MARIE CLAIRE n°861 - Page 10 - 861 D I S P O N I B L E S U R D I O R . C O M 11 DANT STUDIO/H&K. LINA ZANGERS. sommaire 21 ÉDITO 24 CONTRIBUTEUR·RICES 26 EN RÉSIDENCE 28 CHRONIQUE «Faire de la place à l’amour, ce n’est pas être déraisonnable» TOCADES 31 MAI Tout ce qui va nous faire vibrer ÉPOQUE 38 LE PHÉNOMÈNE Cool argenterie 40 NEWS L’actu qui nous touche, nous interpelle 46 GRAND REPORTAGE Israël/Palestine: ces militantes qui luttent encore pour la paix STYLE 58 Le cahier de tendances mode et beauté TÊTE-À-TÊTE 78 ENTRETIEN Monica Bellucci 86 RENCONTRE Après minuit avec Golshifteh Farahani 90 INTERVIEW Le questionnaire de Véronique Ovaldé 93 SOUVENIRS La photo d’enfance de Paul Mirabel CULTURE 96 Notre sélection musique, expos, scènes, cinéma, séries, livres SOCIÉTÉ 120 PSYCHO (Re)trouver l’amour 124 ENTRETIEN Julie Gayet: «Il n’y a rien de plus violent que le silence» 128 MODE Western moderne 132 PORTRAIT Salimata Diop, la jeune femme en feu 136 STORY Sandra Hüller: anatomie d’une (nouvelle) star 142 REPORTAGE Morsal et Zamira: de Kaboul à la France, la vie après 146 PHÉNOMÈNE Livremania 151 MOI LECTRICE «Un inconnu croisé dans la rue a ranimé mon désir» Entre les pp. 242 et 243: 16 pages Édition Midi-Pyrénées (départements 09, 12, 31, 32, 46, 65, 81, 82); 8 pages Édition Paris; 24 pages Édition Rhône-Alpes (départements 01, 26, 38, 42, 69, 73, 74); 24 pages Édition Sud (grand format, départements 04, 05, 06, 13, 20, 83, 84, 98 Monaco); 34 pages Édition Suisse (grand format). Un échantillon Yves Saint Laurent collé p. 43 (abonnés et kiosques partiels petit format France métropolitaine). Un échantillon Weleda collé p. 75 (abonnés et kiosques partiels grand format France métropolitaine). Un échantillon Nuxe collé p. 115 (abonnés et kiosques France métropolitaine). Un échantillon Mixa collé p. 203 (abonnés et kiosques grand format France métropolitaine). Un encart de 2 pages Carolina Herrera avec liquatouch broché entre les pages 38 et 39 (abonnés et kiosques grand format France métropolitaine). Un encart de 2 pages Burberry avec scentseal broché entre les pages 162 et 163 (abonnés et kiosques grand format France métropolitaine). Un encart abonnement jeté (grand format kiosques partiels France métropolitaine). Un encart Edi Group jeté (grand format kiosques Suisse). Marie Claire (USPS n° 0329180) is published monthly for $102 per year. Periodical postage paid at Champlain, N.Y., and additional mailing offices POSTMASTER: send address changes to IMS of New York, PO Box 1518, Champlain N.Y., 12919-1518. For details call IMS 1 800 428 3003. Monica Bellucci, photographiée par Dant Studio/H&K. Réalisation Darcy Backlar. Veste en laine Jacquemus. Collier et bague Clash, en or rose et onyx Cartier, collant résille Calzedonia, mules Mugler. Assistante stylisme Héloïse Poggioli. Coiffure John Nollet pour la Maison de Beauté Carita (11, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris 8e ), assisté de Pierrick Sellenet. Maquillage Letizia Carnevale. Manucure Marcea Gomes. Set design Manon Beriot, assistée de Pia Montagne. Production H@K. Robe en laine La Galpa. Créoles Clash, en or rose et bagues Love et Clash en or Cartier, escarpins en cuir Prada. p.78 Monica Bellucci p.156 Gemmes tendres 13 MAONA MICOUD. ALEKSANDAR GOSPIĆ. Chaque mois, retrouvez l’édition digitale de votre magazine sur votre smartphone ou tablette. L’édition digitale est incluse dans votre abonnement au magazine papier. Retrouvez nos offres d’abonnement pages 118, 150 et 241. Retrouvez notre nouvelle offre d’abonnement. MODE 156 Gemmes tendres 174 La lectrice 186 REPÉRAGES Les 4 envies de mai 187 JOAILLERIE Le chiffre d’or de Boucheron 188 NEWS JOAILLERIE Pépites estivales 189 CURRICULUM Les impers gagnants d’Herno BEAUTÉ 192 MODE D’EMPLOI Solaires, la juste protection 198 SPÉCIAL CORPS Une peau lisse et ferme 206 QUESTIONS/RÉPONSES Cheveux: 10 idées reçues 214 INTERVIEW Les fondamentaux d’Ashley Graham 216 Notre cahier make-up, cosméto, parfum, forme et mode d’emploi LIFESTYLE 232 DESTINATIONS Belles îles 236 FOOD Masterclass: les «pici» verts 238 INTÉRIEUR Le coin fétiche de Lauren Bastide 240 COUPS DE CŒUR Le carnet d’Elvira Masson 242 HOROSCOPE p.192 Solaires, la juste protection SUIVEZ-NOUS SUR X (EX-TWITTER) @MARIECLAIRE_FR SUIVEZ-NOUS SUR INSTAGRAM @MARIECLAIREFR p.232 Belles îles Plage de Sunj, à Lopud. 18 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Arnaud de Contades 9, PLACE MARIE-JEANNE-BASSOT, CS 50238, 92593 LEVALLOIS-PERRET CEDEX. TÉL.: 01 41 46 88 88. FAX: 01 41 46 86 86 MARIECLAIRE.FR RÉDACTION DIRECTRICE DES RÉDACTIONS Katell Pouliquen Delphine Elduayen, assistante: 01 41 46 88 47 DIRECTEUR ARTISTIQUE Adrien Pelletier RÉDACTRICE EN CHEF MAGAZINE Nathalie Dolivo RÉDACTRICE EN CHEF CULTURE ET CÉLÉBRITÉS Philomène Piégay RÉDACTION EN CHEF MODE Aristopretext Lda, Darcy Backlar RÉDACTRICE EN CHEF BEAUTÉ Aurélie Lambillon RÉDACTION EN CHEF ADJOINTE LIFESTYLE Middaag, Elvira Masson MODE Anna Quérouil, rédactrice en chef adjointe et market editor Agathe Gire, rédactrice Delphine Elduayen, assistante: 01 41 46 88 47 Judith Levent, chargée du shopping BEAUTÉ Nolwenn du Laz, rédactrice en chef adjointe Sophie Migliorero, assistante: 01 41 46 87 07 MAGAZINE Catherine Durand, rédactrice en chef adjointe société Catherine Castro, grande reporter Thomas Jean, journaliste CHEF D’ÉDITION Frédéric Valion PHOTOGRAPHIE Maria Bojikian, directrice MAQUETTE Arnaud Mendes-Seignour, chef de studio India Muël, rédactrice graphiste SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Bertrand Cazanave, premier secrétaire de rédaction Sophie Lefaure-Tavière, mode-beauté COURRIER DES LECTRICES 01 41 46 88 47 PROMOTION Vincent Leccia, chef studio graphique DIRECTION-ÉDITION DIRECTRICE GÉNÉRALE DÉLÉGUÉE DU GROUPE MARIE CLAIRE Gwenaëlle Thebault Sophie Delisle, assistante: 01 41 46 85 51 PUBLICITÉ GMC MEDIA Anouk Kool, directrice executive régie: 01 41 46 88 60 DIRECTION COMMERCIALE BRAND Claire Schmitt, directrice déléguée Brand GMC Média: 01 41 46 89 60Zahra Nourhashemi,assistante:01 41 46 88 22 DIRECTRICE PUBLICITÉ ET DIRECTRICE PÔLE MODE/ JOAILLERIE Clémence Procnard:01 41 46 80 59 DIRECTRICE PÔLE BEAUTÉ Valérie Vallejo DIRECTRICE PÔLE LUXE & INTERNATIONAL/FASHION MARKET EDITOR Laura SalviDIRECTRICE PÔLE DÉCORATION/AUTOMOBILE Séverine Petit DIRECTRICE PÔLE DISTRIBUTION/ALIMENTATION/ BOISSON/BANQUE/ASSURANCE GéraldineKeller DIRECTION COMMERCIALE PÔLE AGENCES ET ADV Anne-Caroline de Stoppani,directrice déléguée des agences Trade et Conseil GMC & référente RSE:01 41 46 87 57RESPONSABLE TRADING Annabelle Comin:01 4146 89 17RESPONSABLE TRADING PROGRAMMATIQUE AncaMaria Ardélean: 01 41 46 85 36COORDINATION COMMERCIALE Géraldine Verhage: 01 41 46 85 25 DIRECTRICE ADMINISTRATION DES VENTES Daphné Roca OPÉRATIONS SPÉCIALES Jean-Jacques Benezech, directeur délégué des opérations spéciales GMC Média, et son équipe: 01 41 46 83 97 OPÉRATIONS PUBLICITAIRES Ali Kone, directeur délégué de la transformation numérique Data & innovation GMC Média: 01 41 46 86 14 DIRECTRICE DU SERVICE PLANNING Marie-Christine Sourimant: 01 41 46 88 41 RESPONSABLE DE PROMOTION Carole Payen: 01 41 46 87 33 DIGITAL Élodie Bousquet, rédactrice en chef Emmanuelle Ringot, cheffe de service RÉDACTION Gwendoline Beauchet, Marie Dilou, Joanna Gabriel, Juliette Hochberg, Maëlys Peiteado, Aurélie Sogny, Justine Strazel (social media manager). Amalric Poncet, directeur général délégué Véronique Fesquet, web-éditrice MARKETING ET ÉDITIONS RÉGIONALES Laurence Témin, directrice DIVERSIFICATION Catherine Morin, directrice Céline Ettou, responsable produit et diversification Sonia Ducasse, responsable diversification et partenariats COMMUNICATION Agence Chupa Renié Communication (chupa@chuparenie.com) ÉDITION LIVRES Nathalie Viard, directrice pôle édition: 01 41 46 89 87 BOX MARIE CLAIRE Claire-Marie Gautier, responsable: 01 41 46 87 88 OPÉRATIONS Valérie Meyer, directrice DIFFUSION Dominique Darçon-Dubezin, directrice ventes au numéro Élisabeth Anger-Moulard, responsable ventes au numéro Abonnements: www.magazines.fr Daphné Rochet, responsable abonnements Service client: leserviceclient@magazines.fr 01 84888222 (prix d’un appel local) du lundi au vendredi de 8 h à 19 h, le samedi de 8 h à 16 h FABRICATION ET SERVICES GÉNÉRAUX Emmanuel Dezert, directeur Manuelle Guillambert, cheffe de fabrication: 01 41 46 88 28 Rachida Malki, chargée de fabrication: 01 41 46 87 91 Christophe Bennot, responsable flux de production éditoriale: 01 41 46 88 56 MARIE CLAIRE INTERNATIONAL Jean de Boisdeffre, directeur du développement international: + 33 (0) 1 41 46 88 64 Félix Droissart, directeur adjoint et financier Nicia Rodwell, international brand director Céline Hananel, cheffe de projet opérations spéciales David Jullien,chief digital officer Galia Loupan, chief content officer Marie Bazin, coordination éditoriale Florence Deladrière, rédactrice en chef adjointe mode-beauté LA NOUVELLE CRÈME CLARIFY & REPAIR1 RÉDUIT VISIBLEMENT L’INTENSITÉ DES TACHES EN 8 SEMAINES2 1 Clarifiante et réparatrice. 2 Évaluation clinique par un dermatologue, 47 femmes, 2 applications par jour. 21 Katell POULIQUEN, directrice des rédactions édito ongtemps, elle fut d’abord une madone au regard d’une douceur renversante, un corps spectaculaire. Vinrent des rôles ébouriffants, des planches où elle excella en Callas. Et tout fut dit et écrit sur Monica Bellucci, star pour toujours. Pourtant, depuis quelque temps déjà, elle prend un plaisir non feint à ébrécher cette statue de diva. Et n’en est que plus irrésistible. Dans la série Dix pour cent, elle nous régalait en caricature de comédienne en mal de sensations « normales », cherchant un amoureux «qui paie ses factures et sort les poubelles». «Rigoler de soi, même quand on est ridicule, ça vous vient avec l’âge, une fois que vous avez fait la paix avec vous-même et le deuil du temps qui passe», nous confie-t-elle ici. Drôle, apte à l’autodérision, féministe (elle parle de la nouvelle vague #MeToo dans le cinéma français en des termes limpides et réjouissants), généreuse, on saisit mieux pourquoi on l’aime autant, et de plus en plus, cette star sans fard, sincère amie des femmes. Dans ce numéro de mai, alors que se profile le Festival de Cannes qui l’acclama l’an dernier, nous avons eu envie aussi de décrypter le phénomène Sandra Hüller, l’actrice totale d’Anatomie d’une chute. Qui, sous nos yeux ébahis, déconstruit de façon jouissive le statut traditionnel d’icône de cinéma. Une tornade inclassable que cette actrice grandie en Allemagne de l’Est, semblant affranchie des jeux traditionnels de la séduction et jouant une palette courant du trash au glam avec un égal génie. Sa force et sa liberté provoquent une «hüllermania» mondiale, emballant le milieu du cinéma comme celui de la mode – Phoebe Philo ne s’y est pas trompée en l’élisant égérie de sa dernière collection. Le jour où elle a été nommée aux Oscars, elle était devant chez elle à Leipzig en train de sortir les poubelles (décidément!), a-t-elle avoué avec délectation. Un nouveau genre de star est né. Après les divas L PIERRE LUCET-PENATO. 24 contributeur·rices Lina Zangers PHOTOGRAPHE Elle a shooté notre série mode joaillerie. D’OÙ VENEZ-VOUS? D’une petite ville allemande, ce qui m’a donné le goût de la simplicité et de la beauté de la nature. Actuellement, je réside à Berlin où mon travail s’enrichit de diverses perspectives et influences. POURQUOI FAITES-VOUS CE MÉTIER? J’y trouve un moyen profond de me connecter aux autres. La photo permet de donner du sens à la complexité et à la beauté de nos vies quotidiennes. VOTRE MOMENT PRÉFÉRÉ PENDANT LE SHOOTING AVEC NOTRE RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE MODE ANNA QUÉROUIL? Tout le processus collaboratif qui a permis de faire naître notre vision. VOTRE FEMME PRÉFÉRÉE? À part les femmes de ma famille, j’admire la biologiste Sylvia Earle. Elle a été une océanographe pionnière et a dédié son existence à la conservation des océans et à la protection des écosystèmes marins. Par son travail et son héritage, elle a initié un mouvement global de préservation de l’une des ressources de notre planète les plus vitales pour les générations futures. Arnaud MendesSeignour CHEF DE STUDIO Il est aussi un pâtissier et cuisinier émérite qui teste toutes ses recettes sur la rédaction (bluffée) de Marie Claire. D’OÙ VENEZ-VOUS? Je suis né et j’ai grandi à Angoulême, mère provençale et père portugais, dans une Charente ultra-pluvieuse et plutôt paisible. POURQUOI FAITES-VOUS CE MÉTIER? Après des études en histoire de l’art et une école de design graphique, j’ai atterri dans la presse suite à un premier stage au magazine GQ, et je n’ai plus quitté ce milieu. Le fait d’être au sein d’une rédaction, entouré de journalistes, me rend très heureux car au-delà des images, j’adore les textes et la littérature. La presse combine les deux et m’offre une belle stimulation intellectuelle au quotidien. VOTRE MOMENT PRÉFÉRÉ DURANT LA PRÉPARATION DE CE NUMÉRO? ET LA CONFECTION HEBDOMADAIRE DE PÂTISSERIES POUR TOUTE L’ÉQUIPE? J’étais impatient de voir les photos de l’iconique Monica Bellucci! J’étais aussi curieux de lire le reportage en Israël sur les femmes militant pour la paix, sujet ultra-sensible mais essentiel. Les pâtisseries que je prépare, c’est le rituel de la conférence de rédaction du mardi. J’ai une obsession pour la cuisine… Ce que je préfère, c’est le regard illuminé de mes collègues au moment où je sors les gâteaux de leur boîte. VOTRE FEMME PRÉFÉRÉE? Sans doute Virginia Woolf et Marguerite Yourcenar (et aussi ma mère, qui m’a mis les Mémoires d’Hadrien dans les mains quand j’avais 15 ans). Frédéric Stucin PHOTOGRAPHE Il a saisi l’actrice Golshifteh Farahani après minuit. D’OÙ VENEZ-VOUS? D’une famille slovène qui a fui un pays qui n’existe plus (la Yougoslavie) et qui a atterri à Nice, dans une de ces banlieues dont on parle seulement dans la rubrique faits divers. Mais au moins, la météo était clémente! POURQUOI FAITES-VOUS CE MÉTIER? Par curiosité. Pour aller à la rencontre de patients en psychiatrie, de danseurs de ballet, de comédiens, de travestis, de scientifiques… Et pour voir à quoi ressemble le monde une fois photographié. VOTRE MOMENT PRÉFÉRÉ DURANT LE SHOOTING AVEC GOLSHIFTEH FARAHANI? Le début du shooting, le milieu du shooting, la fin du shooting, et le petit whisky japonais. VOTRE FEMME PRÉFÉRÉE? Celle qui partage ma vie (et me supporte) depuis vingt ans. Violaine Binet JOURNALISTE Elle a rencontré la brillante Salimata Diop, directrice artistique de la Biennale Dak’Art 2024. D’OÙ VENEZ-VOUS? J’ai toujours vécu à Paris. Enfant, j’accompagnais mon père dans les galeries d’art et à Drouot. Ma mère, pianiste, a mis fin à une carrière de concertiste pour être présente en famille, avec ses trois filles. J’ai eu la chance d’avoir une enfance privilégiée, entourée de chaleur et de fantaisie. POURQUOI FAITES-VOUS CE MÉTIER? Pour faire partager ma passion de la littérature et de l’art du continent africain. La scène est tellement riche, tellement énergétique! VOTRE MOMENT PRÉFÉRÉ PENDANT LA RÉALISATION DU PORTRAIT DE SALIMATA DIOP? Pour faire son portrait, je l’ai vue plusieurs fois, chez elle à La Rochelle et à Paris. Chaque rencontre était exceptionnelle. Son parcours me fascine. Le métier de commissaire d’exposition réclame énormément de travail et il est souvent précaire. Salimata a fait son chemin sans relation dans le milieu élitiste de l’art contemporain. Il y a eu des moments difficiles. Elle ne s’en cache pas. Elle est brillante et émouvante. VOTRE FEMME PRÉFÉRÉE? Ma mère, sensible, déterminée, aimante, liante, tendre, remplie de joie de vivre. C’est un cadeau dans l’existence d’avoir une mère aussi touchante. Je l’ai perdue trop tôt. Mais la vie m’a fait cet autre cadeau de retrouver ce chapelet de qualités chez ma fille, qui lui ressemble à sa manière: un soleil. COLLECTION PERSONNELLE (X3). JULIEN MIGNOT. 26 Camille Deschiens en résidence Jean Seberg, 2018. Des contours délicats, un trait de mélancolie, et toujours cette atmosphère enveloppante et cinématographique… Au fil des dessins, Camille Deschiens explore les histoires de couple, sonde les sentiments, raconte une intimité vibrante, dans une œuvre aimantée par le 7e art. «Ce qui m’intéresse, c’est mettre en scène une ambiance, un décor, explique l’illustratrice, tout juste 30 ans, originaire de Nantes et diplômée de la Haute école des arts du Rhin (HEAR). Ici, un homme regarde À bout de souffle, et s’imagine que Jean Seberg est assise à côté de lui… C’est très réel, troublant, et c’est en cela que le cinéma me semble si inspirant.» Père ultra-cinéphile, mère férue de peinture, la jeune fille grandit entre films et expos, dessine, apprend dans ses cours de modèle vivant. Influencée par l’œuvre du peintre Marc Desgrandchamps, silhouettes flottantes, corps quasi fantomatiques, elle confronte sa boîte de crayons de couleur – son outil de prédilection – à la rêverie, à la poésie, au silence. ADEPTE DE LA PATIENCE, elle joue sur les transparences, déploie en douceur ses superpositions pour passer nos intimités au crible. «Mon univers visuel est marqué par des moments de cinéma, des couleurs, des plans, des paysages ou des détails qui caractérisent les personnages, poursuit-elle. J’ai eu une période Desplechin/Honoré, leur dimension très littéraire m’a influencée; aujourd’hui, j’adore Julie (en 12 chapitres)*, ce que le film raconte des histoires de couple. Et ses petits détails… L’héroïne a, par exemple, souvent les cheveux coincés dans son pull: ce genre de micro-accident peut me rendre folle.» Entre deux commandes pour des magazines, Camille Deschiens prépare un recueil de croquis et dessins autour du couple, à paraître à l’automne. Elle illustre notre sujet «(Re)trouver l’amour» (p. 120), et nous découvrirons à nouveau son travail dans le prochain numéro. (*) De Joachim Trier, 2021. Marie Claire met en avant une artiste visuelle émergente et l’invite à intervenir dans le magazine. L’illustratrice Camille Deschiens est la nouvelle invitée de cette «résidence». Portrait. Par Philomène PIÉGAY COURTESY DE L’ARTISTE. 28 CHRONIQUE Chaque mois, la philosophe Marie Robert* partage quelques principes pour rendre le quotidien plus léger. En mai, avec Emmanuel Levinas, elle nous invite à nous laisser bouleverser par la rencontre amoureuse. Pour mieux se rencontrer soi-même. C’EST UN DÉSIR ÉTRANGE, DIFFICILE À CERNER. Il s’immisce dans la colonne vertébrale. Il agite l’esprit. C’est un flux qui jaillit au centre du cœur. C’est l’envie soudaine d’aimer. Ou plutôt, celle de remettre l’amour au centre de notre vie, de lui redonner toute son importance. Il faut dire que ces dernières années, vous l’aviez un peu oublié. Pris en étau entre les soucis quotidiens et les urgences continues, l’amour n’avait plus tout à fait sa place dans vos journées. Vous n’aviez pas le temps pour ça, vous finissiez par vous dire qu’il n’était qu’une chimère, une palpitation adolescente ne concernant que ceux qui n’ont rien d’autre à faire. Vous étiez convaincue que les feux de l’amour étaient derrière vous et que la sage raison avait pris le relais sur la passion. Après tout, grandir, n’est-ce pas faire des concessions? N’est-ce pas abandonner nos fantasmes? Et puis voilà que, sans prévenir, la fougue était revenue vous cueillir. Rien de concret, certes, mais un regard qui s’éclaire et ose regarder vers l’horizon. Chamboulée, vous ne savez plus quoi faire. Et si vous étiez prête à renouer avec l’amour? Et si vous vous autorisiez l’audace d’être chavirée par une rencontre? Quelle étrange aventure que la rencontre amoureuse! On l’espère. On l’attend. On la rêve. On la provoque. On la suscite sur Internet. Et puis, parfois, elle arrive enfin. Alors, le rythme cardiaque s’emballe, les papillons colonisent notre ventre. On comprend que rien ne sera plus jamais comme avant. Le plus curieux sans doute est que la rencontre repose sur un paradoxe. Quand on ‘rencontre’ quelqu’un, par définition, on ne connaît rien de la suite. Il faut que la rencontre se poursuive pour en savoir quelque chose, pour en saisir la teneur. Au moment où elle se produit, on fait face à une énigme. Que vont devenir ces yeux qui se sont croisés? Qu’allons-nous nouer? Un flirt d’un soir ou l’amour d’une vie? Les romans d’amour ou les récits amoureux sont toujours rétrospectifs, la rencontre y est systématiquement reconstruite par le souvenir, par ce qu’on sait de l’après. Mais dans nos vies, pour bien la vivre, il faut accepter l’errance, le vertige. Il faut accepter de tanguer, de tenter, accepter de ne pas maîtriser, et même, d’être déçu. L’amour n’est pas une science, pas une performance, il est un miracle, un tremblement. Il exige que l’on se rende disponible à son surgissement. Lui faire de la place, ce n’est pas être déraisonnable ni puéril, c’est faire face à la magie du vivant, qui peut nous apporter un bonheur et un émerveillement que nous n’aurions jamais pu envisager. IL Y A CES MOTS BOULEVERSANTS du philosophe Emmanuel Levinas, qui résume la beauté de la rencontre amoureuse: ‘Avant de te rencontrer, je ne savais pas que tu existais, je ne savais pas non plus qu’existait en moi cette part de moi. Tu m’as appris qu’il n’était pas trop tard en moi pour cette part de moi.’ La rencontre ne laisse pas deviner sa suite, mais se caractérise par ce qu’elle provoque en nous, ce qu’elle offre de perspectives, d’émotions, de réflexions, de transformations. Avons-nous envie de nous priver de cette puissance que nous offre l’amour? N’est-il pas temps de laisser la rencontre nous bouleverser ou peut-être même, d’oser se rencontrer à nouveau? Et si la sagesse était de faire de l’amour ce que nous avons de plus sacré? (*) Dernier ouvrage paru: Une année de philosophie, éd. J’ai lu. COLLECTION PERSONNELLE. “Faire de la place à l’amour, ce n’est pas être déraisonnable” le mantra de Marie NARCISORODRIGUEZ.COM p h o t o g r a p h i e r e t o u c h é e
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