ANIMELAND n°250 - Page 1 - 250 Une nouvelle ère s’ouvre pour Jinwoo ! Tome 17 disponible le 26 mars © DISCIPLES(REDICE STUDIO), Chugong, h-goon 2018 / D&C MEDIA DISCIPLES(REDICE STUDIO) ◆ Chugong ◆ h-goon ULTIME TOME 27 LE 16 AVRIL DR. STONE © 2017 by Riichiro Inagaki, Boichi / SHUEISHA Inc. Scénario RIICHIRO INAGAKI Dessin BOICHI アニメランド WWW.ANIMELAND.FR Retrouvez toute l’actualité anime, manga et les chroniques d’AnimeLand sur notre site internet. Également disponible sur smartphone ! AnimeLand n°250 • Avril - Juin 2025 • 14,95 € Publication trimestrielle d’Ynnis Editions, S.A.S. au capital de 10.000 € ■ SIRET 79325950800026 ■ Siège social : 38, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris ■ Directeur de publication : Cedric Littardi ■ Directeur artistique et éditorial d’Ynnis : Sébastien Rost ■ Directeur éditorial d’AnimeLand : Bruno de la Cruz ■ Contact rédaction : brunodelacruz@animeland.com ■ Publicité : florian@feelgoodmedia.fr ■ Communication : brunodelacruz@animeland.com ■ Abonnements et anciens numéros : serv-abo@animeland.com ■ Logo : Élise Godmuse ■ Conception graphique et mise en page : Wilfrid Desachy ■ Corrections : Joséphine Lemercier ■ Fabrication : centSucres ■ Ont collaboré à ce numéro : Joséphine Lemercier, Vanessa Harnay, Julia Popek, Matteo Watzky, Jérémie Bluteau, Valentin Costes, T. Pralinus, Philippe Bunel, Nicolas Chazan, Emmanuel Bochew, Nicolas Gouraud, et Bruno de la Cruz. ■ Pour toute correspondance, adressez votre courrier (accompagné d’une enveloppe timbrée libellée à votre adresse pour la réponse) à : AnimeLand - 38, rue Notre-Dame de Nazareth - 75003 Paris contact@animeland.com Les opinions exprimées dans les colonnes de ce journal n’engagent que leurs auteurs. La reproduction des textes, dessins et graphiques est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur et de l’éditeur. Les images sont © 2024 par leurs auteurs. ■ Couverture : Based on “The Rose of Versailles” by Riyoko Ikeda © Ikeda Riyoko Production •TMS Entertainment ■ Remerciements à L’éditeur Akata, Bruno Pham, Minato Kawai, Ikeda Production, le studio TMS, le bureau de TMS France, Quentin Hagen, Riyoko Ikeda Production, Keiichi Ishiyama, Shirô Aono, Yûji Toki, Minako Fujiyoshi, Eriko Shimizu, Yôko Iizawa, Hana Asechi, Cinzia Mariani, Michi Himeno, Araki Pro, Gérald Ory, Emma Dansac, Daisuke Ishiwatari, Arc System Works, Emma Curtil, Alexandre Kamdem, les éditions Kana, Stéphanie Nunez, Sophie Cony, Panini, Musée Guimet, Yasuyo Kajita, Franck Ferrandis, Cedric Depaepe et toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce numéro et qu’on oublierait involontairement. Le rédacteur fou : « Attention, il y a une forte affluence le week-end chez Ikeda ! » ■ Première impression ■ Achevé d’imprimer en France par Aubin Imprimeur en février 2025 ■ Diffusion MLP ■ Dépôt légal à parution ■ Commission paritaire 0228 K 82755 Toute reproduction, même partielle, des textes est strictement interdite. Paris, 1991. Non, ce n’est pas le titre d’un film post-apocalyptique avec Kurt Russell. C’est l’année où une bande de fous dont je faisais partie ont entrepris un pari un peu dingue : donner une voix à l’animation et au manga en France à travers un magazine dédié, faisant réaliser au monde que les dessins animés n’étaient pas réservés aux enfants en bas âge. C’est difficile à croire, mais à l’époque les mots « anime » et « manga » étaient encore confidentiels. La pop culture japonaise arrivait par quelques émissions TV et envois de vidéocassettes japonaises dans des formats illisibles, et l’idée même qu’un magazine puisse s’y consacrer semblait alors irréaliste. Si cette affirmation semble risible, c’est que le manga occupe aujourd’hui une place tellement importante dans notre culture qu’il en est devenu un enjeu politique dans nos élections. C’est dans ce contexte que AnimeLand est né, porté par une flamme que nous voulions révolutionnaire, une détermination dont seuls ceux qui sont persuadés d’être dans le droit chemin font preuve et une fougue indispensable à la jeunesse… Ainsi, nous avons fait le choix symbolique de La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda comme sujet de ce numéro. 250 numéros plus tard, après que le magazine ait connu de nombreuses formes, vu s’enchaîner de nombreux collaborateurs, que je tiens à tous remercier infiniment pour tout ce qu’ils ont pu faire, nous sommes toujours là. 250 numéros plus tard, faisant face à la crise des ventes de la presse et la baisse du lectorat, nous résistons encore, chargés d’une mission de documentation historique et de médiation des contenus que nous estimons indispensable. Finalement, 250 numéros plus tard, je suis encore là, dernier des fondateurs à tenir le pont, sentinelle responsable de transmettre le magazine à une jeune génération, puisant mon énergie dans la résilience et la passion que les anime m’ont enseignée (sans compter la grandiloquence). Merci à Isao Takahata, Hayao Miyazaki, Mamoru Hosoda, Katsuhiro Ôtomo, Makoto Shinkai, Akira Toriyama et tous les autres. Nous sommes heureux et fiers d’avoir pu être vos éclaireurs pendant si longtemps. Merci à vous tous, nos lecteurs. J’espère que nous avons su et que nous saurons encore nous adapter au monde et à vos attentes, pour que vous continuiez à nous lire, peut-être en transmettant cette envie à vos enfants. En ce qui me concerne, j’ignore de quoi mon futur est fait, mais ne criez pas victoire trop tôt : vous n’êtes pas encore débarrassés, et j’espère encore être là pour écrire quelques textes futurs avec une touche de nostalgie et un regard fixé vers l’avenir. Jusque-là, bonne lecture ! Cedric Littardi en hommage à tous ceux qui ont contribué à AnimeLand é d i t o é d i t o MAGAZINE #250 https://shorturl.at/4IeIj Offrez-vous un moment de votre anime préféré ! La Galerie de la Bande Dessinée vous propose une sélection de dessins originaux de production, réalisés par les animateurs japonais. Avec entre autres Dragon Ball, Naruto, One Piece, Pokemon, Ken le survivant, Capitaine Flam, Les Chevaliers du Zodiaque, Bleach,… VENTE DE DESSINS ORIGINAUX 237, Chaussée de Wavre 1050 Bruxelles info@galeriebd.com • +32 485 985 618 www.galeriebd.com © Toriyama/Toei A N I M E L A N D 2 5 0 Japon Le Dit du Genji : classique de littérature universelle Exclusivité L’histoire courte Une autre moi d’Eiko Hanamura à lire ! Jeu vidéo Entretien avec Daisuke Ishiwatari, créateur de Guilty Gear 128 134 18 18 78 78 68 68 34 34 40 40 26 26 Portrait de Riyoko Ikeda, autrice de La Rose de Versailles Reportage chez TMS, le studio de Lady Oscar Entretien avec Michi Himeno, chara-designer de Lady Oscar Les autrices phares des années 1970 Moto Hagio, la légende du shôjo La revue Takarazuka, le théâtre au féminin 126 126 DOSSIER LADY OSCAR LE SHÔJO MANGA AVANT LA ROSE DE VERSAILLES LE SHÔJO MANGA AVANT LA ROSE DE VERSAILLES UNE ROSE EN BOUTON L a culture shôjo apparaît au début du XXe siècle au Japon, avec le développement des écoles secondaires pour filles. À l’intérieur de ces établissements, les filles bâtissent des repères culturels qui leur sont propres, notamment une forme codifiée d’amitiés romantiques entre élèves, qui prend le nom de « S ». La revue Takarazuka (voir p.26), une compagnie de théâtre intégralement féminine, avec des actrices travesties en hommes, est fondée à la même époque. Elle plaît particulièrement au public féminin, mères comme filles. Dans la foulée, les premiers magazines shôjo suivent rapidement. Les trois titres les plus importants de la période sont Shôjo no tomo (1908-1955), Shôjo gahô (19121942) et Shôjo kurabu (1923-1962, renommé Le manga de Riyoko Ikeda est souvent perçu comme l’un des titres qui a (re)défini le shôjo manga. Pourtant, la floraison de La Rose de Versailles ne s’est pas produite en un seul jour ; ses racines puisent profondément dans la culture shôjo. Julia Popek Shôjo Club en 1946). Il s’agit de magazines féminins généralistes, avec du contenu scolaire et des articles sur la mode, la cuisine, la couture, le cinéma ou encore des actualités sur la revue Takarazuka. L’attraction principale reste cependant les shôjo shôsetsu (littérature shôjo), accompagnées d’illustrations, dont les principaux thèmes pour l’époque sont la famille, le S, la foi, la revue Takarazuka, l’école ainsi que la maladie et la mort. Aussi, quelques mangas sont publiés dans ces magazines. La majorité d’entre eux prennent cependant la forme de comic strips et se veulent amusants ou éducatifs. Les mangas à histoire sont alors minoritaires et sont généralement publiés dans des suppléments dédiés. D.R. Avec son héroine mêlée à la révolution pour renverser le tsar, Shiroi toroika (1965) de Hideko Mizuno préfigure ce que sera La Rose de Versailles. Le site Kogundô montre un exemple de Shôjo Shôsetsu avec ce recueil de 1955 qui contient deux histoires de Junnosuke Hara, Akai Fûsha et Ayako to Kazuko, illustrées par Hiroshi Katsuyama. 4 Eiko Hanamura (1929-2020) transforme l’essentiel de la prose des emonogatari en monologues intérieurs qui deviendront une composante essentielle de la narration shôjo. Contexte éditorial Pendant les années 1950 et 1960, les mangas à destination d’un public féminin possèdent deux principaux vecteurs de diffusion. Les magazines en sont le premier. Dans la continuité des revues de début du siècle, leur contenu reste généraliste, mélangeant articles et fictions. À la prépublication de mangas et de shôjo shôsetsu s’ajoutent les emonogatari, une forme d’histoires illustrées dont la paternité est attribuée à Sôji Yamakawa (19081992), avec une composition visuelle proche des mangas, mais dont le texte est essentiellement en prose, comme dans les shôjo shôsetsu. Outre le Shôjo Club de Kôdansha, les principaux magazines de la période sont le Nakayoshi (1954) toujours chez Kôdansha, les Shôjo Book (1951-63) et Ribon (1955) de Shûeisha et enfin le Shôjo (1949-63) de Kôbunsha. Le Shôjo Club est remplacé par le Shôjo Friend (1963-1996) tandis que le Shôjo Book est remplacé par le Margaret (1963). Au fil des années, ces magazines se spécialisent en mangas, délaissant les articles et les shôjo shôsetsu. Les emonogatari y survivent jusque dans les années 1970. Des magazines spécialisés en shôjo shôsetsu émergent alors, comme le Shôsetsu Junior (1966-1982) de Shûeisha. Ces magazines mangas visent principalement des élèves d’école primaire et de collège. Il faut attendre la fin des années 1960 pour voir des magazines dédiés à un public de lycéennes et d’étudiantes. Le Seventeen (1968-2021) de Shûeisha est le premier du genre. Ce dernier divise cependant son contenu en trois parties : des mangas (qu’il abandonne en 1988), de la mode et de la presse people. Le second vecteur de diffusion est celui des kashihon, des livres conçus pour être loués dans des librairies spécialisées. Les kashihon manga, comme ceux des magazines, sont catégorisés en fonction de leur lectorat, féminin ou masculin. Les deux maisons d’édition Wakagi shobô et 5 Tokyo manga shuppan-sha sont particulièrement versées dans le shôjo manga. Par leur mode de distribution, les kashihon manga proposent directement des histoires en un unique volume relié, ou des séries de quelques volumes. Ces tomes sont généralement rassemblés en collections. Wakagi shobô possède ainsi la collection Himawari Book (1959-1968) pour un total de 474 volumes, tandis que Tokyo manga shuppansha multiplie les collections thématiques comme shôjo romance ou shôjo thriller. En plus de ces collections, certaines maisons d’édition proposent aussi des anthologies d’histoires courtes. Ce format ressemble ainsi aux magazines. Parmi les anthologies les plus notables dédiées aux shôjo manga, se trouvent Izumi (1958-1965) de Wakagi shobô ou encore Niji (1959-circa 1965) de Kin’ensha. Dans l’ensemble, les kashihon manga ont moins de contraintes éditoriales que les mangas de magazines, leur qualité est donc très variable. Dans le même temps, cela facilite les innovations et permet à beaucoup de nouveaux talents, en particulier les femmes, de débuter leur carrière. Depuis les origines, la majorité des mangakas de shôjo sont des hommes. Mais les femmes deviennent rapidement majoritaires dans les années 1960. Si bien qu’à la fin de la décennie, les hommes deviennent une espèce en danger critique d’extinction, ce qu’ils sont toujours aujourd’hui. Toutefois, les éditeurs de l’époque restent encore exclusivement des hommes. Naissance d’un style Selon le critique et mangaka Eiji Ôtsuka (MPD Psycho), le shôjo manga est initialement peu différent du shônen manga en termes de style. Ainsi de Nazo no Clover (Shôjo no tomo, 1934) de Katsuji Matsumoto (1904-1986), à Princesse Saphir (Shôjo Club, 1953-1956) d’Osamu Tezuka Jun’ichi Nakahara (1913-1983) offre un art raffiné et s’est fait remarquer dans le monde du manga et de la mode. Mika wa ikita, dessinée et écrite par Kyôko Takeda, met en scène une survivante de Hiroshima et est spécifiquement créée pour promouvoir le pacifisme. DOSSIER LADY OSCAR LE SHÔJO MANGA AVANT LA ROSE DE VERSAILLES 6 (1928-1989), les mangakas cherchent à rendre les planches dynamiques, à faire ressentir les mouvementsdespersonnages.Conséquemment, beaucoup d’héroïnes de l’époque sont des otenba, des garçons manqués. Elles sont vives, énergiques, peuvent parfois prendre des armes pour combattre, voire porter des vêtements de garçons sous l’influence de la revue Takarazuka. La différence entre shôjo et shônen est donc essentiellement d’ordre thématique. Les shôjo manga d’alors reprennent en grande partie les thèmes des shôjo shôsetsu d’avant-guerre. Ces derniers, mais aussi les emonogatari d’aprèsguerre, sont accompagnés d’illustrations de style jojôga, la peinture lyrique. Influencés par l’Art nouveau et l’Art déco, les artistes de ce style représentent des filles aux grands yeux pleins de relief, aux corps longs et fins, habillées à la mode de l’époque et qui sont souvent accompagnées de décorations florales. Parmi les peintres les plus connus du domaine, on compte Jun’ichi Nakahara (1913-1983), Kashô Takabatake (1888-1966) ou encore un certain Katsuji Matsumoto. Macoto Takahashi (1934-2024) est un mangaka et illustrateur qui s’inscrit dans la lignée jojôga. Ses deux kashihon manga Paris-Tokyo (1956), un drame familial, et Sakura namiki (1957), une romance S dans un club de ping-pong, reprennent le style de Nakahara. Les planches sont ponctuées de décorations, les cases commencent à disparaître, à se chevaucher ou sont stylisées comme dans les emonogatari. Les planches alternent d’ailleurs entre style manga et emonogatari, et lors des matchs de ping-pong, plutôt que de rechercher du dynamisme, elles se font abstraites et symboliques pour faire ressortir les tourments des joueuses. À partir d’Arashi o koete (Shôjo, 1958), Takahashi ajoute des sutairu-ga (gravures de mode) dans les marges de ses mangas, avec les héroïnes comme mannequins. Masako Watanabe (1929), réputée pour son usage fin des couleurs, hybride elle aussi manga et emonogatari avec son conte de fées Hana no sei Chuchu (Ribon, 1962). Là où Takahashi a tendance à alterner entre les deux styles de narration en fonction des scènes, Watanabe combine les deux sur une même planche. Eiko Hanamura (1929-2020), elle aussi influencée par Nakahara, pousse le concept plus loin encore dans le drame familial Autant en emporte la brume (Margaret, 1966-67). L’aspect emonogatari se fond totalement dans le manga, les passages en prose étant parfaitement intégrés dans la narration ; Eiko Hanamura transforme l’essentiel de la prose en monologues intérieurs qui deviendront une composante essentielle de la « narration shôjo ». Férue de littérature, tant occidentale que japonaise, Hanamura s’est ouvertement inspirée de l’atmosphère de Hana monogatari (Shôjo gahô, 1916-1926) de Nobuko Yoshiya (1886-1973). Œuvre fondatrice du shôjo shôsetsu, Hana monogatari est caractérisée par cet usage abondant des monologues intérieurs. Rêves, fantaisies et glamour Un genre très populaire profite tout particulièrement de ces changements stylistiques : les histoires de ballet. Maki no kuchibue (Ribon, 1960) de Miyako Maki (1935) est une œuvre majeure du début de la décennie, qui mélange ballet, drame familial et maladie. Les sutairu-ga sont initialement des éléments extra-diégétiques, purement décoratifs. Mais Maki modifie la technique pour représenter l’héroïne dans ses costumes de ballerine, en plein milieu des pages et parfaitement intégrée au récit. Le but est de vendre du glamour aux lectrices en montrant des tenues toutes plus sublimes les unes que La culture shôjo apparaît au début du XXe siècle au Japon, avec le développement des écoles secondaires pour filles. L’impact du mouvement beheiren, né en 1965 et qui lutte contre l’intervention du Japon au Viêt Nam, va s’étendre jusqu’au shôjo manga. La revue Shôjo no Tomo, lancée en 1958, fait partie des premiers magazines généralistes de la presse féminine. D.R. 7 les autres. Le manga devient alors un véritable défilé de mode, et les éditeurs ne s’y trompent pas : ils organisent des concours pour faire gagner aux lectrices certaines robes portées par l’héroïne. Depuis longtemps, certains mangakas font particulièrement attention aux tenues de leurs héroïnes, comme Masako Watanabe qui débute en 1952, ou même Katsuji Matsumoto.Maislatechniquedu sutairu-ga exacerbe la tendance, et il devient alors difficile de dessiner un manga à succès sans posséder un bon sens de la mode. Le soin apporté aux tenues et coiffures gagne petit à petit une valeur symbolique : d’un seul coup d’œil, il devient alors possible de déterminer le statut social des personnages, leur origine culturelle ou encore leur personnalité. Tout est bon pour montrer de belles tenues, à commencer par situer les intrigues en Occident. Si dans la plupart des mangas, le pays est obscur ou fictif, deux pays Depuis les origines, la majorité des mangakas de shôjo sont des hommes mais les femmes deviennent rapidement majoritaires dans les années 1960. D.R. DOSSIER LADY OSCAR LE SHÔJO MANGA AVANT LA ROSE DE VERSAILLES bien identifiés sortent particulièrement du lot : la France, associée au milieu des arts, de la mode et de l’aristocratie, et les États-Unis, associés à Broadway et Hollywood, au rêve américain et aux agences d’espionnage. En effet, dès ses origines la culture shôjo promeut un désir particulier pour la France, porté par la revue Takarazuka, l’intérêt pour la mode, et des artistes comme Jun’ichi Nakahara ou Macoto Takahashi, qui ont un attrait marqué pour la culture française. Quant à l’intérêt pour les États-Unis, il provient de la proximité culturelle qui s’est construite avec l’occupation américaine d’après-guerre, entre 1945 et 1952, ainsi que par les films d’Hollywood, notamment les histoires d’amour comme Sabrina (1954), Vacances romaines (1953) ou encore Le Portrait de Jennie (1949). Ces trois films sont d’ailleurs régulièrement adaptés en shôjo manga, souvent de manière très libre. La fresque historique, souvent située à l’étranger, est une autre méthode pour représenter de beaux vêtements. Yôko Kitajima (1943) dessine par exemple Nicolas (Nakayoshi, 1963), une romance tragique entre une villageoise et un chevalier, lors d’une révolution anti-royaliste en France. Son œuvre la plus notable du domaine est cependant Nile no Ôkan (Shôjo Friend, 1963-1964) avec Tsutomu Miyazaki (1933-1981, à ne pas confondre avec le tueur en série du même nom) au scénario. Située en Égypte antique, on y suit les aventures de la princesse Marble qui, chassée du royaume par sa belle-mère, doit reprendre son trône. Cette œuvre donne naissance à une tendance pour les shôjo manga situés en Égypte antique, qui atteindra son apogée au milieu des années 1970 avec le célèbre Farao no haka (Shôjo Comic, 1974-1976) de Le magazine Nakayoshi de Kôdansha est lancé en 1954 et fait figure de plus vieux magazine de manga encore en activité. Il a accueilli des titres comme Princesse Saphir, Card Captor Sakura ou encore Sailor Moon. Ribon (1955) est un magazine historique de Shûeisha. Gokinjo, Gals! ou Chibi Maruko-chan sont passés dans ses pages. 8 Macoto Takahashi (1934-2024) est une référence de l’esthétique shôjo. 9
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