LE NOUVEL OBS n°3175 - Page 6 - 3175 Editorial Nous poursuivons ainsi notre compagnonnage avec Emmanuel Carrère, après le grand récit qu’il a écrit pournousàMoscouaudébutdelaguerreenUkraine, les chroniques judiciaires du procès des attentats du 13-Novembre ou encore, tout récemment, un texte sur les troubles bipolaires. Nous le retrouverons également à la fin de l’été pour la sortie de son prochain livre, « Kolkhoze », qui sera assurément l’un des événements de la rentrée littéraire. Mais revenons au G7. Carrère dépeint les chefs d’Etat qui y participent non comme nous nous les figurons communément, empreints de toute la dignité de leur fonction, mais tels qu’ils sont en réalité : humains, trop humains. D’abord Macron, dont il avait déjà fait le portrait pour le « Guardian », en 2017, et qu’il redécouvre en pleine forme, plus séducteur que jamais, muscles bandés sous le teeshirt, naviguant en quasi-vétéran parmi les dirigeants occidentaux. Trump ensuite, astre noir du sommet et parrain mafieux, dont le pouvoir de nuisance est tel que même le mot « climat » a été rayé de l’ordre du jour. Il y a aussi Meloni, qui s’emploie à donner du « Donald » au maître du monde, Starmer humilié, contraint de ramasser les papiers de Trump à ses pieds, Merz retardé par le même Trump au mépris du protocole… Tous dévoilent, au fil de la plume de Carrère, leurs calculs autant que leurs failles. Une plongée dans les arcanes d’un club de puissants qui démontre, une fois de plus, que la grande Histoire est d’abord faite d’une somme de toutes petites. Et que celle du G7 n’est pas exempte d’un certain pathétique, dans l’atmosphère actuelle de fin du monde occidental. F aut-il en conclure que ces grands sommets sont obsolètes, qu’ils ne sont plus qu’un théâtre d’ombresvidédetoutsens?Rienn’estmoinssûr. Certes, le G7, formé en 1976, alors qu’il représentait 85 % de la richesse mondiale, n’en incarne plus que 35 % avec l’essor de la Chine, des Brics et du Sud global. Certes, son fonctionnement, fondé sur le consensus et la recherche du plus petit dénominateur commun, semble bien anachronique face à la brutalité des populismes incarnée par Trump. Mais sa simple existence garde une vertu : il ne réunit que des pays clairement démocratiques, ayant exclu la Russie dès 2014 après l’annexion de la Crimée. Cela n’a l’air de rien, mais préserver l’unité du G7, c’est donc maintenir les conditions, même imparfaites, d’un dialogue entre nations soucieuses du respect de l’ordre du monde. Le fait même que Trump méprise ce type de réunions plaide pour leur maintien, coûte que coûte. En ces temps plus qu’incertains, ce « petit rien » est déjà beaucoup. I ls prennent la pose, à sept, ou vingt, ou plus, les hommes sanglés dans leurs costumes,lesfemmes(rares)dansdestailleurs stricts, tous souriants face aux caméras du monde entier. Chaque année, l’actualité est rythmée par leurs rencontres codifiées, dans une routine théâtralisée dont on suppose l’importance tout en doutant de sa portée. Véritables marronniers de la géopolitique planétaire, les sommets internationaux se tiennent à intervalles réguliers sans qu’on ne sache plus quelle est exactement leur légitimité. A l’heure de la remise en cause profonde du multilatéralisme et de la brutalisation des relations internationales, que valent encore les grand-messes du G7 ou du G20? Les déclarations d’intention lénifiantes dont elles accouchent la plupart du temps ne semblent pas plaider, de loin, pour leur utilité. Ilfallaitdoncyvoirdeplusprès.Souleverlerideau des apparences, pousser la porte des réunions officielles,s’inviterdanslesecretdesconciliabules.C’est ce qu’a fait Emmanuel Carrère en embarquant dans la caravane d’Emmanuel Macron pour le suivre lors duderniersommetduG7,mi-juin, au Canada. En génial portraitiste de l’âme humaine qu’il est, l’écrivain en a tiré un formidable récit, unechroniquesaisissantedescoulissesdupouvoirmondial.D’abord publiéenanglais,danslequotidien britannique « The Guardian » le 15 juillet, ce reportage exceptionnel paraît cette semaine dans nos colonnes,danssaversionoriginale. Humains, trop humains PA R C ÉC I LE P RI EU R, DIRECT RIC E DE L A RÉDACTIO N Engénialportraitiste del’âmehumainequ’ilest, EmmanuelCarrèreatiré unformidablerécit, unechronique saisissantedescoulisses dupouvoirmondial. © STÉPHANE MANEL POUR «LE NOUVEL OBS» 3 Le Nouvel Obs nº3175 · 24/07/2025 Sommaire N° 3175 - du 24 au 30 juillet 2025 En couverture Grands formats Idées 22 Plan Bayrou Qui va payer? Un débat entre les économistes Anne-Sophie Alsif et Henri Sterdyniak 28 Guerre en Ukraine « Moi, V., déserteur russe » 32 Sports L’héritage rabougri des JO 36 Régime hyperprotéiné La poudre aux abdos 40 « Affaires sensibles » La diva et ses plumes 44 Les nouvelles humeurs La testostérone, machine à mascus L’époque prête beaucoup aux molécules, entre biologie, air du temps et quête du produit miracle. Cette semaine, place à cette hormone devenue un mythe viriliste 48 Ressources Les sales affaires du commerce mondial 10 MACRON, TRUMP,MELONI ETLESAUTRES… Mi-juin, en pleine attaque d’Israël contre l’Iran, Emmanuel Carrère a suivi Emmanuel Macron dans les coulisses du G7. Il livre le portrait d’un président toujours volubile, hypermnésique, qui ne cache plus ses ambitions européennes. Et décrit Donald Trump en maître d’un jeu cynique, dont les grands de ce monde sont prisonniers EN COUVERTURE © ADRIAN WYLD/AP/SIPA Culture Cahier d’été 50 L’enfance de l’art Nadia Tereszkiewicz « La nostalgie heureuse me submerge » 54 Série La manière fjord 58 Le bloc-notes de Jérôme Garcin 59 Le guide critique Livres, cinéma, musique, expos… Notre sélection 68 Sous influence Gojira « Notre héroïne, c’est Mère Teresa » 72 A la terrasse des démagos par François Reynaert 73 La saga des slogans L’Oréal Paris 77 Le summum du chic en été par Sophie Fontanel 78 Jeux par Gaëtan Goron 82 Les grands penseurs en vacances par David Caviglioli 83 Les wokés La BD de Lisa Mandel © KENNY HOLSTON/« THE NEW YORK TIMES »-REDUX/REA – ALBERT FACELLY/DIVERGENCE – THOMAS CHÉNÉ POUR « LE NOUVEL OBS » – GABRIELLE DUPLANTIER/WARNER – ILLUSTRATION LAURINDO FELICIANO POUR « LE NOUVEL OBS » 4 Le Nouvel Obs nº3175 · 24/07/2025 Originedupapier:Suède.Tauxdefibresrecyclées:0%.CemagazineestimpriméchezNewsprint,certifiéPEFC.Eutrophisation:PTot=0.003kg/tonnede papier.Ouvrageimpriméavecdesencresconformesàlanorme«BlueAngel». 10-31-3364 / Certifié PEFC Ce produit est issu de forêts gérées durablement, de sources recyclées et contrôlées. www.pefc-france.org La publication comporte 84 pages. Pour les abonnés, un cahier «TéléObs» de 24 pages est joint. Chiffre de tirage: 152 300 exemplaires. Imprimeurs NEWSPRINT et HELIOPRINT. Société éditrice : Le Nouvel Observateur du Monde. Directrice de la rédaction: Cécile Prieur. Président du directoire, directeur de la publication: Sandro Martin. Numéro CPPAP: 0525 C 85929. Numéro I.S.S.N: 2416-8793. Dépôt légal: à parution. Abonnements : France (un an) : 160 €. Etudiants : 109 €. Etranger et entreprises : nous consulter. Relations abonnés, 67, avenue Pierre-Mendès-France 75013 Paris – Tél : 01-40-26-86-13 / abonnement@nouvelobs.com. Vous pouvez consulter nos conditions générales d’abonnement à l’adresse suivante : https://www.nouvelobs.com/cgv. L’Obs (ISSN 2416-8793) is published weekly by Le Nouvel Observateur and distributed in the USA by UKP Worldwide, 3390 Rand Road, South Plainfield, NJ 07080. Periodicals postage paid at Rahway, NJ. and additional mailing offices. POSTMASTER : Send address changes to L’Obs (Publisher) C/O3390RandRoad,SouthPlainfieldNJ07080. Par téléphone au 01 40 26 86 13 Sur nouvelobs.com/abo12 Abonnez-vous au NouvelObs Ce geste d’amour peut changer sa vie, votre générosité aussi. Damien, 7 ans, et ses deux petites sœurs ont été séparés de leurs parents pour des raisons familiales graves. La Fondation ACTION ENFANCE les a accueillis, tous les trois, dans la même maison d’un Village d’Enfants afin qu’ils grandissent ensemble, accompagnés par une éducatrice familiale, dans la durée et la stabilité. Plus de 1000 frères et sœurs s’acheminent ainsi, jour après jour, vers leur autonomie dans nos Villages d’Enfants et d’Adolescents. Pour des raisons de confidentialité, nous avons changé le nom et la photo de l’enfant présenté dans cette annonce. © Adobe Stock ✁ Pour un échange confidentiel et personnalisé, n’hésitez pas à me contacter : Fondation ACTION ENFANCE KristelCOHEN, Responsable donations, legs et assurances-vie 4, rue du Texel - 75014 Paris 01 53 89 12 44 (Ligne directe) kristel.cohen@actionenfance.org NOBS07-25 OUI, je souhaite recevoir, sous pli confidentiel votre brochure donations, legs et assurances-vie. Mme M. Prénom: ............................................................................ Nom: ............................................................................. 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DEMANDE D’INFORMATION GRATUITE ET CONFIDENTIELLE Léguer à la Fondation ACTION ENFANCE, c’est permettre d’accueillir et de protéger encore plus d’enfants en danger en France. www.actionenfance.org PA R SARAH HAL IFA-L EGRAND, CO RRESPO NDANTE À WASH INGTON Chronique Etranger S teve Lowell est devenu mon baro mètre des profondeurs MAGA, comme on appelle la base trum piste. Depuis son garage en Virgi nie, ce chrétien évangélique ren contrélorsd’unreportagem’envoie des SMS hebdomadaires. Il pense queBrigitteMacronestunhomme. Que la météo est manipulée. Que l’Ukraine appartient à la Russie. Que l’assaut du Capitole le 6 jan vier 2021 a été fomenté par le FBI. Il a sa propre maxime : « La différence entre une théorie conspirationniste et la vérité est de six mois. » Alors, quand il m’a écrit, au plus fort de la fièvre nationale provo quée par le retour en scène de l’affaire Epstein, que « Trump est en train de détruire sa base et que ses supporters perdent foi en lui », j’ai compris qu’il se passait quelque chose de sérieux. Pour ses fidèles, le mélo drame autour du financier, accusé de trafic sexuel sur mineures et mort en prison en 2019, est gra vissime : ils se sentent trahis. « Aucune question n’a autant révélé les lignes de faille sous-jacentes de la maison MAGA », constate « Politico ». Depuisdessemaines,Trumpne cesse de revenir sur ses engage ments. Il avait juré qu’il n’y aurait pas de nouvelle guerre ; il a bom bardé l’Iran. Il avait dit qu’il arrê terait d’asperger l’Ukraine de dollars ; il vient de reprendre les livraisonsd’armes.Ilnedevaitpas couper dans les aides sociales ; sa One Big Beautiful Bill adop tée au Congrès taille dans les pro grammes sociaux. Mais aucun de ces rétropéda lages n’a provoqué la levée de boucliers à laquelle on assiste aujourd’hui. Ses supporters ne digèrent pas son manque de transparence dans le feuilleton Epstein. Trump avait promis des révélations. Une liste de clients du financier était censée se trouver déjà sur le bureau de la procureure générale Pam Bondi. Mais voilà que le ministère de la Justice et le FBI soutiennent qu’il n’y a ni liste ni découverte supplémentaire. Trump cachetil quelque chose? Deux tiers des Américains pensent que le gouver nement dissimule des preuves. Elon Musk a même affirmé après leur divorce que « Trump est dans les dossiers d’Epstein ». Tout au plus saiton que le pré sidentacôtoyélesulfureuxpersonnage.Entémoigne une lettre graveleuse qu’il aurait adressée à Epstein, révèle le « Wall Street Journal » (Trump, qui nie en être l’auteur, a porté plainte). Seule certitude, l’histoire d’un arroseur arrosé. Le maître de l’Amérique s’était fait le colporteur en chef des théories conspirationnistes portées par la nébuleuse QAnon sur un Etat profond qui pro tégerait l’impunité des élites libérales entretenant des réseaux pédophiles, dont l’affaire Epstein était devenue l’emblème. Il s’était donné pour mission de venger le peuple contre ces puissants pervertis. « Pour de nombreux partisans MAGA, Epstein n’est pas une histoire parmi d’autres. C’est l’histoire principale de la politique américaine : la clé qui déverrouille tout ce contre quoi Trump est censé lutter », explique le média en ligne Vox. Sauf qu’en se ralliant à l’es tablishment le président se retrouve à endosser l’Etat profond honni par ses fidèles. C’est bien connu, la révolution dévore ses enfants. « Maintenant que son mouvement contrôle Washington, il veut que ses partisans abandonnent leur scepticisme à l’égard du pouvoir et fassent simplement confiance au gouvernement pour défendre leurs intérêts », constate le média. Mais le conspirationnisme qu’il a contri bué à alimenter se retourne contre lui. L ui, qui a bâti sa force politique sur la person nalisation du pouvoir, enrage de voir son juge ment remis en question par ses troupes. Il les accuse d’être tombées dans un piège inventé par les démocrates. « Mes ANCIENS partisans ont gobé ces conneries, sans broncher, atil tempêté. Je ne veux plus de leur soutien! » Mais Trump ne peut se passer de sa base. Il croit avoir trouvé une porte de sortie en appelant finalement à rendre publics des témoignages recueillis par le grand jury constitué pour cette affaire. Cela suffira-t-il ? Dans un dernier SMS, Steve le garagiste me soutient qu’« Epstein est toujours en vie, c’est un agent du Mossad ». L’arroseur arrosé C’estbienconnu, larévolutiondévore sesenfants.Le conspirationnismeque Trumpacontribué àalimenterseretourne contrelui. © STÉPHANE MANEL POUR «LE NOUVEL OBS» 6 Le Nouvel Obs nº3175 · 24/07/2025 Chronique Société Ce ratage brise la magie du concept. Le petit bruit de branche cassée devient la bande sonore du très terrifiant « Projet Blair Witch ». Le tronc d’arbre tactile me semble grouiller de chenilles processionnaires. Le feuillage me ramène à la puissance terrifiante du végétal, donc à « Fitzcarraldo », donc à Klaus Kinski, donc à l’angoisse absolue. Reste ce merveilleux parfum de forêt… qui ressemble, en plus subtil, à celui d’un produit ménager fraîcheur alpine. Je me suis égarée sous l’obscure canopée du sensoriel. Je dois revenir sur mes pas et toutrecommencer.Monbainsylvestreaété saturéderéférencesalourdiesd’arômesapin. Deuxième tentative : me voilàdanslaforêt,sansapriori ni projet. C’est beau. Ça sent bon.C’estcalme.Jecroisedeux promeneurs : nous disons du mal des VTT qui bousculent les randonneurs. Des nonagénaires,lepasalerte,bâtonsde marcheàlamain,medépassent joyeusement.J’aimelecontact des brindilles molles qui forment un tapis sous mes pieds. Je n’ai aucun projet. Voilà. On pourrait croire que je « zone » ou que je « vaque ». Ce qui m’irait très bien, tant c’est simple : je marche pour marcher, sans me poser de questions, et je suis heureuse. Suis-jepourautantdélivrée?Aucunement puisqu’en faisant cela, je me suis adonnée à de la marche « autotélique » (pour ellemême, sans but). Il ne me reste qu’à retenter l’expérience, sans que c’en soit une. Sans biais, ni intention, ni concept. Je dois être dans le pur « marcher en forêt ». Et à m’écrier, à la manière de Charles d’Orléans : « Forêt de long concept, adieu, je quiers bois simple et sanz vœu. » C etété,j’aidécidédechangermeshabitudesdanslesAlpesetdemeconsacrer aux bienfaits de ce que l’on nomme des«bainsdeforêt»(«shinrin-yoku»). Ceconceptjaponaisallaitmetirerdebien des embarras estivaux : le dénivelé, l’endurance, les ampoules aux pieds, les courbatures, les coups de soleil, la sueur et la déshydratation. Ne plus arpenter le chemin de terre de ma souffrance mais, bien plutôt, partir d’une idée élégante et me laisser guider. Tout simplement. Munie de mes pieds et d’un minimum de lâcher-prise. Entourée d’arbres de belle facture. Me voilà donc dans une forêt fort belle mais pas trop isolée (j’aime le mélèze dans la civilisation). D’après ce que j’ai compris, pour que le « bain » soit bénéfique, je dois me laisser aller et jouir de ce moment en convoquant mes cinq sens. Les promesses de la médecine (alternative) sont alléchantes tant les vertus de ce bain sont multiples : relaxation, reconnexion avec la nature, propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, anxiolytiques. Lelieuest tellementsublime qu’il n’est pas difficile de me lancer dans ce projet régénérant. Mon regard se perd dans les nuances de vert ; ma narine s’enivre des odeurs de pin ; ma maintouchel’écorce;j’entendslesécureuils qui détalent (enfin, je crois) et je mange… rien parce que je n’ai pas envie de mourir en ingérant un truc vénéneux. Pour le goût, c’est un échec. Je pourrais sortir un vieux Balisto, mais ce serait assassiner des millénaires de civilisation (enfin, n’exagérons rien : selon certains sites, le terme shinrin-yoku aurait été créé par le ministère japonais de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche en 1982). Baignons-nous dans les bois PAR M ARA G OYET, ESSAYISTE Neplusarpenter lechemindeterre demasouffrance mais,bien plutôt,partir d’uneidée éléganteetme laisserguider. © STÉPHANE MANEL POUR «LE NOUVEL OBS» 7 nº3175 · 24/07/2025 Le Nouvel Obs Fondateurs:JeanDaniel,ClaudePerdriel. 67,avenuePierre-Mendès-France,75013Paris. Standard:01.44.88.34.34. Pouradresserune-mailàvotrecorrespondant,ilsuffitdetaperl’initiale desonprénompuissonnomsuivide@nouvelobs.com DIRECTION Conseildesurveillance:LouisDreyfus(président),LouGrasser(vice-présidente), BéatricedeClermont-Tonnerre,FrédéricCurtet,Jacques-AntoineGranjon, VioletteLazard,XavierNiel,ClaudePerdriel,MatthieuPigasse. Directoire:SandroMartin(président),CécilePrieur(directricedelarédaction). RÉDACTION Directrice:CécilePrieur. Directeursadjoints:SylvainCourage,GrégoireLeménager,FloreThomasset. Rédacteursenchef:NathalieBensahel,GuillaumeLaunay,GéraldineMailles, FrançoisSionneau. Directeurartistique:XavierLucas. 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C’est notamment l’eurodéputé Pascal Canfin qui l’a encouragé à avoir un récit offensif, capable de parler à d’autres Français. « En agissant contre le climat, Bardella trahit les aspirations de ses électeurs », explique l’ex-président de la commission de l’Environnement au Parlement européen. z BAYROU PEUT-IL SE SAUVER ? Malgré les réactions du PS ou du RN qui ont jugé les premières annonces du plan Bayrou sur la dette inacceptables, un proche du maire de Pau veut croire qu’éviter le vote d’une motion de censure reste possible : « Est-ce que la majeure partie des gens n’a pas intérêt à ce que cette question soit purgée d’ici à 2027? Courage à ceux qui iront à la présidentielle en disant : on va dépenser plus! C’est pour ça que les populistes ont intérêt au nettoyage budgétaire. Attal, Retailleau ou Philippe y ont, eux aussi, intérêt pour faire campagne sur ce qu’ils veulent réaliser pour le pays. » Quant au PS, le même confident estime qu’Olivier Faure et Boris Vallaud, très opposés à la première mouture du plan, ne sont pas forcément représentatifs de l’état d’esprit de leurs députés : « Cela les arrange de se mettre dans une forteresse en disant qu’il n’y a pas de dialogue possible. Mais ils ne sont pas au barycentre de leur groupe. » Méthode Coué? z DUPLOMB TROUBLE RENAISSANCE Le succès de la pétition réclamant l’abrogation de la loi Duplomb relance les discussions au sein du bloc central. Et notamment dans le groupe présidé par Attal à l’Assemblée. « Il s’agit d’un fait de société que personne ne peut ignorer, estime Eric Bothorel, l’un des 14 députés Ensemble pour la République ayant voté contre cette loi. La pétition réanime les débats entre nous. » Le texte, en particulier la réautorisation de l’acétamipride − un pesticide interdit depuis 2020 en France −, avait été défendu par les députés macronistes comme une réponse à la crise agricole. Mais les dissensions persistent et envahissent dorénavant les canaux de discussion des élus. Eric Bothorel envisage même une proposition de loi venant supprimer cette réautorisation. UnrapportremisdébUtjUilletau ministre de la Justice, Gérald Darmanin (photo), change la donne sur le gigantesque et très ambitieux chantier de « l’open data des décisions de justice » – c’est-à-dire la mise en ligne de tous les jugements –, lancé il y a près de dix ans. L’enthousiasme des débuts laisse la place à de fortes craintes face au populisme judiciaire ou encore aux menaces des narcotrafiquantssurlesjuges.Selonlerapport, la question de l’« occultation » du nom des magistrats, des greffiers et des avocats dans les décisions mises en accès libre doit être posée. Plus de 1,3 million de décisions civiles, sociales et commerciales sont déjà disponibles. Le pénal doit arriver d’ici à la fin2026.«L’heureestaubilan,maispeut-être aussi aux ajustements », confie au « Nouvel Obs » le premier président de la Cour de Cassation, Christophe Soulard, qui estime que«silatransparenceestuneexigencedémocratique,ellenepeutêtreunabsolu».Uneanecdote particulièrement dérangeante a marqué le groupe de travail chargé du rapport : un magistrat, qui était parti dans un club de vacances, s’est soudain vu sommé par d’autres estivants de s’expliquer sur des décisions qu’il avait lui-même rendues, et qu’ils avaient trouvéesentapantsonnomdansunmoteurderecherche! Cepénibleincidentestivalaimmédiatementétérapporté à sa hiérarchie… Mathieu Delahousse Q JUSTICE HARO SUR LA GRANDE TRANSPARENCE EN BREF © BASTIEN OHIER/HANS LUCAS VIA AFP - DANIEL PERRON/HANS LUCAS VIA AFP 8 Le Nouvel Obs nº3175 · 24/07/2025 10 CHOSES À SAVOIR SUR… 1 PÉTITION Laurent Duplomb, 53 ans, a donné son nom à la loi qui vise à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Adoptée le 8 juillet, elle suscite un mouvement de protestation citoyenne inédit. Plus de 1,6 million de Français ont, à ce jour, signé la pétition contre ce texte. Un record. 2 INDIGNATION « Ça ne m’inspire pas grand-chose », a d’abord réagi le sénateur LR, qui est aussi éleveur laitier et ex-président FNSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire. Il dénonce désormais une mobilisation « instrumentalisée » par l’extrême gauche et les écologistes: « Ce système de pétition, il est fait pour mettre de la pression au Conseil constitutionnel et espérer qu’il ne valide pas la loi. » Les sages de la rue Montpensier doivent se prononcer d’ici au 10 août. 3 HUIS CLOS La loi Duplomb a suivi un parcours législatif chaotique. Pour contourner l’examen des amendements déposés par la gauche, ses partisans ont voté une motion de rejet préalable. Objectif? Eviter tout débat et tout vote dans l’Hémicycle. Le texte a été renvoyé en commission mixte paritaire (CMP): sept députés et sept sénateurs ont tranché à huis clos. 4 ACÉTAMIPRIDE Ardemment soutenue par la FNSEA, la loi prévoit la réintroduction, à titre dérogatoire, de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdits en France en raison de leur toxicité envers les pollinisateurs comme les abeilles, mais réclamé par les producteurs de betteraves et de noisettes. 5 ÉLEVAGE Autre mesure qui fait frémir les écolos: la simplification des procédures d’autorisation pour ouvrir ou agrandir des élevages relevant des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) – des élevages intensifs de volailles notamment, qui présentent des risques de pollution de l’eau et de l’air. 6 AGROÉCOLOGIE Ne prononcez pas ce mot devant Duplomb! Bien que quantité de travaux scientifiques soulignent les vertus de pratiques agricoles sans chimie et plus respectueuses des sols, l’éleveur n’en a que faire: « Quand on parle d’agroécologie, on insulte les agriculteurs. L’agriculture, elle est déjà écolo, et elle l’a toujours été. » En janvier, il avait essayé d’avoir la peau de l’Agence bio, en déposant un amendement supprimant ses crédits. 7 LIBERTÉ L’écologie, qu’il juge « punitive » et « confiscatoire », menace nos libertés selon lui: « La République s’est construite sur le triptyque “Liberté, Egalité, Fraternité”. En mettant l’environnement au-dessus de tout, on est en train de le remplacer par un autre triptyque: “peur, culpabilité, interdit” ». 8 WAUQUIEZ Duplomb est proche de Laurent Wauquiez, qu’il a conseillé sur les questions agricoles. Certains le voient comme son poissonpilote au Sénat et l’un des artisans de la ligne antiécologie de plus en plus assumée par la droite. « Par peur d’être mangés par le RN, les sénateurs LR s’alignent sur les positions de l’extrême droite, accuse le sénateur écologiste Ronan Dantec. Laurent Duplomb est l’archétype de ces élus radicalisés. » 9 CLIMATORASSURISTE Le sénateur ne nie pas le changement climatique mais… en relativise la gravité. « Il ne s’appliquera pas de la même manière partout. Dans ma région, ce sera très bénéfique », fanfaronne-t-il. Façon Trump. 10 OBSCURANTISME Les avertissements des scientifiques le laissent de marbre. Duplomb leur reproche d’être bien trop alarmistes: « Que les scientifiques alertent, d’accord. Mais qu’on en fasse un discours dramatique, non. Sur le climat, on peint un tableau plus noir qu’il ne l’est pour aiguiser les peurs. On est en train de retomber dans l’obscurantisme médiéval. » Laurent Duplomb Ce sénateur LR est le porteur de la loi visant notamment à réintroduire un pesticide interdit et qui suscite un mouvement de contestation citoyenne inédit Par Morgane Bertrand et Sébastien Billard © ALAIN JOCARD/AFP 9 nº3175 · 24/07/2025 Le Nouvel Obs Mi-juin, en pleine attaque d’Israël contre l’Iran, l’auteur de “l’Adversaire” a suivi Emmanuel Macron dans les coulisses du G7, ce sommet des Etats les plus riches, qui se tenait au Canada. Il livre le portrait d’un président toujours volubile, hypermnésique, qui ne cache plus ses ambitions européennes. Et décrit Donald Trump en maître d’un jeu cynique, dont les grands de ce monde sont prisonniers Par EMMANUEL CARRÈRE Ecrivain MACRON, TRUMP,MELONI ETLESAUTRES… ← Le 16 juin, le président français pose entouré d’António Costa (président du Conseil européen) et des chefs de gouvernement Shigeru Ishiba, Giorgia Meloni, Mark Carney, Donald Trump, Keir Starmer, Friedrich Merz, ainsi que d’Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne). © KENNY HOLSTON/THE NEW YORK TIMES-REDUX/REA (PHOTO RETOUCHÉE) – DORIAN PROST POUR « LE NOUVEL OBS » nº3175 · 24/07/2025 Le Nouvel Obs 11 En couverture 1. AUX PIEDS DE HANS EGEDE N uuk, capitale du Groenland, se présente comme un petit fouillis de constructions modulaires orange et de barres d’immeubles grises posées sur une grève caillouteuse, au bord de l’océan. Pas un arbre, mais une colline au sommet de laquelle se dresse la statue de Hans Egede, le missionnaire danois qui a évangélisé la plus grande île du monde au xviiie siècle, et qui est, à ce titre, menacée de déboulonnage par les anticolonialistes inuits. C’est à ses pieds que j’attends le retour des hélicoptères ramenant de leur excursion sur la glace le Premier ministre groenlandais, Jens-Frederik Nielsen, la Première ministre danoise, Mette Frederiksen (le Groenland est un territoire autonome du Danemark), et notre président de la République, Emmanuel Macron – désigné tout au long de ce voyage comme le « PR ». J’espérais monter moi aussi dans un de ces hélicoptères, et j’ai cru que c’était gagné quand, la délégation se partageant entre les élus qui l’accompagnent dans les airs et les autres, il m’a lancé un de ces clins d’œil complices qu’il adresse couramment, et de façon si surprenante, aux gens qui entrent dans son champ de vision. J’ai déchanté : il y a beaucoup de places dans un avion, très peu dans un hélicoptère, et il s’agit d’un événement PR +3, soit le PR plus trois autres personnes, ce qui n’est pas à ma portée. En qualité d’écrivain embedded dans la délégation française au G7 – le sommet des pays les plus riches et en principe les plus démocratiques, qui se tient cette année au Canada –, je commence à avoir mes chances à partir de PR +6 ou 7 : ce n’est déjà pas mal. De mon poste d’observation, je vois une petite foule – grande à l’échelle du Groenland – s’attrouper sur le port autour des trois pupitres que rejoignent bientôt les trois chefs d’Etat. Précisons le contexte. Dans le flot torrentiel de décrets, annonces, folles promesses et menaces délirantes visant, selon l’expression de l’idéologue MAGA Steve Bannon, à«inonderlazone» –c’est-à-direfaireensortequ’aucuncitoyen de la Terre ne sache plus à quelle bouée psychique s’accrocher –, Donald Trump lors de son discours d’investiture a fait savoir que « les Etats-Unis se considèrent à nouveau comme un pays qui étend son territoire et porte son drapeau vers de nouveaux et magnifiques horizons ». (Ce pays, dans le même temps, est supposé se retirer de tout engagement étranger.) Parmi ces horizons nouveaux et magnifiques figurent en première place le Canada, qui selon Trump a vocation à devenir le 51e Etat américain, ensuite le canal de Panama, enfin le Groenland. Son annexion, toujours selon Trump, « a de bonnes chances de se faire sans usage de la force militaire – mais toutes les options, a-t-il ajouté pour que les choses soient claires, sont sur la table ». Peu de temps après ces déclarations, le caprice est venu au vice-président J. D. Vance d’inspecter ses futures colonies groenlandaises et d’y assister avec sa femme, Usha, à une course traditionnelle de chiens de traîneau, mais on lui a prédit un accueil si glacial (quelque chose comme la population entière réunie pour lui tourner le dos) qu’il s’est contenté de visiter une base militaire, glaciale aussi. Dans ces conditions, c’est, de la part de Macron, ce que les communicants politiques appellent un « geste fort » de s’arrêter quelques heures à Nuuk sur le chemin du G7 et de s’adresser aux deux cents ou trois cents personnes venues l’écouter parler de cette voix tour à tour vibrante et enjôleuse, jouant desilencessavammentplacés,dontlesGroenlandaisn’ontpas encore eu le temps de se lasser. La détestation de Macron est en France un sport national – que personnellement je ne pratique pas. Ici, en revanche, on l’adore. On ne savait pas forcément qui c’était dix jours plus tôt mais aujourd’hui Nuuk fait l’effet d’un foyer de fervents macronistes. Sa présence est un baumeetl’enthousiasmeàsoncomblequand,aprèsunsonore «Qujonaq!»(«merci»engroenlandais),ildéclare,d’abord,que leGroenlandn’estniàvendreniàprendre(acclamationsnourries,c’estcommes’ilavaitdit:«IchbineinGroelander»),ensuite, qu’ensigned’indéfectiblesolidaritélaFrancevaouvrirunconsulat à Nuuk (acclamations moindres), enfin, que sa virée en Bio express Né en 1957 à Paris, écrivain, journaliste et cinéaste, Emmanuel Carrère est notamment l’auteur, chez P.O.L, de « l’Adversaire » (2000), de « Limonov » (prix Renaudot 2011), de « Yoga » (2020) et de « V 13 » (2022), consacré au procès des attentats du 13-Novembre, qu’il avait suivi pour « le Nouvel Obs ». Son prochain livre, « Kolkhoze », s’annonce comme un des événements de la rentrée. © MADS CLAUS RASMUSSEN/RITZAU SCANPIX/AFP Le Nouvel Obs 12 nº3175 · 24/07/2025 Macron, Trump, Meloni et les autres… ← Virée en hélicoptère avec la Première ministre danoise, MetteFrederiksen, et le Premier ministre groenlandais, Jens-Frederik Nielsen, le 15 juin. ↑ Emmanuel Macron a fait une escale à Nuuk, capitale du Groenland, le 15 juin. Il s’est ensuite adressé aux Groenlandais, enthousiasmés par son discours. nº3175 · 24/07/2025 Le Nouvel Obs 13
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