TÉLÉRAMA n°3918 - Page 6 - 3918 3 Télérama 3918 12/02/25 DRISS BROUSSARD PREMIER PLAN À Rennes, Aubervilliers, Lyon, Marseille ou Amiens, ils sont des milliers de spectateurs à se lever, à la demande des artistes, en soutien à la culture mise à mal par d’importantes coupes budgétaires. Un selfie plus tard et les photos de ces happenings circulent sur Internet et les réseaux sociaux avec le hashtag #DeboutPourLaCulture, accompagnées d’une pétition signée de 40000 professionnels emmenés par de nombreuses personnalités, venant rappeler l’urgence de la défense d’un service public de la culture. Symboliques, ces actions n’en témoignent pas moins d’une réalité: jamais la puissance publique n’a fait preuve d’une telle impuissance à financer la culture. Illustration en quatre actes. Le premier est intervenu à l’automne 2024 dans les Pays de la Loire quand la présidente de Région, Christelle Morançais, a réduit de 60 % les subventions. À ses yeux, la culture ne fait pas partie des compétences « exclusives » des Régions. On s’apercevra vite que l’arbre des Pays de la Loire cachait une forêt de baisses — plus ou moins importantes — dans nombre de Régions et départements, signant là les prémices d’un désengagement des collectivités locales. Le 6 février, le budget de l’État était enfin voté et avec lui celui du ministère de la Culture aux crédits en berne et aux ambitions rognées par les coups de rabot successifs des gouvernements Barnier et Bayrou. Au ministère de l’Éducation nationale, c’est la part collective du pass Culture qui a été sciemment sous-financée, conduisant à son arrêt brutal fin janvier, au grand dam des professeurs (lire p. 24). Dans l’intervalle, on aura vu Emmanuel Macron voler au secours du Louvre et présenter un plan de rénovation dont plus des trois quarts seront payés par de l’argent privé (billetterie et mécénat), actant ainsi que l’État n’est plus en mesure de soutenir l’entretien d’un des fleurons de son patrimoine. Il devient donc explicite que les pouvoirs publics n’ont plus les moyens de subventionner une politique culturelle ambitieuse. Ou ne souhaitent plus se les donner. Certes, l’impératif d’un redressement des comptes publics est incontestable et la culture pas intouchable. Mais cette séquence et les discours parfois méprisants à l’égard des artistes interrogent. Et si c’était moins notre modèle de financementquiétaitàboutdesoufflequelaconsciencepolitique de l’importance de la culture dans notre société?• 1er février 2025 au Théâtre des Célestins, à Lyon. À l’issue d’une représentation, le public et les équipes se lèvent pour exprimer leur soutien au monde de la culture. Vent debout pour la culture Par Olivier Milot Télérama 3918 12/02/25 4 PROTON CINEMA/YELLOW BEAR FILMS/BROOKSTREET PICTURES/ANDREW LAUREN PROD. | JEAN-FRANÇOIS ROBERT POUR TÉLÉRAMA | DENIS ALLARD/LEEXTRA | MATHIEU PAUGET POUR TÉLÉRAMA SOMMAIRE EN COUVERTURE Pio Marmaï le 23 janvier 2025. Photo Jérôme Bonnet pour Télérama. Stylisme Alexandra Conti. Manteau et tee-shirt Louis Vuitton. Maquillage Delphine Sicard. Ce numéro comporte pour la totalité des kiosques: une couverture spécifique «Paris-IDF» pour les abonnés et les kiosques de Paris-IDF, et une couverture nationale. Posée sur la 4e de couverture: une enveloppe FVF pour les abonnés de Paris-IDF et les GPub. Édition régionale, Télérama+Sortir, pages spéciales, foliotée de 1 à 56, jetée pour les kiosques des dép. 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95, posée sous la 4e de couverture pour les abonnés des dép. 75, 78, 92, 93, 94. 14 28 36 32 Cinéma The Brutalist, film monumental Enquête Qu’arrive-t-il à Blanche Gardin? Médias Le nouveau cap de BFMTV Idées Le moisi, c’est la vie Dans le cadre des Résidences d’artistes, la Fondation d’entreprise Hermès invite des plasticiens dans les manufactures de la maison afin de créer des œuvres originales à l’appui des savoir-faire des artisans. RÉSIDENCES D’ARTISTES NOS GESTES NOUS CRÉENT ET NOUS RÉVÈLENT FONDATIONDENTREPRISEHERMES.ORG DU 15/2 AU 21/2 MAGAZINE Télérama 3918 12/02/25 ELIZA CALLAHAN | DENNIS MORRIS | CLARA BEAUDOUX/SQUAWK/ARTE FRANCE 6 58 Musiques Horsegirl 68 Photographie Dennis Morris à la MEP 73 Télévision Beau comme un tracteur TÉLÉVISION & PLATEFORMES RADIO & PODCASTS 3 Premier plan Vent debout pour la culture 8 L’instant T Alexis Manenti 10 L’œil sur l’actu 13 Story-board Doechii, reine de l’arène rap RÉCIT 14 «The Brutalist», film total L’épopée du film hors norme de Brady Corbet 19 Clap de fin pour le clip Pourquoi il n’a plus de succès ENTRETIEN 20 Pio Marmaï, l’attachant L’acteur est renversant dans L’Attachement 24 Impairs et pass Culture Reportage dans un lycée de Seine-Saint-Denis 26 Baryton et fils de ténor L’Anglais Huw Montague Rendall est Pelléas à Bastille 28 Blanche Gardin, la zone grise Ses prises de position ont pu déconcerter, le métier la boude et l’humoriste ne rit plus 32 BFMTV contre-attaque La stratégie de la chaîne pour concurrencer CNews 34 Andreï Kourkov et la guerre quotidienne L’écrivain ukrainien partage la soif de liberté de ses compatriotes IDÉES 36 Le charme discret des bactéries La philosophe Anne-Sophie Moreau s’interroge sur l’attrait mondial pour la fermentation VOYAGE 40 L’art nouveau à Darmstadt Dans les pas de l’architecte autrichien Josef Maria Olbrich BEAU GESTE 42 Fervente des ferments Miso, levain et kéfir à la sauce Vanessa Lépinard 130 Le meilleur de la semaine L’économie selon Aliette Hovine; les légendes du violoncelle; une histoire d’espion; les sentinelles du vivant 135 Les programmes 140 Talents 141 Mots croisés 142 Conversation CRITIQUES 73 Un doc beau comme un tracteur 75 Le face-à-face: Emily in Paris vs Dear You 76 Apple Cider Vinegar, la série complètement mytho 77 Deux fois Douze Hommes en colère 78 Bertrand Latour, cash au Canal football club 79 Mishima, par Paul Schrader 80 Nos soleils, un été en Espagne 81 En léger différé 82 Les sélections 88 Programmes et commentaires EN LUMIÈRE 46 Cinéma The Brutalist, film monstre de Brady Corbet, divise nos critiques 58 Musiques Horsegirl, du punk-rock minimaliste et maîtrisé 62 Livres Le Capitalisme de l’apocalypse, tout un programme 68 Arts Les portraits iconiques de Dennis Morris sont à la MEP 70 Scènes Caverne: le Collectif OS’O aux origines du monde SOURIEZ! SOURIEZ (1) Pour la commande d’une Nouvelle Fiat Grande Panda (RED) 44kWh neuve sans option au tarif conseillé en vigueur au 04/10/2024, déduction faite du bonus écologique de 4 000 € selon les conditions du décret n°2024-1084 du 29 novembre 2024 (conditions d’éligibilité sur https://www.economie.gouv.fr) et incluant 2 000 € d’aide à la reprise €cobonus Fiat sous condition de reprise d’une voiture de plus de 10 ans. Offre non cumulable avec d’autres offres en cours, réservée aux particuliers et valable jusqu’au 28/02/2025 dans le réseau Fiat participant. RCS Versailles 305 493 173. Modèle présenté : Nouvelle Fiat Grande Panda La Prima 44kWh (21 900 € dans les mêmes conditions). Gamme Nouvelle Fiat Grande Panda : Consommations min/max (Wh/km) : de 174 à 174 ; Émissions de CO2 (g/km) : 0 à l’usage. Jusqu’à 320 km d’autonomie électrique en WLTP. Pensez à covoiturer #SeDéplacerMoinsPolluer 100% ÉLECTRIQUE, DÈS 18900€ (1) Il n’y a pas photo. Alors... 8 Télérama 3918 12/02/25 NASSER BERZANE/ABACAPRESS.COM L’INSTANT T LE COMÉDIEN Alexis Manenti Propos recueillis par Guillemette Odicino Devenir berger « Mon personnage dans Le Mohican, deFrédéricFarrucci,estasseztaiseux. C’est l’idée que je me faisais d’un hom me solitaire, secret, et j’ai rencontré Joseph Terrazzoni, un des derniers bergers du littoral, dont mon person nage est inspiré. J’ai beaucoup imité ses gestes, sa manière de se déplacer… Il m’a même donné sa casquette pour le film. Et c’est son fils qui m’a appris le corse, que je ne parlais pas du tout, même si c’était une langue familière. Il fallait que je le parle parfaitement, car je voulais pouvoir retourner en Corse sans raser les murs!» Être plus qu’un acteur « J’aime être impliqué de différentes manières dans un projet. C’est d’ail leurs ainsi que tout a commencé : j’étais pote de quartier avec Romain Gavras, et donc présent quand s’est créé le collectif Kourtrajmé. Je don nais des idées pour des scénarios de courts métrages et, un jour, Romain m’a fait jouer un sanspapiers d’Eu rope de l’Est. Après, j’ai passé des cas tings, mais je trouvais cette expé rience humiliante. Vers 26 ans, j’ai compris qu’il fallait que j’apprenne ce métier. J’ai pris des cours du soir et bouffé du cinéma d’auteur, je suis passé de Scarface à Fellini. Le premier film où je me suis vraiment senti acteur, c’est Voir du pays (2016), des sœurs Coulin, puis est arrivée l’aven ture des Misérables. Je suis très fier, aussi, de Dalva (2022), d’Emmanuelle Nicot, où je joue un éducateur. Ma mère m’a encouragé à faire ce film. Elle a travaillé pour l’aide sociale à l’enfance et m’a sensibilisé à ces sujets. Au féminisme, aussi. D’ailleurs, j’ai de la chance, j’ai beaucoup tourné avec des réalisatrices. Ça fait des années, également, que je travaille sur une adaptation contemporaine de Nana, d’Émile Zola. On me disait qu’un homme ne pouvait pas le faire, et je viens d’apprendre qu’un autre projet va naître, réalisé par… un homme.» • La force des racines «Je suis lié à la Corse par mon père, décédé quand j’avais 16 ans. Il y est enterré et j’y serai enterré aussi. Notre caveau est à Cargèse, le village d’où est originaire Ivan Colonna, qui était berger à l’origine. Le Mohican repose, justement, sur le mythe du bandit d’honneur. J’ai lu pas mal de littérature corse à une époque sur ce sujet. Mon lien avec cette terre est une des raisons qui m’ont vraiment séduit dans ce projet. La volonté de Frédéric Farrucci de faire du Mohican un western et sa manière, aussi pas sionnée que politique, d’en parler étaient très excitantes ! J’ai eu quel ques jours de tournage qui se sont che vauchés avec À son image, de Thierry de Peretti, où je ne joue pas un Corse mais un soldat d’exYougoslavie. Thierry tenait à ce que je participe à son film, car ma mère est originaire de Belgrade, et je l’ai accompagné làbas plusieurs fois pour ses repérages et l’aider à trouver des comédiens.» 2025 Ad vitam, de Rodolphe Lauga, sur Netflix. 2023 Le Ravissement, d’Iris Kaltenbäck. 2019 Les Misérables, de Ladj Ly. l’actu Après son César du meilleur espoir masculin pour Les Misérables, de Ladj Ly, dont il a coécrit le scénario, Alexis Manenti est Le Mohican, de Frédéric Farrucci (en salles, lire p. 50). 10 Télérama 3918 12/02/25 LE CHIFFRE 324 C’est, en milliers, le nombre de cinéphiles venus assister à l’une des séances de la 27e édition du Festival cinéma Télérama (contre 310000 en 2024) dans l’une des 476 salles participantes dans tout l’Hexagone. Le trio de tête des films plébiscités? Emilia Pérez, la comédie musicale de Jacques Audiard (51167 spectateurs), L’Histoire de Souleymane, de Boris Lojkine (37027 spectateurs), et Les Graines du figuier sauvage, de Mohammad Rasoulof (33495). L’OVATION Adèle Haenel se lève et poursuit le combat À la sortie de l’audience au cours de laquelle le réalisateur Christophe Ruggia a été condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour agressions sexuelles sur mineure (il a fait appel), les militantes venues soutenir Adèle Haenel l’ovationnent. « Elle a dit qu’elle faisait avancer les droits humains », raconte une jeune fille,témoindelaseuleprisedeparole de l’actrice, ce lundi 3 février, devant le tribunal de Paris. L’actrice avait porté plainte en 2020, pour des faits qui avaient eu lieu entre 2001 et 2004 (à l’occasion de rendez-vous hebdomadaires chez le cinéaste), alors qu’elle était adolescente. En cinq ans, le temps d’une instruction douloureuse, Adèle Haenel est devenue l’une des principales figures de la libération de la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS), au même titre que sa consœur Judith Godrèche, d’ailleurs présente à l’audience. «Je ne parle pas pourtouteslespersonnesquinepeuvent pas parler. Je parle de toutes les personnes qui ne peuvent pas parler», précise pourtant Adèle Haenel sur le plateau de Mediapart, au lendemain du jugement. Et de rappeler que si des progrès sont à observer, c’est avant tout grâce à «l’action de la société civile».«Malheureusement,letraitement auquel j’ai eu droit est exceptionnel », déplore l’artiste, qui revendique que soient mises en place les conditions d’un soutien infaillible aux victimes de VSS. Pour la jeune femme, ce combat reste éminemment politique. « Comment crée-t-on les conditions d’une société où ces crimes n’arrivent pas de manière aussi massive ? » demande-t-elle. Quand admettra-t-on enfin qu’il s’agit d’un «problème de collectif » ? D’ailleurs, du verdict luimême, Adèle Haenel ne dira pas grand-chose. «Ce qui nous répare, c’est de changer le monde», assène-t-elle à la place. ▶ Chloé Delos-Eray LE RÉSISTANT Ady Steg, un homme exemplaire Des centaines — et bientôt, on l’espère, des milliers — de lycéens vont connaître son nom: Ady Steg, né en 1925 dans l’actuelle Ukraine, arrivé enfant à Paris, échappant de peu à la déportation, résistant, devenu professeur d’urologie, organisateur des urgences hospitalières, mais aussi pilier de l’historique mission Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France, responsable communautaire infiniment respecté, et infiniment respectueux des règles républicaines du vivre-ensemble… L’an passé, un très beau documentaire d’Isabelle Wekstein nous faisait découvrir son histoire exemplaire. Déjà projeté dans plusieurs lycées, Ady Steg, un parcours juif, une histoire française devient accessible à tous les établissements publics et privés sous contrat, via la plateforme Éduscol, accompagné d’un dossier pédagogique. En attendant que Steg entre un jour dans les manuels scolaires? ▶ Valérie Lehoux L’actrice à la sortie du tribunal de Paris. Christophe Ruggia a fait appel de sa condamnation. 11 Télérama 3918 12/02/25 ALEXIS SCIARD/IP3 | LANDMARK MEDIA/ALAMY STOCK PHOTO L’ŒIL SUR L’ACTU LE DÉCRYPTAGE Faut-il ressusciter Buffy? LA PHRASE «Àforcedevouloir faireduremplissage, onenarriveàparlerdetout n’importecomment.» LE SYNDICAT DE JOURNALISTES SNJ DE FRANCE TÉLÉVISIONS Qui trouve «inexcusable» la tenue d’un débat sur Franceinfo avec un professionnel du tourisme sur le thème «Gaza “Côte d’Azur”, et si c’était possible?». Sarah Michelle Gellar, la Buffy originelle. La plateforme de streaming américaine Hulu prépare un reboot de la série culte sur les nuits blanches d’une lycéenne élue pour chasser les vampires d’une petite ville californienne. De quoi aiguiser l’appétit des fans… ou leur faire très très peur. Ce qui inquiète La question peut paraître mineure pour ceux qui: a. n’ont jamais vu Buffy (« je suis passé à côté ») ; b. la regardent encore de haut («ah! oui, ce truc débile qu’adorait ma petite sœur… »). Mais pour des millions d’amateurs et d’exégètes happés entre 1997 et 2003, ou convertis à la faveur de l’adoubement intellectuel dont bénéficie la série depuis quinze ans, la question est de la plus haute importance. Car les vrais fans savent que cette pop-corn série, qui fit jadis le bonheur des samedis soir de M6, est aussi un récit d’apprentissage riche en métaphores sur les épreuves d’une adolescente qui cherche sa place dans le monde. Une cathédrale textuelle fondée sur la vision d’un auteur, Joss Whedon. Faire du neuf avec pourrait relever de la profanation, d’autant que son architecte, en disgrâce après des accusations de mauvaise conduite, ne participe pas aux travaux de reconstruction. Ce qui rassure Une aberration ? Oui. Et non. Après tout, de nombreux scénaristes renommés ont fait leurs classes sur Buffy et produit certains des meilleurs épisodes. Alors pourquoi Nora et Lilla Zuckerman, recrutées pour ce reboot, ne sauraient-elles pas à leur tour faire vibrer la corde? Le CV du duo, qui a supervisé la très smart Poker Face, plaide en sa faveur. Et la présence à la réalisation de l’oscarisée Chloé Zhao (Nomadland, Eternals) ajoute au crédit du projet. Ce qui intrigue Faut-il, alors, craindre que Buffy ne soit plus Buffy sans Buffy au centre? Sarah Michelle Gellar sera de l’aventure mais dans un rôle secondaire, l’intrigue se focalisant sur une nouvelle tueuse. Un sacrilège qui n’en est pas un si l’on songe à la morale de la série : retournant le cliché de la blonde des films d’horreur qui meurt toujoursenpremier,pourenfaireune combattante, elle se terminait sur une extension du domaine de la lutte audelà de sa seule héroïne. La vérité, c’est qu’on est curieux de voir comment ce qui était en germe dans le dernier épisode peut éclore aujourd’hui, où le féminisme est l’enjeu d’une guerre culturelle. Tout en redoutant que Buffy soit broyée par la machine à séries et ses recettes sociologisantes… ▶ Caroline Veunac 12 Télérama 3918 12/02/25 VÉRONIQUE DE VIGUERIE/GETTY IMAGES | DALLE APRF L’ŒIL SUR L’ACTU L’ADIEU Black Sabbath, l’ultime concert À Kaboul, le 28 octobre 2022, la retransmission d’une leçon de pachto, à Radio Begum. L’INDIGNATION Radio silence pour les femmes d’Afghanistan À l’heure où nous écrivons, l’antenne de Radio Begum, normalement retransmise en France via son site Internet, reste désespérement muette. Le 4 février, à Kaboul, des agents du pouvoir ont fait irruption au siège de cette station animée par des femmes, pour les femmes, et ont arrêté deux de ses employés, saisi des ordinateurs, des disques durs, des téléphones… Radio Begum, qui se défend de tout activisme politique, se voit accusée de diverses infractions. Les autorités ont suspendu sa diffusion jusqu’à ce qu’une «décision définitive» soit prise. Trois ans et demi après le retour des talibans au pouvoir, la descente aux enfers des Afghanes surpasse les pires dystopies. Après l’interdiction quileurestdésormaisfaitedeparleret de chanter en public, ou l’obligation de murer les fenêtres des pièces où elles sont censées se trouver, la suspension de cette station, unique en son genre, vient les asphyxier un peu plus. Alors que les Afghanes n’ont plus accès à l’enseignement secondaire, Radio Begum était la seule à diffuser des programmes éducatifs à leur intention — en plus de récits mis en ondes, d’émissions sur la religion mais aussi sur la santé, ou des sessions dites «psychologiques», à l’écoute d’auditrices qui, de plus en plus, se disent envahies de pensées suicidaires. Fondée par Hamida Aman, journaliste et entrepreneuse afghane, la station a été lancée le 8 mars 2021 à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, cinq mois avant que Kaboul ne repasse sous le contrôle des talibans. Depuis, elle était parvenue tant bien que mal à se maintenir. La suspendre, c’est tenter de mettre à terre l’esprit de résistance et la volonté de vivre qui continuent, malgré tout, d’animer les femmes d’Afghanistan. ▶ Valérie Lehoux Certains rockeurs, à tort ou à raison, refusent de raccrocher les gants. D’autres se montrent plus raisonnables, parfois au grand dam de leurs fans. En décidant de livrer un concert final exceptionnel le 5 juillet prochain au stade Villa Park de Birmingham, Black Sabbath, formé en 1968, n’est pas loin de créer un événement historique. Car Geezer Butler (le bassiste), Bill Ward (le batteur, absent des dernières retrouvailles du groupe), Tony Iommi (le guitariste, atteint d’un lymphome depuis 2012) et le toujours plus abîmé mais vaillant prince des ténèbres Ozzy Osbourne (le chanteur, atteint de la maladie de Parkinson) ne se contenteront pas d’unir une dernière fois leurs forces pour faire honneur à leurs origines et à leur ville natale. Ils seront la tête de ce qui tient de la plus belle affiche de metal jamais proposée. Un concert dont les bénéfices seront versés à des œuvres de charité et auquel se font un devoir de participer les plus prestigieux disciples du quatuor : Metallica, Slayer, Pantera,Gojira,AliceinChains,Lamb of God, Anthrax et Mastodon… On n’est pas loin du frisson monumental provoqué par l’ultime prestation d’exception de Led Zeppelin à Londres en 2007, Sabbath se produisant de surcroît avec sa formation d’origine au complet. Et si les véritables indestructibles, c’étaient eux? ▶ Hugo Cassavetti 13 Télérama 3918 12/02/25 KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA | CHRISTOPHER POLK/BILLBOARD VIA GETTY IMAGES | INTERSCOPE Ci-contre: 2024, année faste pour Doechii, avec l’album Alligator Bites Never Heal, et une vidéo virale sur les réseaux sociaux. En haut: le 2 février, à Los Angeles, la native de Floride fait le show et remporte le Grammy Award du meilleur album rap. STORY-BOARD Par Jean-Baptiste Roch Dans l’arène rap, une nouvelle reine femme à remporter ce prix, derrière les illustres Lauryn Hill (avec les Fugees) et Cardi B. Après un discours empreint de sororité et de résilience qui a fait chavirer la salle, elle a livré un medley bondissant de son premier album (où elle pose avec un alligator blanc Son ascension est fulgurante. En empochant la semaine dernière le Grammy Award du meilleur album rap de l’année, au nez et à la barbe d’autres pointures (Eminem, Pete Rock…), Doechii a créé la surprise. D’autant qu’à 26 ans, elle n’est que la troisième dans les bras) dans une chorégraphie époustouflante, accompagnée d’une vingtaine de danseurs clones. Une version plus impressionnante encore que celle donnée fin 2024 sur le plateau télé de Stephen Colbert, qui avait fait le tour du monde. Un phénomène•
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