MARIANNE n°1458 - Page 2 - 1458 L’ÉDITOd’ÈveSzeftel Origine du papier Allemagne et France. Taux de fibres recyclés 85%.Certification 100 % PEFC. Ptot kg/t 0,004. SERVICE ABONNEMENTS Pour nous contacter : 01 86 57 08 54 abonnements@journal-marianne.com MARIANNE - Service abonnement - 60643 Chantilly Cedex TARIFS ABONNEMENTS POUR LA FRANCE MÉTROPOLITAINE : Particuliers : 1 an (51 nos dont un double) 135 €. POUR LA SUISSE : Asendia Press Edigroup S.A., chemin du Château Bloch 10, CH-1219 Le Lignon. Tél : 022 860 84 01. abonne@edigroup.ch - 1 an (51 nos ) CHF 225. POUR LA BELGIQUE : Asendia Press Edigroup S.A., Bastion Tower Etage 20, place du Champ-de-Mars 5, 1050 Bruxelles. Tél. : 070 233 304. abonne@edigroup.be 1 an (51 nos ) 159 €. Autres pays: nous consulter. MARIANNE 28, rue Broca, 75005 Paris Tél.:0153722900 - Fax:0153722972. MARIANNE publication hebdomadaire éditée par CMI France. Siège social : 3-9, avenue André-Malraux – Immeuble Sextant, 92300 Levallois-Perret. 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Vivre dignement de son travail, ça ne vous rappelle rien ? Les Gilets jaunes. Eux avaient investi les ronds-points pour porter ce message:nousnevoulonsplusperdrenotrevieàla gagner.Les«bonnetsjaunes»delaCRnedisent pas autre chose. Et le taux de suicide parmi les quelque 500 000 exploitants agricoles, bien plusélevéquelamoyennenationale,reflèteleur taux de pauvreté, qui atteint 33 % chez les agriculteursvivantseuls. En mars 2024, les « bonnets jaunes » étaient montés à la capitale pour dénoncer cette mort à bas bruit – certains parlent d’un génocide paysan. Les tracteurs, ornés de drapeaux tricolores, avaient fait cercle autour de l’Arc de Triomphe avant que des manifestants déposent une couronne de fleurs en hommage « à tous les suicidés dans le silence des cours de ferme, près de trois, chaque semaine,enFrance».Danslemêmetemps,une autre cohorte gagnait l’entrée du château de Versailles, en écho à la marche des milliers de Parisiennes venues exiger de Louis XVI des réformesetdupain,les5et6octobre1789. Outre l’originalité de leurs modes d’action, pensés pour frapper les esprits, les Gilets et les bonnets jaunes ont un autre point commun : la disqualificationqui,d’emblée,afrappécesmouvements, aussitôt accusés de proximité avec le RN. Une accusation portée au plus haut niveau par le président Macron lui-même, et qui s’appuie sur des sondages (47 % des adhérents de la CR se disent prêts à voter RN) ou sur le profil de certaines figures. Rien d’étonnant puisque les deux formations s’adressent aux perdants de la mondialisation, aux sans-voix, contre une certaineéliteurbainejugée,àraison,hors-sol. Or, il suffit de lire Entendez-vous dans nos campagnes,lelivredeVéroniqueLeFloc’hparuenjanvier,oud’éplucherlesfichesthématiquesdusite delaCR,pourserendreàl’évidence:ilestdifficile decatégorisercesyndicat.Àmoinsquedéfendre la souveraineté alimentaire de la France, première puissance agricole européenne mais dont l’excédent commercial agricole ne cesse deseréduirechaqueannée,soitd’extrêmedroite. À moins que critiquer la concurrence déloyale qu’autorisentlestraitésdelibre-échange,comme le Mercosur, et défendre à la place les clauses miroirs et la préférence communautaire soit d’extrêmedroite. Il est vrai que la Coordination rurale fustigel’«idéologiedeladictatureécologiste»et la mal nommée « police de l’environnement », qu’ellevoitcommesonbrasarmé.Celalaplaceraitplutôtàdroite,maiss’indignerdesdescentes muscléesdanslesfermesdesagentsdel’Office français de la biodiversité fait-il de vous un fasciste ? Tout comme dénoncer les méthodes violentes des Soulèvements de la Terre, dont l’invitationparl’ÉlyséeauSalondel’agriculture, justeaprèsl’épisodedeSainte-Soline,avaitmis lefeuauxpoudresen2024?Demême,laCoordination rurale a la dent dure contre l’excès de normes, mais sait-on qu’il existe aujoud’hui 12 réglementations portant sur la taille des haies ? Est-elle poujadiste pour autant ? Enfin, que dire de l’autre cheval de bataille du syndicatminoritaire,lerejetdel’idéologieportéepar le syndicat historique, la FNSEA ? Est-ce être d’extrême droite que de vouloir en finir avec ce « modèle assumé de mondialisation poussée,appuyésuruneutilisationdetoujoursplus de produits phytosanitaires polluants » ainsi qu’avec la« soumissionàl’agrobusiness»? Enréalité,quelesbonnetsjaunessoientd’extrêmegaucheoud’extrêmedroite,degaucheou dedroite,ons’enfout.Cescatégoriesneveulent plus rien dire. Pis, elles réduisent les gens au silence,leurimposantlebâillondenospréjugés. À Marianne, nous fûmes les premiers à prendre au sérieux le mouvement des Gilets jaunes, à entendre leur demande de reconnaissance, à y donner droit de cité dans nos pages. C’est pourquoi nous avons voulu, à l’occasion du Salon de l’agriculture, mettre les agriculteurs à l’honneur et saluer, de la sorte, la percée de la Coordination rurale. Une fourche dans une main, un drapeau français dans l’autre, notre Marianne est là pour rappelerquelespaysansfurentdèsledépartaucœur duprojetrépublicain.Etledemeurent. M 3-Marianne-20au26février2025 3 L’ÉDITOd’Ève Szeftel LaCoordinationrurale.Giletsjaunesdeschamps 5 VOXPOLONYpar Natacha Polony Desvertusdel’humiliation 6 CequeMarianneenpense AffaireBétharram.L’omertaadministrative 10 INDISCRÉTIONS Marianne DÉCRYPTE 20 L’Allemagne vote… la France paiera ? Marianne DÉVOILE 24 Quand les enseignants dérapent et frappent Marianne RACONTE 26 L’affaire Le Scouarnec : “Combien sommes-nous à ne pas savoir ?” Marianne RÉVÈLE 28 Pourquoi le cinéma néoféministe fait flop Marianne BALANCE 30 On ne peut plus rien taire ! Marianne LE GRAND ENTRETIEN 32 Maurice Berger : “Beaucoup de mineurs violents ne ressentent plus ni culpabilité ni empathie” 34 Chroniques Marianne VOUS RAFRAÎCHIT LA MÉMOIRE 36 Le droit du sol, des siècles de dispute 38 LECONTRE-AGENDA DéfilédevestesretournéesauxÉtats-Unis! 40 C’ESTSONCOMBAT StéphaneLinou:“Jeveuxinstaurer lasécuritéalimentaire” 41 LEPOINGSURLATABLE Quandle“Michelin”bradesonétoile 42 QUELLEÉPOQUE! Néocyclistes. Peur sur la ville 44 Mieuxvautenrire! 50 Le bancpublic Par Cécile Guilbert LEDOSSIER FNSEA: LES DESSOUS D’UN DÉCLIN 15 Coordination rurale : des “radicaux” à l’épreuve du pouvoir 16 10 solutions pour protéger nos agriculteurs 12 LEDESSINdeJiho Couverture : Loïc Venance / AFP. Sommaire : Mathieu Herduin / PhotoPQR / La Nouvelle République / MaxPPP 4-Marianne-20au26février2025 No 1458 du20au26fŽvrier2025 VOXPOLONY Des vertus de l’humiliation moins clair, et certainement à de nombreux citoyens européens, c’est la raison exacte pour laquelle vous vous défendez : quelle est la vision positive qui anime ce pacte de sécurité partagé que nous considérons tous comme si important ? Or je crois profondément qu’il n’y a pas de sécurité si vous avez peur des voix, des opinions et de la conscience qui guident votre propre peuple. » Etsurlaquestionmigratoire,quihantelessociétéseuropéennes sansqu’ilsemblepossibledefaireémerger–enFranceplusencore qu’ailleurs – un débat apaisé : « On ne peut pas […] obtenir [un mandat démocratique] en ignorant son électorat de base sur des questions aussi centrales que celle de savoir qui peut faire partie de notre société commune. » Il est particulièrement significatif que, lorsque J.D. Vance pointe le fait que « les citoyens de tous nos pays ne se considèrent généralement pas comme des animaux éduqués ou comme desrouagesinterchangeablesd’uneéconomie mondiale », cela se traduise chez certains commentateurs par l’idée qu’il aurait prononcé un « discours confrontationnel, aux accents éminemment identitaires », comme l’affirme le Grand Continent. Au cœur de l’argumentation de Vance, l’annulationdel’électionprésidentielleroumainepourdessoupçonsd’ingérencerusse. Dans un contexte de guerre, la Roumanie est évidemment un pays charnière, et la voir basculer dans le camp russe aurait été extrêmementdangereux,maisl’annulationd’unprocessusdémocratique au cœur de l’Europe, dans l’indifférence générale et sans que nul explique à partir de quel degré d’ingérence on considère pouvoirsuspendreladémocratie,aquelquechosedevertigineux. L’offensiveidéologiquedécomplexéedesnouveauxmaîtresde l’Amérique ne doit pas faire oublier l’essentiel : leur victoire est la conséquence de décennies d’abandon des classes moyennes et populaires et de contournement de la démocratie par toutes les voies possibles, notamment l’invocation d’un « État de droit » détourné de son sens, pour imposer un système économique dérégulé déguisé en défense du « progrès ». Mais rester sourds, de ce côté de l’Atlantique, aux aspirations de citoyens, quitte à verrouillerladémocratie,conduiraitaumêmerésultat.Avecune circonstance aggravante : l’effacement économique et géopolitique des Européens. Pendant que nos dirigeants, Emmanuel Macron en tête, proclamaient que « seuls les Ukrainiens peuvent décider de leur sort » alors qu’ils n’en croyaient pas un mot, des négociations s’ouvraient, déjà sous Biden. L’exclusion des Européens est la conséquencedeleurposturemorale,censéecompenserl’absence totale de vision et de volonté d’indépendance. La brutalité de Donald Trump n’en est que le révélateur. Reste à espérer que les somnambules se réveilleront très vite. M I l y a les réactions outrées. Comment ? Les Européens ne sont pas conviés à la table des négociations alors que s’ouvrent des pourparlers entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur l’avenir de l’Ukraine ? Vite, un sommet, un peu d’agitation, quelques prises de parole ! Il y a les réactions outrées, mais il y a surtout ce spectacle effarant de dirigeants européens qui semblentincapablesdeprendrelamesuredesbouleversements du monde. Incapables de réagir autrement que par le déni. Des décennies à désarmer l’Europe, à profiter du parapluie américain et du gaz russe, à désindustrialiser parce que la mondialisation et le libre-échange devaient nous assurer les approvisionnements, des décennies à contourner les votes des citoyens qui, chaque fois qu’ils le pouvaient, faisaient entendre leurdemandedeprotection,defrontières… bref,desouveraineté.Etbrutalementsonne l’heure des comptes. Cela commence par une humiliation retentissante. Le vice-président américain, J.D. Vance, que l’on croyait venu à MunichpourparlerpaixenUkraine–mais on aura compris que, pour les Américains, il n’est même pas nécessaire de faire semblant d’inclure les Européens – et qui se paie le luxe de donner une leçon de démocratie au Vieux Continent. Il faut dire que depuisdesmois,dececôtédel’Atlantique, onarivaliséd’audacepourdisqualifierDonaldTrumpsansjamais sembleranticiperlefaitqu’ilallaitêtreréélu,arriveraupouvoiret présider suivant les préceptes qu’il avait très clairement édictés pendantsacampagne.Ons’estpayésdemotspourflatterunpetit milieumédiatiquequiaimetantsetrouverdesdiablesplutôtque de se donner les moyens de résister au rouleau compresseur qui arrivait. Et soudain, J.D. Vance a renversé le mépris. Il y a vingt-trois ans, la France, en la personne de Dominique de Villepin, avait adressé une magnifique leçon de démocratie et de géopolitique aux néoconservateurs américains qui s’apprêtaient à déstabiliser tragiquement le Proche-Orient. En 2025, les rôless’inversent.Bienévidemment,onrappelleraauxadeptesdu populismetrumpien,qui,partoutenEurope,sepâmentdevantle discoursduvice-président,quelesoutienauxassaillantsduCapitole et les sourires à un parti allemand authentiquement néonazi rendent plus aléatoires les leçons de démocratie. Pour autant, les bien-pensantsdetousbordsquihurlentauscandaleferaientmieux de se demander ce qui, dans ce discours, met dans le mille. Car il faut hélas reconnaître que, abstraction faite du cynisme del’orateur,ilpointeavecuneefficacitéredoutabletoutcequi,de cecôté-cidel’Atlantique,fragilisetragiquementlepactepolitique desdifférentspayseuropéens.Quelquesphrases,àtitred’exemple: « J’ai beaucoup entendu parler de ce dont vous avez besoin pour vous défendre – et, bien sûr, c’est important. Mais ce qui m’a semblé un peu Ilfauthélas reconnaîtreque J.D.Vancepointetout cequi,dececôté-cide l’Atlantique,fragilise tragiquement lepactepolitique desdifférents payseuropéens. 20au26février2025-Marianne-5 Ceque Marianne enpense Lecynismedu bourgeoisprogressiste IMMIGRATIONDETRAVAIL Il y a des initiatives transpartisanes plus significatives que d’autres. Députés écologistes et macronistes sont en effet associés pour déposer une proposition de loi visant à « faciliter l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail ». Alliance de la carpe verte et du lapin probusiness ? Pas vraiment. Une réelle cohérence libérallibertaire se dégage derrière cette alliance apparemment incongrue. Les parlementaires défendent la suppression de la période d’attente de six mois imposée aux demandeurs d’asile pour travailler sur le sol français au nom de nobles sentiments : droits des « exilés », hospitalité, ouverture. Or la conséquence de telles mesures en faveur de l’importation de labeur étranger est connue, vieille comme le capitalisme : compression des salaires, maintien de conditions de travail difficiles, rupture de la cohésion entre employés. Karl Marx parlait d’« armée de réserve du capital », Jean Jaurès refusait que « le capital international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée », la CGT d’après-guerre proposait des mesures antiimmigration. Mais tout cela est fini depuis belle lurette à gauche, convertie à une rhétorique humanitaire qui considère toute frontière comme un obstacle au progrès. « Qui ramassera nos poubelles et remplira les cuisines de nos restaurants, si ce ne sont pas les immigrés ? », font remarquer à intervalles réguliers les hérauts de la gauche bien-pensante, comme si leur remarque goguenarde clouait le bec aux réactionnaires de tout poil. Sans se rendre compte que derrière cet humanisme guimauve se cache le cynisme du bourgeois, à la fois profondément méprisant envers les Français réputés incapables de s’adonner aux tâches difficiles et retors avec les immigrés, considérés comme une maind’œuvre corvéable à merci. M Hadrien Mathoux Leportraitcrashé parFranckDedieu ƒ laguerpourbiengrimper.Trancherpourprendrelalumière.Souslelourd passif de la France où figure 3 300 milliards de dette, percent en ce momentdesvocationsd’équarrisseur,despropensionsàlacoupeclaire, voire des envies de tronçonneuses. Depuis fin décembre 2024, ce petit monde du libéralisme économique non tempéré dispose d’un héraut, ouplutôtd’unehéroïneenlapersonnedeChristelleMorançais.Laprésidente du conseil régional des Pays de la Loire, originaire de la Sarthe, vient de faire voter un budget pour 2025 en baisse de 82 millions d’euros. Un coup d’éclat comptable digne d’un Elon Musk, un mélange de courage churchillien et de parler-vraithatchérien,uneallégorierégionaledufameuxredressementfinancier de 1958 voulu par le général de Gaulle, sifflotent à peu près en ces termes tous les rossignols de l’austérité budgétaire… Des costumes très (trop ?) larges pour les épaules de Christelle, encore chrysalide de la vie politique, tout juste 50 ans, héritière de Bruno Retailleau et chouchoute d’Édouard Philippe. Bien sûr, ses économies font le désespoir des associations sportives et culturelles mises à la diète et donnent lieu au classiquelamentod’artistesconnus(PhilippeTorreton)ouinconnus(lethéâtreuxduMans),trèssensiblesausortdessubventionnésduthéâtre,moinsaux licenciés des usines. En vérité, les coupes de Christelle ne doivent pas tant inquiéterparleurampleur(–4%dubudgetouàpeine0,06%duPIBrégional) queparleursricochetspolitiques.Commesilebattementd’ailesd’unpapillon à Nantes pouvait provoquer par réaction en chaîne une fièvre ultralibérale. Unvraifilmcatastropheavectouslesingrédients.D’abord,unlieu.Parquel miracle le cours si serein de la Loire se change en un flot tempétueux d’ultralibéralisme?QueSainteChristelle,lapatronnedesaustéritaires,soitcapablede transformer de bons notables aux rondeurs balzaciennes enbûcheronsargentinsfaçonJavierMileienditlongsur cenouveaubesoinressentiunpeupartoutenFrance d’en découdre avec les dépenses publiques. Elle répond au « bon » moment à une sorte de ras-lebolfiscal,peut-êtremêmed’épuisementdel’Étatprovidence ! Ensuite, des dialogues franchement pas très élaborés mais au diapason de l'époque. Alain Madelin – au meeting duquel elle rencontre son futur mari – citait l'Autrichien Friedrich Hayek ou le Français Frédéric Bastiat ; elle, elle invoque, dans le Monde, le « bon sens » et dit agir « comme une cheffe d’entreprise ». Enfin, et surtout, de l’action, pierre angulaire du morancisme. Une photo parue dans le Point la montre, les poings fichés dans des gants rouge vif, en train de boxer un sacdefrappe.«Pouraffronterl’épreuvedesonbudget[…], cettebrunesculpturale[…]s’estpréparéephysiquement», explique l’hebdomadaire. L’austérité au corps. M CHRISTELLEMORANÇAIS MèrelaRigueur Merci confrères ! MadeinDuralex Six mois après sa reprise en coopérative, la célèbre marque de verre Duralex, installée à La Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans, dresse un bilan économique positif raconté par OuestFrance. Alors que personne n’y croyait, l’entreprise voit l’avenir en rose avec des salariés aux manettes depuis qu’ils sont devenus sociétaires. 6-Marianne-20au26fŽvrier2025 Prenons-les au MOT par Samuel Piquet Il a osé le dire HONTEUX Dès 1996, un père portait plainte pour des violences commises sur son fils de 14 ans par un surveillant. Deux ans plus tard s’ajoutaient plusieurs plaintes pour viols contre un ex-directeur. « Que vaut l’album “Hurry Up Tomorrow” de The Weeknd ? », s’interrogeait le JDD le 7 janvier avant d’affirmer : « Le sixième album du célèbre chanteur canadien s’avère dans l’ensemble déceptif. » Dans un article du 2 janvier sur l’intelligence artificielle, le Parisien dressait ce bilan : « Nous avons testé huit outils d’intelligence artificielle […]. Le résultat est, tour à tour, flamboyant, surprenant ou déceptif. » Même France Culture a cédé à la mode de la déceptivité dans son podcast « Le regard culturel ». Le 13 février, l’émission proposait une « petite réflexion sur le caractère déceptif, voire décevant de deux “événements” : le spectacle du Super Bowl et le nouveau film Marvel ». Le terme serait-il donc un synonyme un peu atténué de décevant ? En réalité, il n’en est rien. « Déceptif » est un néologisme tiré de l’anglais deceptive, qui signifie « trompeur ». Certes, l’adjectif pouvait se rencontrer dans les textes médiévaux, mais il a disparu de la langue française depuis cinq siècles. Quant au mot « déception », emprunté (1160-1174) au latin deceptio, « action de tromper, d’être trompé », « illusion », « séduction » et « imposture », formé sur le supin deceptum de decipere, il a suivi l’évolution de « décevoir » vers le sens de « déconvenue, désillusion » dès la première moitié du XIXe siècle. Cela n’empêche nullement nos médias d’employer « déceptif » dans le sens de décevant, mais ils sont loin d’être les seuls. On voit régulièrement des artistes ou des hommes d’affaires évoquer improprement des expériences ou des offres déceptives. Les politiques ne sont pas en reste depuis quelques années. Lors du grand débat, déjà, en 2019, Édouard Philippe alertait sur son « risque déceptif important ». À l’inverse, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, déclarait ne pas croire au « caractère déceptif » de l’événement. Fort heureusement, quand on n’attend plus rien de nos représentants, on ne risque plus d’être déçus. M “DÉCEPTIF” : UNMOTTROMPEUR C oncernant l’affaire Bétharram, le rapport d’inspection commandé en 1996 sur cet établissement des Pyrénées-AtlantiquesparFrançois Bayrou, alors ministre de l’Éducation, constitue un sommet d’hypocrisie administrative. À l’époque, un père avait déposé plainte pour des violences commises contre son fils de 14 ans par unsurveillant.Dépêchéparl’académie, l’inspecteur ne voit que 20 personnes lors de dix entretiens vite expédiés : il ne passe qu’une journée dans l’institution, n’entend ni le père de la victime ni l’enseignante lanceuse d’alerte. Cette dernière,enarrêtmaladie,estdénigrée. Il écrit qu’elle aurait un mauvais esprit etqu’elle«auraitexprimésonintentionde “démolir Bétharram” considérant que cet établissement utilise des méthodes d’un autre âge ». En conclusion, il conseille de « trouver une solution pour que Mme X n’[y]enseigne plus » ! Ce manque de curiosité laisse pantois. Surtout au sujet d’un collège-lycée réputé pour sa dureté. En 1998 et 1999, plusieurs plaintes pour viols contre un ancien directeur s’ajoutent. Ségolène Royal, alors ministre de l’Enseignement scolaire, ne se saisit pas du dossier. Pas plus que les ministres suivants ou les éluslocauxdetousbords.Ilfautattendre 2023pourqueplusd’unecentained’anciens élèves saisissent enfin la justice. Comment expliquer cette omerta ? « La couardise absolue est souvent la règle chez les inspecteurs, les établissements et la vie scolaire. Pour avoir une parole plus libre que la moyenne, il faut se rapprocher de la retraite et ne plus rien attendre du ministère en matière de carrière », fustige un chef d’établissement. L’organisationverticaledesétablissementscatholiquesnefacilitepaslacommunication. Contrairement à l’enseignement public, une seule association de parents d’élèves y est autorisée, l’Associationdesparentsd’élèvesdel’enseignement libre (Apel). Selon ses statuts, celle-ci doit « soutenir l’établissement ». « Quand tout va bien, pas de souci. Mais ce devoir de loyauté affiché peut étouffer toutecritique»,confie-t-onauministère. Le père de l’élève agressé à Bétharram en avait fait les frais : vice-président de l’Apel, il s’était fait débarquer manu militari par les autres parents d’élèves dès qu’il avait commencé à évoquer les maltraitances subies par son fils. M Marie-Estelle Pech “On ne gagne pas avec une cravate mais on peut perdre sans. La politique, c’est incarner.” PHILIPPE BRUN DéputéPS,ParisMatch,le13février2025 L’AFFAIREBÉTHARRAM L’omertaadministrative 20au26février2025-Marianne-7 Ascencion Torrent / MaxPPP - Arnaud Cesar Vilette / MaxPPP Ce que Marianne en pense MÉDIASTICSpar Samuel Piquet SABORDAGE Dans une étude publiée très discrètement en 2024, la Commission européenne estime que les 10 accords de libre-échange pourraient “avoir un impact sur la production et les prix”. Ci-contre, manifestation sur l’A7 en novembre 2024. LECHIFFREQUICHIFFONNE C’estlepourcentagedeFrançaisquisedisent pessimistessurlasituationéconomiquedu pays.Enoctobre2024,ilétaitde86%,selonun sondageIpsos/CesipourlaTribunedimanche.Ilssont61%àsedéclarer pessimistessurleurpropresituation(contre70%enoctobre2024). C edevaitêtrecequenotreagriculture a connu de pire en matière de concurrence déloyale. Et pourtant.Aprèsl’accorddelibreéchange UE/Mercosur, la Commissioneuropéennesemblebienrésolue à poursuivre le démantèlement organisé du secteur agroalimentaire. Bruxellesnégociedonctousazimutsla libéralisationdeséchanges.Systématiquement, l’agriculture y sert de monnaie d’échange contre les terres rares, nécessaires au secteur industriel. Ainsi, profitant de la gronde paysanne autour de l’accord Mercosur pour détourner l’attention, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé la reprisedesnégociationsaveclaMalaisie et la Thaïlande. Cette dernière est une championne du thon, du maïs doux et, surtout, de l’élevage industriel de volailles. On peut ajouter le contingentde40000tonnesdepoulet accordéauChiliparl’accord-cadreen vigueur depuis ce1er février.Pours’assurer un accès privilégié au lithium, dont Santiago est le deuxième producteur mondial, l’UE n’a pas hésité à fairedesconcessionsaumoins-disant. Elles portent notamment sur la suppression « progressive » des antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance côté chilien alors qu’ils sont interdits côté européen. MêmeproblématiqueenAustralie. Lorgnant les abondants gisements de minerais critiques, l’UE est prête à tolérer un modèle d’exploitation hyperconcurrentiel des bovins et ovins, celui des feed-lots, des parcs qui comptent des milliers de têtes et servent à l’engraissement intensif des animaux. Résultat : la Commission européenne n’a eu d’autre choix que d’avouer le sabordage de son agriculture. Dans une étude publiée, très discrètement, en 2024, elleestimequeles10accordsdelibreéchange discutés le plus récemment pourraient « avoir un impact sur la production et les prix » du bœuf, de la volaille, de la viande ovine, du riz et du sucre. Et pour cause, ils devraient fournir28,2%desimportationsagroalimentaires de l’UE en 2032, tandis que les exportations ne représenteraient que 6,6 %. Plus grave encore, les importations de bœuf devraient, par exemple, augmenter de près de 50 %. À courir tous les lièvres à la fois, il semble donc que l’Europe fondée par les marchés soit vouée à périr par les marchés. M Marie Labat L’UEchampionne desmarchésdedupes ACCORDSDELIBRE-ÉCHANGE D ansunarticleintitulé«Penserlaracepourpanser le racisme », le Nouvel Obs s’intéresse aux livres de ces chercheurs qui, « à l’heure où l’on parle de “submersion” migratoire […], enquêtent sur nos préjugés et leurs conséquences ». L’hebdomadaire se demande pourquoi on leur accorde « moins de légitimité qu’à l’astrophysique, la biologie, ouqu’auxmathématiques».Incompréhensiblequand onconnaîtleurabsencetotaledebiaisidéologiques. Le magazine rappelle pourtant que l’ouverture des frontières fait « du bien à l’économie ». Hors de question d’imaginer un modèle sans immigrés sous-payés pour nous livrer notre bouffe ou nettoyer nos toilettes. L’hebdomadaire se penche ensuite sur l’ouvrage du démographe Hervé Le Bras, Il n’y a pas de race blanche.Legrosavantagedecombattredesconcepts que plus personne ne défend, c’est que ça permet de passer pour un résistant à peu de frais. Mais le démographe ose « disqualifier des notions comme le “privilège blanc” », notion éminemment scientifique. En outre, il prétend que certains antiracistes « s’inspireraient d’un contexte américain très différent du nôtre ». L’emploi du conditionnel est le bienvenu tant il devient difficile de distinguer les campus des États-Unis de certains médias français. Bref, Le Bras pourrait bientôt rejoindre l’immense cohortedel’extrêmedroitequivadeHitleràRuffin. S’appuyant sur Racisme et culture, de l’anthropologue Michel Agier, le Nouvel Obs s’interroge : « En refusant de penser qu’il y a une “race blanche”, est-ce qu’onnes’empêchepasdepenserleracisme?»Larace n’existepasmaislaraceblanche,si?Oui,carl’undes grands mérites du livre est de nous aider à « comprendre comment agissent ces “races-du-racisme” » et de nous révéler que « la “race” n’est pas innée, elle est contextuelleetmouvante».Commelegenre,l’âgeou lesidentitésplurielles.«C’estlumineux»,commente le média. C’est exactement le mot qu’on cherchait. Ceuxquirefusentceconstatsontvictimesd’une « infrapensée raciste ». Heureusement que « l’extrapensée » d’Agier et celle du Nouvel Obs sont là pour déterrertousnos«crimepensées».Laconclusionest unequestion:«Commentpeut-onfairesemblantdene pas voir qu’au fond de tout discours anti-immigration il y a du racisme ? » À transmettre de toute urgence aux Mahorais. M “LeNouvelObs” laveplusblanc 85% 8-Marianne-20au26février2025 Emmanuel Foudrot / Reuters ARGENTINE Le président argentin, Javier Milei, a déclenché une tempête en faisant la promotion d’une cryptomonnaie qui s’est effondrée dans des conditions douteuses, suscitant des accusations d’escroquerie, des appels à une commission d’enquête, voire à un procès. Toujours hyperactif sur les réseaux sociaux, Javier Milei a salué « un projet privé » destiné à « stimuler la croissance de l’économie argentine, en finançant les petites entreprises et les entrepreneurs argentins ». Un lien dans le message menait au projet « vivalalibertadproject.com », reprenant un slogan fétiche de l’ultralibéral président : « Viva la libertad, carajo ! » (« Vive la liberté, bordel ! »). Quelques heures plus tard, le message était supprimé avec des explications embarrassées. Des spécialistes n’ont pas hésité à parler d’une « arnaque numérique » portant sur un volume d’environ 4,4 milliards de dollars. Pour le quotidien la Nacion (conservateur), le « scandale crypto » laisse Milei « sans aucune explication qui sauve sa responsabilité ». Reste à savoir ce qu’en diront ceux qui ont fait du président argentin leur idole idéologique. François Darras Crypto-scandale Peau, Pau, pot D’après l’Express, François Bayrou aurait eu, avec Sébastien Lecornu, ministre des Armées à qui il a ravi Matignon, une explication de la sorte : « Tout cela n’était pas contre toi, tu comprends, je voulais sauver ma peau. » Ou peut-être voulait-il se sauver de Pau ? En tout cas, pour Lecornu, ce n’est vraiment pas de pot. On s’en fout ! (Vraie)jeunesse Bandedepotes Vafalloirpenseràgrandir,non? Kyan Khojandi Celuidontlepèreafuil’Iran justeavantlarévolutionde1979asansdoute cesséd’êtreunenfantvers10ans.Notamment parcequ’ilasuivid’exigeantesétudesdeviolon altoauconservatoiredeReims–uneécolede l’excellence.Kyanseradoncunadotravailleur; puis,vers24ans,unjeuneauteurdesketchs tournantautourd’unemêmeidée:semoquer (gentiment)desagénération.Exerciceparnature régressifetautocentré,maisoùilestbrillant. Kyan Khojandi Le grand public le découvre avec « Bref » en 2011. Programme (bref) qui agace ou fascine. Débit de parole azimuté, condensés de vies drôles et décalées. À l’écran, Khojandi, 29 ans, trouve son style en faisant l’inverse de ce qu’on commence à faire à son âge : se poser. En coulisse, qu’on se rassure, il est l’inverse d’un boutonneux solitaire. Fidèle en amitié, il écrit tout (« Bloqués », « Serge Le Mytho », « Bref.2 ») en équipe. Kyan Khojandi C’esttoutl’enjeude«Bref.2», retoursurprisedenotreadulescentverbeux surlesécrans.Ilvientd’avoir40ans,etc’estun choc:commentsurvivreàpareilnaufrage? Lasuitedevraitvousamuser…(Notabene: danslavraievie,c’estpire,Kyana42ans). Yann Barthès Pasfaciled’échapper auparcoursdubonélève:étudesdelettres enSavoie,puislégerflirtaveclemétierde journalistereporterd’images.Ouf,unstagedans lescoulissesdeCanal+ledéniaise.Maisillui faudraattendre2007avantdemontrersabouille àl’écran.Dansunexercicedélicatpourcelui quivientd’avoir33ans:fairelejeunedeservice. Undécalages’installe:Barthèsestunfaux teenagerquifaitsemblantdenepaslesavoir. Yann Barthès Sous ses airs potaches, l’équipe de son show « Quotidien » n’a cessé de grandir (côté plateau comme côté bureaux), jusqu’à devenir une grosse entreprise, avec tout ce que cela suppose de tensions. En 2024, l’enquête d’un magazine télé rapporte que l’émission « la plus cool du PAF » est en fait produite (par Bangumi, la société de Barthès et de Laurent Bon) dans un climat propice à des cas de souffrances au travail. Yann Barthès À priori, c’est foutu. À 50 ans passés, il se bat toujours pour rester le garçon le plus « populaire » dans la cour de récré, entouré de « ses » chroniqueurs (et salariés) attendris par son éternelle fraîcheur. Un peu comme Hanouna, en somme ? Lequel de ces ados attardés est le moins crispant ? Unefoispasséelaquarantaine,lesvedettescathodiques ontlechoix :accepter devieilliroufaire fructifier leurfonds decommercejuvénile.Avec“Bref.2” (surDisney+), KyanKhojandiachoisi.Et YannBarthès?Par Emmanuel Tellier KyanKhojandi YannBarthès VERDICT : Kyan Khojandi (à choisir, on irait plutôt jouer au baby-foot avec lui). 20au26février2025-Marianne-9 Lematch Fred Dugit / MaxPPP - Fred Dugit / MaxPPP Le dessous des cartes INDISCRÉTIONS] Criseauservicepublic Le torchon continue de brûler entre la rédaction de France Info TV et sa direction. La société des journalistes a envoyé deux missives salées lundi 17 février. La première à Delphine Ernotte, PDG de France Télé, et Alexandre Kara, patron de l’info, dans laquelle les élus fustigent les « méthodes » du second, son « double discours » et son « mépris de la rédaction ». Le deuxième courriel a été envoyé à Agnès Vahramian, directrice de la radio France Info, à la suite de l’enquête publiée par Marianne sur son site le 16 février. Les journalistes de la télé y déplorent les critiques de leurs confrères radio : « Nous réduire à des "dérives éditoriales" ou encore nous désigner comme un "cousin cas social" est non seulement injuste mais aussi contre-productif », déplore la SDJ. Le groupe vit bien, vivement la fusion. E.H. Suez:lachasse est(toujours)ouverte « Démissionnée » en décembre 2024, l’ancienne patronne du géant de l’eau Suez, Sabrina Soussan, n’a pas encore été remplacée. Thierry Déau, le créateur du fonds d’investissement Meridiam, qui détient 40% de Suez, a pris la présidence du conseil d’administration, mais l’enseigne cherche toujours son chef opérationnel. Pour débusquer « le mouton à cinq pattes », les trois principaux actionnaires de Suez (Meridiam donc, à égalité avec l’américain GIP, et la Caisse des dépôts alliée à CNP Assurances qui détiennent 19 %) ont mandaté le cabinet EgonZehnder,chasseur detêtes spécialisé dans les dirigeants et très hauts cadres. « Ça prend du temps et les très bons sont très chers », précise une fine lame. Pour l’heure, quatre candidats sont en lice. Et parmi eux, l’heureux gagnant ? V.R. DéputésPSvassalisés La comédie du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale, faussement hostile à François Bayrou pour sa composante « hollandaise » majoritaire, agace au sein de l’appareil La rivalité se précise entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, candidats à la direction des Républicains. Énième épisode de combat au sein d’une famille politique qui s’est fait pour spécialité d’opposer des ambitieux à son sommet. Par Hadrien Mathoux Lesguerresdes chefsà droite 1995 201� 2002 Balladur-Chirac WauquiezetRetailleausebattentpour un fauteuil de potentiel candidat à la présidentielle. En 1995, le RPR était dans une position bien plus faste, et c’est pour succéder à Mitterrand que lelibéralÉdouardBalladurs’opposeà JacquesChirac.Archifavori,chouchou dessondagesetdesmédias,lePremier ministrevoitsonavancegrignotéepeu àpeuparlemairedeParis,quijouela cartegaullienneenfaisantcampagne sur le thème de la « fracture sociale ». Le1er mars1995,lescourbessecroisent danslessondages.Balladurnereverra plusChirac,éluprésidentdelaRépubliquele7mai1995. Copé-Fillon C’est la dernière grande guerre à droite : après la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, JeanFrançois Copé et François Fillon mènent une bataille d’une violence inouïe pour s’emparer de l’UMP. Le soir de l’élection, les deux hommes revendiquenttousdeuxlavictoireet s’accusentmutuellementdetricherie,plongeantlepartidansunecrise tragi-comique. Déclaré vainqueur, Copé se hisse au sommet d’un tas de cendres, et sera définitivement balayé par l’affaire Bygmalion. M Séguin-Juppé Alorsqu’onpeineàdiscernerlesdivergencesidéologiquesentreWauquiez etRetailleau,labatailleentrePhilippe Séguin et Alain Juppé à la fin des années 1990 porte, elle, sur le fond. Tandis que le premier s’inscrit dans l’héritage du gaullisme, s’oppose au traité de Maastricht et à l’alignement duRPRsurlelibéralismeéconomique, le second incarne la conversion de la droitefrançaiseàl’orthodoxienéolibérale. Verdict ? Juppé est préféré pour devenirPremierministreen1995,mais sa disgrâce permettra l’accession de Séguin à la tête du RPR deux ans plus tard.En2002,lafusiondel’UDFetdu RPRdansl’UMPsignetoutefoislavictoiredeJuppé.Séguin,quin’apasréussi àconquérirlaMairiedeParisunanplus tôt,seretiredelaviepolitique. 10-Marianne-20au26février2025 IBO / Sipa – Witt / Sipa – Baltel / Sipa – Chamussy / Sipa – Mathieu Pattier / Sipa L’infoenplus rose. « Boris Vallaud ne tient pas le groupe, s’agace un cadre. Face à François Hollande, il redevient son collaborateur, il est à nouveau secrétaire général de l’Élysée. » Résultat : « Le groupe est complètement coupé du parti. » « Les députés sont coincés, continue notre source. Maintenant ils ne peuvent plus revenir en arrière dans la rupture avec les Insoumis, et ils savent que, s’il y a une dissolution, ils perdent leurs sièges. Ils sont donc prêts à tous les compromis avec Bayrou pour se maintenir, mais ça, ça s’appelle un accord de gouvernement. » Certains n’y seraient pas allergiques. L.N. Uncranentrop La perspective d’une nouvelle dissolution est décidément dans toutes les têtes, d’où une crispation au sein du groupe insoumis lors de la publication d’un visuel mêlant les visages de Marine Le Pen et d’Olivier Faure. « C’est très mal passé pour certains, confie-t-on en interne. Les députés LFI ne sont pas tous cinglés, nous savons très bien qu’en dehors des métropoles nous avons besoin des socialistes pour être réélus. » Côté PS, on jure que les Insoumis ne paient rien pour attendre : « Nous mettre plus bas que terre, ça marchait quand on était à 1,75 % et eux à 22, nous dit-on. Là, on est devant dans les sondages. Que LFI continue à gueuler ! Plus ils le font, plus ils baissent. À la fin, ils auront quand même besoin de nous pour entrer dans le moindre conseil municipal. » La vengeance est un plat qui se mange en 2026. L.N. Azerbaïdjan:ingérencetoi-même! Leyla Abdullayeva, ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, s’est fendue d’une longue lettre adressée aux députés français, car certains de leurs collègues du «groupe Ensemble pour laRépublique », précise-t-elle, ont déposé début février une proposition de résolution«visant à condamner les ingérencesdel’Azerbaïdjan,et du“Groupe d’initiative Bakou”,en Nouvelle-Calédonie etdanslesoutre-mer ». Une missive dans laquelle la diplomate prétend d’ailleurs que le fameux « Groupe », très actif en la matière, ne serait qu’une ONG«fondée pardesacteurs dela société civile » et «enaucune manière lebrasarmé dugouvernement ». Mais bien sûr… L’ambassadrice conclut en expliquant que l’ingérence de l’Azerbaïdjan dans les affaires de notre pays n’est pas crédible, parce qu’un tel interventionnisme «contredirait sesefforts diplomatiquespour mettre finau soutiende certainescollectivités territoriales françaisesaux séparatistes arméniens». Un développement tortueux qu’on pourrait résumer par la phrase enfantine : « C’est celui qui dit qui est ! » G.A. Tondelier,tueuse depapillons Marine Tondelier a la dent dure contre Karim Bouamrane, le médiatique maire PS de Saint-Ouen-sur-Seine, pour avoir récemment sorti trois élus écolos de sa majorité. Face à ses camarades à qui elle est venue rendre visite, la patronne des Écologistes a multiplié les anecdotes peu glorieuses concernant l’intéressé. Dernière en date ? Elle était invitée comme Raphaël Glucksmann et Karim Bouamrane, à la cérémonie du Trombinoscope, sauterie où sont remis des prix aux politiques ayant marqué l’année et au cours de laquelle étaient aussi honorés le RN Jean-Philippe Tanguy et le LR Bruno Retailleau. Pas question d’apparaître en compagnie de figures aussi droitières, estime Tondelier : « Quand il y a eu photo collective à la fin, ce dont on était convenus avec les gens de gauche, c’était qu’on se levait et on se cassait. Donc, on se lève, on part avec Raphaël Glucksmann, et, là, on voit Karim Bouamrane qui, hop, retourne sur la scène et finit sur la photo avec Retailleau, avec Tanguy ! » Comme si l’intéressé, tel un papillon, ne savait pas résister à l’attrait de la lumière… G.A. Retailleau, ascensionatomique C’est officiel, le très populaire ministre de l’Intérieur est engagé dans une lutte avec Laurent Wauquiez pour prendre la tête de LR. Mais un député RN envisage déjà la suite : « Si Retailleau échoue, il franchira le Rubicon et ira rejoindre Ciotti dans l’UDR. » Le problème? « Aujourd’hui, Retailleau, c’est de l’uranium 235 : il brille plus que l’écrin qui est censé l’accueillir ! » H.M. Les macronistes “sont comme ces mecs célibataires totalement ‘en chien’ sur Tinder !” Un intellectuel habitué à être sollicité par les politiques n’en revient pas d’être autant courtisé en ce moment par la Macronie. Parlementaires, conseillers de l’exécutif, ministres, on lui fait la cour plus que de raison : « On les sent en recherche d’idées et de relais. Ils sont en panne devisiteursdusoir.Etmême dumidi !Ilssont commecesmecscélibatairestotalement “enchien” surTinder!» Lui y voit un signe – un de plus – de forte instabilité politique. Et il s’y est adapté : « Je garde le contact du conseiller, lui sera encore là dans deux ans, pas son ministre… » G.A. MACRONIE CHERCHE CERVEAUX 20au26février2025-Marianne-11 FNSEA lesdessousd’un Champdebataille 12-Marianne-20au26fŽvrier2025
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