A/R MAGAZINE n°66 - Page 9 - 66 Voyages hors des sentiers battus 3 ÇA MANQUE D’OURS L e seul reproche que l’on puisse faire à la péninsule Antarctique est de ne pas héberger d’ours polaires. Ce n’est pourtant pas la place qui manque. Ni la glace ni le froid qui font défaut. Quant aux phoques, il y en a bien assez pour assurer un repas quotidien au fauve. En bref, toutes les conditions sont réunies pour qu’un ours vive là-bas dans la félicité, alors, pourquoi cette absence? Je pose la question parce que ce n’est pas une sinécure d’aller au-delà du 63e parallèle sud en naviguant sur une mer au tempérament irascible, et qu’on est par conséquent en droit à l’issue d’un tel voyage de voir des ours baguenauder sur des icebergs. Certes, il y a des manchots, des phoques, des otaries à fourrure, des léopards de mer, des éléphants de mer, des baleines à bosse ou sans bosse, des pétrels, des skuas, des sternes antarctiques… Toutes ces créatures nous émerveillent, mais aucune n’arrive à la cheville de l’ours blanc, aucune n’est plus grisante que lui. Qu’on se le dise, un paysage polaire grandiose exige l’ours blanc. Rêvons un peu : des ours du Grand Nord pourraient lâcher leur banquise qui fond pour s’installer sur le continent dont la glace fond bien moins vite. Qui pour s’opposer à un si beau projet? Eh, bien! tous ceux qui ne veulent pas servir de casse-croûte, à commencer par le manchot lequel pour échapper au nouveau prédateur devrait sur terre apprendre à accélérer son dandinement. Avouons le tout net, on le voit mal réussir. Mieuxvautdoncpouréviterunehécatombeserésignerànejamaiscontempler d’ours en Antarctique. Mais je parle et me désole, et je manque à mon objectif de présenter un peu le sommaire. Dans les pages qui suivent, vous découvrirez outre la péninsule Antarctique, la Corée du Sud, le village de Praz-sur-ArlyenHaute-Savoie,laRépubliqueDominicaine,Cuba…Nulle part, on n’a vu d’ours. Maintenant, je peux le confirmer, ce numéro est garanti sans ours. MICHEL FONOVICH Directeur de la publication ÉDITO 4 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Michel Fonovich mfonovich@ar-mag.fr RÉDACTRICE EN CHEF Sandrine Mercier smercier@ar-mag.fr DIRECTION ARTISTIQUE Florine Synoradzki & Julie Rousset GRAND-REPORTER Christophe Migeon cmigeon@ar-mag.fr JOURNALISTE MULTIMÉDIA Eglantine L’Haridon PARTENARIATS ET RÉSEAUX Jérémie Vaudaux DIFFUSION MLP CONTACT DIFFUSEURS ET DÉPOSITAIRES À juste titre : 04 88 15 12 47 RÉGIE PUBLICITAIRE Mediaobs 44, rue Notre-Dame-des-Victoires 75002 Paris Tél.: 01 44 88 97 70 Tél.: 01 44 88 suivi de 4 chiffres pnom@mediaobs.com Directrice générale: Corinne Rougé (93 70) Directrice de publicité: Caroline Paris (89 03) IMPRIMEUR Imprimerie de Champagne A/R MAGAZINE VOYAGEUR Publication trimestrielle Édité par les éditions du Plâtre SAS au capital de 10000€ 1 rue du plâtre — 75004 Paris Tél.: 06 87 83 22 56 R.C.S: 523 032 381 ISSN: 2971-0804 CPPAP: 1025 K 90544 Dépôt légal à parution © A/R le nouveau voyageur La reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiés dans ce magazine est interdite. IMAGE DE COUVERTURE © Untung Subagyo IMAGE DE SOMMAIRE © Antoine Lorgnier MERCI À TOUS NOS CONTRIBUTEURS Katia Astafieff, Maïté Baldi, Julien Blanc-Gras, Olivier Caillaud, Laurent Delmas, Clara Ferrand, Franck Ferville, Antoine Lorgnier, François Mauger, Tristan Savin, Emilie Seto, Marius Vaudelair, Albert Zadar. WWW.AR-MAG.FR 10-31-3162 8 HERVÉ PAUCHON 14 CORÉE DU SUD 36 ANTARCTIQUE 52 PRAZ-SUR-ARLY 76 RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 90 MARSEILLE Le Valais -Suisseété 2024 67 À venir : Mais pas que… Pour les Dom-Tom, 44,60€ pour 6 numéros Europe ( dont Suisse): 51,60€ pour 6 numéros International: 56,60€ pour 6 numéros Envoyez le bulletin accompagné du chèque à: Éditions du Plâtre, 1 rue du Plâtre 75004 Paris Une question? abo@ar-mag.fr ou 06 87 83 22 56 Je m’abonne ou j’abonne un ami pour 6 numéros soit 39,20€ Je souhaite m’abonner à partir du n°: _______ J’accepte de recevoir des newsletters de la part de AR par e-mail Nom Prénom Adresse Code Postal Ville Pays E-mail Téléphone Vous voulez soutenir le magazine, abonnez-vous! AR 66 -14% 6 numéros 39,20€ au lieu de 45€ Photo : © Maïte Baldi 7 7 ASSURANCE TOUS RISQUES OU PRESQUE Thaïlande De passage en Thaïlande, vous passez par dessus le bord d’un bateau, dévalez les escaliers d’un temple sur les fesses, ou digérez mal votre dernier pad thaï. Bref, ça ne va pas. Pas d’inquiétude, puisque le pays lance un programme d’aide financière à destination des visiteurs étrangers : du 1er janvier au 31 août 2024, les frais médicaux jusqu’à 5 millions bahts (13000 €) sont couverts par le pays. Pas de quoi cependant jouer les aventuriers intrépides : le gouvernement précise bien que toute situation provoquée par «la négligence, l’intention, un acte illégal ou le comportement dangereux d’un touriste» sont hors du cadre de l’assurance. Danse avec Jésus Angleterre La cathédrale de Canterbury, siège de l’Église anglicane d’Angleterre et édifice classé au patrimoine de l’Unesco, a organisé en février sous les voutes majestueuses de sa nef des soirées «silent disco». Imaginez trois mille nightclubbers dansant sur des tubes de Britney Spears ou d’Oasis avec un casque sur les oreilles. Aux quelques fidèles scandalisés, l’archevêque a expliqué que l’église était plus qu’un lieu de culte, et qu’au fil des siècles, on y avait pratiqué des danses de toutes sortes. Ibiza peut trembler. CINÉ-TOURISME France 11% des touristes étrangers disent qu’ils ont décidé de venir à Paris après avoir vu un film ou une série française. De quoi inciter Netflix et Atout France, l’agence de l’État consacrée au tourisme, à faire la promotion des lieux de tournage des séries ou des films produits par la plateforme. «On n’a pas fini d’imaginer la France», nous dit la campagne publicitaire. Et sur le site, on retrouve une collection de guides touristiques liés aux héros Netflix ayant vécu des aventures dans notre si beau pays : Emily, Lupin, les trois agentes de Voleuses… Photo : © Tourism Authority of Thailand ACTUS 8 ENTRETIEN 1962 Naissance à Suresnes dont la devise est: «Nul ne sort de Suresnes qui souvent n’y revienne». 1984 Il joue dans le film À mort l’arbitre de Jean-Pierre Mocky. Commence alors une succession de collaborations avec le metteur en scène. 1993 Il est reporter dans l’émission de Daniel Mermet Là-bas, si j’y suis sur France Inter. 2007 Il tend son micro dans la rue pour Un temps de Pauchon sur France Inter. 2015 Il joue au théâtre dans L’amour dans tous ses états, une comédie du psychanalyste Guy Corneau. 2019 France Inter, c’est fini. 2022 Pour ses 60 ans, il marche jusqu’à Compostelle et réalise un podcast quotidien De SaintJacques à Compostelle qui revendique 1 million d'écoutes. Le podcast devient ensuite hebdomadaire sous le titre de La Balado de Pauchon. 2023 Il marche sur la diagonale du vide, de Givet dans les Ardennes jusqu’à Messanges dans les Landes. 2024 Il entame une transversale de 1500 km, toujours à pied, entre Strasbourg et Brest. 9 ENTRETIEN T’es venu avec ton sac à dos, tu ne le quittes jamais? J’ai toute ma vie dedans. Le truc génial, c’est que tu te rends compte que tu peux vivre avec seulement dix kilos, ça dépend si la gourde est pleine ou pas! Un sac de couchage, un sac à viande, l’ordinateur pour faire le montage, deux caleçons, deux paires de chaussettes, un pantalon de yoga très léger, idéal pour me changer quand j’arrive quelque part et que je suis trempé, un vêtement de pluie et une petite trousse de toilette. Jusqu’où ce sac t’a suivi? Je l’ai monté au sommet du Mont-Blanc, amené jusqu’à Compostelle et trimbalé sur la diagonale du vide. J’y ai accroché une coquille, ça rassure les gens qui autrement pourraient penser en voyant un homme seul sur la route qu’il s’agisse d’un SDF! Pour toi, le chemin de Saint-Jacques ne s’est pas limité à 1800 km de marche, il fallait chaque soir que tu travailles. Un sacré défi. Au départ j’étais assez stressé et je me demandais si j’allais réussir. Mais très vite, j’ai pris un rythme. Je marchais tous les jours jusqu’à 15h, soit au total six ou sept heures. Je m’arrêtais dans un gîte, petite lessive, toilette, puis, en gros de 16h à 19h, sur mon ordinateur, je réécoutais ma journée et je faisais tranquillement mon montage. Ensuite, je retrouvais les randonneurs pour l’apéro. HERVÉ PAUCHON Le reporter s’est trouvé fort dépourvu quand après trente ans sur les ondes de France Inter, il fut remercié par sa direction. Comment se remettre en marche après un tel choc? En marchant tout simplement: sur le chemin de Saint-Jacques, sur la diagonale du vide et maintenant entre Strasbourg et Brest. Des milliers de kilomètres arpentés un micro à la main pour son podcast La Balado de Pauchon. Alors, marche ou rêve? Les deux, mon capitaine! TEXTE SANDRINE MERCIER PHOTOS FRANCK FERVILLE 10 Ta plus grande surprise sur le chemin? C’est d’être arrivé au bout! En partant je me suis dit: «Ouh là là, c’est énorme de marcher deux mois! » Mais c’est l’histoire de la vie, pas la peine de regarder l’objectif à l’autre bout là-bas, il faut juste regarder la première étape, tu la fais, et puis vient la deuxième étape et ainsi de suite jusqu’au bout. À la soixantesixième étape, tu arrives à Compostelle. Ma plus grande surprise aussi, c’était de voir à quel point les gens étaient contents de me suivre, de m’écrire. Ils étaient contents finalement de suivre un mec qui s’était fait licencier et qui se relançait. J’essayais d’être le plus honnête possible dans mes joies comme dans mes peines. Ta plus belle rencontre? Je repense souvent à un pizzaïolo que j’ai rencontré dans les Landes. Il était devenu aveugle, mais continuait à travailler. Il pouvait compter sur ses automatismes. Tout était calé avec sa femme qui faisait des burgers pas loin. Cette rencontre m’a fait réaliser que rien n’est impossible. Plus tard, en Espagne, je croise un couple d’Américains aveugles. Je les félicite, leur dis que j’admire leur courage, et eux de me répondre: «Ce n’est pas plus courageux que de descendre dans la rue pour faire ses courses!» Plus loin, il faut pour traverser une rivière marcher sur des grosses pierres. Je décide de les attendre. Ils me rejoignent et me disent: «Il faut savoir demander de l’aide quand on en a besoin. Ça marche et c’est magique!» C’est le fameux dicton du chemin, que j’ai pu vérifier: le chemin t’apporte ce dont tu as besoin quand tu en as besoin. De quoi tu t’es allégé sur le chemin? Côté sac, j’avais vu juste, pas eu besoin de m’alléger en route. Comme on dit, le poids de ton sac, c’est le poids de tes peurs. Personnellement je me suis allégé de certaines angoisses. J’avais été viré du jour au lendemain d’une radio où j’avais travaillé pendant trente ans, et je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire? En marchant, j’ai trouvé un chemin personnel, une manière de pouvoir continuer à faire ce que j’aime, c’est-à-dire poser des questions, écouter les histoires des autres. Au fond, pourquoi marches-tu? Je marche pour la rencontre. Et la rencontre me donne du plaisir. Faire parler les gens en cheminant en pleine nature est assez propice à la confidence et au partage. La route de Compostelle est bien balisée, mais comment as-tu tracé ton chemin sur la diagonale du vide? C’est vrai que Compostelle, c’est l’autoroute, t’as des flèches jaunes partout. Pour te perdre, il faut presque le faire exprès. J’avais décidé de partir de Givet, parce que ça sonne bien à l’oreille. Là-bas, au bout des Ardennes, la frontière fait comme un doigt dans la Belgique. Et j’ai mis le cap sur Messanges dans les Landes. J’ai donc traversé les Ardennes, la Meuse, la Haute-Marne, l’Aube… J’avançais au petit bonheur la chance en fonction des gens qui me proposaient l’hébergement. C’était ça qui me plaisait, les gens étaient contents de voir un pauvre gars avec son sac à dos. Ils pensaient que j’étais perdu. «— Je fais la diagonale du vide, c’est la zone dans laquelle vous habitez. — Ah bon! je ne savais pas, mais c’est vrai que c’est vide!» Au départ c’était un peu mon angoisse en me disant, tu vas rencontrer personne. Mais pas du tout. J’ai adoré marcher dans ce qu’on appelle la montagne à vaches, elle ne présente pas de difficultés et n’a pas le côté angoissant de la montagne. La traversée des forêts des Landes a été vraiment déserte, j’avais hâte de me jeter dans l’océan. ENTRETIEN 11 11 Pas de tente dans ton sac, tu dors chez les gens. Comment ça se passe? Le matin en démarrant, je ne me fixe pas d’objectifs en me disant qu’il faut que je trouve un hébergement, je laisse venir. La veille de mon départ de Givet, j’avais annoncé sur mon podcast: «Je pars, si vous avez envie de m’héberger, envoyez-moi un message quand je passe par chez vous.» En plus, j’avais été invité sur une radio locale. Des Belges qui habitaient dans un château ont répondu à l’appel, mais en arrivant chez eux, ils m’annoncent qu’ils partent le soir même pour la Belgique! Petite déconvenue, mais je contacte l’office de tourisme qui m’envoie chez Robinson. Quand j’arrive, je vois que c’est un hôtel. «— Ah non, je suis désolé, mais on ne s’est pas bien compris. Moi je veux être logé chez l’habitant. — Mais il est où le problème? Moi, j’habite là, donc vous êtes chez l’habitant, votre aventure m’intéresse, ça me fait plaisir de vous héberger.» À partir de là, je me suis dit que ça allait être facile. Et tu ne payes jamais pour une nuit? Jamais. Des auditeurs m’invitent, et quand je n’ai pas de plans, je fais du porte-à-porte. J’ai passé de nombreuses nuits dans des chambres d’ado qui ont quitté le nid ou dans des chambres d’ami. ENTRETIEN Je vais reprendre la fameuse phrase que tu poses à tous ceux que tu croises avec ton micro: qu’est-ce qui te rend heureux? C’est d’arriver aujourd’hui à gagner ma vie avec les rencontres grâce aux podcasts. D’avoir réussi à créer ma petite activité après avoir quitté France Inter, une grande radio qui offre du confort. Oui, arriver à vivre de ce que j’aime, ça me rend heureux. Il y a donc une vie après France Inter? Oui, heureusement, mais je ne le savais pas. J’ai mis du temps à la trouver ma nouvelle vie. Après avoir été viré en 2019, j’ai passé deux ans à faire le maçon, à m’occuper des enfants et là-dessus, il y a eu le Covid. Des gens me disaient: «Tu devrais faire des podcasts.» Mais, je trouvais que c’était moins bien que la radio. J’ai repensé à l’émission Sur le chemin de Stevenson que j’avais faite un été sur Inter avec un âne, c’était sympa de marcher avec le sac à dos et un micro. Alors pour mes 60 ans, j’ai eu l’idée de partir pour Compostelle, en faisant un podcast pour partager des histoires et poser la question: quel est votre but? Et quand j’ai atteint le million d’écoutes, je me suis dit, il faut respecter ça! J’ai alors décidé de faire un podcast hebdomadaire La Balado de Pauchon et de repartir au long cours sur la diagonale du vide. En marchant, j’ai trouvé un chemin personnel, une manière de pouvoir continuer à faire ce que j’aime, c’est-à-dire poser des questions, écouter les histoires des autres. Hervé Pauchon
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