TÉLÉRAMA n°3882 - Page 9 - 3882 3 Télérama 3882 05/06/24 ☞ L’INVITÉE Alors que le Théâtre du Soleil fête ses 60 ans, sa créatrice engagée et figure de proue inébranlable en revendique toujours l’esprit de partage, d’aventure et de liberté. Ariane Mnouchkine Propos recueillis par Fabienne Pascaud Photo Denis Allard pour Télérama persuadés, parce que la plupart d’entre nous étions encore des enfants. En tout cas, moi, je l’étais. Nous partions en voyage. Un immense voyage, qui allait durer notre vie entière. Le rêve ne pouvait que s’accomplir si on donnait, tous, tout ce que nous avions à donner, jour et nuit. À peine vingt ans après la fin de la guerre, l’époque était pleine de certitudes positives. On ne se posait pas encore de questions sur lafindel’Histoire.Ellenepouvaitqu’êtreheureuse:lesluttes sociales, la justice, la fraternité gagneraient. Et nous aussi. Bien sûr, nous savions que nous ne savions rien, mais nous allions tout apprendre. Pendant longtemps, nous avons d’ailleursététraitésd’amateursparcertainsprofessionnels,mais Philippe Léotard, Jean-Claude Penchenat, Jean-Pierre Tailhade, Gérard Hardy, Myrrha Donzenac, son frère Georges, Françoise Tournafond et moi, les fondateurs, on s’en fichait. Nous avions l’humour, l’innocence, la naïveté fertile indispensables à toute épopée immense ou minuscule comme la nôtre. Nous avions l’enthousiasme. Nous étions parés. Comment est né votre désir de théâtre? Probablement Le Capitaine Fracasse, certainement aussi le choc éprouvé devant la mise en scène de Giorgio Strehler d’Arlequin, serviteur de deux maîtres de Goldoni. J’avais 16 ans, j’étais en vacances à Menton. À la sortie, je ne marchais plus, je volais. Bien sûr il y eut aussi les plateaux de cinéma où j’accompagnais mon père, Alexandre Mnouchkine, producteur de cinéma — autant de miniscènes de théâtre. Et, du côté de ma mère, en Angleterre, mon grand-père, NichoDès l’arrivée à la Cartoucherie de Vincennes où elle s’est installée en 1970, on est saisi par l’accueil de la troupe. Paroles de bienvenue, sourires, bienveillance… La passion du théâtre et vivre de son métier — chacun touche le même salaire, 2 000 euros net, d’Ariane Mnouchkineaucuisinier—suscitent-ilscettedélicatesse?Le 29 mai, le Théâtre du Soleil fêtera ses 60 ans. Soixante ans d’émerveillement et de partage sous la houlette d’Ariane Mnouchkine, 85 ans, toujours aussi exigeante et généreuse. DesPetitsBourgeois(1964)àL’Îled’or(2021),viadescréations collectives comme 1789, 1793, L’Âge d’or, Le Dernier Caravansérail, Les Éphémères ou de flamboyantes re-visitations de Shakespeare ou des Atrides, le Soleil n’aura cessé de créer des images somptueuses comme de faire réfléchir, de rassembler comme de poser des questions. Ici le théâtre se fait épopée, rêve tout en restant engagé. Il métamorphose la réalité en poésie, pour mieux la dire, fort d’une troupe transmonde (soixante-dix personnes dont quarante comédiens) à la vingtaine de nationalités. Un ultime théâtre populaire, de service et de salut public qui enchante et secoue. Rencontre avec son inaltérable et magique fondatrice. Quels souvenirs des débuts du Théâtre du Soleil? La promesse du bonheur. Donc, déjà, le bonheur. Nous savions que nous commencions une aventure extraordinaire, digne du Capitaine Fracasse et de sa troupe au xviie siècle dans le roman de Théophile Gautier (1863). Nous en étions 4 Télérama 3882 05/06/24 DENIS ALLARD POUR TÉLÉRAMA/LEEXTRA ☞ L’INVITÉE LA METTEUSE EN SCÈNE ARIANE MNOUCHKINE pulaire.Nousn’appartiendrionsàaucuneautresecte.Donc, on commence. En 1964, Les Petits Bourgeois. Un succès. Suivi d’un four: Le Capitaine Fracasse, notre deuxième spectacle.MartineFranckmeparlealorsd’unepiècegénialequi triomphe à Londres LaCuisine, d’Arnold Wesker. J’y vais, et sans illusion en demande humblement les droits à cet auteur déjà célèbre; ma lettre commençait par «We are nobody» — « Nous ne sommes personne». Nouveau miracle : il nous les donne! Alors on répète le soir comme des dingues car la pièce se passe dans la cuisine d’un restaurant et exige une véritable virtuosité gestuelle. Et au cirque Médrano, aujourd’hui disparu, nous faisons un triomphe en 1967… Cette reconnaissance publique et critique change-t-elle votre fonctionnement? Jusque-là on ne se payait pas, il n’était question que de dévouement, on en a désormais les moyens et les ennuis commencent. «Pourquoi on dépense de l’argent dans les décors au lieu d’augmenter nos salaires», voilà le genre de questions auxquelles on était soudain confronté. En 1970, le Soleil s’installe à la Cartoucherie… Si nous ne l’avions pas trouvée, je pense que nous n’existerions plus! Impossible pour une jeune troupe de durer sans maison. En août 1970, notre ami, architecte spécialiste du spectacle vivant et proche de Jack Lang, Christian Dupavillon, me signale que l’armée quitte la Cartoucherie de VincennesetlarendàlaVilledeParis.Jecourslavisiter.Coup de foudre! Elle était là, notre maison grandiose et familière. Immense espace sans cloisons. On pouvait tout y mettre dans tous les sens. Nous nous y installons sans véritable autorisation. Et on retape tout nous-mêmes. En bravant tout. Heureusement, Guy-Claude François, notre scénographe jusqu’à sa mort, vient nous rejoindre. Un vrai professionnel. Vous êtes la première à faire circuler le public dans vos spectacles. Pourquoi? Une envie d’assemblée, de communion, de rêves et de projets collectifs qui correspondait à l’époque. Aujourd’hui, j’ai compris que les voyages intérieurs du public se faisaient même assis… 1789, cette grande geste populaire où nous souhaitions raconter la Révolution vue et faite par le peuple, puis 1793 et L’Âged’orsont des succès qui nous permettent de vivre. Nous apprenons que le succès est plus difficile à gérer que l’échec; il exacerbe certains ego. Pour montrer la vitalité d’une vraie troupe, je décide de tourner la vie de Molière. PrésentéàCannesen1978,lefilmafaitunbideépouvantable. Comment avez-vous vécu la mise en examen pour agressions sexuelles de Philippe Caubère – qui incarnait Molière? Je ne veux pas répondre à cette question. las Hannen et ma tante Hermione, acteurs tous les deux. Mais ce qui fut décisif c’est le théâtre universitaire à Oxford où j’ai passé un an après le bac. J’y fus l’assistante de Ken Loach qui y finissait ses études. Après une répétition de Coriolan, de Shakespeare, où je figurais, je me rappelle m’être dit: «C’est cela ma vie!» Quelle chance j’ai eue d’avoir si tôt cette certitude et de la ressentir encore aujourd’hui. Comment naît le Soleil? De retour d’Oxford à la Sorbonne où je fais de la psychologie et m’ennuie copieusement, je réalise qu’il n’y existe aucune troupe de théâtre universitaire accessible aux femmes. JeanPierre Miquel, qui restera un ami adorable, dirige à l’époque le Groupe de théâtre antique réservé aux garçons et me propose de rejoindre l’atelier de couture! Alors je fonde avec mon amie Martine Franck, future grande photographe, l’Association théâtrale des étudiants de Paris (Atep) et demande juste au gardien de la Sorbonne la clé d’une salle pour répéter.Ilm’endonneune—choseinimaginableaujourd’hui!—et après avoir posé une affiche, je m’installe derrière une petite tablepourrecruterdescomédiens.Miracle!Arriventàl’Atep la plupart des fondateurs du Soleil. Nous montons fiévreusement Gengis Khan du poète Henry Bauchau. Je laisse tomber lapsychologie.Nousdécidonsdecréerensembleunetroupe professionnelle. Mais avant, chacun doit finir ce qu’il a à faire: études, service militaire, et moi, un long voyage, rêvé depuis l’enfance, en Chine, où je n’ai d’ailleurs jamais pu, ni plustardvoulu,entrer.JepartiraidoncauJaponetreviendrai en traversant toute l’Asie. Notre engagement ensuite devait être total! Et nous avons fondé le 29 mai 1964 cette coopérative ouvrière de production dont tous les membres sans exception toucheront le même salaire douze mois sur douze. Comme encore. À l’époque, on ne pouvait pas se payer et la plupart d’entre nous travaillaient à l’extérieur pour gagner leur vie. J’avais la chance que mon père m’entretienne. Nous avions juste le désir d’avancer dans le métier. Aujourd’hui, j’ai plutôt l’impression de résister. Le ministère ne nous donnait pas grand-chose — nous n’avons eu de subventions correctes qu’avec l’arrivée de Jack Lang en 1981 —, mais il était attentifetbienveillant.Unejeunetroupeabesoindeliberté,de considération,debienveillance.Jenesuispassûrequecesoit ce qu’elles reçoivent de nos jours. En dépit du dévouement de tant de fonctionnaires, bons serviteurs de l’État, qui en souffrent eux aussi, et se démènent pour tenter d’y remédier, le système est devenu glacial. Et glaçant. Comment s’est fait l’apprentissage? Sur le tas. Je n’ai jamais caché que je ne savais rien. On a d’abord choisi une pièce qui semblait nous convenir, Les PetitsBourgeois, de Gorki que j’avais repérée à la librairie théâtrale, grâce à sa quatrième de couverture! Je préparais la mise en place avec des soldats de plomb. Pour nous, au début, la mise en scène, c’était ça. Il y eut des crises bien sûr. Deux comédiens plus âgés, plus… professionnels, venus de l’extérieur, les seuls payés, me traitent de nulle. Je devais l’être, au fond. J’avançais à tâtons. Je suis prête à démissionner, mais Philippe Léotard me défend, net et clair: «Les gars, si ça ne vous plaît pas, dehors!» Ils sont partis. Et on s’est rendu compte que nous n’étions forts que de notre amitié. Le bonheur a fait que l’époque s’y prêta, les intolérances idéologiques sévissaient bien sûr, mais, comme je l’ai dit, notre église, à nous, c’était le théâtre, le théâtre po«Si nous n’avions pas trouvé la Cartoucherie, je pense que nous n’existerions plus! Impossible pour une jeune troupe de durer sans maison.» ☞ 3 mars 1939 Naissance à BoulogneBillancourt (92). 1959 Création de l’Association théâtrale des étudiants de Paris (Atep). 29 mai 1964 Fondation du Théâtre du Soleil. 1967 La Cuisine, d’Arnold Wesker, adaptation de Philippe Léotard. 63400 spectateurs. Grand Prix du théâtre du Syndicat de la critique. 1970 Installation du Théâtre du Soleil à la Cartoucherie, dans le bois de Vincennes. 2021 L’Île d’or - Kanemu-Jima, création collective. 6 Télérama 3882 05/06/24 L’INVITÉE LA METTEUSE EN SCÈNE ARIANE MNOUCHKINE Comment choisissez-vous de monter un spectacle? La société impose souvent ses thèmes. Peu à peu un sujet vous obsède. Tel le drame des migrants pour Le Dernier Caravansérail. La création que nous répétons pour la rentrée prochaine, War Rooms (titre provisoire), est née de la guerre enUkraine:commentenest-onarrivélà?Qu’unÉtatattaque impunément un autre État? Les jeunes ignorent les rouages de notre histoire politique européenne, et l’origine de nos conflits actuels. Nous-mêmes manquons de mémoire et souvent de discernement. La première partie de ce spectacle en deux volets se jouera en novembre et la seconde en 2025. Gardez-vous les mêmes méthodes: impro puis écriture? Pour nourrir l’imagination des acteurs, nous amassons quantité de livres, archives, films. Ensuite, forts de ce nouveausavoir,lesacteursmefontdespropositions.Quandl’improvisation est bonne, c’est-à-dire lorsqu’elle me fait rire ou pleurer, elle est provisoirement retenue. Sinon, on recommence ou on efface. Ou on travaille une proposition prometteuse mais imparfaite. Cette méthode a progressé lorsque, aprèsTartuffe,nousavonscommencéàfilmerlesimpros.On filme tout. On revoit tout. Ensuite l’évidence et moi choisissons. Bergman disait «je ne peux faire confiance qu’à mes propres émotions», je m’arroge ce rôle de premier public. War Rooms sera-t-il votre dernier spectacle? Je n’en sais rien. Je m’arrêterai quand je sentirai que je ralentis mes compagnons de travail. Ce n’est pas encore le cas. Le théâtre c’est un tout. Les spectateurs font un effort pour venir jusqu’à nous après leur travail, ils veulent entrer dans un palais des merveilles de l’intelligence, de la poésie, de l’humanité. Ils attendent de la considération, de l’amour, une conversation, le partage d’une même question si ce n’est d’une même réponse. C’est un moment fragile où tout peut s’arrêter, où se noue un pacte entre les spectateurs et les comédiens: les premiers doivent momentanément se taire pendant que les seconds leur racontent des histoires éclairantes. Tout cela demande des forces. Nous verrons. Je n’ai pas envie que le Soleil s’arrête après moi. J’arrive à en parler gaiement avec Charles-Henri Bradier, mon jeune codirecteur. Le Soleil peut muter, trouver une autre façon de faire. Ne trouvez-vous pas que la place du théâtre se rétrécit? Peut-être plus que la place ou la qualité des spectacles, c’est le comportement qui a changé. Aujourd’hui, on confond souvent vérité et méchanceté. Heureusement le théâtre, c’est de la chair, des acteurs pour de vrai, de la poésie pour de vrai. Il renaît sans cesse, il est sans rival, il est dans nos gènes. Il est indestructible. Il y a en chacun de nous une envie de jouer et il y aura toujours des gens pour partager ce jeu. Jouer à ériger une barricade. Une barricade contre le mensonge, l’ignorance, la haine, l’hybris• Que pense la féministe que vous êtes de la libération de la parole des femmes grâce à #MeToo? Ce mouvement était indispensable, vital. Si excès il y a, ils restent regrettables. Ils passeront. Dénonciationdel’intégrismemusulmandansTartuffe,grève delafaimpourlaBosnie,accueildesans-papiers,défense desmigrants…L’engagementest-ildanslesgènesduSoleil? Dans Tartuffe c’est Molière qui attaque l’intégrisme et la bigoterie! Moi, j’actualise ce fanatisme en le situant dans une région du monde où il sévit cruellement. Je ne fais pas de théorie. Nous embrassons des causes qui tombent sous le sens, évidentes, insupportables. Se battre pour l’Ukraine, c’est aussi se battre pour notre propre avenir et celui de nos enfants. Pour que notre monde ne bascule pas du côté de la tyrannie de Poutine, et ne pas recommencer les aveuglements politiques d’hier. La lâcheté n’est jamais récompensée. Au moment de l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, nous montions curieusement Macbeth. Nous pressentons parfois les choses. Ce sont les idéologies, leur dogmatisme, leur méchanceté, qui font écran. Albert Camus disait: «Jeme refuseraitoujoursàmettreentrelavieetl’hommeunvolumedu Capital.» Pour sentir le monde aujourd’hui, il ne faut mettre ni le Capital, ni le Coran, ni la Bible entre la vie et l’homme. Onnevousapasentenduesurleconflitisraélo-palestinien? Mais si, je réponds quand on m’interroge! Je ne renie jamais ma part juive. Mais pour l’Ukraine, on peut concrètement faire quelque chose. Revendiquer des envois d’armes, la protection du ciel ukrainien, alors qu’il règne une telle radicalisation sur le sujet israélo-palestinien. Chaque mot porte en lui un brasier. Après le pogrom abominable du 7 octobre, il m’a fallu faire beaucoup d’efforts pour continuer à travailler. L’oubli, non, l’effacement de ces mille deux cents suppliciés, ce «oui, mais…» qui a immédiatement surgi était insupportable. On peut maudire les mafieux théocrates fascisants du gouvernement Netanyahou, tout en maudissant l’ignominie, l’inhumanité pornographique du Hamas. On doit pouvoir penser l’un sans nier l’autre. Ce que font les colons israéliens est criminel, ce que fait le Hamas est abominable. On juge au nombre de morts ou à l’intention ? Doit-on être borgne pour plaire à un clan? Ne voit-on pas que le Hamas est la malédiction des Palestiniens musulmans et Netanyahou celle des juifs israéliens? Quelles qualités pour diriger le Soleil durant soixante ans? La santé. Et aimer. Continuer à aimer vivre et se battre pour une famille à la fois protectrice et libératrice. Je dois aimer ceux que le Soleil engage. Plus encore, je dois me sentir capable de les aimer longtemps. Avant de dire oui, nous travaillons beaucoup ensemble, parfois six, sept semaines. Ensuite, il ne faut pas avoir peur de faire confiance. Au début duSoleil,j’explosaiscommedusalpêtre,jecroyaistoujours le théâtre remis en question par nos insuffisances. Cela me terrifiait. Je me laisse moins submerger par la colère. On obtient le même résultat en étant plus calme. Avant, je ne félicitais jamais non plus un acteur quand c’était bien: au fond de moi, ce n’était jamais assez bien, donc surtout pas de relâchement, il fallait continuer à travailler. Maintenant j’ai compris que ces «soulagements prématurés», comme je les appelle, nous redonnaient confiance. «Le théâtre, c’est de la chair, des acteurs pour de vrai, de la poésie pour de vrai. Il renaît sans cesse, il est sans rival, il est dans nos gènes. Il est indestructible.» Transmettre l’espoir de vaincre le cancer Pour tout renseignement contacter Catherine Ricatte - Institut Curie : 26, rue d’Ulm - 75248 Paris Cedex 05 - 01 56 24 55 34 - catherine.ricatte@curie.fr LEGS - DONATIONS - ASSURANCES-VIE curie.fr Je désire recevoir votre documentation sur les legs, donations et assurances-vie en faveur de l’Institut Curie. Je souhaite être contacté en toute confidentialité par votre responsable legs, donations et assurances-vie. Vous pouvez me joindre au numéro ci-contre BULLETIN DE DEMANDE D’INFORMATION à compléter à retourner sous enveloppe à l’adresse ci-dessus. Mme M. Nom : .................................................................................... Prénom : ............................................................................................................ Adresse : ............................................................................................................ Code postal : Ville : ................................................................................................................... Tél. : ✂ ✂ Transmettre tout ou une partie de ses biens à l’Institut Curie, premier centre français de recherche en cancérologie, est un formidable message d’espoir pour tous ceux qui luttent contre le cancer. En soutenant les efforts de l’Institut Curie, fondé par Marie Curie, vous effectuez un geste de générosité envers les générations futures, vous donnez aux chercheursetmédecinslesmoyensdeprendrelecancer de vitesse et associez votre nom à ce combat pour la vie. Léguez à l’Institut Curie, 1er Centre français de recherche en cancérologie TLM0624 8 Télérama 3882 05/06/24 SOMMAIRE Du 8 au 14 juin ��24 ILLUSTRATION TOM HAUGOMAT | CDP – ANUPHEAP PRODUCTION | STEINWAY AND SONS PHOTO COLLECTION | JEAN-FRANCOIS ROBERT POUR TÉLÉRAMA COUVERTURE Ariane Mnouchkine, en 1968, lors des répétitions du Songe d’une nuit d’été, adapté par Philippe Léotard. Martine Franck/ Magnum Photos Ce numéro comporte pour la totalité des kiosques: une couverture spécifique «Paris-IDF» pour les abonnés et les kiosques de Paris-IDF, et une couverture nationale. Posés 4e de couverture: 2 pages encart VPC Les Petits Platons sur la totalité des abonnés France métropolitaine; 4 pages Lire Magazine littéraire aléatoire abonnés particuliers payants France métropolitaine. Édition régionale, Télérama + Sortir, pages spéciales, foliotée de 1 à 56 jetée pour les kiosques des dép. 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95; posée sous la 4e de couverture pour les abonnés des dép. 75, 78, 92, 93, 94. CRITIQUES 45 Le rendez-vous L’exposition «Whistler, l’effet papillon» à Rouen 48 Cinéma 54 Musiques 58 Livres 64 Scènes 66 Arts 68 Enfants TÉLÉVISION 69 Le meilleur de la semaine télé La série Becoming Karl Lagerfeld, sur Disney+ 8� Programmes et commentaires RADIO & PODCASTS 136 Lemeilleurdelasemaine radio& podcasts Europe, anatomie d’une utopie, sur France Inter 141 Les programmes 146 Talents 147 Mots croisés MAGAZINE 3 L’invitée La metteuse en scène Ariane Mnouchkine 9 Premier plan Reconnaître l’État palestinien, la question qui divise l’Europe 1� Ici et ailleurs 1� Une fusion floue Pilier de France Inter, Nicolas Demorand réagit au projet de holding de l’audiovisuel public 15 Repérée La chanteuse Louise Pressager LE DOSSIER 16 L’impasse de l’espace Les rêves de conquête spatiale d’Elon Musk et compagnie… Une fantasmagorie qui ne mène nulle part? �� «J’ai rencontré Pol Pot» Le cinéaste Rithy Panh adapte en fiction le récit de la journaliste Elizabeth Becker �4 L’art que cache le Fauré Le compositeur Gabriel Fauré, mort il y a cent ans, n’était pas si classique �6 Une voix sur des ruines L’écrivain palestinien Karim Kattan pèse chaque mot pour dire «ce qui se passe» �8 La victoire en musique Juin 1944, les Américains débarquent… avec leurs pianos. Récit de Sonia Devillers AUTREMENT 37 Penser L’Europe tire sa force de son ouverture à l’autre, selon le philosophe Heinz Wismann 4� Voyager À Cognac, la ville natale de l’Européen Jean Monnet 4� Vivre Une peintre faussaire juste au cinéma, de l’art solidaire, un bus anti-fracture numérique… 22 12 16 28 Sur notre site Sortez chapeaux, crème solaire ou parapluies – c’est selon –, la saison des festivals est officiellement ouverte. Quelque peu chahutés par le calendrier des jeux Olympiques, les programmateurs ont réussi malgré tout à nous concocter de beaux rendezvous tout au long de l’été. Des Francofolies de la Rochelle qui fêtent leur 40e anniversaire au retour très rock de Rock en Seine ; des éblouissantes Nuits de Fourvière à l’aventureux Printemps des comédiens… Musique, théâtre, danse : sur notre site, retrouvez nos recommandations de petits et grands festivals pour vous émerveiller jusqu’à la rentrée. telerama.fr/musique/ telerama.fr/theatrespectacles/ ICI ET AILLEURS 9 Télérama 3882 05/06/24 Par Élise Racque EYAD BABA/AFP pas en reconnaissant l’État palestinien proclamé en 1988 par Yasser Arafat. Un consensus européen semble impossible. Pour les uns, reconnaître l’État palestinien maintenant reviendrait à récompenser le terrorisme du Hamas. Pour les autres, l’urgence est de relancer la possibilité d’un avenir à deux États, compromise par les massacres du Hamas et l’extrémisme de Netanyahou. Une bascule: jusqu’ici, lesOccidentauxenvisageaientcettereconnaissancecomme l’aboutissement de négociations politiques. Désormais, elle est de plus en plus vue comme un préalable à la reprise des pourparlers. Hélas, les déclarations européennes, d’où qu’elles viennent, ne suffiront pas pour arrêter une guerre qui chaque jour détruit un peu plus le territoire palestinien, tue son peuple, et finit d’affaiblir le pouvoir de l’Autorité palestinienne. Territoire, population, souveraineté. Les trois composantes existentielles de tout État • «Est-ce que, oui ou non, vous êtes pour la reconnaissance de la Palestine? Je vous propose de leverlamain!»CacophoniesurleplateaudeBFMTV. Ce 28 mai, Apolline de Malherbe improvise un vote à main levée avec les huit principaux candidats français du scrutin européen. Scène inimaginable il y a encore quelques mois. En pleine campagne, la question, délaissée ces dernières années, divise le continent. Fin mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont officiellement reconnu l’État de Palestine. La Slovénie devrait bientôt les imiter. Emmanuel Macron, lui, se dit «prêt», mais attend «le moment utile», tandis que le chancelier allemand n’y voit «aucune raison […] à l’heure actuelle ». Plus de 75 % des 193 membres de l’ONU ont pourtant désormais franchi le PREMIER PLAN UNE PALESTINE, DEUX EUROPE Le bombardement d’un camp de déplacés à Rafah, le 26 mai, a fait 45 morts et 250 blessés. INTERVIEW MINUTE LES DOUBLEURS DOUBLÉS PAR L’IA ? 10 Télérama 3882 05/06/24 Laurence Bloch, directrice des antennes de Radio France, est arrivée à la Maison ronde en 1974. RADIO FRANCE DEVRA FAIRE SANS SA REINE MÈRE Elle tire sa révérence. Laurence Bloch, directrice des antennes et de la stratégie éditoriale de Radio France, va quitter ses fonctions le 1er juillet. Un choix «personnel», précise-t-on au sein de la Maison de la radio, et qu’elle a annoncé en début d’année à Sibyle Veil, la pdg. Une page se tourne: surnommée la « Reine mère », Laurence Bloch, 71 ans, va faire valoir ses droits à la retraite dans une entreprise où elle est entrée en 1974 comme stagiaire, avant de faire carrière à France Culture et de prendreen2014latêted’Inter—elleen a fait la première radio française. Un bouleversement, au moment où le groupe, auréolé d’audiences flatteuses, traverse une passe compliquée. Cible d’attaques, empêtré dans la polémique autour de Guillaume Meurice, il estsurtout,commeFranceTélévisions, au centre du projet de loi «Dati» prévoyant la fusion de l’audiovisuel public en 2026. Ses salariés ont fait grève le 23 mai pour le retrait du texte. « Laurence, c’est la gardienne du temple, et un pôle de stabilité», reconnaît un visage phare du groupe. «C’est un gâchis, au moment où arrive la fusion: elle fait partie des très rares qui auraientpudessinerlaplacedelaradio dans le futur ensemble. Pourquoi la laisser partir?» se demande un cadre. Laurence Bloch n’a en effet jamais affiché d’hostilité envers la fusion. C’est même elle qui a opéré les derniers rapprochements entre France 3 et France Bleu. Dans les mois décisifs qui s’annoncent, que fera celle qui avait été approchée en 2022 pour remplacer Roselyne Bachelot au ministère de la Culture ? Mystère. Tout comme le nom de son successeur… — François Rousseaux Lescomédiensdedoublagecraignentquel’intelligence artificielle(IA)nelesremplace,etilslefontsavoir dansunepétitionetunevidéodevenuevirale.Membre ducollectifTouchepasàmaVFàl’originedelavidéo, PatrickKubanexpliquelesenjeuxdececombat. Enquoil’IAmet-ellevotremétierendanger? Les systèmes d’intelligence artificielle «générative» ont besoin d’énormément de données biométriques, comme des voix ou des visages dans des situations de jeu, pour entraîner leur modèle. Ils ne cessent donc d’élargir leurs bases de données en utilisant des œuvres audiovisuelles de manière totalement pirate, c’est-à-dire sans notre consentement et sans aucun respect du droit d’auteur. Les start-up qui développent ces technologies affinent en permanence la technique du doublage des voix par des machines, et notamment la synchronisation des lèvres afin de donner aux spectateurs la sensation de regarder un acteur parlant naturellement leur langue. Et on estime que ces systèmes de doublage automatique ne coûtent que 30% du prix d’un doublage humain traditionnel. AvecquelimpactsurlaqualitédesVF? Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la VF. Voir un film américain en version originale sous-titrée (VOST), c’est voir un film ancré dans la culture américaine, tandis que voir un filmenVF,c’estvoirunfilmaméricainadaptéànotreculture. Le processus de traduction et de doublage ne se résume pas à une simple transcription mais à une adaptation culturelle de l’œuvre en y intégrant nos références, du second degré… EnFrance,85%desfilmsétrangerssontvusaucinémaenVF. Celle-ci permet un accès inclusif à la culture, il est donc crucial de pouvoir proposer une version française de qualité réalisée par des acteurs dans une langue totalement maîtrisée. Qu’attendez-vousdugouvernement? Une loi d’exception culturelle qui garantisse au spectateur d’être face à un humain qui lui parle, qu’il soit au cinéma ou devant sa télévision à regarder une série ou un documentaire. Une telle loi permettrait au public français de voir des œuvres compatibles avec sa culture et préserverait les 12 500 emplois menacés par l’utilisation de l’IA pour le doublage. Propos recueillis par Suzanne Camus ICI ET AILLEURS 11 Télérama 3882 05/06/24 J.P. PARIENTE | JEAN-FRANCOIS ROBERT/MODDS | PASCAL VICTOR/ARTCOMPRESS VIA OPALE.PHOTO artistique aussi ambitieuse que dispendieuse, sans réunir finalement les moyens de la financer, la prestigieuse manifestation s’est mise en danger. L’inquiétude est allée crescendo au fil des mois jusqu’à ce qu’un audit « flash » mené par le ministère de la Culture ne chiffre récemment l’ampleur des dégâts. Un déficit de 2,2 millions d’euros en 2023, presque autant cette année, et une trésorerie exsangue au point de risquer la cessation de paiement. Au terme d’intenses tractations, tous les partenaires publics du festival se sont engagés à un financement exceptionnel de 1,6 million d’euros: 800000 de l’État et 200000 de la part de chacune des collectivités loLES EXCÈS D’AIX MIS À L’INDEX Place à la musique. Après des mois d’incertitude, le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence (Fial) va s’ouvrir le 3 juillet dans l’impressionnant Grand Théâtre de Provence avec deux œuvres pour le prix d’une: Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride, de Christoph Willibald Gluck (1714-1787), mises en scène par Dmitri Tcherniakov, et accompagnées d’Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée. Nul doute que la magie sur scène éclipsera un temps la mauvaise pièce qui s’est jouée en coulisses, où le festival a été confronté à une loi d’airain: si laculturen’apasdeprix,elleauncoût. Pour l’avoir oublié, en déployant depuis des années une programmation La Flûte enchantée, opéra mis en scène par Simon McBurney en 2014 au Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Il a des gros (très gros) biceps et désormais la plus grosse chaîne YouTube de France. Avec ses 19 millions d’abonnés, Tibo InShape détrône le numéro un Squeeziedepuisle26maidernier.Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas grâce à la qualité de son contenu — loin de là. Notre nouveau champion s’appelle Thibaud Delapart, 32 ans, fort accent albigeois, un corps comme sorti des dessins de Tom of Finland (des abdos en béton, un dos taillé à la serpe et des cuisses monstrueuses), plus de trois mille vidéos postées sur YouTube. Son truc, c’est la muscu, tendance mascu: tout en donnant des conseils pourgagnerenlargeur(uneobsession), YOUTUBE CONQUIS PAR UN MASCU MUSCU il promeut un idéal masculin très… burné. Son nom est associé à moult polémiques, puisque, sous couvert d’humour, il a multiplié les sorties sexistes, misogynes, homophobes, parfois racistes. Il a une tendance un brin réac, nationalisteetsemblefand’uniformes: sa chaîne compte des dizaines de vidéos en immersion chez les pompiers, la police ou les militaires. À quoi tient sa fulgurante ascension? En janvier dernier, il expliquait: «J’ai mis dix ans à faire de 0 à 10 millions d’abonnés, et cinq mois à faire de 10 millions à 14,5 millions. C’est n’importe quoi!» N’importe quoi, certainement, mais selon une stratégie bien huilée. Le youtubeur, qui ne cesse de vanter sonmérite,atoutmisésurles«shorts», ces formats très courts qui sont particulièrement valorisés par l’algorithme de YouTube. Des contenus sans paroles, qui s’avèrent souvent être des plagiats provenant de TikTok, d’un niveau assez confondant. Il en publie cinq ou six par jour. La bêtise étant sans frontières, ses vidéos brèves sont particulièrement prisées à l’international. Ça cartonne en Inde, en Russie, aux États-Unis ou encore au Brésil. Seules 11 % des vues sont françaises. TiboInShape,nouveauroitricolorede YouTube? Une (très) grosse ambition, et une énorme fraude. — Julia Vergely cales. Sauf que l’argent sera versé sous forme d’avance de fonds remboursable, et non d’une classique subvention comme c’est généralement le cas. Le ministère exige par ailleurs que le festival trouve un apport en mécénat supplémentaire de 850000 euros et qu’il mette en place un plan d’économies drastique. Le sauvetage a donc lui aussi un coût. Il se verra peu cette année, la saison étant bien trop engagée pour des annulations de représentations, mais le festival sera contraint de réduire singulièrement ses ambitions pour les prochaines éditions. Promesse de lendemains moins flamboyants mais, espérons-le, pas moins enchanteurs. — OlivierMilot ICI ET AILLEURS 12 MODDS Télérama 3882 05/06/24 Enapportantsonsoutienàunetribunecontrelafusion del’audiovisuelpublic,NicolasDemorandestsortidesaréserve habituelle.PourTélérama,lejournaliste,coprésentateur delamatinalesurFranceInter,expliquesonrefusd’uneréforme floue,qui susciteenluidenombreusesquestions. Pilier de France Inter depuis sept ans, Nicolas Demorand n’a pas pour habitude d’afficher ses prises de position. Mais le projet en cours de fusion de l’audiovisuel public, qui vise à regrouper dans une même structure France Télévisions, Radio France, l’INA et, potentiellement, France Médias Monde, l’a poussé à apporter sa signature à une tribune publiée le 22 mai dans Le Monde. À la veille d’un mouvement de grève massif qui a touché les antennes de Radio France, elle dénonçait une initiative «démagogique, inefficaceetdangereuse».Parmilesmillequatrecentssignataires, des personnalités aussi diverses que Guillaume Erner, Rebecca Manzoni et Nagui, ou encore le chroniqueur d’Inter et directeur délégué de la rédaction des Échos Dominique Seux. Alors que l’examen du texte par les députés a été repoussé à fin juin, le matinalier a accepté d’exposer les raisons de son opposition à cette réforme — mais n’a pas souhaité évoquer l’actualité de sa station. Onvoitrarementvotrenomdansdespétitions. Vousimposez-vousundevoirderéserve? C’est la deuxième fois de ma vie que je signe une pétition. La première fois, c’était quand j’étais directeur de Libération, en 2011, et que les locaux de Charlie Hebdo avaient été visés par un incendie criminel. J’avais alors accueilli Charlie à Libé. J’ai toujours considéré que je ne peux aborder un sujet à l’antenne et signer une tribune ou une pétition le concernant. Le citoyen que je suis pourrait avoir envie de s’engager, mais le journaliste que je suis aussi se l’interdit. C’est une règle dure et étanche. Là, j’ai considéré qu’il y avait à propos de l’outil de travail et de l’avenir du service public une zone d’incertitude telle que j’ai accepté de signer. Et je tiens aussi à ajouter en préalable que les salariés de Radio France ne sont pas des monolithes conservateurs, ne sont pas rétifs aux changements, à des révolutions, à des réformes ou à des rapprochements. Il y en a déjà qui sont mis en place [notamment au sein de France Info (radio et télé) et entre France Bleu et France 3, ndlr], la radio s’est profondément transformée depuis des années. INTERVIEW « SOIT LE PROJET DE FUSION EST VIDE, SOIT IL EST PUREMENT TECHNOCRATIQUE » Àvotremicro,ledéputéQuentinBataillonadéclaré: «Nouscréonsunearchitecture,etpourlereste, lapageestblanche.»Quecomprenez-vous? On attendait beaucoup de cette interview de Quentin Bataillon pour en savoir plus. Mais les mots ont un sens, et de deux choses l’une: soit le projet est vide, soit il est purement de nature technocratique. Ce qui caractérise pour moi l’esprit de technocratie, c’est de vouloir réparer des choses qui marchent parfaitement bien, quitte à les casser au passage. Et un projet qui est à la fois une architecture et une page blanche,çafaitbeaucoupdecourantsd’air…Àcestade,iln’y apasderéponsesdonnéesàdesquestionspourtantsimples: pourquoifusionner,pourquoilefaireaussirapidement,sans concertation, et au service de quel projet éditorial le fait-on? Faut-ilselonvousrenforcerl’audiovisuelpublic? L’argument de la faiblesse du service public, donné par certains pour justifier cette fusion, me semble baroque. Radio France est fort de quinze millions d’auditeurs quotidiens, toutes antennes confondues. Les groupes de l’audiovisuel public sont puissants, leaders dans leur secteur. Rachida Dati, en juillet 2022, défendait la radio publique sur Inter: «On a nivelé l’école, on a abaissé la sécurité, on a paupérisé la justice… Est-ce qu’on va s’attaquer à l’audiovisuel public ? Attention à ça.» Je ne peux que partager ce qu’elle disait alors elle-même, avant d’être ministre. Quepeut-oncraindrecommeconséquencesdecettefusion? À ce stade, le seul argument est: plus la future entreprise sera grosse, mieux ce sera. Big is beautiful. Je redoute une uniformisation des programmes, une disparition de la pluralité des voix, des visages, des singularités des lignes éditoriales.CarFranceIntern’estpasFranceCulture,quin’est pas France Info qui n’est pas France 2, qui elle-même n’est pas France 3… On n’y voit ou n’entend pas les mêmes analystes politiques, journalistes ou animateurs. Si on fusionne, le monsieur Santé de France 2 deviendra-t-il celui de France Info et Inter? Les reportages télévisés seront-ils faits de telle sorte qu’ils puissent aussi être diffusés en version audio? Désolé, je réponds encore à vos questions par des questions, mais sur tous ces sujets nous n’avons pas d’informations… J’ai fait un peu de télé et c’est un média plus lourd, technique, très différent de la radio, où l’on pousse la porte d’un studio et c’est parti!
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