MARIANNE n°1452 - Page 5 - 1452 L’ÉDITOdeNatachaPolony Jean-Marie Le Pen, cette aubaine pour l’oligarchie pour,detouteurgence,retrouvercechemindelapenséepolitique, certains continuent à brandir leur crucifix et à jouer les exorcistes pour cacherqueleseul enjeuestdemaintenirintact leurpouvoir. Il n’y a aucun hasard à ce que la première percée du Front nationalaiteulieuaumomentoùFrançoisMitterrandentérinait la fin de toute tentative d’infléchir la mondialisation naissante. La gauche au pouvoir renonçait à ses promesses et abandonnait les classes populaires en acceptant la division mondiale du travail impliquée par le libre-échange et l’ouverture à tous vents du marché commun, mais elle trouvait dans l’épouvantail Le Pen un moyen d’affaiblir la droite pour éviter de payer trop cher dans les urnesleprixdesonrenoncement.Etcetépouvantailal’immense avantage de contaminer tout ce qu’il touche. Tel un Moloch, il absorbe des pans entiers du débat politique. L’immigration, bien sûr,alorsquelemalaisequis’exprimeàtraverslaMarchedesBeurssemblesidifficileà prendreencompteparuneclassepolitique qui a déjà renoncé à l’intégration républicaine au profit d’un multiculturalisme qui n’est qu’un mariage de racisme compassionnel et de haine de soi. L’obsession du lepénisme interdira pendant des décennies tout débat et toute véritable politique migratoire. Mais le virage des années 1990, durant lesquelles Jean-Marie Le Pen comprendleprofitqu’ilpeuttirerdel’adhésion généraledespartisdegouvernementàune Unioneuropéennedevenueinstrumentdu néolibéralisme, permet de condamner au silence les rares qui, danscesmêmespartis,tententdefaireentendrelavoixdesclasses moyennes et populaires et de prévenir la catastrophe annoncée. Des années durant, Jean-Marie Le Pen a gangrené le débat public en salissant de ses obsessions tous les sujets – immigration,intégration,sécurité…–,maissurtoutenpermettantauxtenants de l’oligarchie de perpétuer un système inefficace, destructeur de l’économie et du tissu social français, contre la volonté d’une part croissante des citoyens. Il a permis à des journalistes paresseux et conformistes d’arrêter de penser. Il a permis à des sociaux-démocratesralliésauxpiresdérivesducapitalismefinanciariséd’adresser des leçons permanentes aux ploucs qui avaient le mauvais goût de se demander où étaient passées les promesses d’émancipation de laRépublique.Ilapermisdediaboliserceuxquiparlaientindustrie, production locale, souveraineté, sécurité, intégration, régulation… Bref, de rendre inaudibles tous ceux qui auraient pu combattre ce systèmeaunomdel’idéalrépublicain.Etçanecoûtaitrienpuisque, detouteévidence,iln’aspiraitpasàgouverner.Maisça,c’étaitavant l’arrivée de sa fille et de tous les autres. M Q uiconque l’a un jour croisé sur un plateau de télévision sait à quel point l’homme aimait provoquer. Jean-Marie LePenavaitdansleregard,mêmequandilfaisaitassautde phrasesaimablesetparfaitementtournées,uneviolence à peine contenue. Il jouissait du malaise que pouvaient ressentir ses interlocuteurs face à ce qu’il incarnait tout autant que par cette force presque bestiale qui en faisait unanimalpolitiquehorsnorme.Et,plusquetout,ilsavaitprendre au piège des journalistes qui ne l’invitaient jamais que pour se donner des allures de résistant, ne comprenant pas qu’ils étaient ses jouets et le renforçaient chaque fois. LenomdeLePenn’apasfinidehanterlapolitiquefrançaise. Unebombeàfragmentationquin’apasencoreproduittousseseffets. Ilestpresqueironiquequecethommemeureaumomentoù,dans tous les pays développés, des personnages surgissentquisontautantdedéclinaisonsde la décomposition démocratique dont il fut un des premiers symptômes. Certes, JeanMarie Le Pen est un personnage éminemment français, rendu possible par la guerre d’Algérie, promu par la révolte des petits indépendants à qui Pierre Poujade offrit une voix. Certes, on glosera longtemps sur ses véritables convictions, lui, l’éditeur de disques de chants du IIIe Reich ; lui, l’auteur dejeuxdemotsantisémites.Demêmequ’on pourra retracer les méandres de ses prises de position politiques, lui qui se voulait au début des années 1980 le Ronald Reagan français, avant de devenir peu à peu le chef de file d’un parti qui récupérait les votes des ouvriersfracassésparlamondialisationnéolibérale.Bienplusquela personne de Jean-Marie Le Pen, ses outrances et sa perversité comme sa force tacticienne et son terrible sens de la formule, ce qui reste aujourd’hui est le champ de ruines de la politique française,dontlelepénismefutl’armededestructionmassive. Comment passe-t-on en quarante ans d’un petit groupusculefondépardesnostalgiquesdel’OASetdel’Occidentblanc à un parti drainant 11 millions de voix, un parti aux portes du pouvoir?Leconceptforgéparceuxquiprétendentanalyserlephénomène,la«lepénisationdesesprits»,nefaitquedémontrercombien leuranalyse,justement,afourniunepartieducarburant.Voilàquaranteansque,desociologuesenjournalistes,onremplacelapensée politique par le discours épidémiologique sur un supposé virus contre lequel la quarantaine et le confinement seraient les seuls traitements. Et même lorsque, du triomphe de Donald Trump et ElonMuskauxscoresmassifsdespartisd’extrêmedroitepartouten Europe,lesfaitsnousenjoignentd’abandonnerlejugementmoral Le Penapermis derendreinaudibles tousceux qui auraient pu combattre cesystèmeaunomde l’idéal républicain. 9au15janvier2025-Marianne-3 No 1452du 9 AU 15 Janvier 2015 34 Chroniques Marianne VOUS RAFRAÎCHIT LA MÉMOIRE 36 Les Assad, ou la dictature de père en fils 38 LECONTRE-AGENDA PedroAlmōdovarvoussouhaiteune bonneannée…etunemortapaisée 40 C’ESTSONCOMBAT JulesSire:“Leballonovale poursortirdeladalle” 41 LEPOINGSURLATABLE DryJanuaryoulaB.A.desbobos 42 QUELLEÉPOQUE! La pensée demi-molle 44 Mieuxvautenrire! 48 COURRIERETJEUX 50 Le banc public par Kamel Daoud 3 L’ÉDITOde Natacha Polony Jean-MarieLePen,cetteaubaine pourl’oligarchie 6 CequeMarianne enpense -RobertMénard, leHanounadesintellos -TF1vsCanal Marianne RACONTE 18 Jean-Marie Le Pen : une vie à l’extrême Marianne DÉCRYPTE 22 Proportionnelle : le débat est ouvert Marianne DÉBAT 24 La justice est-elle si laxiste ? Les réponses de Sacha Houlié et de Béatrice Brugère Marianne RÉVÈLE 28 Baptiste Beaulieu, médecin “violemment” du côté des femmes Marianne BALANCE 30 Pourquoi on nous “sensibilise” ? SERVICE ABONNEMENTS Pour nous contacter : 01 86 57 08 54 abonnements@journal-marianne.com MARIANNE - Service abonnement - 60643 Chantilly Cedex TARIFS ABONNEMENTS POUR LA FRANCE MÉTROPOLITAINE : Particuliers : 1 an (51 nos dont un double) 135 €. POUR LA SUISSE : Asendia Press Edigroup S.A., chemin du Château Bloch 10, CH-1219 Le Lignon. Tél : 022 860 84 01. abonne@edigroup.ch - 1 an (51 nos ) CHF 225. 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Pour mémoire, la retraite moyenne nette des Français se situait un peu au-dessus de 1 500 € en 2022… « Réclamer pour un même service jusqu’à 35 % de plus, c’est-à-dire autour de 700 € par mois en moyenne, à des retraités des classes moyennes qui ont cotisé toute leur vie, c’est excessif, s’effare la sénatrice Chantal Deseyne (LR), auteure d’un rapport sur la situation des Ehpad. Car 10 % de plus j’aurais pu l’entendre, mais 35 % ! Ce n’est pas ainsi que je conçois la solidarité. » Les départements freineront-ils cette ponction ? Rien ne le garantit. En 2023, 66 % des Ehpad étaient déficitaires, plombés par l’inflation, les factures d’énergie et la revalorisation des salaires de leurs personnels impulsée post-Covid par l’État mais incomplètement financée par Bercy… Dès 2025, les aînés qui emménagent en maison de retraite risquent donc de payer cher l’impéritie des politiques, qui ont promis de grands textes finançant les coûts de la dépendance des seniors… sans tenir leurs promesses. L’actuel président a beau avoir créé une cinquième branche de la Sécurité sociale en 2022 relative à l’autonomie, « cette dernière pourrait être déficitaire dès 2027 », confie Chantal Deseyne. Laurence Dequay L e maire de France le plus apprécié des médias radio-télévisés n’est pas celui de Gennevilliers, de Noisy-le-Sec ou de Villeurbanne. Ce n’est pas davantage Philippe Rio, édile communiste de Grigny, pourtant élu par la City Foundation « meilleur maire du monde » en 2021 pour son action contrelapauvreté.Non,celuiquel’onvoitsurBFMTV,surLCI,surCNews (listenonexhaustive)estRobertMénard,mairedeBéziers.Saufexception,ilne parle d’ailleurs jamais de sa ville, vu qu’il n’est pas là pour ça. Cet ex-agitateur gauchisteal’avantaged’êtrerentrédanslerangidéologiquedominant.Celalui ouvre bien des portes sans que l’on sache pourquoi lui plus qu’un autre, sauf, peut-être,cettecapacitésanspareilledupersonnageàallerdanslesensduvent et à avoir un avis sur tout, qualité indispensable pour participer à la grande causerie médiatique qui fait l’opinion. Dans son jeune temps, Robert Ménard fréquente les chapelles de la galaxie d’ultragauche. Il lance l’association Reporters sans frontières (RSF), où il mène des combats homériques qui lui valent d’être décoré de la Légion d’honneuren2008,surpropositiondeBernardKouchner,autreagitateursans frontières.Trèsrapidement,RobertMénardfaitmontred’unetendanceautoritaire qui se solde par des ruptures fracassantes avec nombre de ses amis. L’histoire se terminera par une démission de RSF et le retour au journalisme de ses débuts, où il continuera à faire entendre une voix somme toute plutôt très orthodoxe, très éloignée de ses idéaux de jeunesse. Le virage ne va cesser de s’accentuer au fil des ans jusqu’à son élection à la tête de la mairie de Béziers, en avril 2014. C’est le couronnement d’une évolution qui l’a conduit jusqu’aux rives du lepénisme pur et dur, non sans de perceptibles clins d’œil en direction d’Éric Zemmour. Adepte du coup de gueule permanent, on l’entend vitupérer contre ses anciens amis de gauche incapables de comprendre que la sécurité et l’immigration sont des questions taraudant la vie quotidienne des citoyens, mettant ainsi le doigt là où ça fait mal. Mais il le fait sans nuance (ce n’est pas son genre) en reprenant à son compte toutes les obsessions identitaires de l’extrême droite. Il rentrera danslerangidéologiquedumomentenadoubantEmmanuel Macron en 2022 tout en continuant à défendre des thèses frontistes décomplexées. Sansdouteest-cecequiexpliquequelemairedeBéziers attire tant ces chaînes de télévision, où l’on aime les grandes gueules pour autant qu’elles ne déparent pas lamusiqueàlamode,etsurtoutqu’ellesrespectent lesrèglesdujeumédiatique.Enlamatière,Robert Ménard est une forme d’assurance tous risques. Macronien sur les questions économico-sociales et zemmouriste sur les sujets sociétaux, c’est l’occasion du siècle. Avec le Hanouna des intellos, on ne risque rien. Autant en profiter avant qu’il ne s’use. M ROBERTMÉNARD, leHanounadesintellos Leportraitcrashé parJackDion incapables de comprendre que la sécurité et l’immigration sont des questions taraudant la vie quotidienne des citoyens, mettant ainsi le doigt là où ça fait mal. Mais il le fait sans nuance (ce n’est pas son genre) en reprenant à son compte toutes les obsessions identitaires de l’extrême droite. Il rentrera danslerangidéologiquedumomentenadoubantEmmanuel Macron en 2022 tout en continuant à défendre des thèses frontistes décomplexées. Sansdouteest-cecequiexpliquequelemairedeBéziers attire tant ces chaînes de télévision, où l’on aime les grandes gueules pour autant qu’elles ne déparent pas Ménard est une forme d’assurance tous risques. Macronien sur les questions économico-sociales et zemmouriste sur les sujets sociétaux, c’est l’occasion du siècle. Avec le Hanouna des intellos, on ne risque rien. Autant en profiter avant qu’il ne s’use. Merci confrères ! Unebrigade endéconfiture Il y a deux mois, des soldats ukrainiens sont venus s’entraîner en France durant neuf semaines pour former une brigade appelée Anne de Kiev, sur proposition d’Emmanuel Macron. Le Monde les a retrouvés sur le front, à une quinzaine de kilomètres des premières lignes russes, où ils brillent surtout par leurs difficultés à mener le combat. Certains ont abandonné leur unité avant le premier coup de feu. Prenons-les au MOT par Samuel Piquet SERECONNECTER ÀLARUPTURE « À La Seyne, cette nouvelle association invite à se “reconnecter à la nature” », titrait Var-Matin le 25 décembre 2024. « Reconnecter la technologie aux communautés vivantes », titrait de son côté Libération le 10 décembre. Le 21 décembre, le site de RTL Info consacrait un article aux « Kidultes », ces adultes passionnés de jeux qui souhaitent « se reconnecter à la capacité de s’émerveiller ». Le 30 octobre, c’est le site de TF1 qui s’intéressait aux « clowns qui redonnent le sourire dans les hôpitaux » et qui permettent de « reconnecter l’enfant à son enfance ». À la fin du XVIIIe siècle est apparu le verbe « connecter », représentant le latin connectere. Le terme « déconnecter », attesté pour la première fois en 1943, selon le Dictionnaire historique de la langue française (Robert), est probablement emprunté à l’anglais to disconnect. Depuis 1968, il est employé au sens figuré de « séparer ». Le verbe « reconnecter » a, quant à lui, fait son apparition juste après et était très peu employé jusqu’aux années 2000, qui ont vu fleurir les injonctions à se reconnecter à la nature ou à soi, car il est impérieux de lutter contre la tendance contemporaine à être constamment tourné vers les autres ! Ce magnifique terme faisant partie du champ lexical – en pleine expansion – de la machine a été repris dans les discours politiques. Pour contester la déconnexion d’avec le peuple dont ils sont régulièrement accusés, nos gouvernants vantent leur « reconnexion », comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour se sentir de nouveau concerné par le quotidien des Français. Dans un article intitulé « François Bayrou, sa vraie nature » et paru le 2 janvier, Paris Match assure que le Premier ministre « se voit reconnecter le pays profond à la France d’en haut », ce qui revient à accréditer en creux la thèse de la sécession entre les élites et le peuple. Or, pour les réconcilier, il faudra bien plus que quelques câbles et grosses ficelles. M “Moi, je ne fais pas de politique, je n’aime pas les extrêmes, c’est tout.” RODOLPHE SAADÉ PDGdeCMACGM,Libération,le4janvier2025. Il a osé le dire E st-il possible d’émettre un avis nuancé sur Manuel Valls ? On en doute, tant le nouveau ministre des Outre-mer déchaîne les passions déraisonnables. Ses laudateurs,minoritaires,fontdeluiunepythie républicaine de premier ordre, homme d’État responsable ayant diagnostiqué avec dix ans d’avance l’émergence de deux « gauches irréconciliables » et la dérive communautariste d’une d’entre elles.LescontempteursdeVallsforment, quant à eux, une horde vociférante, qui semble incapable de ne pas recourir à l’injure pour l’apostropher. Pour avoir qualifié d’« étron » l’ancien Premier ministre,unauditeuranonymedeFrance Interaainsireçuleslouangesricaneuses de la gauche radicale. En pleine guerre Plenel-Valls,MediapartavaitmêmecomparéledeuxièmeàMarcelDéat,collaborationnistedesinistremémoiredurantla Seconde Guerre mondiale. À dire vrai, la trajectoire politique de Manuel Valls colle plutôt à celle de son modèle, Georges Clemenceau. Venu de lagauche,l’ancienmaired’Évrys’estpeu àpeudroitisé,tantenincarnantavecraideurl’ordrerépublicainqu’enabandonnant à peu près complètement l’ambition de transformation économique et sociale. On peut faire beaucoup de reproches au natif de Barcelone, mais pas celui de l’inconstance, pour le meilleur et pour le pire. Winston Churchill disait que « certains hommes changent de parti en fonction de leurs opinions, d’autres changent d’opinion en fonction de leur parti ». Manuel Valls appartient à la premièrecatégorie.Longtemps,auParti socialiste, il a défendu avec justesse une visionrépublicainedelalaïcité,ainsique la nécessité de ne pas laisser le combat pourlasécurité,lepatriotismeetlarégulationdel’immigrationàladroite.Maisil futaussil’undesacteursdelaconversion sans complexe du parti de Jaurès et de Blum au néolibéralisme économique, à lafoishéritieridéologiquedeTonyBlair etpréfigurateurdumacronisme.Curieusement, les critiques contre Manuel Valls se concentrent bien davantage sur sa supposée « dérive » autoritaire (voire,pourlespluscrapoteuses,surson oppositionàDieudonnéetàTariqRamadan) que sur sa doctrine économique. Ce qui en dit peut-être moins sur Valls que sur une gauche où le « sociétal » a définitivement pris le pas sur le reste. M Hadrien Mathoux CURIEUSEMENT Les critiques contre Manuel Valls se concentrent davantage sur sa supposée “dérive” autoritaire que sur sa doctrine économique. POLITIQUE UnVallspeutencacherunautre 9au15janvier2025-Marianne-7 Alexis Jumeau / Abaca - Alain Robert / Sipa Ce que Marianne en pense MÉDIASTICSpar Samuel Piquet LECHIFFREQUICHIFFONNE 61%C’estlapartdeFrançaisfavorables àladémissiond’EmmanuelMacron,selonunsondageOdoxa BackboneConsultingpourleFigaro,contre38%quine lasouhaitentpas.Parailleurs,ilssont86%àconsidérerqu’ily auraunnouveauPremierministred’iciàlafindel’année. «D ans le vacarme de nos plaintes, y a tant de gens qu’on n’entend même plus pleurer », déplorait le rappeur Kery James dans Pleureensilence.Aumilieudubrouhaha médiatique plébiscitant les pauvres et les guerres au Proche-Orient, il n’est pas toujours facile d’ouïr la souffrance des députés français. La Vie a réparé cette injustice en proposant à deuxdéputésde«raconte[r]leurvied’éluschahutée» dans un article intitulé sobrement « Le blues sans fin des députés depuis la dissolution ». Le constat est sans appel : « Ils partagent la même impression, celle de vivre une séquence totalement inédite, déroutante et même épuisante. » Glaçant, serait-on tenté d’écrire si l’on voulait parler la langue des médias. Philippe Gosselin (LR) s’interroge : « Comment arrivera-t-on à bon port et même vers quel bon port se dirige-t-on?Quelsensdonneràcemoment?»Preuve que si la situation politique reste bloquée encore longtemps, il pourra aisément se reconvertir dans le coaching en développement personnel option « quête de sens ». « On a le sentiment de dévisser, d’assister impuissant à une chute de nos institutions », s’alarme Dominique Potier (PS), qui confie cela «d’untoninquiet»,précisel’hebdomadaire.EmmanuelMacronest-ilconscientdestorturesqu’ilinflige aux élus de la nation pour un simple caprice ? PhilippeGosselins’inquiète:«LesInsoumisetune partie du RN discréditent notre modèle parlementaire pour nourrir la bête populiste […]. C’est le règne de la “bordélisation” institutionnalisée. » Cette période de crise aura au moins donné aux députés la possibilitédeseremettreenquestion.Heureusement, l’angoissen’empêchenullementDominiquePotier dedistillerdesaphorismesquiferontdate,comme « l’instabilité du pouvoir conduit à l’impuissance » ou «onnebâtitpassurdusable».Ilauraitsuffid’ajouter « Les Français en ont marre de la langue de bois » pour faire un bingo. Le plus traumatisant est à venir, car, « pendant l’été, Philippe Gosselin se rappelle avoir vécu une crise quasi existentielle » : « D’habitude, on produit des questions écrites au gouvernement et des notes pour faire remonter au national la voix des électeurs. Là, rien. » Pas sûr que Schopenhauer lui-même eût été capable de définir une telle douleur et un tel trouble existentiel. M Àquandunegrèvede lafaimdenosdéputés? BUDGET Lepercepteurcentriste U n peu de doctrine fiscale pour bien commencer l’année. Les impôts selon la droite libérale ? Facile. Il faut les baisser pour inciter les fameuses « forces vives » à investir et à créer des richesses. Selon la gauche ? Pas pluscompliqué.Lajusticefiscalepermet de corriger opportunément les inégalités de revenu et de capital. Et selonlecentre,oùsesituelePremier ministre, François Bayrou ? Alors là, mystère. Va-t-il nettement changer lebudgetconcoctéparsondevancier Barnier ? « Pas de nouvelles hausses d’impôts.Lapratiquebudgétaireàl’Assemblée nationale et au Sénat ne nous le permet pas », répondait au micro de France Inter le ministre de l’Économie,ÉricLombard,lundi6janvier. Le lecteur et l’auditeur ne le saventpeut-êtrepasmaislapartiela plusimportanteduverbatimrepose non sur la première phrase mais sur la seconde. Le gouvernement précédent voulait mettre à contribution les plus riches par une taxe additionnelle – soutenue d’ailleurs par les centristes du MoDem. Mais, au nom du principe constitutionnel dela«non-rétroactivité»,cetimpôt supplémentaire ne pourra pas voir le jour. Or si le duo Bayrou-Lombard veut passer la rampe budgétaire à l’Assemblée, il doit un minimum séduire la gauche et donc trouver une astuce fiscale à la portée aussi symbolique. Selon les Échos, le gouvernement plancherait sur un mécanisme de remplacement fondé sur la « suroptimisation fiscale ». Deux milliards rentreraient dans les caisses. Toujours bon à prendre mais peutêtre pas de quoi faire sauter de joie lesdéputésPS,PCFouÉcolos.Taper dans les plus-values boursières ? Le gouvernement y songe : il porterait l’impôt forfaitaire de 30 à 33 %. Pas si mal, mais, là encore, la gauche nonmélenchonistes’encontenterat-elle, surtout si l’exécutif décide dans ledit budget de couper grassement dans les dépenses ? Quoi d’autre ? L’instauration d’un ISF vert ? En septembre 2023, le MoDem de François Bayrou proposait une sorte d’ISF vert, un prélèvement exceptionnel à l’échelle européenne sur le patrimoine des plus riches pour financer la lutte contre le dérèglement climatique. Mais depuis la nomination de leur champion à Matignon, les centristes se montrentbizarrementmoinsallants sur cette idée. M Franck Dedieu 8-Marianne-9au15janvier2025 Apaydin Alain / Abaca Cloperàdistance Au nom de la lutte contre la pollution, Milan a interdit la cigarette dans tous les espaces publics, même à l’extérieur, une première dans la péninsule. Pour cloper dans la rue, les fumeurs devront rester à 10 m des autres personnes. Conseil aux futurs touristes : ne pas oublier de glisser un mètre dans sa valise. On s’en fout ! ÉCONOMIE Seuxvoitrouge Dominique Seux, l’homme à la double casquette médiatique (France Inter et les Échos), est pessimiste pour 2025. Pourquoi ? À cause de « l’absence de consensus minimal sur ce qu’il faut faire en matière économique ». Et de se lamenter : « Une partie des Français reste tout bonnement opposée aux règles de l’économie de marché, du capitalisme et de l’Europe. » Son explication est toute trouvée : « Des décennies de désinformation continuent à faire leur œuvre. Cela ne se voit nulle part ailleurs. » Question désinformation,on conseillera à Dominique Seux de balayer devant la porte de son bureau. En effet, il a le quasi-monopole de la parole économique sur le service public, ce qui en dit long sur l’état du pluralisme. Si matraquage il y a, on le doit plutôt à ceux qui, comme lui, défendent une approche dont on paie les pots cassés, sans que les impétrants daignent remettre en cause leurs dogmes. Pourtant, comme le constate Dominique Seux avec un réalisme empreint d’amertume, les Français attendent d’autres réponses. Il leur arrive même de le dire avec fracas lors des élections. Pour qu’il y ait consensus, le mieux serait d’en tenir compte. P.M.O. Qui est qui ? Qui est popu et qui est branchouille ? À l’occasion des 50 ans de la Une, force est de constater qu’il y a une sorte de petit échange d’ADN entre TF1 et les chaînes du groupe Canal. Par Gérald Andrieu TF1 C’était la télé populaire par excellence. On y a vu officier Stéphane Collaro et ses playmates topless, « Intervilles » et ses vachettes tout autant à poil, Christophe Dechavanne et son Patrice Carmouze défectueux, Vincent Lagaf et ses goûts vestimentaires tout en retenue. On y a aussi vu apparaître Jean-Marc Morandini avec son émission trashouille « Tout est possible », ainsi que le duo Bataille et Fontaine (on n’a jamais su lequel des deux était celui qui avait un regard de lapin myxomatosé) et leur programme tire-larmes « Y a que la vérité qui compte ». TF1 En 1976, Roger Gicquel lançait en ouverture de JT : « La France a peur. » Et au cours des années 1990, des émissions comme « Le droit de savoir » de Charles Villeneuve entretenaient l’idée que nous vivions dans une Bogota en devenir. TF1 Patrick Le Lay, le numéro 1 de l’époque, avait vendu la mèche : il s’agissait de « vendre du temps de cerveau humain disponible » aux annonceurs. Les parents ont bien cru que le projet consistait surtout à broyer celui de leurs gamins. Souvenez-vous de Dorothée, de ces dessins animés venus du Japon (mention spéciale pour « Ken le Survivant », qui faisait exploser la tête de ses adversaires avec ses doigts) et de ses chansons pour enfants (Allô, allô, monsieur l’ordinateur), capables de faire passer Chantal Goya pour une chanteuse à texte… Échanged’animateurs “LaFranceapeur” Programmestrépanateurs Canal Oubliez le fameux « esprit Canal », ce petit ricanement méprisant des gens qui n’avaient pas à s’en faire du lendemain. S’il existe encore une once de ça, on ne le trouve plus à Canal, mais sur TMC… propriété de TF1 (vous suivez ?) : « Le petit journal » de Yann Barthès y est devenu « Quotidien », et Alain Chabat y anime « Burger Quiz », l’autre émission transfuge. Canal, pendant ce temps, la joue popu de chez popu, avec Hanouna et Praud en têtes de gondole, et a récupéré les siamois lacrymaux Bataille et Fontaine, ainsi que cet homme de goût qu’est Jean-Marc Morandini. Canal Les médias nous ont longtemps fait le coup du « sentiment d’insécurité », et des mini-Bogota ont bel et bien poussé sur le territoire. Résultat : la phrase de Roger Gicquel tient lieu de ligne éditoriale sur CNews, du matin au soir, jusqu’à l’excès. Canal Il faudrait demander à un cobaye de regarder en boucle les programmes de CNews et de C8, de se nourrir intellectuellement des seules fulgurances de Kevin Bossuet, Sarah Saldmann, Christine Kelly, Gilles Verdez ou Géraldine Maillet. Alors, certes, en regard, TF1 n’est pas pour autant devenu un haut lieu de la pensée, du savoir et de l’herméneutique aristotélicienne. Mais vu l’état de Canal, on se dit que « Mask Singer » ou « Danse avec les stars », c’est presque du caviar pour neurones. On exagère ? Bien sûr, c’est l’idée. Ça reste de la télé… TF1 Canal ROGER GICQUEL CHRISTINE KELLY 9au15janvier2025-Marianne-9 Capture d’écran INA - Capture d’écran CNews Lematch Brèves de comptoir Titres à la une* Au bistrot, on ne cause pas des mêmes thèmes que dans les journaux* Transports Vie politique Insécurité Pauvreté, inégalités Climat, écologie Santé Inflation, pouvoir d’achat Monde Éducation Immigration Chômage Sport 21 % 15 % 10 % 8 % 7 % 6 % 5 % 4 % 4 % 4 % 4 % 3 % 29 % 5 % 6 % 9 % 6 % 0,5 % 10 % 0 % 6 % 0 % 0 % 5 % *Thématiques traitées sur les unes de six grands quotidiens : la Croix, le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération, Ouest-France, sujets apparus sur les six dernières unes (au 3 janvier 2025) hors éditorial. Source : “Marianne”. 24 Culture, idées, art de vivre 12 Vie politique 15 Vie politique 25 Culture, idées, art de vivre 29 Monde 15 Monde 17 Monde 23 Culture, idées, art de vivre 13 Culture, idées, art de vivre 39 Monde 37 Monde 16 Autres 41 Autres 32 Autres 33 Autres 36 Autres 28 Autres O ctobre 1974. Durant trois jours, Georges Perec s’installedansdescafésdelaplaceSaint-Sulpice, dans le VIe arrondissement de la capitale. Il en tireunrécitpubliéd’aborddanslarevueCause commune et qui, l’année de sa mort, en 1982, deviendra un livre : Tentative d’épuisement d’un lieuparisien.Lebut?Raconter«cequel’onnenote généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance»,«cequisepassequandilnesepasserien,sinon dutemps,desgens,desvoituresetdesnuages».Cinquanteans etquelquesjoursplustard,lesrédacteursdeMarianneont récidivéetregardépasserle«temps,desgens,desvoitures Treize journalistes, dans 13 bistrots, situés dans les 13 régions métropolitaines, tel est le dispositif mis en place par “Marianne” pour tenter de saisir la France, en ce début d’année 2025, les préoccupations et les désirs profonds de nos concitoyens. Par Gérald Andrieu Tentatived’épuisementd’unpaysdéjàépuisé Dequoiparlent VRAIMENT lesFrançais et des nuages ». Non parce qu’ils se prendraient pour des Perec, mais pour tenter de saisir ce pays en ce début d’année2025,lespréoccupationsvéritablesetlesdésirs profondsdeceuxquil’habitent.CetteFrancequepluspersonnenesemblecomprendre,àcommencerparlespolitiquesetlesjournalistes.EtcesFrançaisàquiEmmanuel Macron prétend d’ailleurs, une fois de plus (mais on n’a pas vu la queue d’un référendum depuis 2017), donner la parole pour « trancher » des « sujets déterminants », a-t-il dit lors de ses vœux à la nation. Ledispositifestsimplissimeetneseveutenrienscientifique : 13 rédacteurs, dans 13 bistrots ou équivalents, Le Top 3 des thématiques par journal* Le Top 6 des préoccupations des Français selon les sondages* 26 Pauvreté, inégalités 15 Vie politique 21 Culture, idées, art de vivre % 14 Pauvreté, inégalités (1) 17 Inflation, budget famille, vie pratique % % % % 30 Monde % 42 Culture, idées, art de vivre (2) 9au15janvier2025-Marianne-11 * Sujets apparus sur les six dernières unes (au 3 janvier 2025) hors éditorial. (1) À égalité avec le thème Sécurité/justice traité à travers des sujets sur les violences faites aux femmes. (2) Hors une du 1er janvier remplacée par l’édition du 26 déc. 2024. Source : “Marianne”. * Trois choix possibles. Source : Ipsos, enquête mondiale sur les préoccupations des populations, sept. 2024. Insécurité 34 % vs.65 % en Suède Pouvoir d’achat 33 % vs.23 % en Allemagne Inégalités 28 % vs.39 % en Hongrie Dérèglement climatique 18 % vs.27 % aux Pays-Bas Chômage 12 % vs.36 % en Espagne Conflit militaire 11 % vs.30 % en Pologne Maisc’estd’abordleurquotidien,danscequ’iladeplus basique, qui occupe les pensées et les conversations de nos concitoyens. En 1974, Perec notait le ballet des bus 63, 87 et 96. En 2025, nos journalistes entendent parler des zones à faibles émissions censées bannir les véhicules les plus anciens et les plus polluants des grandes agglomérations,ainsiquedel’aménagementpasnécessairement très cohérent de nouvelles voies de bus. On y parle du travail, qui ne manque pas toujours, mais qui ne paye pas des masses. On y évoque les commerces qui baissent le rideau, les tracasseries administratives qui rendent dingue, les rendez-vous médicaux indécrochables et les parents vieillissants. On y discute avant tout du pouvoir d’achat, des portions qui se réduisent dans les rayons des supermarchés et des prix qui, eux, inversement, prennent de l’embonpoint. On fulmine à l’évocation des titres-restaurant qui ne sont plus aussi facilementutilisablesdanslescommercesqu’hiereton parie sur l’Amigo, ce loto perpétuel de la Française des jeux, pour améliorer les lendemains. On semble comme épuisés avant même qu’ait vraimentcommencél’année.Etonnecomptepasréellementsurlespolitiquesetcegouvernementenparticulier, composédevieillesgloires,estime-t-on,pourretrouver foi en l’avenir. « Peut-être que dans quinze ans on aura plus de chance », lâche le client d’un centre commercial de Bagnolet. Quinze ans ? Il n’est pas certain que tous les Français soient aussi patients. M G.A. situés dans les 13 régions métropolitaines. Il leur fallait s’y asseoir à l’heure où la clientèle est le plus diverse possible,nesurtoutpasseprésentercommejournaliste, ne pas chercher à interagir pour orienter les conversations,maislesécouteretlesconsignerleplusfidèlement possible, et noter également les thématiques abordées et leur récurrence (lire p. 10). En ne déclinant pas leur identité,ilnes’agissaitpasdetromperoudepiégerleurs interlocuteursmais,aucontraire,denepasdénaturerleur pensée ou altérer leur propos. Tout journaliste peut en témoigner:lacoursedustylosurnotrecalepinchangela donne.Notremains’emballe?L’interviewécroitparfois nécessairedenousendonnerplus.Notremainsecalme? Ce qu’on nous raconte ne semble pas nous passionner, à quoi bon donc poursuivre. “LeParlementdupeuple” L’exercice est quelque peu artificiel et a ses limites, ne nous mentons pas. Reste que, comme on le fait dire à Honoré de Balzac (en réalité, il parlait du cabaret), « le comptoir d’un café est le Parlement du peuple ». Alors, que retenir de ces saynètes captées ici et là, de ces débats tenusdanscesmini-assembléesnationalessansdorures niapparat?Àquoirêve-t-onetqueredoute-t-ondeSens àAix-en-Provence,deMetzàAngoulême,deFurianiaux portes de Bastia, à Querqueville, en Normandie ? Le contexte international est là. Pesant. Mais bien moins qu’à la une des journaux. On y parle un peu de DonaldTrump,del’Ukraine,duProche-Orientetnotamment de la Syrie, ce qui démontre au passage que les « simples » Français ont parfois plus de mémoire et un enthousiasmemieuxcontenuquenos«géniaux»commentateurs, puisque eux se souviennent de la Libye, de l’après-Kadhafietdecequecelapourraitsignifierdemain à Damas. Évidemment, il est question d’immigration, d’islam et d’islamisme. À l’heure des 10 ans de l’attentat de Charlie, on se souvient de Samuel Paty et on a assisté par écrans interposés à celui de La Nouvelle-Orléans. Ilestaussibeaucoupquestiond’insécurité,deslenteurs delajusticeetdel’inefficacité,estime-t-on,delaprison. DequoiparlentvraimentlesFrançais “Maintenant,leurmode, c’estdeplanterdesarbres, maisunarbre,çaprend deuxplacesdeparking!” ENTENDUÀMETZ,MOSELLE 12-Marianne-9au15janvier2025 LEDOSSIER LEDOSSIER
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