DIAPASON n°745 - Page 3 - 745 www-europe-audio-diffusion.com - 03.86.33.01.09 – info@europe-audio-diffusion.com Paris (75) Paris (75) Challans (85) Bordeaux (33) Cormontreuil (51) L’émotion musicale Meximieux (01) Monaco (98) Acoustic Gallery, Paris (75) L’Intention Musicale, Toulouse (31) A découvrir chez : I 3 © COUVERTURE : SIMON COUTURIER / NIDAY PICTURE LIBRARYALAMY BANQUE D’IMAGES Ce numéro comporte sur tout ou partie de sa diffusion : tout-en-un multi-titres multi-éditeurs ADD posé au dos du magazine, une lettre bienvenue Diapason DPDD, une lettre bienvenue Diapason DPDL, un CD Reworld Diapason d’or et un CD Indispensables de Diapason jetés sur la couverture. sommaire JUIN 2025 n° 745 ILS FONT L’ACTUALITÉ PAGE 32 PAGE 72 PAGE 18 En scène Dans la tempête qui a saisi les Etats-Unis et le monde, le chef YANNICK NÉZET-SÉGUIN, patron des Orchestres de Philadelphie et du Metropolitan Opera de New York, ainsi que de son cher Métropolitain de Montréal, réaffirme les valeurs guidant sa vie d’artiste. En disque Elle est l’héroïne d’un nouveau Vaisseau fantôme : la soprano LISE DAVIDSEN s’impose tant par sa musicalité que par le personnage qu’elle dessine, et se hisse sur les plus hautes cimes. En disque Le pianiste LEIF OVE ANDSNES arpente les quatorze stations de la Via crucis de Liszt depuis longtemps. Il vient d’en livrer une interprétation hypnotique et poignante, qui résonne aujourd’hui d’une manière particulière. RECEVEZ DIAPASON CHEZ VOUS! Votre bulletin d’abonnement se trouve page 93. 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Alexandre SPECTACLES 53 A voir et à entendre 58 Vu et entendu 62 LEDISQUE LE SON 113 Echos 114 Banc d’essai 13 MAILLONS DE RÊVE LEGUIDE 127 Radio 128 Livres 130 La playlist de ma vie EMMANUEL CEYSSON 4 I L’éditorial DE LOÏC CHAHINE (PAR INTÉRIM) Ondisaitleurtempsrévolu.Pourtant,aupalmarèsdesDiapasond’ordanscenuméro,on comptetroisintégralesd’opéra.PourVenus in Africa d’Antheil, l’affaire est entendue : il s’agit d’une rareté, et bon nombre des gravures lyriques récompenséesdansnospagescesdernièresannéesappartiennent aussi à cette catégorie – d’où abondance de pastillesdoréesdanslerépertoirebaroque.Demême,quand l’orbrillaitsurleRobertleDiable deMeyerbeerenregistré sousl’égideduPalazzettoBruZane(cf.no 715),laconcurrencen’étaitguèreféroce,saufàdénicherlacaptationparisiennede1985.MaisquandlemêmeCentredemusique romantiquefrançaisefaitparaîtreLeRoid’YsdeLalo,ilse confronteàlaversionexemplairedirigéeparAndréCluytens.Pourtant,notreintransigeantconfrèresuccombe(cf. p. 84) à une distribution et un orchestre unis dans l’excellence : « le trait fin et vif de György Vashegyi retrouve le sensdelaligneetlereliefd’unAndréCluytens»–suprême compliment!Etbelleoccasionderemettreenlumièreun ouvrage que 2023, année du bicentenairedeLalo,n’apasvureparaîtresur nos scènes… Et pour ce qui est de la concurrence, les opéras de Wagner sont un cas d’école. Quoi, un nouveau Vaisseau fantôme ? La question n’était-elle pas régléeparDorati,Fricsay,Sawallisch etquelquesautres?LagravurepubliéeparDeccasehisse surlesmêmescimesquecesillustresréférences,imposant ses personnages et leurs rencontres. Le portrait du Hollandais par Gerald Finley « ne se compare qu’à FischerDieskau », s’émerveille Emmanuel Dupuy (cf. p. 72). Sauf que,contrairementàsonsuccesseuraujourd’hui,«DFD» n’avait pas face à lui une Senta tout à fait à sa hauteur. Il en allait ainsi, il y a quelques années, d’un Otello verdien (Sony) où brillait Jonas Kaufmann, « au point qu’on ait omis de placer dans l’orbite de cet astre d’autres étoiles », regrettait alors le même Emmanuel Dupuy (cf. no 670). Pour décrocher la plus haute récompense, il eût fallu une Desdémone et un Iago. Combien d’autres gravures, anciennes ou récentes, plombées par un revers ? Cherchez leDonGiovanniidéal:ilyatoujoursquelquepartunpetit « mais » – tel rôle moins bien chanté, tel air aux vocalises savonnées, ou encore une captation frustrante. Lemoisdernier,unenouvelleTosca,paruechezDeutsche Grammophon, glanait aussi un Diapason d’or – oui, après Maria Callas et Leontyne Price, après De Sabata et Karajan, on peut enregistrer Tosca sans trébucher. De l’optimisme _ Aux chanteurs d’aujourd’hui il faut des intégrales. _ Parce qu’on a su associer à trois immenses chanteurs – dont, outre MM. Tetelman et Tézier, une révélation couronnée dans le même numéro d’un Diapason Découverte, lasopranoEleonoraBuratto–unorchestreenétatdegrâce et un chef qui a quelque chose à dire. Sans cet alignement des planètes, la version dirigée par Daniel Harding serait demeurée dans l’ombre des références sus-citées. Merci pour eux quatre, car aux chanteurs d’aujourd’hui ilfaut(aussi)desintégrales:cequifitlagloired’uneBirgit Nilsson,d’uneMirellaFreni,d’uneTeresaBerganza,d’un AlfredoKraus,c’étaientlesopérasgravésinextenso,etnon lesrécitalsdiscographiques.Queretiendrait-onsans cela de Wolfgang Windgassen, de Martha Mödl, de Sherrill Milnes?Lesstarsontfaitlesgrandesintégralesautantque lesgrandesintégralesontfaitlesmonstressacrés.NosBenjamin Bernheim, Stéphane Degout, Eve-Maud Hubeaux, nos Lise Davidsen, Asmik Grigorian et Rachel Willis-Sørensen ont aussi besoin de ces enregistrements qui rappellent que l’opéra – à de rares exceptions près – n’est pas un monologue mais le perpétuel dialogue des chanteurs et chanteuses, entre eux comme avec l’orchestre et le chef. Dès lors, les directeurs artistiques, éminencesgrises,ontaussiunrôlede premier plan à jouer : associer les bons ouvrages aux bons interprètes n’est pas une mince affaire. Organiser un enregistrement autourd’unchanteurouchoisirl’œuvreetladistribuerau mieux,l’équilibreestsubtil–maisc’estquandcetéquilibre s’accomplit que l’on gagne une intégrale qui reste. Audemeurant,par-delàlesraretés,combiendepartitions majeures du répertoire ne bénéficient pas à ce jour d’une version de référence ? Où sont Les Contes d’Hofmann tenant compte des plus récentes découvertes et donnant à entendre, dans le rôle-titre, un véritable personnage ? Où est le Don Carlos en français dont nous sommes nombreux à rêver ? Et Les Vêpres siciliennes dans leur mouture originale ? Chez Rameau, la moisson n’est pas toujours brillante : on cherche en vain une gravure absolue pour Les Indes galantes ou Castor et Pollux, opéras pourtant parmi les plus fameux du compositeur. Il y a du pain sur la planche ! Et qu’une Aida il y a dix ans (dirigée par Pappano, Warner, cf. no 639), une Tosca hier, un Vaisseau fantôme aujourd’hui parviennent encore à faire chavirer les plus exigeants critiques doit nous encourager à l’optimisme : oui, il y a dans les enregistrements d’opéra toujours matière à se laisser surprendre, émerveiller, ravir. Saison 2025-26 Réservez en ligne Une nouvelle saison à vivre ensemble Opéra | Concert | Danse | En famille theatrechampselysees.fr La Caisse des Dépôts soutient l’ensemble de la programmation du Théâtre des Champs-Élysées Illustration : Malika Favre – Design graphique : Caroline Fogliani Licence L-R-22-9208 ÉVÉNEMENT! Vendredi 16 janvier 2026 Paris, Théâtre des Champs-Élysées • La soprano Amina Edris, qui triomphe sur les plus illustres scènes de la planète (Opéra de Paris, Met de New York, Scala de Milan, Covent Garden…). • Le pianiste Lukas Geniušas, qui affronte les pages les plus virtuoses du répertoire, comme en témoignent ses sensationnels albums consacrés à Chopin ou Rachmaninov. • Jean-Guihen Queyras, star des violoncellistes, fêté dans le monde entier, en particulier pour ses deux enregistrements des Suites de Bach, couverts de récompenses. Et les lauréats des Diapason d’or de l’année 2025. Concert accompagné par l’Orchestre Pelléas, direction Benjamin Levy. Avec des artistes prestigieux : © Crédits photos : Capucine de Chocqueuse, Ira Polyarnaya et Jean-Guihen Queyras. Billetterie ouverte, réservez vos places ! www.theatrechampselysees.fr ou au 01 49 52 50 50 Production : Céleste Productions Une soirée proposée par le magazine Diapason, mêlant répertoire lyrique, musique de chambre et symphonique, avec des rencontres inédites et des invités surprises ! 2025 LE CONCERT I 7 PAR BENOÎT FAUCHET Leur parole est d’or Les disques du ténor Cyrille Dubois accompagné au piano par Tristan Raës et de l’orchestre Les Frivolités parisiennes dirigé par le chef Dylan Corlay ont été couronnés d’un Diapason d’or le mois dernier. Vous voulez savoir comment furent conçus ces joyaux ? Les heureux élus lèvent un coin du voile. ACTUALITÉS coulisses Cyrille Dubois TÉNOR Dupont : Mélodies. Cyrille Dubois (ténor), Tristan Raës (piano). Aparté. Dylan Corlay DIRECTION D’ORCHESTRE Hahn : Le Dieu bleu. Les Frivolités parisiennes, Dylan Corlay. B-Records. « Depuis quinze ans, Tristan Raës et moi nous attachons à défendre la mélodie française. Le défi est de faire exister ce répertoire exigeant, mêlant subtilement poésie et musique, dans une époque qui tend à méjuger le raffinement et la délicatesse. Nous aimons avoir une vision globale du corpus musical des compositeurs qui croisent notre chemin d’interprètes. Le plaisir n’en est que plus grand lorsque, hors des sentiers battus, nous découvrons des pièces méconnues, voire totalement inédites. Enregistrer Gabriel Dupont, tristement oublié par l’Histoire, c’était également l’occasion de mettre en lumière un musicien de “ma” Normandie. Nous avons été aidés en cela d’abord par le conservatoire de Caen – où j’ai étudié dans mon passé de maîtrisien et qui a mis à notre disposition les partitions et les locaux où nous avons enregistré – puis par l’association que j’ai créée, “Mélodies en herbe”, dont l’un des objectifs est de valoriser cette musique, et l’emmener jusque dans les campagnes. Enfin, nous sommes reconnaissants au label Aparté qui nous soutient fidèlement. C’est une conjugaison de passion, d’exigence, et de nostalgie qui nourrit cet enregistrement. Nous sommes honorés que notre contribution à l’art de l’interprétation de la mélodie soit de nouveau distinguée. » « Recevoir ce Diapason d’or pour l’enregistrement du Dieu bleu de Reynaldo Hahn aux côtés des Frivolités parisiennes est une immense joie. Ce projet fut une aventure artistique rare : redonner vie à une œuvre presque disparue, écrite en 1912 pour les Ballets russes, et jamais enregistrée. Ce ballet symphonique révèle une écriture d’une grande subtilité, où la couleur et les jeux de textures priment. Le défi était de préserver cette élégance française, ce raffinement orchestral, tout en lui restituant sa force dramatique. C’est une musique qui réclame du chef et des musiciens une écoute fine et un travail sur les équilibres de chaque instant. Nous avons eu la chance de réaliser cet enregistrement en septembre 2024 à l’Auditorium de Soissons, un lieu à l’acoustique généreuse et précise, propice à cette exploration du détail. Cette entreprise fut aussi celle d’un ensemble passionné, porté par le désir commun de faire revivre ces pages oubliées du répertoire français. Cette récompense vient saluer cet engagement collectif et le choix de défendre un patrimoine musical méconnu. Je le partage avec gratitude avec Les Frivolités parisiennes, les musiciens, les équipes techniques et tous ceux qui ont contribué à faire exister ce projet. » © GREGORY MASSAT © P DELVAL 8 I D ifficile d’assigner une seule « profession » à Gabriel Durliat, tout à la fois pianiste, chef d’orchestre et compositeur. « J’ai commencé par l’improvisation, la composition, mêmeavantdesavoirbienlirelamusique. Et je l’ai fait au piano, ayant toujours eu ce rapport particulier entre l’instrument et l’écriture », explique à Diapason le musicien, qui confesse aussi « une attirance, très jeune, pour la musique d’orchestre ». Adolescent brillant, ce natif de Bourges remporte à seize ans le concours général en histoire de la musique et entre la même année, bien préparé par Denis Pascal, au Conservatoire de Paris où la moisson de prix sera abondante – piano, accompagnement, orchestration, harmonie, contrepoint et fugue dans les classes d’HortenseCartier-Bresson,Jean-Frédéric Neuburger, Guillaume Connesson, Thierry Escaich… Aujourd’hui c’est dans celle d’Alain Altinoglu qu’il approfondit la direction d’orchestre. Gabriel Durliat a déjà suivi la Malko Academy, intense programme de la Radio danoise pour jeunes instrumentistes souhaitant monter sur un podium, et remporté en 2023 à Meiningen (Allemagne)leConcoursHansvonBülow, qui réunit des candidats dirigeant du piano. L’art du « joué-dirigé » lui plaît, et il est convaincu de son attrait auprès des musiciensd’orchestre,«assezdemandeurs de ce rapport direct avec le soliste ». Ce qu’il aura l’occasion de vérifier en octobre à Marseille avec le Philharmonique de la ville, dans le Concerto no 23 de Mozart. Equilibre personnel Au piano et cette fois sans orchestre, Gabriel Durliat a publié l’automne dernier un album Bach/Fauré à la finesse remarquée, enjolivé de certaines transcriptions et complétions personnelles. A la même adresse (Scala), il enregistre en septembre un deuxième disque convoquant, autour du genre du « tombeau », Ravel,Debussy,DukasouencoreMessiaen. Et sans doute un Tombeau de Ravel de sa main, fruit d’un réinvestissement de l’écriture après des années de travail acharné comme pianiste interprète. Piano, composition, direction : « pour mon équilibre personnel, j’ai besoin de faire les trois, mais je me laisse porter par les événements », explique Gabriel Durliat. Certains de ces rendez-vous mettent déjà en lumière son impressionnante polyvalence, à l’image du Festival de piano de Collioure, fin juin, qui le convie en récital, mais aussi comme membre du jury et compositeur invité de son concours. B.F. • coulisses On y attendait Daniele Gatti, ou peut-être Michele Mariotti, mais c’est un autre nom qui est sorti du chapeau du surintendant Fortunato Ortombina : à soixante-douze ans, MYUNG-WHUN CHUNG a été nommé directeur musical du Teatro alla Scala de Milan, où il succèdera fin 2026 à Riccardo Chailly, en poste depuis 2017. La surprise n’est que relative, tant on sait le Sud-Coréen apprécié de la maison d’opéra milanaise qui lui a confié, depuis 1989, pas moins de 84 représentations et 141 concerts, in loco comme en tournée – seuls les directeurs musicaux ont été plus assidus à ce pupitre. Le Filarmonica della Scala, phalange de concert, avait même élevé l’ancien directeur musical de l’Opéra Bastille et du Philharmonique de Radio France au rang de chef émérite – une première – en 2023. Bravo maestro scaligero ! CRESCENDO DECRESCENDO La progression du nombre des femmes sur les podiums marquerait-elle le pas ? MARIN ALSOP n’a pas caché une forme de désillusion lors d’un entretien au Times de Londres. Première cheffe invitée à diriger la « Last Night » des BBC Proms (c’était en 2013), l’Américaine note que la parité est toujours loin d’être acquise dans la programmation du festival londonien, avec seulement huit « maestras » sur une quarantaine de baguettes lors des deux dernières éditions. « Des chefs d’orchestre, même parmi les plus jeunes, disent encore que les femmes ne savent pas diriger », déplore la musicienne. « Ces visions archaïques et dépassées persistent. Et dans le contexte actuel, où tout penche de plus en plus vers le conservatisme, la tendance est de s’emparer de ces conceptions démodées et de les répéter. » Faut-il n’y voir qu’un moment d’une lutte qui n’est pas un long fleuve tranquille ? « Il y a souvent une poussée en avant puis un palier, puis, espérons-le, une autre poussée en avant… » © D.R. © BRESCIA E AMISANO © TEATRO ALLA SCALA © AMANDINE LAURIOL Nom : Durliat Prénom : Gabriel Né en : 2001 Profession : pianiste, chef d’orchestre, compositeur JEUNE TALENT 45e DU 19 JUILLET AU 17 AOÛT 2025 10 I Le chef gréco-russe Teodor Currentzis n’a pas l’intention de faire amende honorable quant à la guerre en Ukraine, sujet sur lequel il a été accusé d’ambiguïtés alors que son ensemble MusicAeterna est soutenu par une banque majoritairement contrôlée par le Kremlin – raisons pour lesquelles il a été plusieurs fois déprogrammé par des institutions européennes depuis trois ans. « Suis-je un criminel ? », s’est-il interrogé mi-avril dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. « Comment se fait-il qu’il n’y ait plus de liberté d’expression en Europe ? Pire encore : il n’y a même plus la liberté de se taire ! » Un mois plus tôt, le flamboyant maestro s’en expliquait auprès du quotidien Les Echos : « A plusieurs reprises, j’ai été sommé de prendre une position parce que quelqu’un voulait l’utiliser pour des raisons politiques. Et j’ai refusé de le faire, car j’exerce mon art pour tout le monde, indépendamment des opinions politiques. Je garde mes opinions pour moi-même et mes amis. » En Allemagne, où il achève cette saison un contrat de sept ans à la tête de l’Orchestre de la SWR, le bouillant maestro s’est vu proposer de signer un texte exprimant sa position sur le conflit russo-ukrainien. « J’ai répondu : “Fuck you !” (« Allez vous faire foutre », NDLR). En revanche, je ne suis pas allé devant les tribunaux en Allemagne ou ailleurs, même si j’estime qu’on a violé la Constitution en ne respectant pas mon droit au silence. » « Peut-être que je ne suis pas du bon côté de l’Histoire ! », a glissé le chef au Spiegel. « Je ne sais pas où c’est censé être. Mon navigateur ne le trouve pas. » B.F. Il a dit © LAURENT ROUVRAIS/RADIO CLASSIQUE © STAS LEVSHIN © W BEAUCARDET © A.SAVIN La Philharmonie fait école Pour ses dix ans, le complexe culturel de la porte de Pantin s’engage sur le terrain de la formation professionnelle en lançant une « Ecole de la Philharmonie de Paris », présentée comme la « première école dédiée à la production de spectacle vivant dans le domaine musical ». Le cursus entend aider les futurs producteurs et managers de scènes musicales à connaître l’actualité du secteur, concevoir une production, répondre aux attentes des publics, saisir les enjeux écologiques, technologiques et sociaux d’un lieu… La trentaine d’élèves admis chaque année sera en immersion au sein des équipes de la Philharmonie pour des séminaires et master classes complétés par des enseignements, dispensés par des professeurs du Conservatoire de Paris voisin et de l’université Sorbonne Nouvelle, en médiation culturelle, socio-économie de la musique, etc. Un « nouveau modèle d’école » déclinable à Marseille, Nantes et Evian. Celle de la Philharmonie sera accessible aux étudiants de 20 à 26 ans titulaires d’un premier diplôme post-bac, qui pourront emprunter une des trois voies de sélection mises en place pour favoriser une « diversité » dans les profils : une filière « académique » fondée sur le parcours de l’élève, une « voie libre » où le candidat présente son projet sur le support de son choix, enfin, un « tremplin » pour attirer des jeunes du territoire de Plaine Commune, en Seine-Saint-Denis. La formation essuiera ses plâtres dès septembre prochain, le temps d’une « Ecole d’automne » de trois mois. A la rentrée 2026-2027 sera lancée la première promotion de l’Ecole de la Philharmonie proprement dite, qui délivrera une certification professionnelle de niveau master. B.F. ENTRÉE DES ARTISTES A partir de l’été 2026, le violoncelliste Gautier Capuçon assurera la direction artistique des Nuits du Château de la Moutte à Saint-Tropez, festival cinquantenaire qui rayonne depuis la cour du château d’Emile Ollivier, beau-frère de Wagner et gendre de Liszt. Dans une mise en scène et une nouvelle traduction en français de son directeur Olivier Py, le Théâtre du Châtelet va rouvrir pour les fêtes (du 5 décembre au 10 janvier) La Cage aux folles, le musical de Broadway à succès de Jerry Herman et Harvey Fierstein d’après la pièce de Jean Poiret, avec le comédien Laurent Lafitte en Albin/Zaza. Administrateur des formations musicales de l’Opéra durant six ans puis directeur général de l’Orchestre de chambre de Paris à partir de janvier 2023, Jörn Tews a été recruté par Radio France au poste de délégué général du National à compter du 1er janvier prochain. Suite au décès de Pierre Audi (cf. p. 16), son prédécesseur au Festival d’Aix-en-Provence, Bernard Foccroulle, a été désigné pour accompagner et soutenir les équipes durement éprouvées de la manifestation en tant que « conseiller pour l’édition 2025 ». Le pianiste Igor Levit a joué en concert à Londres en avril 840 fois de suite, comme souhaité par Erik Satie, la pièce Vexations, ce qui lui a pris environ 13 heures selon un critique du Telegraph – une expérience artistique, physique et psychologique mise en scène par une habituée des propositions radicales, Marina Abramovic. • coulisses I 11 L e2mars2023,aprèsdesannéesdetergiversations, la mairie de Strasbourg annonçait avoir enfin pris une décision pour son théâtre à façade néoclassiquedelaplaceBroglie,vaisseauamiral de l’Opéra national du Rhin, sous le coup d’un avis défavorable de la commission départementale de sécurité depuis 1997 ! Ce seranonpaslaconstructiond’unnouvelédifice ailleurs, mais « un vaste chantier de rénovation » de l’existant sur trois ans. Cependant, sur ce dossier, le lyricomane aura décidément appris à cultiver les vertus de la patience. Car il a fallu attendre presque deuxanssupplémentaires,etuneconférence de presse tenue le 10 avril dernier, pour en savoir plus sur le chantier envisagé et son coût. Le calendrier des travaux s’en ressent : prévus pour commencer en 2026, ils ne devraient en fait débuter qu’en 2028, et pour une durée de cinq ans. Le « scénario de transformation » retenu est ambitieux : il promet « une restructuration complète » du bâtiment pour l’adapter aux usages d’un « Opéra du XXIe siècle ». La salle à l’italienne, où 45% des places sont partiellement ou totalement aveugles, va passer de 1144 à 940 sièges pour offrir des conditions d’écoute et de visibilité optimales pour l’ensemble du public, avec un parterre et une scène abaissés pour assurer une meilleure diffusion du son. « Nouvelle expérience » En outre, la fosse d’orchestre sera agrandie, lacagedescènesurélevée,lescoulissesdéplacées et étendues – ce qui devrait faciliter les coproductionsavecd’autresmaisonsd’opéra et de proposer une plus grande diversité de spectacles. Les espaces dédiés à l’accueil du publicvontêtrerepensés,danslecadred’une « rénovation patrimoniale » qui notamment rendra accessible la terrasse des Muses audessus du théâtre. Enfin, des extensions permettrontdemieuxaccueillirlepersonnel,de faciliterlalogistiqueetd’aménagerunnouvel espace dédié à la médiation. Le coût prévisionnel du chantier est de 120 millions d’euros, assumé pour moitié par la Ville (40 millions) et l’Eurométropole de Strasbourg (20 millions),lesautrespartenairespublics(Etat, Collectivité européenne d’Alsace et Région Grand Est) devant abonder les 60 millions restants selon une répartition et des engagements qui restent pour partie à préciser. « A n’en pas douter, la réinvention du bâtiment offrira au public une nouvelle expérience du spectacle, permettant d’ouvrir les portes de l’opéra et du ballet au plus grand nombre », veut croire Chrysoline Dupont, directrice désignée de l’Opéra du Rhin, qui succédera le 1er juin 2026 à Alain Perroux. La future intendante devra programmer des saisons hors les murs à partir de 2028-2029, accueillies principalement au Palais des fêtes.Pourcefaire,l’emblématiquebâtiment Art nouveau du quartier de la Neustadt subira une dernière tranche de travaux, à hauteur de 10 millions d’euros. B.F. Nouvel Opéra strasbourgeois Plus confortable, plus moderne : le théâtre lyrique de la capitale alsacienne va faire l’objet de travaux lourds, qui devraient débuter en 2028 pour un coût estimé à 120 millions d’euros. © RADIO FRANCE - CORINNE FUGLER
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