TÉLÉRAMA n°3928 - Page 3 - 3928 Codes tarifs: TELERAMA/SINGLE - CreaStudio N°2504044 Plus de détails: Plus de détails: RÉF. JUF_EXCACH. (1) Montant du crédit transport pris en charge: 190€ par personne, pour l’acheminement aller/retour, sous réserve de disponibilité au moment de la réservation, au-delà de ce montant, le complément est à la charge du participant. (2) Prix par personne à partir de, base cabine double, catégorie C pont principal en bateau 4 ancres. (3) Service 0,15€/min. + prix appel. IM067100025. Codes tarifs: TELERAMA/SINGLE. Offres promotionnelles valables pour toute nouvelle réservation du 23/04/2025 au 23/05/2025, sous réserve de disponibilité au moment de la réservation, non rétroactives et non cumulables avec une autre offre. Valable par téléphone, en agence CroisiEurope, ainsi que sur notre site internet (codes TELERAMA/SINGLE à renseigner lors du récapitulatif de commande dans la vente en ligne). 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Seules quelques lignes, dans les manuels scolaires des lycées professionnels et des Outre-mer, en font mention. Dans l’enseignement général, motus et bouche cousue. Qui donc se souvient,dansl’Hexagone,qu’Haïtifutlejoyaudel’empire colonial français, esclavagiste et raciste, sa colonie la plus productive, la plus peuplée, la plus violemment gérée aussi ? Celle qu’on appelait alors Saint-Domingue vit naître la première révolte victorieuse d’esclaves, qui réussit à abattre le système esclavagiste, en 1793, après une guerre coloniale sanglante, puis à proclamer l’indépendance de la premièreRépubliquenoire,en1804.Mais à quel prix! Quand, au bout de vingt et un ans de tentatives pour regagner son ex-colonie, la France consentit enfin à y renoncer, ce fut en échange d’une indemnité de 150 millions de francs-or, décrétée par une ordonnance royale le 17 avril 1825. En résumé, les anciens esclaves — les vainqueurs, héroïques pionniers de la décolonisation — furent obligés de rembourser leurs bourreaux — les vaincus. Mais cette histoire hors norme ne s’arrête pas là : la toute jeune nation n’étant pas solvable, la France exigea d’Haïti qu’elle emprunte auprès de banques françaises, à des taux usuriers… De cette injuste «double dette», unique dans l’histoire de la décolonisation, dont Haïti finit de s’acquitter en 1952, le pays ne s’est jamaisvraimentremis.Le17avril2025, dans le décor des Archives nationales de Pierrefitte, beaucoup attendaient, espéraient des paroles et des actes, mais il n’aura été question ni d’excuses, ni de repentance, ni de réparations. Pour marquer le bicentenaire des relations franco-haïtiennes et de «la très lourde indemnité financière», Emmanuel Macron s’est contenté de reconnaître «la force injuste de l’Histoire». Et d’annoncer la création d’une commission franco-haïtienne « chargée d’examiner notre passé commun», d’étudier «l’impact de l’indemnité» et de proposer «des recommandations». Dans quel calendrier? Pour ouvrir la voie à des réparations? Deux siècles après la «rançon» de 1825, le tabou, peu à peu, se dissipe. Mais le dernier épisode de cette féroce, de cette déchirante histoire coloniale laisse un goût d’inachevé • Télérama 3928 23/04/25 4 SOMMAIRE JÉRÔME BONNET POUR TÉLÉRAMA | JULIEN DE ROSA/AFP | TIMOFEY KOLESNIKOV | JEAN-FRANÇOIS MARIN/DIVERGENCE EN COUVERTURE Illustration Simon Bailly pour Télérama Ce numéro comporte, pour la totalité des kiosques: – une couverture spécifique «Paris-IDF» pour les abonnés et les kiosques de Paris-IDF, et une couverture nationale; – un encart 8 p. Bourse du commerce, jeté intérieur dans les kiosques du dép. 75. Posés sur la 4e de couverture pour les abonnés: – un encart 8 p. Bourse du commerce, pour les abonnés du dép. 75 et les Gpub; – un encart 6 p. Le Point pour les abonnés des dép. 77-78-91-92-93-94-95 (en aléatoire). Édition régionale, Télérama+Sortir, pages spéciales, foliotée de 1 à 56, jetée pour les kiosques des dép. 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95, posée sous la 4e de couverture pour les abonnés des dép. 75, 78, 92, 93, 94. 24 26 44 34 Rencontre La comédienne Laura Felpin Décryptage Le théâtre de Joël Pommerat Portrait La soprano Asmik Grigorian Voyage Annecy, la belle alpine Télérama 3928 23/04/25 5 DU 26/4 AU 2/5 CINÉFRANCE STUDIOS/CURIOSA FILMS/METRO COMM./SUNSHINE FILMS/ARTE FRANCE CINÉ./PROTON CINÉ./TARANTULA/RTBF/VOO - BE TV - ORANGE B./PROXIMUS | PHILIPPE KOHN/VOZ’IMAGE | CHASSEUR D’ÉTOILES 49 Cinéma La Chambre de Mariana 62 Livres Julian, d’ombres et de lumière 73 Télévision La Réparation, sur Arte MAGAZINE CRITIQUES TÉLÉVISION & PLATEFORMES RADIO & PODCASTS 3 Premier plan 4 Sommaire 6 L’instant T Angelin Preljocaj, chorégraphe 8 L’œil sur l’actu 12 Story-board Bernie Sanders à Coachella DOSSIER 14 Bac de français, comment revoir ses classiques? Ces professeurs qui font renouer leurs élèves avec Rimbaud, Musset ou Colette ENTRETIEN 20 Emmanuel Finkiel Le réalisateur filme l’amour au milieu des ténèbres de la guerre 24 LauraFelpin,l’humourtendre Dans L’amour c’est surcoté, l’humoriste confirme son talent d’actrice 26 La patte Pommerat Le dramaturge élégant et inspiré est surtout indépendant depuis vingt-cinq ans 30 Vertige de l’hypnocratie Un essai percutant né d’une conversation avec une IA 32 Vargas Llosa, un géant Le Prix Nobel de littérature laisse derrière lui une œuvre romanesque universelle 34 Soprano caméléon La Lituanienne Asmik Grigorian chante Il trittico, de Puccini, à l’Opéra de Paris 36 La mystique d’Arvo Pärt Le tintinnabulant Tabula rasa est devenu l’une des musiques les plus jouées au monde 38 Karim Lahiani dans le paysage Il a incarné le contre-projet à l’A69 et défend une nouvelle approche des territoires IDÉES 40 Les ZFE en questions La sociologue Sandra Hoibian analyse les reproches faits aux zones à faibles émissions VOYAGE 44 Annecy, la perle des Alpes Dans les pas de J.-J. Rousseau BEAU GESTE 46 Un parfum de poésie Isabelle Larignon écrit des histoires en senteurs EN LUMIÈRE 49 Cinéma La Chambre de Mariana, d’après Aharon Appelfeld: une adaptation stupéfiante 58 Musiques D’impressionnantes Vêpres à la Bienheureuse Vierge 62 Livres Julian, de Fleur Pierets, une traversée des ténèbres 68 Arts Un demi-siècle de la vie artistique noire à Paris 70 Scènes Helikopter/Licht, ballet radical, hypnotique, d’Angelin Preljocaj 73 La justice restaurative 75 Beau et touchant Rispondimi 76 Le curé zinzin de Miséricorde 77 Ni chaînes ni maîtres à l’affiche 78 Culte et politique: Hamilton 79 Celui qui a Le Sens des choses 80 Et Charlot se mit à chanter 82 Les sélections 88 Programmes et commentaires 130 Le meilleur de la semaine Une comédie œcuménique; Shakespeare revisité; Truffaut au Masque; Ravel; la face cachée de l’hôpital américain 135 Les programmes 140 Talents 141 Mots croisés 142 Conversation 6 Télérama 3928 23/04/25 JEAN-FRANÇOIS ROBERT POUR TÉLÉRAMA L’INSTANT T LE CHORÉGRAPHE 2022 Mythologies, partition de Thomas Bangalter. 2008 Blanche Neige, costumes de Jean Paul Gaultier. 1996 Installation du Ballet Preljocaj-CCN à Aix-en-Provence. 1994 Le Parc, pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Angelin Preljocaj Propos recueillis par Emmanuelle Bouchez Danser l’impossible «Le lendemain s’est imposée l’idée: “Impossible? Alors j’y vais!” Au fil des écoutes, cette musique m’est apparue “technorganique”: mécanique à cause du bruit incessant des pales, mais or ganique grâce aux cordes jouées par des humains, qui réussissent, de ma nière incroyable, à leur arracher des sons. Cette lutte entre deux univers, tel un vortex aspirant toutes les parti cules, m’a poussé vers une chorégra phie de la résistance. Les six danseurs combattent pendant que le dispositif de caméra infrarouge imaginé par le scénographe Holger Förterer déclen che des projections géométriques au sol, corrélées à leurs mouvements. Mais les interprètes savent aussi jouer: ils se glissent dans ce flux ininterrom pu de sons comme des oiseaux qui prennent les courants ascendants.» Un quatuor et des hélicos «Remonter Helikopter, pièce chorégra phiée sur la musique du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen (19282007), et la faire suivre, en miroir, d’une création sur une partition de Laurent Garnier est la meilleure façon pour moi de rendre hommage à ce pré curseur de la musique électronique que j’admire tant. Sans l’influence de qui je n’aurais osé explorer ensuite d’autres univers sonores expérimen taux. Quand, en 1999, j’ai découvert, par hasard, le CD de sa pièce Helikopter-Streichquartett, le rejet a d’abord été total: “Indansable!” Enregistrée quatre ans plus tôt par le Quatuor Ar ditti réparti dans quatre hélicoptères en plein vol, celleci me semblait une épreuve impossible. À la première au dition, ce chaos sonore me paraissait même “dangereux” pour la danse. La crainte instinctive alors ressentie était que le son des turbines allait cisailler les jambes des danseurs!» Laurent Garnier en bouquet final «Stockhausen, toujours à ses consoles d’ordinateur, était comme un grand père de l’électro, alors je lui ai cherché un petitfils: Laurent Garnier, compo siteur DJ avec qui j’ai déjà travaillé. La seule consigne donnée ? “Sois solaire !” Par opposition à la chape sombre que représente Helikopter, sa pièce s’appelle Licht (“lumière”). Elle fait pourtant encore référence à Stock hausen et à son cycle du même nom, constitué de sept opéras — un pour chaque jour de la semaine. Une telle proximité avec le maître allemand lui a peutêtre d’abord paru impression nante. Mais lui seul me semblait ca pable de relever un tel défi. Sa capaci té à mettre en transe des assemblées entières m’a toujours fasciné. Après l’éprouvant Helikopter, sa musique, lumineuse, permet aux corps de se défaire des carcans, et de danser jus qu’à leur libération.»• l’actu Le chorégraphe reprend Helikopter, œuvre obsédante inspirée par le compositeur allemand Stockhausen. Et fait appel au DJ Laurent Garnier pour Licht, sa nouvelle création, présentée jusqu’au 3 mai au Théâtre de la Ville-SarahBernhardt, Paris 4e, avant de partir en tournée (lire p. 70). U N E N O U V E L L E È R E P O U R L ’ O P E N W E B Outbrain et Teads unissent leurs forces pour créer la plateforme publicitaire de référence sur l’Internet ouvert, au service des marques. Reach inégalé, formats créatifs innovants, technologie prédictive conçue pour générer des résultats concrets sur tous les écrans, à chaque étape du parcours d’achat. Maximisez votre impact, (re)découvrez Teads. Elevated Outcomes vot vot Te Te 8 Télérama 3928 23/04/25 THOMAS SAMSON/AFP | MEHDI CHEBIL/HANS LUCAS LA HONTE Cauet sur Europe 2, énième violence faite aux femmes LE CHIFFRE 15 C’est, en tonnes, la production de CO2 par passagère de l’équipage de la fusée Blue Origin, qui a notamment emmené la chanteuse Katy Perry dans l’espace le 14 avril. Soit autant en onze minutes que ce que la star aurait dû émettre en huit ans, selon le Giec. En comptant la construction de la fusée, on arrive même au chiffre de 429 tonnes de CO2, ce qui équivaut à ce qu’un·e Français·e émet en quarante-trois ans. LA TENDANCE Le livre, pas vraiment à la fête Alors qu’un rapport du CNL (Centre national du livre) pointait il y a quelques jours la baisse du temps consacré par les Français à la lecture, l’alerte lancée par le réseau Relief (Réseau des événements littéraires et festivals), qui fédère une soixantaine de manifestationsenFrance,maisaussienBelgique etauQuébec,ne risque pasderassurer lemondedulivre.Unetribunes’alarme en effet du danger qui pèse sur l’ensemble des manifestations littéraires. «Noussommesnombreuxàressentirune inquiétude croissante face à une situationbudgétairequisedégradecontinuellement», est-il expliqué dans le communiqué, qui insiste notamment sur le désengagement des collectivités et le retrait des soutiens publics, parallèlement à l’inflation. Des difficultés illustrées par la décision d’autodissolution, prise en octobre dernier, par l’équipe delaFêtedulivredeBron,aprèstrenteneuf ans d’existence. Une disparition quirisquemalheureusementdenepas rester isolée si rien n’est fait pour soutenir le secteur. ▶ Maxence Sorel comme toxique et sexualisé de ses émissions. « Europe 2 insulte les victimes », a tonné l’une d’elles dans Le Parisien. «C’est un énorme coup de pied à la parole qui se libère», a réagi Caroline Barel, de l’association MeTooMedia. Ce choix poursuit un objectif commercial : présentée par Benjamin Castaldi, la matinale de la station privée s’est effondrée en audience. Il lui faut remonter la pente, et pour les questions de principe que pose cette embauche en pleine instruction judiciaire, on repassera. Au moment où le magazine Time classe Gisèle Pelicot parmi les cent personnes les plus influentes de 2025, où la France fait laborieusement son chemin sur la lutte contre les violences sexuelles, la décision du groupe Bolloré, qui avait déjà maintenu sur CNews Jean-Marc Morandini — condamné pour harcèlement sexuel et corruption de mineurs, il vient de se pourvoir en cassation —, est violente de régression. Morandini? C’est d’ailleurs lui qui a communiqué «en exclusivité» l’embauche de Cauet. ▶ François Rousseaux Alors donc, Europe 2 (radio du groupe Lagardère, passé sous giron Bolloré) vient d’annoncer le retour sur la station de l’animateur Sébastien Cauet, figure populaire de l’audiovisuel, à un poste convoité: animateur de la matinale, à compter du 28 avril, pour «impulserunedynamiquepositive» et «des moments cultes et déjantés ». Mieux vaut être bien assis. Car le même Cauet a été écarté de NRJ, son ex-employeur, après la révélation d’une première plainte pour viols en 2023. Il a été mis en examen pour viols et agression sexuelle sur quatre femmes, dont trois étaient mineuresaumomentdesfaitsreprochés, accusations qu’il nie. Placé sous contrôle judiciaire, Cauet, présumé innocent, est autorisé par la cour d’appel de Paris à exercer de nouveau son activité professionnelle «dès lors qu’il n’y a pas de public» dans son studio. De quoi ce recrutement édifiant est-il le nom? Plusieurs enquêtes journalistiques fouillées ont recueilli les témoignages des victimes présumées, documenté les comportements de Cauetainsiquel’environnement décrit Sébastien Cauet en 2024 au tribunal de commerce de Paris, où il avait assigné son employeur, NRJ. 9 Télérama 3928 23/04/25 L’ŒIL SUR L’ACTU LA LOI Il est urgent d’encadrer le retour d’œuvres spoliées Parlement. L’une sur les vingt-six objets des palais d’Abomey, retournés au Bénin, et un sabre, rendu au Sénégal, votée en décembre 2020. Et l’autre concernant donc le tambour ivoirien, actuellement en discussion au Sénat. Un chiffre sans aucune mesure avec les enjeux actuels de restitution. « Nous avons absolument besoin d’une loi-cadre opérationnelle, il y a urgence », prévient le sénateur Pierre Ouzoulias (PCF), ancien conservateur du patrimoine. «Les demandes de restitution vont se multiplier, et il faut une méthodologie, des solutions. Nous sommes prêts au Sénat à examiner le texte, et une majorité est possible.» Le sénateur ainsi que ses collègues en sont persuadés: il faut également une commission d’experts scientifiques spécifique, afin d’accompagner les demandes et la décision politique. De quoi convaincre la ministre de remettre sur les rails le texte de loi? «Je suis tout à fait favorable à une troisième loi-cadre», a en tout cas précisé Rachida Dati lors de l’examen du rapportencommission.Etdepoursuivre: «Le texte est prêt, même s’il doit être validé par le Conseil d’État», devant des sénateurs sceptiques mais prêts à se pencher sur un texte qui ne leur a pour l’instant pas été soumis. Rachida Dati n’a de cesse de dire qu’elle est une ministre qui fait ce qu’elle dit. Concernant la loi-cadre, elle peut compter sur des sénateurs investis et des musées qui avancent également sur ces questions. Il faudra certes trouver une majorité dans une Assemblée nationale incertaine. Mais chiche, Madame la Ministre? ▶ Francine Guillou Onaenfindesnouvellesdelaloi-cadre sur les restitutions de biens culturels, sortie de l’agenda parlementaire au printemps 2024. Le 9 avril, durant l’examen au Sénat de la loi relative à la restitution du tambour Djidji Ayôkwé à la Côte d’Ivoire, la ministre de la Culture l’a de nouveau mentionnée devant des sénateurs de la Commission de la culture très agacés par le retard pris dans l’écriture du texte législatif. Ce retard contraint, en effet, à élaboreretàvoterdesloisd’exception pour faire sortir les biens des collections publiques françaises, au caractère inaliénable. Et force les parlementaires à voter au cas par cas, suivant un agenda bien souvent porté par des enjeux diplomatiques. Résultat? En cinq ans, seules deux lois d’exception portant sur des biens culturels africains sont arrivées au LA PHRASE «Jesuissérieusedansmon intentiond’arrêterdejouer.» CATE BLANCHETT L’actrice australienne de 55 ans, interrogée par Radio Times, renouvelle son désir de retraite. En 2023 déjà, lors de la campagne de promotion de Tár, la double lauréate des Oscars avait évoqué cette envie: «On tombe amoureux et on se lasse, et il faut se laisser séduire pour y revenir.» Parmi les trésors royaux à avoir retrouvé le chemin du Bénin à l’automne 2021, la statue en bois du roi Glélé, mi-homme, mi-lion. 10 Télérama 3928 23/04/25 L’INTERVIEW «Il est hors de question de capituler face à Trump» Harvard a donc décidé de s’engager, frontalement, dans la résistance à Trump. Face à une longue série d’exigences de l’administration américaine, qui menace de couper 9 milliards de dollars de subventions publiques à l’université, son président, Alan Garber, a choisi de ne pas plier. Depuis, le gouvernement a riposté en gelant 2,2 milliards d’aides et multiplie les menaces. Quels sont les enjeux et les conséquences de ce bras de fer? Entretien avec Steven Pinker, professeur de psychologie et président du Conseil de la liberté académique de Harvard. Le refus de plier du président de Harvard vous a-t-il surpris? Non. La dernière liste des exigences émanant de l’administration Trump, publiée le vendredi 11 avril, a constitué un tel choc! Si les demandes avaient été plus modérées, Harvard aurait pu négocier, mais elles sont tellement intrusives, déraisonnables, qu’il était inévitable de résister. Jamais dans notre histoire une université privée n’a été confrontée à de telles exigences. Nous sommes face à une présidence ultra agressive qui veut affirmer son contrôle, marquer des points face à ce qu’elle présente comme une grande conspiration de gauche… Qu’exige l’administration? Le gouvernement fédéral veut placer l’université sous son contrôle, décider des embauches, des licenciements, des admissions des étudiants, ou encore fermer certains départements et en favoriser d’autres. Par exemple, Harvard devrait exiger des étudiants qu’ils soutiennent les institutions de la Déclaration d’indépendance et de la Constitution. Ce qui revient à demander un serment de loyauté, à interroger les croyances des étudiants avant de les admettre ! Il est aussi question de donner plus de pouvoir aux professeurs qui défendent l’administration Trump. Autre point scandaleux : des comités approuvés par le gouvernement seraient chargés de vérifier la «diversité des points de vue» dans chaque département et les placeraient sous le contrôle d’un autre département s’ils ne satisfont pas le comité. Bref, il s’agit de dicter aux universités les idées qu’elles enseignent, sur lesquelles elles travaillent et celles que les étudiants peuvent avoir. C’est inacceptable. Que pensez-vous de l’objectif affiché du gouvernement d’insuffler plus de diversité idéologique dans les universités? La diversité des points de vue est un idéal que je soutiens. Nous sommes confrontés, ces dernières années, à une érosion réelle de la liberté académique sur nos campus: nous avons assisté à l’annulation de conférenciers ayant des positions «impopulaires», vu certains départements se transformer en monocultures inhospitalières aux opinions contraires et instaurer des politiques axées sur l’identité, tendant à établir des frontières entre les groupes au lieu de les dissoudre. Le résultat est une spirale de silence dans laquelle les étudiants et les professeurs s’autocensurent, laissant le discours public aux voix les plus bruyantes… Nous sommes nombreux à penser que nos universités doivent se réformer de l’intérieur. Mais décider que le gouvernement pourrait nommer une commission pour vérifier notre diversité de points de vue, sachant qu’il s’agit en réalité de représenter celui de l’administration Trump, c’est autre chose ! J’ai l’impression de vivre dans un livre 11 Télérama 3928 23/04/25 DAVID L. RYAN/THE BOSTON GLOBE VIA GETTY IMAGES L’ŒIL SUR L’ACTU Aux abords de Harvard, le 15 avril, une affiche appelle à faire front contre Donald Trump. d’Orwell! La Maison-Blanche pourrait obliger un département de psychologie à avoir un freudien ou un jungien, un département d’économie à choisir un marxiste ou un libertarien, un département de sciences politiques à imposer un fasciste, un nationaliste, un théocrate… Cela n’a rien à voir avec la diversité des points de vue. L’administration Trump accuse aussi Harvard de laisser fleurir l’antisémitisme… C’est absurde. C’est un prétexte supplémentaire pour les pressions gouvernementales contre un campus situé beaucoup plus à gauche que la population. L’objectif est d’attaquer les universités, tous azimuts. Le fait qu’il y ait eu un incident ici ou là ne signifie pas que Harvard soit un bastion del’antisémitisme.Lecampuscompte des dizaines de milliers d’étudiants, desmilliersdeprofesseurs,plusd’une douzaine d’écoles. Trois de nos derniers présidents sont juifs ainsi que de nombreux professeurs, qui, comme moi, s’épanouissent à Harvard. S’attaquer à la recherche, en partie constituée de scientifiques juifs, ne nous rend pas service. Ni quand on affaiblit les universités au nom de la défense des intérêts des Juifs, ce qui est une autre forme d’antisémitisme. Au sein de l’université, comment la décision du président Alan Garber a-t-elle été reçue? La grande majorité du campus partage le sentiment que Trump va beaucoup trop loin et qu’il est hors de question de capituler. Au sein du conseil de la liberté académique de Harvard, organisation bénévole constituée de deux cents professeurs, nous soutenons massivement la décision du président Garber. La décision de résister à Donald Trump peut-elle constituer un tournant? J’espère que ce sera le cas; le refus de plier de Harvard a une force symbolique, au vu du poids, de l’histoire et du prestige de cette institution. Mais nous vivons une période d’une telle incertitude… Qui aurait pu prévoir la guerre commerciale que Donald Trump a déclenchée le 9 avril dernier, avec ces nouvelles taxes douanières, une mesure massive, irréfléchie, qui a choqué l’ensemble des économistes par sa stupidité? Pensez-vous que d’autres universités suivront l’exemple de Harvard? Là encore, je l’espère. Harvard est dans une position particulière, car elle dispose d’une dotation [un fonds de réserve de 53,2 milliards de dollars, ndlr] qui peut compenser, au moins temporairement, le retrait des financements publics. Les autres universités n’ont pas ce filet de sécurité. Quel sera l’impact du gel des subventions? Il est potentiellement dévastateur. La majeure partie des recherches, à Harvard, sont soutenues par le gouvernement fédéral. Cela pourrait affecter l’école des sciences, l’école d’ingénieurs, une grande partie des sciences sociales, l’école de médecine ou mon propre département de psychologie. La Maison-Blanche menace aussi de s’en prendre au statut fiscal de Harvard, en imposant les revenus de la dotation, jusqu’ici exemptés. Et de réduire les coûts « indirects », c’est-à-dire l’argent versé à Harvard pour les infrastructures, l’électricité, les systèmes d’information, l’archivage, les ressources humaines, l’administration. Comment Harvard pourra-t-elle faire face? Elle pourrait piocher dans sa dotation et en réaffecter les fonds pour soutenir la recherche… Elle peut aussi se pourvoir en justice, car beaucoup des mesures demandées par la MaisonBlanche ne sont pas autorisées par la loi. Nous avons de plus en plus l’impression d’avoir affaire à un dictateur et à une république bananière. ▶ Propos recueillis par Weronika Zarachowicz
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