RÉPONSES PHOTO n°370 - Page 3 - 370 www.fujifilm-x.com • Capteur APS-C X-Trans CMOS 5 HR BSI de 40.2 Mpx • Écran 3 axes tactiles 1.84 Mpx / Viseur 3.69 Mpx grossissement x0.8 • Mode de prise de vue PixelShift 160 Mpx • Vitesse d’obturation maximale de 1/180 000 en obturateur électronique • Jusqu’à 7 stops de stabilisation interne (IBIS) • Vidéo 6.2K/30P 10 bits 4:2:2 / F-Log 2 / Sortie Apple ProRes Raw ou Blackmagic Raw n°370 juin 2024•Réponses PHOTO 3 ÉDITEUR REWORLD MEDIA MAGAZINES (SAS) 40, rue Aristide-Briand, 92220 Bagneux Directeur de la publication : Gautier Normand Actionnaire : Reworld Media France (RCS Nanterre 477 494 371) Téléphone accueil : 0141335000 www.reponsesphoto.fr RÉDACTION Rédacteur en chef : Thibaut Godet Chef de rubrique : Julien Bolle Assistante de rédaction : Françoise Bensaid Premier maquettiste : Jean-Claude Massardo Secrétariat de rédaction : Vediteam Ont collaboré à ce numéro : Philippe Bachelier, Pascale Brites, Dominique-Georges Bègue, Clara Bouveresse, Christine Bréchemier, Carine Dolek, Patrick Lévêque, Ericka Weidmann et tous les photographes dont nous reproduisons les images. Pour joindre la rédaction : 0141861712 (Initiale)prénomnom@reworldmedia.com DIRECTION ÉDITION Éditeur : Germain Périnet Éditrice adjointe : Charlotte Mignerey PUBLICITÉ Directrice exécutive régie : Élodie Bretaudeau Fonteilles (0146485223) Directeur commercial : Thierry Roussin Directrice de clientèle : Olivia Moreno (0141335106) Assistante : Christine Aubry (0141335199) MARKETING Giliane Douls ABONNEMENTS ET DIFFUSION Directrice marketing direct : Catherine Grimaud Cheffe de groupe mkt client : Davina Champaigne Cheffe de produit marketing : Laure Letellier Responsable diffusion marché : Siham Daassa Responsable diffusion : Sylvie Vendruscolo FABRICATION Direction opérations industrielles : Bruno Matillat Chef de fabrication :Ludovic Charlet (ComposJuliot) Photogravure/prépresse : Sylvain Boularand Imprimeur : Imaye, ZI des Touches, bd Henri-Becquerel, 53022 Laval Cedex 9 Dépôt légal à parution Prix de vente : 8,50 € Date de parution : 3 mai 2024 No ISSN : 1167-864X Commission paritaire : 1125 K 85746 SERVICE ABONNEMENT RÉPONSES PHOTO 59898 Lille Cedex 9 0146484763 Du lundi au vendredi de 9 h à 19 h et le samedi jusqu’à 18 h (prix d’un appel local) Pour toute réclamation ou modification concernant votre abonnement, formulaire sur www.serviceabomag.fr Retrouvez toutes nos offres sur www.kiosquemag.com Abonnement annuel : 10 numéros, 75 € Affichage environnemental Origine du papier Allemagne Taux de fibres recyclées 0 % Certification PEFC Impact sur l’eau Ptot 0,016 kg/tonne Question existentielle S i vous venez d’acheter ce numéro chez votre marchand de journaux, vous vous êtes sans doute rendu compte d’un changement de prix du magazine. Celui-ci augmente de nouveau d’un euro et nous savons bien que 8,50 € représente un coût important pour acquérir de la lecture, d’autant plus pour un mensuel. Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous inscrivons cette nouvelle hausse de prix, qui nous menaçait déjà depuis des mois. Le constat est simple : la presse en général, et la presse photo en particulier, traverse depuis des années une crise économique sévère. “Le secteur de la distribution de la presse imprimée (…) a connu d’importants bouleversements depuis les années 2000 : chute continue des ventes au numéro, bascule du lectorat vers le numérique, contraction des revenus publicitaires”, pointe le dernier rapport sur la distribution de la presse publié fin 2023. Les ventes au numéro de presse magazine ont baissé de 79 % entre 2000 et 2022, relate le même document. Réponses Photo n’y fait pas exception. Face à ces contractions du marché, à une concurrence de l’information gratuite en ligne (qui n’a de gratuit que le nom, puisque le contenu est financé entièrement par la publicité) et à un marché publicitaire en recul pour les magazines, plusieurs choix se sont offerts à nous : réduire le contenu rédactionnel avec des pages peu chères à produire, baisser la pagination ou garder le contenu habituel du magazine, mais en faisant porter une part de ces coûts aux lecteurs. C’est ce dernier virage que nous avons pris dès la crise du papier fin 2022, ne souhaitant pas vous manquer de respect en diminuant la qualité du magazine. C’est ce même choix qui nous impose aujourd’hui cette augmentation de prix, confrontés à une équation économique qui ne nous laisse guère d’alternative. Le magazine perd de l’argent, c’est un fait, et ne peut pas en perdre indéfiniment. La rédaction fait sa part et ne compte pas ses heures pour produire le contenu que vous allez découvrir, mais ne peut pas faire plus pour réduire les coûts, si ce n’est de cesser de payer les photographes que nous publions en couverture, en dossier ou dans les portfolios… Et vous qui nous lisez savez que ce n’est pas un argument audible pour nous. Cela fait des années que la rédaction vit avec une épée de Damoclès. Réaliser un magazine dans le contexte actuel de la presse relève toujours de la passion, mais est aussi un acte militant. L’acheter également. L’avenir d’un magazine repose entre les mains des lecteurs. C’est grâce à vous que nous pouvons célébrer 370 numéros de Réponses Photo. Et c’est uniquement grâce à vous que nous pourrons célébrer les suivants. Thibaut Godet EDITO PHOTO RÉPONSES 4 Réponses PHOTO•n°370 juin 2024 n°370 - juin 2024 SOMMAIRE EN COUVERTURE “Blue Hill Area”, île de Sainte-Hélène, Atlantique Sud, 2013 – © Jon Tonks (www.jontonks.com) ● ÉVÉNEMENT #BalanceTonPhotographe 6 Annie Leibovitz 8 ● L’ESSENTIEL IMAGES 10 ● L’ESSENTIEL MATÉRIELS 16 ● HISTOIRE Il y a 70 ans mourait Robert Capa 36 ● ENQUÊTE Comment se protéger du vol de photos 42 ● PORTFOLIO Rob Hornstra 46 Dominique Souse 56 ● DÉCOUVERTE Vincent Migrenne 62 ● CONCOURS PERMANENT 66 ● LES ANALYSES CRITIQUES 71 ● LECTURE DE PORTFOLIOJulien Chadaigne 76 Romain Coudrier 78 J.-C. Mahaud 80 ● UNE PHOTO EXPLIQUÉE 82 ● FONDAMENTAUX 10 choses à savoir sur l’impression jet d’encre 86 ● TECHNIQUE S’équiper pour la macro 90 ● TESTS Leica SL3 102 Panasonic Lumix S 100 mm f/2,8 Macro 108 Sigma 70-200 mm f/2,8 DG DN OSISports 110 Canon RF 200-800 mm f/6,3-9 IS USM 112 Sigma 10-18 mm f/2,8 DC DNIContemporary 114 SanDisk Professionnal Pro-Reader 115 Delkin Black Rugged UHS-II SDXC 64 Go 115 Fujifilm Instax Mini 99 116 Zhiyun Molus X60 RGB 117 Godox X3 117 ● RENDEZ-VOUS Aliocha Boi & Marie Lefort 118 ● EXPOSITIONS 120 ● FESTIVALS 124 ● LIVRES 126 ● INTERVIEW FLASH Ludovic Marin 130 À L’AFFICHE DE CE NUMÉRO MAXIMERICHÉ Ce photographe s’apprête à publier sa série Paradise sur les incendies en Californie. Il figure dans notre grand dossier “Réinventer le paysage”. DOMINIQUESOUSE On redécouvre le regard sensible de cette photographe à l’occasion de la sortie d’une belle rétrospective de ses images glanées à travers l’Europe. ● GRAND FORMAT 20 RÉINVENTER LE PAYSAGE • 7 photographes interprétant le paysage 22 • Le paysage en pratique 30 • Un classique analysé 34 102 112 42 90 Leica SL3 Canon RF 200-800 mm f/6,3-9 IS USM Comment se protéger du vol de photos S’équiper pour la macro Votre bulletin d’abonnement se trouve p. 15. Pour commander d’anciens numéros, rendez-vous © FABIEN FOURCAUD ©SHUTTERSTOCK ©PASCALE BRITES n°370 juin 2024•Réponses PHOTO 5 Dominique Souse Maxime Riché 46 56 20 Rob Hornstra VINCENTMIGRENNE Ce Parisien s’est aventuré aux confins de la métropole afin d’en tirer un portrait tout en légèreté. Portfolio découverte du mois. CINDYJEANNON Photographe, mais aussi écrivaine et chercheuse vivant en immersion dans la nature, Cindy Jeannon nous emmène dans la nuit scandinave. Vos photos à l’honneur Vous pouvez en permanence nous envoyer vos photos préférées (par e-mail ou Instagram), quel que soit le sujet traité. Chaque mois, la rédaction choisit au sein des images reçues cinq photos lauréates, en couleurs ou en noir et blanc. Parmi les cinq lauréats, nous sélectionnons un grand gagnant qui recevra un bon d’achat de 100 € à valoir chez notre partenaire WhiteWall et verra son image exposée sur notre stand au Salon de la photo. Les photos qui n’ont pas été retenues pour la sélection du mois peuvent être utilisées dans d’autres rubriques, telles que “D’accord, pas d’accord”. Les concours thématiques Nous vous proposons régulièrement des compétitions ponctuelles, récompensées par des prix spécifiques : matériel, stages, expositions, livres… Ces concours se déroulent sur une période dont la durée est variable, et avec une date limite d’envoi impérative… qu’il est prudent d’anticiper! Les modalités de participation sont propres à chaque concours. Les photos envoyées pour un concours thématique et qui n’ont pas gagné l’un des prix proposés peuvent se retrouver publiées, avec l’accord de leur auteur, dans d’autres parties du magazine, par exemple à la rubrique “Lecture de portfolio”. Proposer un portfolio La section “Découverte” de notre magazine est ouverte à tous. Seul le talent compte, ou plus exactement la qualité du regard et la maturité de la démarche du photographe! Chaque mois, la rédaction choisit parmi les dossiers envoyés ceux qui sont susceptibles d’être publiés sous la forme d’un portfolio rémunéré. Pour avoir une chance d’être publié, faites-nous parvenir une série d’images homogènes sur un thème précis (10 photos au minimum, 20 au maximum) ainsi qu’un texte expliquant la thématique abordée. Un CV de l’auteur est également apprécié. Si votre dossier n’est pas retenu pour publication d’un portfolio, il peut être sélectionné dans la rubrique “Lecture de portfolio”. Depuis sa création, Réponses Photo publie les photographies de ses lecteurs. Pour certains, ce fut même le premier pas vers la reconnaissance! Pour voir un jour vos œuvres imprimées dans nos pages, participez à nos concours ou envoyez-nous un dossier libre. Voici les modalités. Portfolios,concours Comment participer ■ Envoyer un dossier WeTransfer, Dropbox, etc. : concours@reponsesphoto.fr ■ Participer sur Instagram avec la mention : @reponsesphoto ■ Participer par courrier postal : Réponses Photo/Reworld Media 40, avenue Aristide-Briand – 92220 Bagneux sur www.kiosquemag.com, site sur lequel vous pouvez aussi vous abonner. © ALEXANDRE DESCHAUMES © DORIAN PROST ©MAXIME RICHÉ 6 Réponses PHOTO•n°370 juin 2024 RÉPONSES ÉVÉNEMENT Depuis début avril, des dizaines de témoignagesde modèles, amateurs comme professionnels, s’accumulent sur les réseaux sociaux sous la bannière #BalanceTonPhotographe. Des dénonciations de dérives de photographes qui, sous prétexte de leur pratique, commettent des violences sexuelles envers eux. ThibautGodet Assiste-t-on à un #MeToo de la photo? L es langues seraient-elles en train de se délier? À l’instar du cinéma ou des médias, la photographie a connu début avril son mouvement #MeToo sur les réseaux sociaux. En quelques jours, des dizaines de témoignages sur X (ex-Twitter), Instagram ou Threads ont été publiés avec chaque fois un même hashtag : #BalanceTonPhotographe, en référence au #BalanceTonPorc qui il y a quelques années avait fait l’écho des violences sexuelles en pleine affaire Weinstein. Cette fois, les accusations viennent de modèles, pros comme amateurs, affirmant avoir été victimes de propos déplacés, d’attouchements voire d’agressions sexuelles de la part de photographes. “J’ai shooté avec lui. Je ne le referai pas. Ce gars cherche clairement à coucher avec ses modèles”, peut-on lire sur le compte @metoophotographe. “Il me propose un shooting de nu de façon étrange puis me demande si je veux être sa copine”, lit-on ailleurs sur X. Au fil des témoignages, on découvre des histoires de chantage, d’attouchements, de violence, de drogue et de viols commis par des photographes. Beaucoup de victimes font part de premières expériences de shootings avec des photographes malsains, voire des “faux-tographes”, personnes qui prennent le prétexte de la photo pour se retrouver seules avec des modèles. Ce n’est pas la première fois que ce type d’histoires ressort. En 2019 déjà, un compte Instagram reprenait le slogan “Balance ton photographe” pour des faits similaires. Les scandales sexuels ont touchédenombreuxphotographesdemode cesdernièresannées, etmêmedegrands noms comme Patrick Demarchelier (2018) ou David Hamilton (2016) se sont retrouvés dans la tourmente. Cette fois, #BalanceTonPhotographe © SHUTTERSTOCK n°370 juin 2024•Réponses PHOTO 7 le mouvement semble prendre son essor après le procès dit “du violeur de Tinder”, dont le verdict est tombé fin mars 2024. Dans cette affaire, un photographe de mode invitait chez lui des femmes avec qui il correspondait sur les réseaux sociaux pour des séances photo. Des séances durant lesquelles il aurait drogué ses modèles avant d’abuser d’eux. Il vient d’être reconnu coupable de douze viols et trois agressions sexuelles entre 2014 et 2016. Il a été condamné à dixhuit ans de prison. Dans les témoignages #BalanceTonPhotographe,unegrandemajoritédevictimes ne communiquent pas le nom des photographes en tort, mais racontent leur histoire.Lesmessagesserventgénéralement à libérer la parole, à montrer l’importance duphénomèneouàrompreunsentiment de solitude. D’autres victimes accusent nommément des photographes. Parfois, cela se fait par l’intermédiaire du compte X @metoophoto_. Parmi les noms, on retrouve des photographes connus sur les réseaux sociaux qui partagent des photos de type “boudoir” sur leurs comptes Instagram, cumulant bien souvent des milliers d’abonnés. Parler n’a rien d’évident et donner le nom des photographes aux comportements fautifs revient presque à briser l’omerta. “Ayant reçu une mise en demeure de la part de l’avocat d’une des personnes concernées par mes prises de parole de la semaine passée, et n’ayant ni l’argent ni le courage nécessaires à me lancer dans des démarches juridiques, je décide de supprimer tous les tweets faisant mention de cette personne”, relate un photographe auteur de tweets de dénonciation sur les réseaux sociaux. Un modèle raconte dans LeParisien pourquoi il n’a jamais porté plainte : “J’aurais dû assumer que c’était moi sur les photos, c’était trop dur.” Si le risque de diffamation est bien réel et la présomption d’innocence un principe à respecter, la justice a donné droit aux allégations des victimes sur les réseaux sociaux. Sandra Muller, la journaliste qui avait été à la base du mouvement #BalanceTonPorc en accusant le président de la chaîne Equidia, avait été poursuivie en diffamation par ce dernier. Une question de droit qui est remontée jusqu’à la Cour de cassation et qui a donné raison à la journaliste en infirmant le jugement de la cour d’appel. Elle a “déduit, à bon droit, que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et demeuraient mesurés, de sorte que le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu”. La partie émergée de l’iceberg Si beaucoup de témoignages sortent aujourd’hui, le tag #BalanceTonPhotographe révèle un système qui dure depuis des années. “J’ai photographié des personnes, modèles professionnels ou non, partout en France. Cela signifie beaucoup derencontresetd’échanges.Jeparleainside mon expérience, mais les nombreux témoignages que j’ai entendus au fil des années me confortent dans l’idée que les violences dans ce milieu sont répandues. Au cours de ces échanges, ce qui revenait très souvent, ce sont les noms : « Attention, tel photographe, je ne le sens pas », « Tel photographe m’a envoyé une dickpic », « Tel photographe a touché mes seins pendant une séance », etc. Depuis que je suis dans ce milieu, depuis que j’ai 18 ans donc, on se passe les noms des agresseurs”, peut-on lire dans un billet anonyme sur un blog de Mediapart. “Il y a besoin d’un cadre et d’une discussion plus élaborés sur les shootings de nu, afin d’être sûr que tout le monde est à l’aise avec la manière dont se déroule la prise de vue, témoignait en février dernier la photographe qui est également modèle Maréva Druilhe dans nos pages. Avec le temps, j’ai aussi choisi d’être très restrictive dans les photographes pour qui je pose, car malheureusement il y a eu des expériences négatives. Et plus je parle avec d’autres modèles, plus on se rend compte qu’il y a beaucoup de comportements problématiques, voire répréhensibles pénalement, dans ce milieulà. Alors, avec un collectif à Grenoble, nous réfléchissons à l’écriture d’une charte pour un shooting sûr.” Sans vouloir prophétiser, ce mouvement #BalanceTonPhotographe et les dizaines de témoignages recueillis semblent n’être que la partie émergée de l’iceberg. Peutêtre serait-il aujourd’hui bien temps d’en prendre conscience. 8 Réponses PHOTO•n°370 juin 2024 RÉPONSES ÉVÉNEMENT La photographe américaine Annie Leibovitz vient de signer son entrée à l’Académie des beaux-arts. Sous la coupole de l’Institut de France, elle est revenue à la fois sur son parcours et sur sa vision de la photographie entourée de certaines des plus grandes personnalités du milieu de la culture. ThibautGodet Discours d’une reine AnnieLeibovitz L e 20 mars dernier, c’est au roulement des tambours de la garde républicaine qu’Annie Leibovitz a fait son apparition sous la coupole de l’Académie des beaux-arts. Après son élection en 2022, la photographe américaine de 74 ans a enfin rejoint les Immortels dans une cérémonie réunissant le gratin de la culture, de la photographie et de la mode. Au premier rang pour assister à l’installation (on ne parle pas d’intronisation, tradition républicaine oblige), une ancienne ministre de la Culture. Derrière, la célèbre éditrice de Vogue Anna Wintour, cachée sous ses fameuses lunettes de soleil. Et dissimulée parmi le public, la chanteuse Patty Smith attend son tour pour venir interpréter à la surprise générale son titre Peaceable Kingdom. C’est dire l’aura d’Annie Leibovitz. N’étant pas française, la photographe ne prend pas place à la section photo de l’Académie des beauxarts, qui ne cesse de croître. Elle intègre l’institution en tant qu’associé étranger et remplace ainsi Ieoh Ming Pei, architecte à l’origine de la pyramide du Louvre. Les photographes de l’Académie n’ont cependant pas omis de lui rendre hommage : Sebastião Salgado, Jean Gaumy, Dominique Issermann, Yann Arthus-Bertrand et la nouvelle recrue Valérie Belin sont présents à côté de la star du jour. Seule Françoise Huguier (pas encore en poste) manquait à l’appel. Devant l’assistance, c’est Sebastião Salgado qui prend d’abord la parole pour conter l’ascension et la reconnaissance d’Annie Leibovitz. Née dans le Connecticut en 1949, cette fille de militaire n’a pas un destin tracé vers la photographie. Mais, “pourAnnieLeibovitz,laphotographie s’est imposée comme une nécessité en 1969, ici à Paris. Et plus encore, à quelques mètres decettecoupoledel’Académie”, raconte Sebastião Salgado. Elle qui pensait devenir professeure d’art et qui étudiait la photographie en cours du soir a une révélation en traversant le pont des Arts à Paris, où elle reconnaît l’endroit exact d’une des photos d’Henri Cartier-Bresson. De là naît la passion. Elle commence alors le reportage et très vite se fait repérer. “Dans les années 1970, j’ai eu la chance d’intégrer le magazine Rolling Stone. On me respectait aussi sérieusement qu’une jeune fille travaillant pour un magazine dans les années 1970 pouvaitl’être.” Elle enchaîne les reportages en tournée avec Mick Jagger ou immortalise le déclin de la présidence Nixon, embourbée dans l’affaire du Watergate. Plus tard, c’est dans le portrait qu’elle se spécialise, photographiant les plus grands noms, de Leonardo DiCaprio à la reine d’Angleterre, de Donald Trump aux chanteurs de la scène folk américaine. “Nombre de mes photos favorites ont été prises très tôt quand je faisais des reportages. Cependant, je n’ai jamais pu retourner vers le reportage avec un esprit clair. J’ai dû trop prendre conscience au cours de ma carrière de commentunephotopeutêtrefabriquée,comment on peut la manipuler (…). Je ne suis pas n°370 juin 2024•Réponses PHOTO 9 journaliste. Une journaliste ne choisit pas de camp. Or, je ne veux pas passer ma vie de cette manière. J’ai une voix plus forte comme photographe si j’exprime une opinion. Faire des portraits m’a donné toute la latitude de choisir un angle, d’avoir une opinion, d’être conceptuelle et de raconter des histoires”, affirme-t-elle à la tribune. “Ainsi est Annie. Une seule personne, mais une photographe multiple. À l’époque de Rolling Stone,elleétaitqualifiéede« photographe rock and roll ».Àl’époquedeVanity Fair, de « photographe de célébrités ». Réfractaire aux étiquettes, elle dit simplement : « I’m just a photographer » (« Je suis juste unephotographe»).Toutestdit.Aujourd’hui, elle se définit comme une artiste conceptuelle qui utilise la photographie. Et si vous regardez de près son travail, vous comprendrez à quelpointcesmotssontjustes”, lance Sebastião Salgado. Mais le discours d’installation d’académicien entre quelque peu dans l’Histoire, et c’est quelque part sa vision de la photo graphie qui était attendue par le public. “Est-ce que la photographie est moins originale alors qu’aujourd’hui chacun peut prendre une image, que des millions de photos sont faites chaque seconde? La vérité est que la photographie a été inventée pour que chacun puisse faire des images de soi-même, de sa famille, des amis, des paysages, des choses qui font sens pour eux. (…) Le pouvoir de la photo, c’est le pouvoir de partager notre expérience avec les autres au-delà des différences de temps, de géographie, d’éducation ou de croyance, d’être témoin. C’est le pouvoirdemontrercequiautrementneserait pas cru, le pouvoir d’arrêter et de retenir ces momentsquinousdépassent”, affirme-t-elle pour conclure. Hors de notre milieu et de son discours, l’installation d’Annie Leibovitz fait parler par le faste de sa tenue. Un habit brodé signé Louis Vuitton. La marque fait d’ailleurs l’éloge de son savoir-faire dans une vidéo promotionnelle. Un épisode qui rappelle à quel point Annie Leibovitz est aussi connue dans les milieux de la mode, au point d’être l’une des icônes vivantes de la photographie. Quand elle immortalise Lionel Messi face à Ronaldo en train de jouer aux échecs sur une valise Vuitton, ce sont bien trois personnalités que la griffe française met en avant. Quant à son épée, une branche transformée en bijou, elle vaudra ces mots d’Anna Wintour venue l’adouber : “Annie n’est peut-être pas d’Artagnan,c’estvrai.Maisavecunappareil photo, elle est aussi dextère et plus encore : c’est une force formidable que rien n’arrête.” Louise Bourgeois New York, 1997. © ANNIE LEIBOVITZ © THIBAUT GODET RÉPONSES L’ESSENTIEL 10 Réponses PHOTO•n°370 juin 2024 LaFoireinternationaledelaphotoàBièvressouffle cette année ses 60 bougies les 1er et 2 juin 2024. Rendez-vous incontournable des amateurs de matériel ancien, la foire située dans l’Essonne, à 15 km de Paris, accueille chaque année autour de 15000 visiteurs. Quelques animations viendront célébrer cette année particulière, dont une exposition sur l’histoire de la foire, une mise en avant sur les stands de l’année 1964 (année de fondation de la foire), et une tombola qui fera gagner 60 photos du Photoclub Paris Val-de-Bièvre. Particularité 2024, le marché des artistes sera ouvert dès le samedi après-midi. Quant à la grande exposition, elle sera cette année consacrée à l’artiste Pentti Sammallahti. 65 tirages de ce dernier seront à découvrir. Chaque année, c’est lors d’un cérémonial au ministère de la Culture à Paris, au printemps, que sont données les premières couleurs des Rencontres d’Arles. Le festival estival qui se déroulera du 1er juillet au 29 septembre (semaine pros du 1er au 8 juillet) proposera près de 40 expositions dans toute la ville et dans le programme “Arles associé”. La thématique retenue pour cette édition est “Sous la surface”, que le président des Rencontres Christophe Wiesner résume ainsi : “Remous, esprits, traces, lectures parallèles et relectures sont autant de nouvelles perspectives qui sous-tendent l’édition 2024 des Rencontres d’Arles.” Comme l’an passé, la photographie historique n’a pas été oubliée, et si nous avions Diane Arbus en figure de proue en 2023, cette année nous pourrons admirer le travail de la grande photojournaliste Mary Ellen Mark. Autre femme reporter à l’honneur, Cristina de Middel, de l’agence Magnum Photos, signe l’affiche de cette édition. C’est inspirée par Jules Verne qu’elle retrace les migrations entre leMexiqueetlaCalifornie.Onpourras’attendre à voir Jean-Claude Gautrand dans leprogramme“Arlesassocié”,toutcomme Lee Friedlander avec un commissariat du cinéaste Joel Coen. Une des inconnues de ces Rencontres d’Arles était autour du programme “Off”, mené jusque-là par Didier de Faÿs (décédé fin 2023). C’est le magazine Fisheye qui reprend l’événement dans la Cour de l’archevêché. L’année dernière, près de 145000 personnes avaient profité des expositions. Sous la surface du Rhône LA PROGRAMMATION DES RENCONTRES D’ARLES 2024 A ÉTÉ ANNONCÉE FIN MARS AU MINISTÈRE DE LA CULTURE. © CRISTINA DE MIDDEL/MAGNUM PHOTOS FOIRE LIBÉRATIONS “Capa l’empathique montra qu’en 1945, c’était l’humanité qui gagnait.” En cette année anniversaire du débarquement en Normandie, le romancier Alexis Jenni (Goncourt 2011) nous fait revivre cet événement historique sous l’œil du célèbre reporter fondateur de l’agence Magnum Photos. La postface de ce livre est d’ailleurs écrite par Clara Bouveresse, historienne, qui signe notamment l’article sur la mort de Robert Capa que vous trouverez plus loin dans ce numéro. Éditions Seuil, 192 pages, 39,90 €. Enbref… L’HOMME QUI EN A TROP VU Basée sur une histoire vraie, cette bande dessinée retrace un reportage d’Ali Arkady, missionné un temps par le journal Der Spiegel pour couvrir le début de l’offensive irakienne à Mossoul contre Daech en 2016. S’ensuit une immersion qui plongera dans l’horreur le photographe accompagnant une unité spéciale irakienne. Futuropolis, 22 × 29,7 cm, 144 pages, 23 €. monde entier font confiance à notre laboratoire photo. La maîtrise d’un savoir-faire traditionnel et l‘emploi de technologies de pointe nous permettent de réaliser à partir d‘un large choix de supports et de cadres sur mesure des tableaux uniques de qualité exceptionnelle. Un travail irréprochable qui nous vaut le titre de „Meilleur Labo Photo du monde“ aux TIPA World Awards. Avec passion printed by WhiteWall.com Vincent Fournier „Flora Incognita“ Tirage photo ultraHD sous Plexi | Cadre Artbox en bois d‘érable blanc printed by WhiteWall.com Photographie à la perfection Pour tous les passionnés de photographie. Depuis plus de 15 ans, artistes et photographes exigeants du
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