable créativité du merch’ MAGA a pris la vague pour fabriquer des t-shirts “Got Raw Milk?” et des pailles siglées “Raw Unpasteurized Truth (‘Vérité crue non pasteurisée’, ndlr)”, et des vidéos TikTok prétendent désormais que la boisson lutterait contre l’asthme, boosterait le système immunitaire et même la testostérone, affirmations sans véritable fondement scientifique, il va sans dire. Le futur ministre de la Santé, quant à lui, a promis qu’il mettrait vite fin à la “suppression agressive” du lait cru par la Food and Drug Administration, en commençant par abroger l’interdiction de la vente inter-États. Ce qui ne va pas sans inquiétude: le lait non pasteurisé peut contenir des bactéries telles que la salmonelle, la listeria ou Escherichia coli, et un risque supplémentaire est apparu en mars dernier avec la détection de la grippe aviaire chez des vaches laitières américaines. Début décembre, les autorités californiennes ont même ordonné le retrait des briques de la société Raw Farm, plusieurs lots ayant été testés positifs au H5N1. Pas de quoi effrayer le podcasteur trumpiste au physique de catcheur Joe Rogan, qui a pris les Français, consommateurs de fromages au lait cru notoires, en exemple: “Ils semblent en putain de bonne santé et ils ne sont pas gros”, a-t-il déclaré. Une vérité crue, pour une fois. – GRÉGOIRE BELHOSTE 12 Society PIXEL-SHOT.COM (LEONID YASTREMSKIY) – @JBTHIELE TÉLEX. D’après la Fondation Jean-Jaurès, 54% des Français se disent “fatigués” de l’information. …“Dorénavant, je roulerai avec deux petites roues stabilisatrices”, a déclaré Eddy Merckx, tout juste opéré après une chute à vélo. Lapassionenvahissantede BOBSINCLAR, PRODUCTEUR ETDJ Les Bearbrick “Le Bearbrick, c’est un ourson en plastique en forme de brique inventé par une société japonaise, Medicom Toy, au début des années 2000. Au départ, la figurine faisait sept centimètres, ils appellent ça des 100%; après, il y a eu les 400% de 28 centimètres et les 1000% qui font 70 centimètres. Petit à petit, ils se sont mis à les associer à des icônes cultes de la culture pop. Comme je suis assez obsessionnel, j’en ai acheté un, puis deux, puis trois… pour arriver aujourd’hui à une collection où j’en ai entre 450 et 500, que des 1000%. Pour que ça reste collector, il faut garder les boîtes, donc j’ai loué un entrepôt à Marnela-Vallée. Et là, dans mon bureau, je me suis fait faire des vitrines en verre où je peux placer mes figurines. Il y en a aussi dans l’escalier, un peu partout. Je ne suis pas quelqu’un de déprimé; ça m’arrive d’être mélancolique parfois, ‘ah j’aurais aimé aller au Studio 54 dans les années 1970’, mais c’est tout. Ce que je veux, c’est que quand tu arrives chez moi, tu sois envahi(e) par la couleur, que tu me demandes: ‘Qu’estce que c’est que ces petits objets? Pourquoi il y en a autant?’” – NOÉMIE PENNACINO Écoutez le podcast Passion passions de Society sur toutes les plateformes. Elles rebattent les cartes d’un système patriarcal ancré depuis des millénaires. Le combat est long. Mais, elles sont puissantes. WE MADE IT WE MADE IT LA DERNIÈRE SAISON DE NOTRE PODCAST S SŒ ŒURS URS IN POWER IN POWER Épisode 1 : « Sans oui, c’est non ! » Épisode 2 : « Reines afghanes » Épisode 3 : « Sale p*** : la haine 2.0 » 14 Society 14 Top 5 MARION MONTAIGNE ILLUSTRATRICE Les eurêka! de sa vie 5 ans Le TO7 de Thomson “Mes parents avaient acheté un des premiers ordinateurs, un Thomson TO7. Je trouvais ça étrange comme objet, il y avait un clavier en caoutchouc avec des touches molles. Je voyais ma mère taper des lignes de code, je ne comprenais pas ce qu’elle faisait. On copiait ça sur une cassette, ça prenait 30 minutes et après, sur l’écran, il y avait un petit bonhomme perdu au milieu de rien qui apparaissait, c’était hyperanxiogène. Un peu plus tard, ils ont acheté un Amstrad avec un écran énorme et mon père avait fait une tête de tigre immense en pixels. J’avais trouvé ça dingue. Ces machines doivent avoir un millionième de la puissance d’un téléphone d’aujourd’hui et on a envoyé des gens dans l’espace avec.” 10 ans Le Radeau des cimes, de Francis Hallé “En CM1, on avait fait une étude sur le ‘radeau des cimes’, une sorte de plateforme faite de boudins et de filets qu’on pose au-dessus des arbres pour explorer la canopée des forêts tropicales. Moi, je suis née à La Réunion, et en voyant ça, je me suis dit: ‘C’est ça que je veux faire! Je veux passer ma vie assise là-dessus.’ Je trouvais ça dingue que ça puisse être un métier. Après, j’ai découvert le scientifique qui était à l’origine de ça, Francis Hallé, un dessinateur d’arbres incroyable. En ce moment, il a un projet, il veut recréer une forêt primaire en Europe. Ça implique de trouver une surface immense étendue sur deux pays et de foutre la paix à cet endroit pendant des siècles. Il y a évidemment des gens qui sont contre. Aujourd’hui, dans la forêt, les arbres sont tous les mêmes, ils sont jeunes. C’est comme si on était dans une ville dont on aurait viré tous les vieux et les malades.” TÉLEX. Featuring: le prince Albert II de Monaco s’est rendu à Argenteuil en compagnie de Valérie Pécresse pour inaugurer une fresque en hommage à son grand-père, John B. Kelly, médaillé en aviron aux JO de Paris en 1924. VOLLMER Society 15 15 30 ans Packing for Mars, de Mary Roach “C’est une écrivaine américaine qui fait de la vulgarisation scientifique. Pour ce livre, elle est allée voir tous les ingénieurs de la NASA en leur demandant de quoi on a besoin pour aller sur Mars. Elle a interrogé l’ingénieur qui s’occupe du linge, par exemple. Si on va sur Mars, on va se retrouver avec 500 kilos de linge sale. Comment on gère ça sachant qu’on ne peut pas faire la lessive? Alors ils ont cherché si on ne pouvait pas faire des vêtements comestibles… Ils ont aussi un mec, le nez de la NASA, responsable des odeurs. Il s’occupe de tout. Il renifle les colles, il renifle le scotch, il renifle les outils, il faut être sûr que pendant les six mois du voyage, il n’y ait pas quelqu’un qui va dire ‘j’ai mal au crâne à cause du scotch’. C’est ce genre de trucs. C’est génial.” Society 33 ans La rencontre avec Jean-François Clervoy dans un vol Zéro G “En 2013, j’ai pu faire un vol Zéro G (voir Society #242, ndlr). L’avion monte à 45 degrés, il coupe les moteurs et chute à 45 degrés. Vous vous retrouvez en apesanteur pendant 30 secondes. Les scientifiques en profitent pour faire des expériences, et moi je faisais une BD sur eux. Quand le pilote a prévenu que la gravité allait revenir, un mec est venu me retourner parce que j’avais pris le plafond pour le plancher. Je me serais explosé la tête. C’était l’astronaute Jean-François Clervoy. Quand ils ont démarré le télescope Hubble pour la première fois, en 1996, ils ont vu que le truc était myope, en fait. Flou! Lui est allé à 600 kilomètres de la Terre pour régler ça. C’est un homme génial, il m’a appris plein de choses. Par exemple que la transpiration reste sur la peau en apesanteur. Comme l’évaporation ne fonctionne plus, ça fait une sorte de deuxième peau. Une fois, il faisait du sport et à un moment, il a bougé. Cette pellicule s’était mise à foncer sur un collègue, comme un ectoplasme.” – SYLVAIN GOUVERNEUR / ILLUSTRATIONS: CLÉMENTINE OBERKAMPF POUR SOCIETY 23 ans Mondes animaux et monde humain, de Jakob von Uexküll “Ça a été une révélation. Von Uexküll explique les bases de l’éthologie. Il part du principe que pour comprendre un animal, il faut déjà comprendre l’Umwelt, la perception du monde qu’a l’animal. Par exemple, une tique, son monde, c’est rien du tout. Elle est dans le noir. Il faut juste imaginer que quand un animal à sang chaud passe, elle voit soudain un point rouge et il faut qu’elle aille sur ce point. Elle peut attendre huit ans sans manger. Donc son rapport au temps n’a rien à voir avec le nôtre. Dans le livre, il réussit aussi à déduire que l’escargot voit quatre images par seconde et que donc, pour lui, tout va beaucoup plus vite. Ce que j’ai adoré, c’est l’expérimentation scientifique permettant d’imaginer un monde, puisqu’on ne peut pas parler l’escargot.” TÉLEX. Les statistiques de Pornhub indiquent que les Français sont les deuxièmes plus gros consommateurs mondiaux du site, derrière les Américains et devant les Philippins. …George Clooney a été aperçu au drive du McDonald’s de Brignoles, dans le Var. Lire: Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même), Tome 6 (Delcourt) 16 Society s’inscrivent dans un douloureux déclin, démarré dans les années 2010. La chaîne a vu son chiffre d’affaires s’effondrer de moitié entre 2012 et 2022, avec des conséquences presque logiques: en janvier 2021, l’entreprise a été placée en procédure de sauvegarde et a décidé de se séparer de 57 restaurants et de 1200 employés. “Franchement, on ne se doutait pas que le vent allait tourner à ce point, avoue Hervé Rampal, directeur général délégué de Flunch. Depuis une quinzaine d’années, il y avait une légère décroissance, mais pas de problème de trésorerie. Le Covid nous a fait mal, on a enregistré des pertes colossales. Mais la deuxième raison, surtout, c’est qu’on ne s’est pas assez transformés.” Du haut de ses 30 ans de maison, Hervé Rampal a été témoin de tout: la gloire et la dégringolade. Quand la famille Mulliez, également propriétaire d’Auchan, Decathlon, Leroy Merlin ou Boulanger, ouvre son premier restaurant Flunch en 1971, l’idée est novatrice. Intégrée à un centre commercial, la cafétéria, dont le nom est une contraction des mots fast et lunch, a pour but de faire rester le client le plus longtemps possible dans la galerie marchande. Avec ce pari: proposer un repas complet à un tarif compétitif pour séduire notamment les familles et les personnes âgées. Bien aidé par la chanson On va fluncher, pastiche d’On va s’aimer de Gilbert Montagné, Flunch réussit surtout ce coup de maître: démocratiser le principe de rail unique, sur lequel le client fait glisser son plateau, des salades jusqu’à la caisse. “Une révolution, explique Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, un institut spécialisé dans la consommation alimentaire hors domicile. Cela a ensuite été repris dans d’autres restaurants, dans les cantines scolaires et d’entreprise, mais aussi dans le monde entier.” Le modèle a survécu jusqu’aux années 1990, moment où Flunch abandonne son système de rail unique pour l’adoption du “chaud décalé”, soit choisir et payer son plat chaud à la caisse, pour le récupérer ensuite. C’est à cette C’ est devenu une habitude. Trois fois par mois, Laurence, 43 ans, et sa fille Jeanne, 21 ans, s’offrent le plaisir d’aller fluncher. Mais pas dans n’importe quel Flunch: celui du centre commercial de Roncq, dans le Nord. Pas un choix au hasard, le restaurant n’a rien à voir avec les cafétérias d’antan à la décoration austère et aux lumières blafardes. À Roncq, le mobilier a été rajeuni et des affichages numériques colorés surmontent les différents produits de l’entrée jusqu’aux cuisines ouvertes, d’où s’échappent les effluves de woks, de burgers ou de pizzas. Des espaces gamers avec flippers et baby‑foot sont aussi apparus pour occuper enfants et adolescents et permettre aux parents de respirer. Un décor répondant aux tendances contemporaines qui a séduit les deux femmes, originaires de la métropole lilloise. “Aujourd’hui, je ne pourrais plus aller dans un Flunch sobre comme à l’époque, témoigne en ce début décembre Laurence, entre deux bouchées de galette complète. Et puis on n’est jamais déçues. C’est varié et le rapport qualité-prix est là.” Cela fait maintenant un an que Flunch tente de sortir de l’ornière en misant sur un changement de concept et de look. Car les temps sont durs pour l’enseigne. D’ici le 31 décembre, les restaurants de Cavaillon (Vaucluse), Olivet (Loiret), Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et Buchelay (Yvelines) tireront définitivement le rideau, quand deux autres, ceux de Reims et Montbéliard, partiront en franchise. Des fermetures qui Une reprise de On va s’aimer de Gilbert Montagné, un plateau-repas et des légumes à volonté. Ainsi se passait autrefois une journée chez Flunch. Mais que faire quand le modèle n’attire plus? TÉLEX. Pour les derniers concerts de “The Eras Tour”, Taylor Swift a mis en vente des billets en catégorie “écoute uniquement”. Vendus douze euros, ils donnaient accès à des sièges situés derrière la scène, sans aucune visibilité sur la chanteuse ni la scénographie. FLUNCH DÉCONNEXION
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