TÉLÉRAMA n°3922 - Page 4 - 3922 4 Télérama 3922 12/03/25 CHIP SOMODEVILLA/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/GETTY IMAGES VIA AFP PREMIER PLAN «En Amérique, on parle de maccarthysme et de chasse aux sorcières, mais n’oublions pas que dans les années 1950 les scientifiques visés étaient attaqués sur leurs opinions politiques, pas sur leur activité professionnelle. [Aujourd’hui], c’estdansleslaboratoires,etcontreladéfinitiondenosmétiers commetravailleursdelapreuveetdéfenseursd’unemoralede l’intelligence qui n’avance rien sans que ce soit prouvé que l’attaque est menée! Et ça n’a pas de précédent.» À travers les mots de l’historien Patrick Boucheron et de quatre autres chercheurs réunis vendredi dernier au Collège de France résonnaient la gravité et la solennité du moment. Ils étaient venus exprimer, comme des dizaines d’autres dans une vingtaine de villes en France, leur solidarité avec le mouvement Stand Up for Science, formé depuis peu aux États-Unis. Ils ont raconté dans le détail les avanies subies par leurs collègues américains, victimes du blitzkrieg mené contre les savoirs et le débat scientifique par Donald Trump et ses hommes de main. Censure, suppression de milliers de postes, réduction drastique des crédits de la recherche, mais aussi chantage, menaces et humiliations ad hominem: la violence exercée contre la communauté scientifique étatsunienne explique en grande partie la sidération et la peur qui ont figé les esprits outre-Atlantique. Que faire, maintenant? «La science est un bien commun» dont l’importance ne s’arrête pas à la porte des labos et des universités, ont rappelé les chercheurs français. Et, comme le soulignait Claire Mathieu (CNRS), le sabotage orchestré par les voyous de la MaisonBlanche doit à la fois interroger («Comment en est-on arrivé là?»), mobiliser (« Comment aider nos collègues aux États-Unis?») et aiguillonner («Comment faire pour que ça n’arrive pas en France»). Trois questions qui exigent une réponse concertée… et, osons le dire, musclée. Le plus grand défi auquel sont aujourd’hui confrontés les scientifiques concerne sans doute leur capacité à sortir d’un isolement studieux pour convaincre l’ensemble de la population que ce qui est en jeu ici — la capacité à délibérer sur la base des faits et non des croyances ou d’une quelconque autorité — est un pilier de la démocratie. Sa destruction volontaire est, par conséquent, une attaque brutale contre ce qui nous réunit: nous sommes maintenant «dans une communauté de désarroi et de danger», a conclu Patrick Boucheron. Donc nous sommes tous embarqués• «Virer des scientifiques crée une tempête de merde»: un slogan vu dans une manifestation, le 3 mars, dans le Maryland. La science entre en résistance Par Olivier Pascal-Moussellard *OFFRE STANDARD AVEC PUB. DES RESTRICTIONS S’APPLIQUENT. FRANCE MÉTROPOLITAINE SEULEMENT. PLUS D’INFORMATIONS SUR NETFLIX.COM Télérama 3922 12/03/25 6 JEAN-FRANÇOIS ROBERT POUR TÉLÉRAMA | MARC LAFON | LINDA MERAD POUR TÉLÉRAMA | CLAUDETTE BARIUS/FOCUS FEATURES SOMMAIRE EN COUVERTURE En préparant la table, de Michael Peter Ancher, vers 1900, huile sur toile. Photo Christie’s/Artothek/ La Collection Ce numéro comporte pour la totalité des kiosques: une couverture spécifique «Paris-IDF» pour les abonnés et les kiosques de Paris-IDF, et une couverture nationale. Posés sur la 4e de couverture pour les abonnés de la France métropolitaine: un feuillet de 2p. VPC Histoire de l’art en BD pour la totalité des abonnés; une enveloppe FVF Sud (Chypre) pour les dép. 16-17-19-23-24-3340-47-64-79-86-87-09-11-1230-31-32-34-46-48-65-6681-82-01-03-07-15-26-3842-43-69-73-74-04-05-0613-20-83 et 84 et les Gpub; une enveloppe FVF Nord (Rhodes et mer Égée) sur les dép. 18-28-36-37-41-4521-25-39-58-70-71-89-90-1427-50-61-76-02-59-60-6280-08-10-51-52-54-55-5767-68-88-44-49-53-72-8522-29-35 et 56 avec 2p. VPC Histoire de l’art en BD et enveloppe FVF Nord (Rhodes et mer Égée) et les Gpub. Édition régionale, Télérama+Sortir, pages spéciales, foliotée de 1 à 56, jetée pour les kiosques des dép. 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95, posée sous la 4e de couverture pour les abonnés des dép. 75, 78, 92, 93, 94. 32 40 48 42 Entretien Hélène Vincent Histoire Willy Holt Rencontre Japanese Breakfast Idées Les 20 ans du bilan carbone Télérama 3922 12/03/25 7 MUSEUM IM KULTURSPEICHER WÜRZBURG, ESTATE OF EMY ROEDER | FREDERIC IOVINO DU 15 / 3 AU 21 / 3 59 Cinéma The Insider 74 Arts L’art «dégénéré» 78 Scènes Pistes… MAGAZINE CRITIQUES TÉLÉVISION & PLATEFORMES RADIO & PODCASTS 4 Premier plan Debout pour la science des deux côtés de l’Atlantique 8 L’instant T L’acteur Éric Elmosnino 10 L’œil sur l’actu 14 Story-board Qui veut la peau des arbitres de foot? SPÉCIAL TOURISME 16 Les demeures de créateurs Tour d’Europe en six maisons d’artistes 18 César Manrique à Lanzarote À l’ombre des volcans 20 Andrea Mantegna à Mantoue Géométrie de la Renaissance 22 Anna et Michael Ancher à Skagen Deux sur un promontoire 22 Oskar Kokoschka à Pöchlarn Le berceau d’un géant 28 René Magritte à Bruxelles Ceci est une salle à manger 30 Barbara Hepworth à St. Ives Un jardin de plâtre et de pierre ENTRETIEN 32 Hélène Vincent À l’affiche d’On ira, d’Enya Baroux, l’actrice revient sur un parcours d’abord marqué par le théâtre 36 Ça chauffe à Marseille! La cité phocéenne se retrouve au cœur de l’informatique mondiale. À quel prix? 40 Willy Holt, rescapé d’Auschwitz Des camps aux plateaux de cinéma, un parcours de liberté 42 Japanese Breakfast Au menu de Michelle Zauner, un livre et un album 44 Une Affaire qui ne passe pas Cent trente ans après, les résonances de l’affaire Dreyfus IDÉES 48 Le bilan carbone Issu du protocole de Kyoto, un outil qui fête ses 20 ans BEAU GESTE 52 Une bonne pâte La boulangerie de Pascale Brevet, à Arles 56 Cinéma Vers un pays inconnu: deux exilés face à la loi de la survie 64 Musiques La tragédie lyrique de Campra et Desmarest, Iphigénie en Tauride, sort de l’oubli 68 Livres Christine Angot tire de sa nuit dans un musée un récit fait de fragilité et de violence EN LUMIÈRE 74 Arts «L’art ”dégénéré”» au musée Picasso, ou l’art moderne dans le viseur des nazis 78 Scènes À travers sa propre histoire, Penda Diouf revient sur celle de la Namibie dans Pistes… 80 Pass week-end musées 83 Le Guépard de retour en série 86 Arte reportage fête ses 20 ans 88 L’histoire d’un gang corse dans un doc fascinant 89 Joe Alwyn, faux ingénu 90 Cycle Steven Spielberg sur OCS 91 Dans la famille Schwarzenegger, je voudrais le fils, Patrick 92 Les premiers maîtres italiens 94 Les sélections 100 Programmes et commentaires 142 Le meilleur de la semaine Fabrice Luchini nous fait partager ses «admirations littéraires»; un podcast sur la parentalité; Arthur Teboul reprend le flambeau de L’instant poésie, sur Culture; portrait de Mona Chollet, sur Arte Radio 147 Les programmes 152 Talents 153 Mots croisés 154 Conversation 8 Télérama 3922 12/03/25 L’INSTANT T RUDY WALKS POUR TÉLÉRAMA L’ACTEUR Éric Elmosnino Propos recueillis par Fabienne Pascaud Alceste «Pourquoi tant de femmes gravitentelles autour de lui ? Il les séduit par son langage. Et sa volonté de «se distinguer », qui élève ceux qui s’en approchent. Je me sentais incapable de sa profondeur, moi qui joue dans la légèreté, l’ironie. Aucun humour chez Alceste. Je redoutais un raisonneur aux théories de taliban ; j’aurais même préféré jouer son ami Philinte, si humain, si intelligent! Mais Alceste est né avec ce goût de l’absolu et de la vérité, il est construit ainsi. L’hypocrisie le rend réellement malade. Et il en est émouvant. Sa séduction vient aussi de là.» Jouer Molière «Aprèsavoiracceptéavecjoiedejouer Le Misanthrope, de Molière, pour Jo Lavaudant, j’ai pensé être vieux pour le rôle. Alceste a 30 ans, moi 60. Mais jouer, c’est incarner une âme. Une âme n’a pas d’âge. Et puis je dis des alexandrins pour la première fois: je reste un jeune acteur. J’ai craint d’être prisonnier de leur musique. Mais il suffit de rester au plus près de soi. J’ai mis longtemps à travailler un rôle. Trop bosser m’aurait privé de mon “aura” naturelle. J’ai même joué des pièces contemporaines des Anglais Gregory Motton ou Edward Bond sans piger un mot. Comme un perroquet. Je buvais trop, aussi. Depuis le Conservatoire. Des litres. Au début ça conjure la peur, c’est festif. Et puis ça rend prisonnier de soi; on perd l’autre. L’alcool devenait mon meilleur partenaire. Grâce aux Alcooliques anonymes, j’ai arrêté depuis deux ans et demi. Une des fiertés de ma vie.» Séduire «Malgré mon physique, j’ai interprété pasmaldeséducteursauthéâtre:Baal, de Brecht (1999), Ivanov (2004) et Platonov (2005), de Tchekhov, Peer Gynt, d’Ibsen (2005). Et surtout Gainsbourg au cinéma (2010), le film qui a fait de moi un acteur vedette. J’ai adoré ça, être tout à coup visible, regardé avec chaleur. Ça a duré dix ans. J’ai fait après des mauvais choix au cinéma et dans des comédies de boulevard. Mais entendre rire la salle à une de ses répliques est jouissif. On se dit : “On m’aime!” Et j’avais mon compte des exigences des grands metteurs en scène du théâtre subventionné. J’avais envie de me distraire. Gainsbourg disait qu’il y a une beauté des laids. En fait beauté et séduction n’ont rien à voir. La séduction, c’est le regard, l’intelligence, l’humour. Sur scène, les rôlesdebeaux«jeunespremiers»sont peu payants. Moi, j’ai toujours cherché à rendre mes personnages de mauvais garçon attachants; et la drôlerie rend attachant. On fait avec ce qu’on est. Et avoir 60 ans m’a traumatisé. “Oui mon petit bonhomme, c’est fait, tu es ça: un acteur.”»• l’actu Le Misanthrope, de Molière, mise en scène Georges Lavaudant, jusqu’au 30 mars, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris 9e (lire notre précédent numéro, p.71). 2017 Ramsès II, de Sébastien Thiéry, un de ses meilleurs rôles dans une comédie de boulevard. 2011 César du meilleur acteur pour Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar. 2005 Joue magnifiquement Platonov, de Tchekhov, dirigé par Alain Françon. LE PINEL C’EST FINI, VIVE LE LLI LA VOIE ROYALE POUR INVESTIR DANS L’IMMOBILIER (1)Pour bénéficier de la TVA réduite, le bien doit être acquis via une personne morale et destiné à la location pendant une durée minimale de 15 ans en respectant les plafonds de ressources du locataire (Pinel) et les plafonds de loyer (Pinel) de la zone concernée. (2)La taxe foncière du bien acquis en LLI est intégralement remboursée sous forme de crédit d’impôt pendant 20 ans maximum. (3) Le Logement locatif intermédiaire (LLI) est un investissement locatif accessible pour les particuliers via une personne morale (Eurl, SCI, SARL, SA ...). SAS GreenCity Immobilier RCS Toulouse 531 272 920 - Photo : F. Dunou. Agence Intuita – TVARÉDUITEÀ10%(1) – PASDETAXEFONCIÈREPENDANT20ANS(2) – PLUSDE2000ADRESSESDANSDES VILLESÀFORTEDEMANDELOCATIVE InvestissezenLLI(LogementLocatifIntermédiaire), ledispositifmaintenantaccessibleauxparticuliers viaunepersonnemorale(3) .Unenouvellesolution d’investissementidéalepourgénérerdesrevenus complémentairesetseconstituerunpatrimoine. greencityimmobilier.frinitiateuretleaderduLLI. Spécial Investisseurs 10 Télérama 3922 12/03/25 L’ŒIL SUR L’ACTU LE CHIFFRE 28� C’est le pourcentage de documentaires télévisés réalisés exclusivement par des femmes en 2023, selon une étude de la Société civile des auteurs multimédias (Scam). C’est certes mieux que les 19% de 2009, mais encore trop peu: «À ce rythme, la parité pourrait être atteinte… en 2062», ironise la documentariste Karine Dusfour, référente égalité femmes-hommes au sein de la Scam, à la présentation de l’étude. L’INQUIÉTUDE Le doublage par l’IA devient une réalité Ce n’était qu’une question de temps… Cette fois, on y est. Le 5 mars, Amazon a annoncé avoir commencé à doubler, grâce à l’intelligence artificielle (IA), plusieurs films et séries de son catalogue Prime Video, sans avoir recours àdenouveauxenregistrementsdevoix humaines. Une douzaine de fictions à destination du marché latino-américain sont pour l’instant concernées, avec des versions en anglais et en espagnol. Selon le discours officiel, cela permettrait d’offrir une meilleure visibilité à des œuvres mineures qui seraient restées dans les tréfonds du catalogue. De quoi enchanter le patron d’Amazon, Jeff Bezos, qui prend la tête en solitaire de la course à l’IA interplateformes — les concurrentes (Netflix, Disney+) n’ont pas (encore) communiqué sur le sujet. De quoi, surtout, inquiéter vraiment les comédiennes et comédiens de doublage maintenant qu’ungéantdustreamingacommencé àleurcouperlesifflet.▶MarionMichel L’HOMMAGE Tout le monde aime Roy Ayers en 1967, et verse ensuite dans le jazzfunk en fondant son groupe, Ubiquity, audébutdesannées1970.Unepoignée d’albums en quatre ans (sur une trentaine dans toute sa carrière) ont suffi à imprimer sa marque : Red, Black & Green (1973), la BO du film blaxploitation Coffy (1973), Vibrations (1976) et donc Everybody Loves the Sunshine (1976). La popularité de Roy Ayers, l’un des artistes les plus samplés de l’histoire, sembla ne jamais décliner, bien au contraire. Depuis le début des années 2000, ses concerts français devenaient des célébrations, que ce soit au Worldwide Festival de Gilles Peterson, qui l’a souvent accueilli, la dernière fois au cours de trois soirs, en 2022. Bien qu’il s’y montrât fatigué, il y fut chaleureusement acclamé, et le public le quitta après avoir entonné Everybody Loves the Sunshine. Il faisait nuit mais le soleil brillait, miracle d’une déambulation new-yorkaise qui continue de nous illuminer. ▶ Éric Delhaye 1976. Roy Ayers se promène à New York, en direction des studios Electric Lady, fondés par Jimi Hendrix. Il va s’y enfermer pour une nouvelle session, mais il fait beau, et le musicien pense: « Tout le monde aime le soleil. » La phrase tourne dans sa tête et forme une mélodie. Enregistré le soir même, Everybody Loves the Sunshine reste un hymne hédoniste qui tourne encore fréquemment sur les platines des DJ, les danseurs en extase comme s’ils pratiquaient des salutations au soleil. Mort le 4 mars, à 84 ans, Roy Ayers (ici en photo, en 2006) a grandi à Los Angeles. Le soleil, déjà. Et un éblouissement, à 5 ans, quand ses parents musiciens le conduisent à un concert de Lionel Hampton. Sous la houlette de ce mentor, Ayers commence sa carrière au piano, avant d’adopter le vibraphone dans le jazz post-bop des années 1960, notamment auprès du flûtiste Herbie Mann. Il devient auteur de ses propres albums, dont Virgo Vibes, 11 Télérama 3922 12/03/25 JÉRÔME DE PERLINGHI/CORBIS VIA GETTY IMAGES | FRANÇOIS DURAND/GETTY IMAGES EUROPE VIA AFP LE DÉCRYPTAGE Canal+ et le cinéma: deux mois de divorce et pas d’enterrement Après quarante ans d’une relation tumultueuse mais toujours renouée, Canal+etlecinémaontfrôlélabrouille définitive. Retour sur cette séquence à suspense, où la chaîne a failli perdre son rôle de principal bailleur de fonds des films français. Acte 1 28 janvier : la signature d’un accord cadre sur la chronologie des médias pour les trois ans à venir ouvre la voie aux négociations entre diffuseurs et organisations du cinéma, chaque opérateur cherchant à réduire son délai Le président de Canal+, Maxime Saada, l’actrice Julia Roberts et la ministre de la Culture, Rachida Dati, lors de la 50e cérémonie des César. de diffusion post-sortie en salles. Le lendemain, Disney, dont l’accord de diffusion avec Canal+ venait d’être rompu, annonce avoir conclu un deal triennal avec les producteurs : en contrepartie d’une augmentation de 10 % de ses investissements dans le cinéma tricolore et européen, le géant américain peut désormais diffuser sur sa plateforme des films neuf mois après leur sortie en salles, contre dixsept auparavant. Acte 2 Maxime Saada, le président du directoire de Canal+, ne décolère pas. «Brader l’accès aux premières fenêtres d’exploitationmetenpérillefinancementdu cinéma, écrit-il dans Le Monde. Canal+ sera dès lors contraint de s’adapter et de réduire ses investissements.» Mais dans le milieu du septième art, des voix s’élèvent pour dénoncer « le mensonge» du groupe. Selon des professionnels bien informés, la proposition en or qu’il se vante d’avoir fait au cinéma dès le printemps 2024 —220 millions d’euros par an injectés dans la production— aurait été impossible à accepter, pour des raisons à la fois juridiques et de respect de la concurrence. Entre les deux partenaires historiques, le torchon brûle… Pour le cinéma français, c’est le risque d’un grand trou danslescaisses,etpourlachaîne,d’un appauvrissement de ses programmes. Acte 3 Le 4 mars, les négociations aboutissent finalement : Canal+ investira moins qu’avant mais toujours plus — 150 millions d’euros en 2025, 160 en 2026 et 170 en 2027— que chacun des autres diffuseurs, renforçant même son engagement dans les titres dits « de diversité » (aux budgets inférieurs à 4 millions d’euros). En échange, Canal+ conserve le droit de diffuser les films six mois après leur sortie, et gagne celui d’augmenter le nombre d’œuvres qu’il peut montrer en linéaire et la durée de leur disponibilité sur sa plateforme. Rendez-vous dans trois ans pour une nouvelle dispute? ▶ Mathilde Blottière LA PHRASE «Cesécoles-làsont desmachinesàvolumes, àfairedufric.» UNE SOURCE ANONYME DANS «LE CUBE», DE CLAIRE MARCHAL Dans ce livre-enquête implacable (éd. Flammarion), la journaliste dénonce les dérives de l’enseignement supérieur privé, notamment celles du groupe Galileo (Cours Florent, ESG, Penninghen…). 12 Télérama 3922 12/03/25 L’ŒIL SUR L’ACTU LABORATORIO DE ARQUEOLOGÍA DEL PLEISTOCENO-CSIC | SERGE TISSERON/ÉDITIONS ARMAND COLIN LE RÉVÉLATEUR Jusque dans les toilettes Dans le climat général de polarisation belliqueuse, qui gagnera la bataille des toilettes? Qu’ils se trouvent au fond du couloir à gauche ou en bas des esca liers à droite, qu’on les nomme WC, chiottes, latrines ou commodités, les lieux d’aisances, bulles d’intimité né cessaires à la sérénité publique, n’ont longtemps fait que refléter l’ancestral binarisme: hommes d’un côté, et fem mesdel’autre.Soitlesdeuxseulssexes que l’administration Trump entend re connaître, contre ce que le président américaindésignehostilementcomme «l’idéologie»dugenre,«poisontoxique» des transgenres ou des nonbinaires. Exit donc les toilettes neutres, uni sexes ou inclusives, au rythme de l’ex clusion forcée des personnes trans de l’armée et des compétitions sportives, ou la fin des aides pour les traitements de transition. «Vous ne devez pas vous tromper» de case, et donc de porte…, confirme Serge Tisseron, dans son nouveauréjouissantpetitlivre(Aufond ducouloiràgauche.Unmuséepopulaire de la différence des sexes, éd. Armand Colin), identifiant les toilettes comme «usine à stéréotypes». Depuis vingt ans, le psychiatre et psychanalyste en collectelespictogrammes,inventifsou banals. H ou F; ladies or gentleman; pantalon ou jupe ; moustaches ou rouge à lèvres; Adam ou Ève; Delon ou Deneuve; triangles à la pointe tournée vers le haut ou le bas (bassin large ou étroit…), avec la création, dans les an nées 60, de la norme ISO, promouvant un langage standardisé compréhen sible par tous. Qui que vous soyez, lavezvous les mains! ▶ Juliette Cerf Ces os prouvent que les hominidés utilisaient des outils il y a déjà 1,5 million d’années, et non 400000 ans, comme on le croyait. LA RÉVÉLATION Les hippopotames plus forts que les archéologues Il y a 1,5 million d’années, les premiers hommes maîtrisaient déjà la fabrica tion d’outils en os… soit un million d’années plus tôt que ce que les ar chéologues estimaient. Une nouvelle étude,publiéele5marsdanslespages du magazine Nature par une équipe de scientifiques du CNRS et de l’uni versité de Bordeaux, démontre en effet que les progrès technologiques des homininés remontent à loin. Très loin. Bien avant la date considérée jusqu’alors, il y a quelque 400000 ans. Pour ce faire, les scientifiques ont pris appui sur des éclats d’os découverts en Tanzanie, dans les gorges d’Ol duvaï et son ensemble de sites bien connus des préhistoriens. L’ensemble d’artefacts mis au jour permet d’attes ter d’une technologie de standardisa tion d’outils, lesquels étaient pour certains très imposants, longs d’une quarantaine de centimètres, taillés dans des squelettes d’hippopotame mais aussi des humérus d’éléphant, qui ont été transportés sur des kilo mètres. « Ces premiers hommes, ana lyse Francesco d’Errico, directeur de recherche au CNRS, sont probablement arrivés sur place avec de grands éclats d’os d’éléphant, très lourds, avec de larges encoches pour pouvoir favoriser leur prise en main, qui leur permettaient de mener à bien la boucherie des hippopotames.» De quoi, au passage, mieux se représenter le quotidien et les routines de chasse des premiers âges de l’humanité, au bord d’un lac peuplé de crocodiles et d’hippopo tames… ▶ Charlotte Fauve Du 24 juillet au 3 août 2025, embarquez avec Dorothée Gilbert, accompagnée de 6 danseurs du Ballet de l’Opéra national de Paris. Découvrez les trésors du répertoire de l’Opéra avec, en toile de fond, les côtes sauvages et cités chargées d’histoire de la mer Baltique. Au programme : représentations en mer et à terre, conférences et cours d’initiation à la danse classique avec un professeur de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Contactez votre agent de voyage ou appelez le 04 91 16 16 27. Présence des invités sous réserve de désistement en cas de force majeure. Document non contractuel. Droits réservés. Crédits photos : ©James Bort. IM013120040 ��r��ée Gilbert Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra national de Paris VOYAGER EST UN ART
TÉLÉRAMA n°3922 - Page 4
TÉLÉRAMA n°3922 - Page 5
viapresse