MARIANNE n°1424 - Page 10 - 1424 L’ÉDITOdeNatachaPolony Abus de désobéissance civile : comment achever la démocratie conforme à la loi. On se souvient des enseignants qui, en 2008, expliquaient qu’ils ne mettraient pas en œuvre les programmes portés par Xavier Darcos, ministre de Nicolas Sarkozy, au motif qu’ilsprétendaientenseignerlesquatreopérationsfondamentales dès le CE1, et autres dispositions « réactionnaires ». Lepassénousaapprisqu’ilestabjectdeseréfugierderrière lesordrespours’exonérerdesaresponsabilitéquanddescrimes sontcommis,maisparlons-nousbiendelamêmechose?Unfonctionnaire qui refuse de respecter les choix d’un gouvernement élu au motif qu’ils seraient « contraires aux valeurs de la République » s’arrogeledroitdedécidercequ’estlaRépubliquesanspourautant véritablementladéfinir.Cefaisant,ilannonceparavanceànombre de citoyens que leur souveraineté sera bafouée, que leur voix ne comptepasetque,quoiqu’ilarrive,lespolitiquesqu’ilsvoudraientvoirmener–onparle des politiques en matière d’immigration et desécurité–nes’appliquerontjamais.Déjà, lafaçondontladéfensedel’Étatdedroitest utilisée pour imposer des jurisprudences penchant systématiquement en faveur des droits individuels et empêchant toute régulation des flux migratoires a progressivement miné la confiance des citoyens en ladémocratie,enlespersuadantque,quand ilsvotaientpourdespartisditsdegouvernement, leur voix n’était pas entendue. Leur expliquer désormais que certains peuvent s’arroger le droit de ne pas respecter le verdict des urnes quand ils considèrentagirpourleBien,c’estdétruirelepeudeconfiancequ’il leur reste dans la démocratie et précipiter le chaos. C’est, accessoirement,lesautoriserànepasrespecternonplusladémocratie. Les fonctionnaires de l’Éducation nationale qui s’expriment dans cette pétition semblent oublier que si nombre de professeurs votent aujourd’hui pour le RN, ce qui paraissait impensable il y a encore quinze ans, c’est parce que le degré de violence dans les classes, l’effondrement du niveau et le délabrement de l’institution ont été niés pendant de longues années. Les quelques lanceurs d’alerte étaient traités de réactionnaires, assimilésàl’extrêmedroitealorsqu’ilsdéfendaientl’écoledelaRépublique,garanteduprogrèssocialetdel’émancipation.Onrêverait d’un véritable Front populaire, qui entendrait les aspirations des plus modestes, non pas seulement en matière de pouvoir d’achat etdeparticipationàl’impôtmaisaussienmatièred’éducation,de protection,delaïcitéetd’immigrationpourrépondreauxélucubrations et aux idées simplistes du RN. Ailleurs en Europe, des partis de gauche ont commencé leur aggiornamento. En France, pour l’instant, l’antifascisme tient lieu de ciment et de programme. M A ngoisse, et surtout, fatigue. Tels sont les sentiments qui traversent les Français deux semaines après la dissolution, selon une étude de l’institut Verian pour la FondationJean-Jaurès.Lecontraireeûtétéétonnant,tant cestroissemainesdecampagneexpressontressembléà l’ouverture d’une gigantesque boîte de Pandore libérant potentiellement le chaos. Ledangerleplusévident(sil’onconsidèrequeleRNapourl’heure trèspeudechancesd’obtenirunemajoritéabsolue)estbiensûrde voir sortir des urnes une chambre qui rendrait le pays totalement ingouvernable. Les options sont multiples. Une politique du pire menéeàcoupsdemotionsdecensurepardesblocsdedroiteetde gaucheradicalessuffisammentpuissantspourpousserEmmanuel Macronàladémission?UnRNà240ou250députés,c’est-à-diresans majoritéabsoluemaispesantsuffisamment pourobérertouteformedesolutionalternative ? Malgré la solidité des institutions de la Ve République, qui sert depuis déjà longtemps à maintenir au pouvoir des partis minoritairesnetenantquesurlerejetduou desadversaires,l’étatdecrispationdupays, dans lequel chaque bloc dénie aux autres jusqu’àlalégitimitéducourantidéologique qu’il représente, ne peut qu’aboutir à des conflitsdeplusenplusviolents. Pour autant, un autre danger se fait jour, moins immédiat mais non moins destructeur. On a vu fleurir ces derniers jours les déclarationsdepréfetsannonçantqu’encasdevictoireduRassemblement national ils refuseraient d’appliquer certaines décisions du pouvoir en place, s’appuyant sur le droit de « refuser un ordre illégal » ou qui serait « de nature à compromettre gravement l’intérêt public»,envertudel’articleL121-10duCodegénéraldelafonction publique. C’est également cet article qu’ont sans doute en tête les fonctionnaires de l’Éducation nationale qui ont signé sur change.org une pétition pour déclarer qu’ils n’obéiraient pas à un ministre issu du Rassemblement national. On a bien compris que la peur de voir le RN remporter une majoritéabsoluedimanche7juilletincitecertainsàdesassautsde ferveurrésistante.SesentirJeanMoulinsansrisquerlatortureest unvertigeplaisant.Peut-êtreserait-ilnécessaire,cependant,dese demandercequeproduiront,àmoyenoulongterme,cesdéclarationsdegens,enparticulierdefonctionnaires,quis’autoriseraient doncànepasrespecterleurobligationdeneutralitéetàdésobéirà ungouvernementissudesurnes,éluparunemajoritédecitoyens. Onneparlepaslàd’ungouvernementquiédicteraitunordreillégal mais d’un gouvernement qui appliquerait une politique pouvant être contestable, voire odieuse, mais pour autant parfaitement Malgrélasolidité desinstitutionsdela Ve République,l’état decrispationdupays nepeutqu’aboutir àdesconflitsdeplus enplusviolents. 27juinau3juillet2024-Marianne-3 No 1424du 27 juin au 3 juillet 2024 34 Chroniques Marianne VOUS RAFRAÎCHIT LA MÉMOIRE 36 La purge, une pratique vieille comme la gauche 38 LECONTRE-AGENDA Disney,laforceobscure del’appâtdugain 40 C’ESTSONCOMBAT AngéliquePerrin:“Jeveuxquel’eau soitgéréeparetpourlescitoyens” 41 LEPOINGSURLATABLE N’arrosezpaslatomate! 42 QUELLEÉPOQUE! Go home ! 44 Mieuxvautenrire! 48 COURRIERETJEUX 50 Le banc public par Benoît Duteurtre 3 L’ÉDITOde Natacha Polony Abusdedésobéissancecivile: commentacheverladémocratie 6 CequeMarianne enpense -KeirStarmer,lenouveauTonyBlair -ValéryGiscardd’Estaing vsFrançoisHollande 10 Le dessous des cartes LesréfugiésdelaMacronie 11 INDISCRÉTIONS Marianne DÉVOILE 24 Qui veut la mort des prépas éco ? Marianne RACONTE 26 Crime raciste chez les Roms Marianne DÉCRYPTE 28 Maisaufait,c’estquoiun“peuple”? LE GRAND ENTRETIEN 30 Henri Guaino vs Aquilino Morelle : les ex de l’Élysée dégainent SERVICE ABONNEMENTS Pour nous contacter : 01 86 57 08 54 abonnements@journal-marianne.com MARIANNE - Service abonnement - 60643 Chantilly Cedex TARIFS ABONNEMENTS POUR LA FRANCE MÉTROPOLITAINE : Particuliers : 1 an (51 nos dont un double) 135 €. POUR LA SUISSE : Asendia Press Edigroup S.A., chemin du Château Bloch 10, CH-1219 Le Lignon. Tél : 022 860 84 01. abonne@edigroup.ch - 1 an (51 nos ) CHF 225. 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Ces derniers mois, l’ancien avocat – tout d’abord spécialisé en droits de l’homme et en affaires très politisées, avant de conseiller la police nord-irlandaise (2003-2008) et de diriger le service des poursuites judiciairesdelaCouronne–faitenfinhonneuràsaformationavecuntonplus convaincant, plus serein, et surtout plus humain. Lors de son premier discours de campagne, fin mai, il a ainsi raconté, de sa voix nasale à laquelle les Britanniques vont devoir s’habituer, avoir « aimé grandir » à Oxted, village de la campagne au sud de Londres « aussi anglais que possible ». Ses premiers terrains de foot, partagés avec les vaches locales. Ses premiers petits boulots. La peur du facteur porteur de factures que son père,ouvrierenusine,etsamère,infirmièreatteinted’unemaladiedégénérative, ne pourraient pas régler. Leur choix de ne pas payer le téléphone, plutôt que le chauffage ou le loyer, parce que « c’était celui avec lequel il était le plus simple de faire sans ». Cette expérience a façonné le plan qu’il a élaboré pour le Royaume-Uni, indique-t-il. D’où son choix de se concentrer « avant tout sur la stabilité économique, sur la nécessité de ne jamais soumettre les travailleurs au tourbillon du chaos ». À l’image de celui qu’inflige le gouvernement conservateur depuis plusieursannées,concrétiséparuneinflationde11,1%enoctobre2022etune explosion des taux d’intérêt bancaires. Pourtant, rares sont ceux qui peuvent direquisecacheréellementderrièrecethommeàl’air«ennuyeux»,lequalificatifquirevientleplusrégulièrementàsonproposlorsdesdiscussionsaveclesBritanniques.Avantsonélectionàlatêtedu Labour, il avait assuré vouloir « véritablement […] construire en partant des gouvernements travaillistes passés et de [son prédécesseur] Jeremy Corbyn » (2015-2020). Il avait aussi déclaré être « le genre de personne qui, lorsqu[’elle voit] quelquechosedemaloud’injuste,nepeutpaspasseràcôté». Depuis, il a purgé le parti de nombreux députés et candidats à l’élection du 4 juillet classés à l’extrême gauche, dont Jeremy Corbyn, forcé de se présenter en tant qu’indépendant dans la circonscription qu’il représente depuis 1983. Il a aussi choisi une responsable des finances, Rachel Reeves, qui s’autoproclame sociale-démocrate et offre depuis des mois des gages de non-agression au monde des affaires et aux plus riches. Sceptiques vis-à-vis de ce nouveau Tony Blair, les plus optimistes espèrent que ce fan de foot reprendra, une fois établi au 10 Downing Street, certains des penchants radicaux arboréspendantsajeunesse.Sansdoutepourpouvoir voter en leur âme et conscience. M KEIRSTARMER lenouveauTonyBlair Leportraitcrashé parTristandeBourbon catifquirevientleplusrégulièrementàsonproposlorsdesdiscussionsaveclesBritanniques.Avantsonélectionàlatêtedu Labour, il avait assuré vouloir en partant des gouvernements travaillistes passés et de prédécesseur] déclaré être quelquechosedemaloud’injuste,nepeutpaspasseràcôté». Depuis, il a purgé le parti de nombreux députés et candidats à l’élection du 4 juillet classés à l’extrême gauche, dont Jeremy Corbyn, forcé de se présenter en tant sociale-démocrate et offre depuis des mois des gages de non-agression au monde des affaires et aux plus riches. Sceptiques vis-à-vis de ce nouveau Tony Blair, les plus optimistes espèrent que ce fan de foot reprendra, une fois établi au 10 Downing Street, certains des penchants radicaux voter en leur âme et conscience. CAMPAGNEÉLECTORALE Patron,j’aibon? Chez La Boétie, la « servitude volontaire » naît d’un accident, d’une mauvaise rencontre entre un peuple libre et un autocrate. Dans sa forme actuelle, plus douce, la subordination se révèle plutôt à l’aune de formules, bien intériorisées, beaucoup répétées, jamais questionnées. L’une d’elles faisait florès les 19 et 20 juin, dans les journaux et à la télé : « le Grand Oral des chefs de partis devant le Medef ». Le « grand oral » : cette paire de mots fait des patrons français des juges suprêmes et relègue les candidats à la députation au rang d’élèves. Les messieurs du CAC 40 vont-ils lever le pouce… ou le baisser, tels des empereurs romains ; donner une image ou un blâme ? Pas besoin de s’appesantir sur le verdict du docte jury, opposé « aux extrêmes », selon l’expression désormais consacrée, et partisan de la continuité. « Auditionné » en premier, Édouard Philippe, pour son parti Horizons, créa la surprise avec son souhait de créer « les conditions d’une économie compétitive ». À gauche, et comme le suggère l’exercice de séduction propre au grand oral, le duo Boris Vallaud (PS) et Éric Coquerel (LFI) la jouait très « partenariat » – pardon, « partnership » – avec leur idée de « fond[er] ensemble un pacte productif nouveau ». Quant à Jordan Bardella, flanqué de son allié Éric Ciotti en guise de brevet néolibéral, il prônait la stabilité fiscale, « adaptée à la réalité de la compétition internationale ». Ou comment cocher toutes les cases patronales en un minimum de mots. Pas un grand oral, un récital. Pourquoi les postulants jouent-ils si bien le jeu auprès de cette magistrature des gros sous ? Il leur faudra bien passer l’épreuve des marchés le jour d’après le vote. « En France, la meilleure cour suprême, c’est le peuple » disait pourtant Charles de Gaulle. À l’époque, le grand oral s’appelait l’élection au suffrage universel. F.D. Merci confrères ! EndirectdeGaza Le journaliste palestinien Rami Abou Jamous, qui fut longtemps correspondant d’Arte à Gaza, tient son journal de bord sur le site Orient XXI. Avec des mots simples, il y conte les souffrances des civils fuyant l’apocalypse, la mort de ses proches, les angoisses du quotidien, la vie sous la tente où est installée sa famille, et son combat pour rassurer ses enfants, qui voient la mort tomber du ciel. Bouleversant. 6-Marianne-27juinau3juillet2024 Crédit photo / Agence par Samuel Piquet Prenons-les au MOT par Samuel Piquet L’IMPOSSIBLE “DÉMACRONISATION” FIN DU CALVAIRE Après avoir accepté de plaider coupable devant le tribunal fédéral des îles Mariannes, le lanceur d’alerte australien et fondateur de WikiLeaks pourrait enfin rentrer chez lui. ENFINLIBRE JulianAssangeafaitcapituler l’Empireaméricain « Macron enterre le macronisme » titrait le Point le 17 juin. « Législatives : la démacronisation en marche », titrait Public Sénat le 20 juin pour son émission « Sens public », présentée par Thomas Hugues. On parlait déjà de « démacronisation » en 2022 pour expliquer à la fois que le président perdait de son influence auprès de son entourage et qu’on cherchait à préparer l’après-Macron, celui-ci ne pouvant pas se représenter à la présidentielle en 2027. Le préfixe « dé » est issu de la particule latine « dis » et s’oppose à « com », de « cum ». Il marque la séparation, l’écartement, la direction en sens opposé, et, par suite, le contraire, la négation. « Démacroniser » signifiet-il qu’on entend faire l’inverse de ce qu’a fait Macron jusque-là, ou que l’on a intérêt à le faire oublier, voire disparaître, au moins le temps de la campagne ? L’article du Figaro du 20 juin consacré à cette question et intitulé « Législatives : Gabriel Attal en première ligne d’une campagne “démacronisée” ? » offre un début de réponse. D’après le quotidien, le Premier ministre est « poussé par les députés sortants à se placer en première ligne pour sauver ce qu’il reste à sauver […] après s’être assuré que le chef de l’État se ferait le plus discret possible ». Au point, précise le Figaro, que « les macronistes d’hier sont devenus les attalistes d’aujourd’hui ». Mais en quoi le Premier ministre serait-il si différent du président ? Et comment « démacroniser » une campagne née de la décision de Macron de dissoudre l’Assemblée nationale – qui plus est presque seul contre tous – , qui commence par une conférence de presse de Macron, qui s’achève sur une lettre du même Macron aux Français, et au cours de laquelle il nous promet sans cesse qu’il a entendu les citoyens et qu’il gouvernera différemment ? La réponse est sans doute dans la question. M “Les inégalités se vivent davantage en termes de discriminations que d’exploitation sociale.” FRANÇOIS DUBET, sociologue,laCroix,le19juin2024. Il a osé le dire O n avait fini par désespérer de son cas,tantlesÉtats-Unisenavaient fait l’homme à abattre. Pourtant, c’estfait:JulianAssangeestlibre. Le fondateur de WikiLeaks était menacé d’extradition vers un pays qui entendaitlejeterenprisonpourlereste desesjours,enraisondesesrévélations sur les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. Le voilà assuré de pouvoir en finir avec un calvaire qui duredepuistreizeansetquil’avaitmené dans une prison de haute sécurité de Belmarsh (surnommée « Our Guantánamo »), au Royaume-Uni. Désormais poursuivi pour « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale », Julian Assange a accepté de plaider coupable devant un tribunal fédéral des îles Mariannes, territoire américain du Pacifique. Il devrait être condamné à soixante-deux mois de prison, déjà purgés en détention provisoire à Londres. IlpourradoncregagnerlibresonAustralie natale, pays dont le gouvernement a multipliélesinterventionsafind’arriver à une telle issue. On n’en dira pas autant de certains autres, à commencer par les membres de l’Union européenne, dont la France, qui a oublié à l’occasion qu’elle était le pays des droits de l’homme. Quand il s’agissait d’Alexeï Navalny et de Vladimir Poutine, l’Élysée donnait de la voix. Mais pour Julian Assange, le silence était de mise. Pas question de froisser le grand frère américain, alors que l’actuel garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, fut pourtant l’un des avocats du fondateur de WikiLeaks. Visiblement, il ne s’en souvient plus. D’autres, heureusement, ont su garder le sens de l’honneur. La campagne en faveur de Julian Assange a gagné toute la planète, avec des soutiens parfois inattendus. Elle a fini par avoir un écho jusqu’à la Maison-Blanche, alors même que Joe Biden s’était promis d’avoir la tête de l’homme qui lui a donné des sueurs froides. À la veille d’une élection présidentielle fort incertaine pour lui, persister à lui infliger un traitement qualifié par un représentant de l’ONU de « torture mentale » devenait politiquement dangereux. Tant mieux pour Julian Assange et pour tous ceux quil’ontdéfenducontrelespirescalomnies. On laissera les autres se regarder dans une glace. M Jack Dion 27juinau3juillet2024-Marianne-7 Astrid di Crollalanza / Opale - Dominic Lipinski/PA Wire / Abaca Ce que Marianne en pense MÉDIASTICSpar Samuel Piquet LECHIFFREQUICHIFFONNE 200C’estlenombredecasdecholéraàMayotte, selonSantépubliqueFrance,aulendemaind’unsommetmondial surlaproductiondevaccinsenAfriqueoùEmmanuelMacron aappeléà«renvoyerlecholéraaupassé». «S ileRNouleNFPgagneleslégislatives,les investisseurs étrangers iront ailleurs ! » titre, le 23 juin, le Point, qui a décidé d’interroger le président non exécutif de Business France, et explique que «cefidèled’EmmanuelMacron»estinquiet.A-t-on vraimentenvied’attristerunfidèleduprésident? Iln’esttoutefoispasdéfaitiste:«Carsionsebat etqu’onexpliquebienleschosesauxFrançais,jesuis persuadé que la majorité peut faire un bien meilleur score que les 17 % de Valérie Hayer aux élections européennes. » Si le parti présidentiel a reçu une gifle,c’est,commed’habitude,parcequ’onn’apas suffisammentfaitde«pédagogie»etquelesFrançais « n’ont malheureusement pas toujours tous les chiffresentête».Misàpartceluideleurdécouvert. Dans son éditorial du Figaro (19 juin), le directeuradjointdelarédactionGaëtandeCapèlerappelle que « le flot souterrain des déficits » risque à toutmomentdenousengloutiretfustige«desprogrammestotalementdéconnectésdesréalitésavec,il fautledire,uneprimedansl’horreurpourceluidel’extrême gauche, qui effraie jusqu’à ses propres alliés ». À côté, la guerre au Yémen, c’est Disneyland. Il note aussi que Bruxelles a « admonesté une nouvellefoislaFrance»car«pourlaquatorzièmefois en quinze ans nous ne respectons aucun de nos engagements».LeFigaroest-ilentraindesecontredire ensous-entendantquel’arrivéeaupouvoirduRN ou du NFP ne changerait rien ? Impossible. Quantaudirecteurdelarédactiondel’Express, Éric Chol, il tente de nous convaincre de la « folle démagogie » de ces mêmes programmes en prenant comme référence le ministre de l’Économie : « Dès l’annonce de la dissolution, Bruno Le Maire a fait chauffer sa calculatrice. » S’il suffit d’annonces du RN ou du NFP pour le tirer de sa torpeur, on regrette que ces derniers n’en fassent pas plus souvent. Qu’a trouvé l’hôte de Bercy en faisant ses calculs?Que«lesmesuresprônéesàgauchecomme à l’extrême droite se chiffrent en centaines de milliardsd’euros».Commele«quoiqu’ilencoûte?» Heureusement,conclutÉricChol,laBCEpourrait « servir d’amortisseur à la crise financière annoncée ». Hélas « sans sauver l’honneur du pays ». Pour ça, il faudra attendre Bruno Le Maire en 2027. M LaMacron-économie: leseulchemin DÉFICITPUBLIC Legrosbâtonde laCommissiondeBruxelles B ruxelles aussi ne connaît pas la crise. Ou plutôt s’en moque comme de sa première directive. L’économie européenne menace de piquer du nez dans le sillon de l’Allemagne, l’extrême droite enfle aux quatre coins du continent, la menace russe se fait sans cesse plus pressante mais la Commission, elle, veille… au respect des critères budgétaires. Elle vient d’engager une procédure pour déficits publics excessifs à l’encontre de la France et de six autres partenaires – dont la Belgique, l’Italie et la Pologne–etentendbienremettreles financesdansledroitcheminàcoups de consignes pour couper drastiquement dans les budgets. Cettepassionvétilleusedesalinéas etdescodicillespeutfairesourire,tant les « mauvais élèves » parviennent toujours à passer entre les gouttes, mais elle finit par produire l’inverse du but recherché. Particulièrement en France, où, ironie suprême, le seul parti – en l’occurrence la Macronie–favorableauxrèglesbudgétaires strictessetrouvejustementpointédu doigt pour ses dépenses irraisonnées et ses recettes budgétaires amputées par les avantages fiscaux accordés aux privilégiés. Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, accusés de dilettantisme financier par la majorité, pourraient ainsi profiterdecetentêtementbruxellois. Foin de ces considérations électorales, l’obstination procédurière des eurocrates en dit long sur le génome économique du modèle à respecter : la lutte contre l’inflation, la recherche des grands équilibres budgétaires, le respectdulibre-échangeetlecultede la concurrence. Or ces quatre points cardinauxneconviennentfinalement à aucun des programmes : le RN et la gauche veulent des droits de douane et, en dépit de ses déclarations, le centre macronien s’émanciperait bien du rigorisme européen, fournisseur officiel de votes en faveur de ses concurrents dits « extrémistes ». Les mesures les plus impopulaires du gouvernement, comme les tours de vis sur l’assurance chômage, le recul de l’âge de départ à la retraite ou encore les coups de rabot administrés aux budgets des ministères visent ni plus ni moins à passer sous ce trop fameux seuil de 3 % de déficit par rapport à la richesse nationale à l’horizon 2027. Question : qui défend encorelaCommission?FranckDedieu PRIORITƒ La Commission vient d’engager une procédure pour déficits publics excessifs à l’encontre de la France et de six autres pays de l’UE. 8-Marianne-27juinau3juillet2024 Monasse / Andbz / Abaca Quel meilleur come-back à l’Assemblée? Deux anciens présidents éjectés après un seul mandat qui reviennent par la voie d’une candidature aux législatives : VGE l’a fait, François Hollande s’y essaie. Comparons les parcours… et imaginons la suite. Par Thibaut Solano Valéry : après son fameux « Au revoir », l’Auvergnat respecte une cure de silence de six mois. Frétillant devant l’impopularité grandissante de la Mitterrandie, il signe déjà son retour devant les urnes, aux élections cantonales, en mars 1982, moins de un an après sa défaite. Cette apparente humilité n’est en fait qu’une première marche gravie. Deux ans plus tard, il profite d’une législative partielle dans son ancienne circonscription pour retrouver une place de député. Valéry : évidemment, l’idée de Giscard n’était pas de rester député. Il a d’ailleurs brigué avec succès tous les mandats qui se présentaient à lui, des européennes (28,88 % des voix, en 1989) aux régionales. Il dirigera l’Auvergne de 1989 au scrutin de 2004, quand la vague rose le balaiera définitivement. En revanche, les portes de la présidentielle lui resteront toujours fermées. Valéry : à deux reprises, l’homme de Chamalières a renoncé à se présenter à la présidentielle (1988 et 1995), constatant que ses propositions – sur la moralisation de la vie publique notamment – rencontraient peu d’écho dans l’opinion. D’autant que la route lui était barrée par un trop-plein à droite (Chirac-Barre puis Chirac-Balladur). On ne choisit pas d’être l’homme providentiel. Opportunisme Objectifs Obstacles François : jouer les absents pour susciter le désir… Très peu pour celui qui est intervenu dansàpeuprèstouslesmédias,saufdansPicsou Magazine, depuis son départ de l’Élysée. Il aura en revanche mis beaucoup plus de temps (un septennat) à solliciter de nouveau le suffrage universel. Il lui fallait attendre un alignement des planètes : risque d’une victoire du RN, Macronie affaiblie, union de la gauche. Quitte à grimper dans le même wagon loufoque que celui de Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. François : ce n’est pas douter de son fort attachement à la Corrèze (il a acquis une maison à Tulle en 2018) que de lui prêter d’autres ambitions. En cas d’élection à l’Assemblée, il pourrait bénéficier d’un espace pour représenter la tranquille frange socialedémocrate – Raphaël Glucksmann étant piètre tacticien et Bernard Cazeneuve, toujours scotché à son surplomb. Et puis viendra 2027. François : son pire adversaire ? Sûrement pas la finance, mais plus prosaïquement son bilan, Hollande étant le seul président de la Ve République que son impopularité a empêché de se représenter. Sans compter son faible nombre d’alliés, entre une Macronie qui le déteste et une gauche radicale qui le vomit. Mais n’est-il pas surnommé Culbuto ? Cahuzac is back Sur les marchés du Lot-etGaronne, l’ancien ministre socialiste Jérôme Cahuzac, 72 ans, ex-maire de Villeneuve-sur-Lot, bat à nouveau la campagne pour les élections législatives, espérant reprendre le fil d’une carrière politique stoppée il y a une décennie. Certains s’en offusquent, rappelant qu’il a été condamné en 2018 pour fraude fiscale à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et cinq ans d’inéligibilité. La peine a été purgée et Jérôme Cahuzac est dans son droit. Reste à savoir s’il est digne de représenter le peuple. On s’en fout ! ValéryGiscardd’Estaing FrançoisHollande LESJEUNESETLERN Leslogan lepluscon Un slogan a fait son retour dans les manifs contre le RN: « La jeunesse emmerde le Front national ». C’est un cri lancé à l’origine par le groupe Bérurier noir après le score de 14% de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle de 1988. Si la suite a prouvé que ce chant n’était déjà pas très adapté à l’époque, il l’est encore moins aujourd’hui. Il ne sert qu’à se donner bonne conscience en croyant monter au front antifasciste. Durant ce temps, le RN grossit sa pelote. Alors que 13 % des 18-24 ans ont voté Le Pen en 2002, ils sont 35 % à se dire prêts à choisir un député RN aux législatives. Si la majeure partie de la jeunesse s’abstient, si une autre plébiscite la gauche, une troisième se tourne vers le RN et ce n’est pas en l’insultant, ou en le diabolisant, qu’on enrayera cette mécanique infernale. François Darras 27juinau3juillet2024-Marianne-9 Lematch Michel Baret / Gamma-Rapho - Raphaël Lafargue / Abaca Le dessous des cartes INDISCRÉTIONS] Exode gouvernemental Depuis l’annonce de la dissolution, les conseillers ministériels se cherchent une porte de sortie. Les premiers sondages ne sont pas favorables à la majorité actuelle et le risque de se retrouver sur le carreau le 7 juillet au soir devient de plus en plus probable. Certains se demandent même pourquoi ils n’ont pas quitté le navire plus tôt. Alors, faisant jouer le réseau, ils se tournent vers d’anciens collègues. En ligne de mire : Publicis et Havas, qui comptent dans leurs rangs plusieurs ex-communicants de ministres. « On a reçu plus d’une dizaine de CV la semaine dernière », glisse un cadre chez Publicis. Prenons les paris qu’il n’y aura pas assez de places pour tout le monde. M.J. ContreCorbière, Mélenchonenrelais Une vidéo truquée mettant en cause Alexis Corbière s’est répandue comme une traînée de poudre dans les réseaux LFI… avec la complicité de Jean-Luc Mélenchon en personne. Le montage insinuait que l’ex-député purgé avait insulté Mathilde Panot, la traitant de « poissonnière ». « Ce type est écœurant. J’espère qu’il va dégager », pouvait-on lire en accompagnement de la vidéo publiée sur un compte insoumis de X par un anonyme, dans la nuit du lundi 17 juin. Dix minutes après, « Méluche » la partageait dans plusieurs boucles Telegram de députés, collaborateurs et militants. Le pot aux roses était découvert le lendemain, après le démenti de Corbière. Face au tollé, le compte a disparu… et les messages du leader insoumis aussi. M.R. L’artdelapurge La purge continue à La France insoumise. Après la décision d’exclure la députée parisienne Danielle Simonnet de l’investiture pour les législatives anticipées, c’est au tour de militants qui lui sont proches. Mercredi 19 juin au matin, six responsables de groupes LFI du XXe arrondissement de Paris ont eu la surprise de découvrir leur éviction brutale Avec quelques élus corses et centristes, il crée alors le groupe parlementaire Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Mais pourPaulMolac,l’annoncedeladissolutionaétélagouttedetrop.L’ancien éluadoncdécidédeseprésentercette année« sansétiquetteniobédience». VersdenouveauxHorizons La création du parti Horizons par ÉdouardPhilippeafaitofficed’échappatoire pour les déçus de la Macronie.Àl’instardeXavierBatut,ancien élu de la dixième circonscription de Seine-Maritime, pourtant adhérent de la première heure de LREM. Rapidementdéçudufonctionnementdu parti,qu’iljugetrop«vertical»,ilrend sacartedemembreen2020.L’année suivante, il rejoint Horizons. Après deux ans passés hors des rangs de l’Assemblée,l’anciendéputé,soutenu par la majorité présidentielle, tente ànouveausachance cetteannée. M Virageàdroite Sur les bancs du Palais-Bourbon, elleneferapeut-êtrequechangerde place.L’ex-députéeLREMTyphanie Degois a annoncé sa candidature sous la bannière Les RépublicainsRassemblement national. Stupeur dans la Macronie alors qu’au sein des Marcheurs elle faisait presque partie des meubles. D’abord au sein des Jeunes avec Macron, puis à l’Assemblée, l’élue de la Savoie a porté les couleurs de la majorité… non sans quelques couacs. Opposition à l’extension du passe sanitaire, désaccords sur des textes de loi… Ses divergences avec le groupe deviennent telles qu’elle décide de parrainer Marine Le Pen en 2022. Courseensolitaire Pour Paul Molac, ancien député LREM de la quatrième circonscription du Morbihan, c’est l’histoire d’un désenchantement. D’abord élu en 2012 avec le soutien du PS et d’EELV, il rejoint la majorité en 2017 avant de la quitter un an plus tard. «EnMarchen’écoutaitqueleprésident de la République », avait-il déploré. À l’approche des élections législatives anticipées, certains Marcheurs de la première heure ont décidé de quitter le navire, préférant se présenter sous une autre étiquette. Par Chloé Sémat Lesréfugiés de la Macronie 10-Marianne-27juinau3juillet2024 Vincent Isore / IP3 / MaxPPP - Niviere David / Abaca Fret SNCF est-elle en train de dérailler ? Le transporteur public de marchandises par le train veut supprimer 73 postes en 2024. Le hic, c’est que ce dégraissage s’ajoute aux 453 postes en moins prévus dans le cadre du démantèlement annoncé en mai 2023 par Clément Beaune, alors ministre des Transports. À l’époque, il lance un « scénario de discontinuité » pour échapper à une amende de plus de 5 milliards d’euros de la Commission européenne, qui enquête sur des « aides d’État illégales » à l’entreprise. Pour éviter la catastrophe, le pouvoir décide de scinder Fret SNCF en deux nouvelles entités, au 1er janvier 2025, tandis qu’il cède 30 % de son trafic au privé. Et pour les employés, ça sent le terminus… U.P. L’infoenplus de la plate-forme des Insoumis pendant la nuit, après des années de dévouement. Des méthodes « dignes des magouilles du PS ou de la droite mafieuse », déplorent-ils dans un message interne consulté par Marianne. « Le national, orchestré par Sophia Chikirou, essaie de faire perdre Danielle à tout prix. Son principal objectif est de la faire battre, donc on nous tire dessus », confie l’un d’entre eux. M.R. Pasdequartier pourlesnon-ralliés! Pourquoi tant de députés LR ont-ils refusé de suivre leur chef, Éric Ciotti, dans l’alliance avec le RN ? Après tout, certains profils, comme le député de l’Oise Maxime Minot ou celui des Ardennes Pierre Cordier, affichent des convictions proches du parti de Marine Le Pen. « Ils auraient évidemment pu garder leur “circo” dans l’accord, indique un cacique du RN,mais ils subissent la pression des microcosmes locaux. Minot est tellement lié à Xavier Bertrand qu’il est “tenu” et n’ose pas franchir le pas. » Et la même source d’afficher un sourire carnassier : « Tant pis pour eux, ils seront balayés aux législatives. »H.M. Unmystérieux partiimpuni La Haute Autorité de l’audit (H2A) avait constaté la certification erronée des comptes de l’un des dix partis politiques FretSNCF:nouvellessuppressionsdepostes! qu’elle avait dû examiner. Alertée par Marianne (lire notre no 1396), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) n’a pas jugé utile de le signaler à la justice. « C’est à [la H2A] de le faire, si elle l’estime fondé », nous a-t-elle répondu. Dans son rapport annuel, la CNCCFP dit avoir « sollicité la H2A afin de connaître l’identité du parti » mais cette dernière « a indiqué que l’état du droit ne lui permettait pas de répondre à cette demande ». Pourtant garante de la probité financière des partis politiques, la CNCCFP s’en est tenue là. E.L.etV.R. LRécartelé Pendant qu’Éric Ciotti parade avec Jordan Bardella, certains chez LR penchent, à l’inverse, pour un rapprochement avec la Macronie. Dans les Hauts-de-Seine, le député Philippe Juvin a voulu, contre l’avis des instances nationales du parti, conclure un accord avec les membres de la majorité sortante. « Rien ne nous sépare idéologiquement de Gérald Darmanin et de Sébastien Lecornu, avance un permanent du parti. Ce sont des gens qui, depuis sept ans, ont mis en place une politique de droite. » LR n’en a pas fini avec le grand écartèlement. H.B. Franchecamaraderie Cela n’aura échappé à personne : à gauche, le Parti communiste français et Les Écologistes font de la quasifiguration au sein du Nouveau Front populaire, théâtre d’une énième bataille entre les Insoumis et des socialistes requinqués grâce à Raphaël Glucksmann. À LFI, les retrouvailles avec ce meilleur ennemi sont appréciées par les esthètes de la « popol » : « Roussel, il fait des duels avec Lalanne et les chats [comprendre : la liste des Animalistes], s’amuse une fine lame insoumise. Les verts et les cocos sont ridicules. Les socialistes, on les déteste, mais, au moins, c’est du sérieux en face. » L’union est un combat, on le voit… L.N. “Je suis de gauche, j’ai été au PCF pendant quinze ans !” AURÉLIENROUSSEAUCandidatNouveauFrontpopulaireauxlégislatives L’investiture dans les Yvelines d’Aurélien Rousseau, ancien ministre de la Santé d’Emmanuel Macron et directeur de cabinet d’Élisabeth Borne, crée des remous au sein du Nouveau Front populaire. « Vous ne pouvez pas résumer mon engagement à quinze mois de ma vie. Je suis de gauche, j’ai été au PCF pendant quinze ans ! », a-t-il répété lors d’une réunion unitaire avec les forces de gauche locales. Et de promettre à des Insoumis méfiants : « J’irai avec ma bite et mon couteau. » Sauf que, le lendemain, il les refroidissait en déclarant sur France Info qu’« une partie de LFI a offert un brevet de virginité sur la lutte contre l’antisémitisme au RN ». « Il joue un jeu dangereux », fustige une Insoumise… M.R. SA BITE, SON COUTEAU ET SON BREVET DE GAUCHE quinze ans !” 27juinau3juillet2024-Marianne-11 L’heuredes VRAIS CHOIX Déroulezleprogramme! 12-Marianne-27juinau3juillet2024
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