QUE CHOISIR ARGENT n°174 - Page 5 - 174 BANQUES, ASSURANCES, ÉNERGIE… Des essais comparatifs de produits sont régulièrement mis à jour, des résultats que vous pouvez trier, selon vos propres besoins, par marques, prix, fonctions… PLUS DE 600 PRODUITS TESTÉS EN CONTINU Dès qu’un produit apparaît sur le marché, l’UFC-Que Choisir l’achète et le teste. Les résultats du banc d’essai sont immédiatement mis en ligne sur son site Internet. DES GUIDES D’ACHAT COMPLETS Toutes les familles de produits testés sont accompagnées d’un guide d’achat détaillant les bonnes questions à se poser avant acquisition, les critères à prendre réellement en considération et ceux sans grand intérêt. TOUS LES PRODUITS DANGEREUX RAPPELÉS Dès qu’un produit est rappelé par un professionnel car dangereux pour la santé ou la sécurité des consommateurs, l’information est portée à la connaissance de tous. Notre base de données compte actuellement plus de 1600 rappels de produits dangereux. DES VIDÉOS AU PLUS PRÈS DES PRODUITS Sans attendre les résultats du test technique d’un nouveau produit, des vidéos viennent apporter une appréciation sur la pertinence de la nouveauté, ses points forts et ses faiblesses dans son utilisation. DES FORUMS PERMANENTS Des avis sur une enquête, un test, un produit… La parole vous est donnée à travers nos forums. Venez apporter votre témoignage et participer au débat avec d’autres consommateurs. DE NOMBREUSES LETTRES TYPES POUR TOUTES VOS DÉMARCHES Régulièrement mises à jour en fonction de l’évolution du droit, elles vous guideront pour régler au mieux les principaux litiges de la consommation. Nos comparateurs en ligne sur Quechoisir.org Quechoisir.org Quechoisir.org Des dossiers d’investigation La rédaction de Que Choisir investit l’univers de la consommation et décrypte ses rouages pour vous aider à mieux vivre au quotidien. Des enquêtes de terrain Journalistes spécialisés et bénévoles de l’UFC-Que Choisir recueillent, sur l’ensemble du territoire, des informations sur les prix et les pratiques des professionnels pour vous éclairer. Des tests professionnels Nos ingénieurs établissent les protocoles des essais à partir de vos besoins, analysent les résultats et vous guident dans vos choix. Des combats judiciaires Notre service juridique mène des actions en justice pour sanctionner des pratiques irrégulières ou faire évoluer la jurisprudence. Des analyses économiques Dérapages des prix, ententes commerciales, pratiques abusives… des économistes analysent les marchés et dénoncent tout comportement préjudiciable aux consommateurs. Des actions de lobbying L’UFC-Que Choisir intervient auprès des parlementaires nationaux et européens ou des instances de régulation pour faire avancer vos droits de consommateurs. Un réseau de proximité Pour vous accompagner, vous assister, vous conseiller et résoudre vos litiges de consommation, plus de 150 associations locales de l’UFC-Que Choisir vous représentent près de chez vous. UN SUPPORT D’INFORMATION AU SERVICE DES CONSOMMATEURS Que Choisir et son hors-série Argent sont les seuls magazines consuméristes indépendants, édités par l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir. Notre association est au service des consommateurs pour les informer, les conseiller et les défendre. L’action de l’UFC-Que Choisir se traduit par: 2 AVRIL 2024 N° 174 QUE CHOISIR Argent Union fédérale des consommateursQue Choisir, association à but non lucratif 233, bd Voltaire, 75011 Paris Tél.: 0143485548 Télécopie: 0143484435 Service abonnements: 0155567109 TARIFS D’ABONNEMENT 1 an, 11 numéros: 49 € 1 an + 4 numéros: 67 € 1 an + 4 hors-séries + 4 numéros spéciaux: 94 € IMPRESSION: Roto France, 25, rue de la Maison-Rouge 77185 Lognes Distribué par les MLP Dépôt légal n° 144 Commission paritaire n° 0727G 82318 ISSN 1267-2033 INSPECTION DES VENTES ET RÉASSORTS DIFFUSEURS MP Conseil Tous droits de reproduction et d’adaptation réservés. Ce numéro comporte un encart abonnement de quatre pages, sur une partie du tirage, entre les p. 34 et 35. Imprimé sur papier Holmen XLNT (Norrköping – Suède) avec des encres blanches. Taux de fibres recyclées: 0%. Certification FSC PEFC. Eutrophisation: 1580 kg/C02 /t de papier. QUE CHOISIR Argent N° 174 AVRIL 2024 3 Sommaire QUE CHOISIR ARGENT N° 174 - AVRIL 2024 DOSSIER ÉPARGNE Avez-vous de l’argent qui dort? PANORAMA CATASTROPHES NATURELLES Une assurance en surrégime NOS CONSEILS BIEN GÉRER LA SUCCESSION Les formalités au décès / Faire face à l’impôt ON N’A PAS FINI D’EN PARLER SPORT Bouger à son rythme sans se ruiner 6 36 26 SYLVIE SERPRIX 52 4 AVRIL 2024 N° 174 QUE CHOISIR Argent Tous exposés A près une période de relative tranquillité de près de 20 ans, nous sommes désormais plongés, malgré nous, dans une phase de profonds bouleversements, à l’issue plus qu’incertaine. Dérèglement climatique, escroqueries numériques, conflits armés en Europe et dans le monde: ces crises que nous sommes incapables de prévenir révèlent notre vulnérabilité. Début février, une cyberattaque sans précédent a touché le secteur de l’assurance santé en France, exposant les informations sensibles d’environ 33 millions de personnes. Heureusement (si l’on peut dire), aucune donnée bancaire ou médicale ni aucune coordonnée de contact direct (adresse postale, téléphone, e-mail) n’étaient enregistrées sur la plateforme affectée. Mais cette attaque en masse souligne que nul n’est à l’abri, et que la menace perdure… Autre risque majeur, les inondations. Fin 2023, la région du Pas-de-Calais, entre autres, en a connu le prix. Nous revenons sur ces évènements dans ce numéro,avant de faire le point sur le régime d’assurance catastrophe naturelle (Cat Nat). Comment bénéficier d’une indemnisation? Quand la recevoir? Le système serait à bout de souffle, tant les dégâts liés au climat sont de plus en plus importants et de plus en plus fréquents. Il est donc urgent que tous – particuliers, collectivités locales, comme État – mettent en place les solutions existantes pour s’en prémunir. In fine, anticiper coûtera toujours moins cher que réparer… Adapter nos comportements à ces périls, ce sera en limiter la portée. Union fédérale des consommateurs-Que Choisir, 233, bd Voltaire, 75011 Paris – Tél.: 0143485548 – Fax: 0143484435 Présidente-Directrice des publications : Marie-Amandine Stévenin • Directeur général délégué: Jérôme Franck • Rédactrice en chef: Pascale Barlet • Assistante de la rédaction: Catherine Salignon • Relations presse : Corentin Coppens • Secrétaire général de la rédaction: Laurent Suchowiecki • Secrétaires de rédaction : Valérie Barrès-Jacobs, Gaëlle Desportes • Direction artistique: Ludovic Wyart • Rédactrices-graphistes: Sandrine Barbier, Clotilde Gadesaude, Capucine Ragot • Iconographie: Catherine Métayer • Illustrateurs: Gilles Rapaport, Sylvie Serprix • Ont collaboré à ce numéro: Ivan Logvenoff, Élisa Oudin, Rosine Maiolo, Fabien Maréchal (SR), Roselyne Poznanski, Sandra Strasser • Crédits de couverture: New Africa/Shutterstock, Plainview/Istock. • Web – Infographie/maquette: Carla Félix-Dejeufosse, Laurent Lammens, Inès Blanjard – Secrétariat de rédaction: Leslie Schmitt • Documentation: Audrey Berbach, Véronique Le Verge, Stéphanie Renaudin, Frédérique Vidal • Observatoire de la consommation: Grégory Caret (directeur), Noé Bauduin, Isabelle Bourcier, Ingrid Stiemer, Juliette Vacant • Juridique: Magali Buttard (responsable), Brune Blanc-Durand, Gwenaëlle Le Jeune, Véronique Louis-Arcène, Candice Meric, Mélanie Saldanha • Diffusion/marketing: Laurence Rossilhol (directrice), Delphine Blanc-Rouchosse, Justine Boduch, Jean-Louis Bourghol, Marie-Noëlle Decaulne, Jean-Philippe Machanovitch, Francine Manguelle, Steven Phommarinh, Nicolas Schaller, Ibrahim Sissoko. Illustration : SEB JARNOT ÉDITO PAR PASCALE BARLET ÇA NOUS REGARDE QUE CHOISIR Argent N° 174 AVRIL 2024 5 EUROPE Une agence à Francfort P aris en rêvait, mais le Parlement européen a désigné Francfort, en Allemagne, pour abriter la future Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALBC, ou AMLA, en anglais, pour Anti-Money Laundering Authority). Avec plus de 400 collaborateurs et une présidence tournante, l’agence devra coordonner et superviser les autorités nationales, afin de mieux lutter contre les activités financières transfrontalières douteuses, estimées à près de 130 milliards d’euros par Europol. L’ALBC commencera à fonctionner au premier semestre 2025. PÉRIODES janvier 2022 avril 2022 juillet 2022 octobre 2022 janvier 2023 avril 2023 juillet 2023 octobre 2023 janvier 2024 février 2024 ALIMENTAIRE 0% +3% +7% +11% +15% +21% +24% +24% +23% +23 % ÉLECTRICITÉ 0% +7% +7% +7% +7% +24% +24% +36% +36% +49 % ALIMENTAIRE ET ÉLECTRICITÉ Les tarifs flambent depuis deux ans! Source: UFC-Que Choisir (ODLC). ÉVOLUTIONS DES TARIFS DE JANVIER 2022 À FÉVRIER 2024 FRAIS BANCAIRES DE SUCCESSION Enfin un encadrement A u décès d’un client, les banques prélèvent en moyenne 300 € de frais pour la fermeture de son compte. Ces tarifs s’avèrent très hétérogènes d’un établissement à l’autre, ce qui souligne l’absence de toute logique économique. Des propositions de loi ont été déposées pour les encadrer ; l’une d’elles est actuellement en discussion au Parlement. L’UFC-Que Choisir a déjà obtenu l’exonération des frais pour les comptes de défunts mineurs et ceux d’un montant inférieur à 5000 €. Mais, concernant les autres situations, Bercy a cédé au lobby bancaire et fait sauter le principe d’un plafonnement des coûts à ceux réellement supportés par les banques (qui existe par décret, mais sans critère particulier). Notre association reste mobilisée pour restaurer ce principe et pousser à 10000 € le montant des comptes exonérés. IMPÔTS SUR LES REVENUS Couple: à chacun son taux L a loi de finances pour 2024 revalorise le barème progressif de l’impôt sur le revenu de 4,8%, suivant la hausse des prix à la consommation. Elle prévoit également une nouveauté (qui n’entrera en vigueur qu’en septembre 2025): le taux du prélèvement à la source sera désormais individualisé de façon automatique. En pratique, il s’agit d’inverser la proposition. Jusqu’à présent, les époux et les partenaires de Pacs sont soumis par défaut au taux global du foyer fiscal, mais ils peuvent recourir à des taux personnalisés. Avec cette réforme, chacun sera prélevé à la source selon un taux calculé sur ses seuls revenus, en gardant la possibilité d’opter pour le taux commun via une déclaration conjointe. La mesure vise à mieux tenir compte des disparités de rémunération au sein du couple, en réduisant sensiblement l’impôt supporté par le moins fortunédesesdeuxmembres – soit une femme, dans 80% des cas. Rappelons que cela ne changera rien aux sommes dues, au bout du compte, par le foyer. WEYO/ADOBE STOCK ; M. OLIVIER/OUEST FRANCE-MAXPPP DOSSIER Avez-vous ÉPARG 6 AVRIL 2024 N° 174 QUE CHOISIR Argent SOMMAIRE 10 ÉPARGNE RETRAITE: LE DERNIER CHANTIER OUVERT 16 ASSURANCE-VIE: COMMENT RETROUVER UN CONTRAT L ivret A ouvert par des grands-parents, contrat retraite d’entreprise resté ignoré, plan d’épargne logement (PEL) non répertorié dans une succession, assurance-vie héritée par des neveux… Ces situations font partie des cas les plus courants de déshérence. C’est ce qui a notamment été constaté lorsque, à partir de 2014, les banques et les compagnies d’assurances, contraintes par leur autorité de contrôle, ont entamé un énorme travail d’identification des contrats «oubliés». Aujourd’hui, tout un chacun peut vérifier s’il figure parmi ces millions de Français qui ignorent posséder des comptes et des placements dormants. Il ne s’agit pas d’une simple vue de l’esprit. La loi Eckert, adoptée en 2014, était censée régler la question. Huit ans après son entrée en vigueur, en 2016, les sommes qui patientent dans les coffres des compagnies d’assurances, banques, organismes de prévoyance et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) atteignent encore des dizaines de milliards d’euros – soit autant, voire plus, que les montants déjà reversés aux bénéficiaires depuis 2014. Ignorance des consommateurs, «trous» dans le système de recherche et manque de volonté politique expliquent les résultats insuffisants du dispositif Eckert, du point de vue des bénéficiaires et des héritiers. Cependant, rien n’est encore perdu pour une bonne majorité d’entre eux. ÉPARGNE RETRAITE, ASSURANCE-VIE, COMPTES BANCAIRES… DES MILLIARDS D’EUROS ATTENDENT D’ÊTRE VERSÉS. LE TEMPS PRESSE POUR LES RÉCUPÉRER, CAR, PASSÉ UN CERTAIN DÉLAI, LES SOMMES VONT DANS LES COFFRES DE L’ÉTAT. de l’argent qui dort? NE PAR ÉLISA OUDIN AVEC LA COLLABORATION DE VALÉRIE BARRÈS-JACOBS ET FRANÇOIS-XAVIER DU BESSET ILLUSTRATIONS GILLES RAPAPORT QUE CHOISIR Argent N° 174 AVRIL 2024 7 20 COMPTES BANCAIRES: LE FICHIER NATIONAL DÉSORMAIS CONSULTABLE 24 DÉCÈS: PENSER AUX CONTRATS PRÉVOYANCE ET DÉPENDANCE DOSSIER 8 AVRIL 2024 N° 174 QUE CHOISIR Argent En 2014, l’Autorité de contrôle prudentielle et de régulation (ACPR,le«gendarme»des banques et des assurances) prononce quatre sanctions contre certains des plus grands assureurs de la place. Cet électrochoc provoque un branle-bas de combat dans la profession. Afin de traiter les stocks de contrats non réglés,les établissements (les compagnies privées d’assurances, en particulier) mettent des millions d’euros sur la table – jusqu’à 40 millions pour certains réseaux. Les sommes servent à étoffer les services de recherche en interne ou à mandater des prestataires. Avec, certes, des effets concrets: entre 2014 et 2018,plus de 10 milliards d’euros sont identifiés au titre des contrats d’assurance-vie en déshérence… et pas moins de 19 milliards d’euros sur des comptes bancaires inactifs (comptes courants et comptes d’épargne).Au total, quelque 30 milliards d’euros! Soit bien plus que ce qui avait été évalué avant le vote de la loi Eckert, comme le notera la Cour des comptes en 2019. DES MILLIARDS D’EUROS EN JEU Selon nos calculs, basés sur des chiffres officiels publiés au fil du temps (Cour des comptes,Caisse des dépôts,ACPR,France Assureurs – ex-Fédération française de l’assurance), les recherches menées auraient permis de restituer la moitié des sommes à leurs propriétaires. Les bénéficiaires auraient récupéré 6 à 7 milliards d’euros placés en assurance-vie, et les comptes bancaires réactivés se monteraient à 9 milliards. Le reste, soit 10 à 15 milliards d’euros, patienterait encore. Il se peut d’ailleurs que les chiffres exacts surpassent largement ces estimations.En tout cas, une partie des sommes non restituées, au minimum 7 milliards d’euros, dort dans les coffres de la Caisse des dépôts.En effet,celle-ci récupère les fonds en déshérence des banquiers et des assureurs après 10 ans d’inactivité,puis les conserve durant 20 ans… avant de les transférer définitivement à l’État. Le sujet est, par conséquent, bien loin d’être clos. D’autant qu’à ce stock d’une quinzaine de milliards d’euros s’ajoutent chaque année des centaines de millions issus de contrats arrivant à leur tour en déshérence ! C’est bien ce que concluait la Cour des comptes en 2019, dans un rapport bilan de la loi Eckert: «La décrue des stocks en déshérence sera lente. S’agissant de l’assurance-vie, leur diminution est freinée par les flux entrants dynamiques et l’obligation de conserver les contrats pendant 10 ans. » Nous avons examiné de plus près les chiffres concernant l’assurance-vie,puisque les organismes gestionnaires ont désormais l’obligation de publier un bilan périodique de leur recherche des bénéficiaires. On recense chaque année des milliers de nouveaux contrats d’assurance-vie en déshérence. Leur valeur est évaluée à plus ou moins 500 millions d’euros, rien que pour les sociétés d’assurances privées (c’està-dire hors mutuelles et organismes de prévoyance), selon les données des assureurs. Pour ces compagnies, le cumul s’élève à près de 1,4 milliard d’euros sur la période 2020-2022 (1) . SEMANIFESTERAVANTQU’ILNESOITTROPTARD Il faut, en outre, tenir compte d’un nouveau«chantier» de déshérence: celui de l’épargne retraite supplémentaire. En 2020, la Cour des comptes a évalué les sommes non reversées (au premier chef, les contrats collectifs ouverts par les entreprises au bénéfice de leurs salariés) à environ 13 milliards d’euros au total. Dans une loi du 26 février 2021, le Parlement a prévu plusieurs mesures pour aider les très nombreux salariés concernés à remettre la main sur cette épargne disparue. Les particuliers doivent entreprendre des démarches afin de réclamer le versement du pécule qui leur est dû avant qu’il ne soit définitivement acquis à l’État. Dans bien des cas, l’organisme détenteur ne contactera pas les titulaires ou leurs ayants droit. Or le temps presse,car le décompte de la prescription trentenaire est lancé depuis des années. QUE CHOISIR Argent N° 174 AVRIL 2024 9 Justement, de nouveaux moyens sont à la disposition des consommateurs pour leur permettre d’identifier les avoirs «en sommeil». Passée assez inaperçue,mais essentielle dans la lutte contre la déshérence financière,une mesure a notamment été prise par les pouvoirs publics il y a quelques années. Il s’agit du décret d’application du 1er janvier 2016, qui charge notamment les notaires de consulter,pour le compte des héritiers,les deux fichiers de l’administration fiscalerecensantlesassurances-vie(Ficovie)etlescomptes bancaires (Ficoba).Il serait dommage de se priver de ce puissant moyen de recherche, surtout si l’on a de bonnes raisons de penser que des fonds en déshérence attendent quelque part. Ces outils s’ajoutent à trois autres dispositifs: Ciclade (le site web de la Caisse des dépôts),Agira (la plateforme d’information des assureurs) et, depuis un an et demi, l’onglet «Épargne» du site Info-retraite.fr, géré par le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite. (1) Ce montant est obtenu en établissant la différence entre le nombre de souscripteurs décédés lors des 12 derniers mois – pour identifier les décès, les assureurs consultent régulièrement le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), géré par l’Insee – et le nombre de contrats réglés sur la même période. DÉSHÉRENCE Deux situations des plus choquantes Si elle touche l’ensemble des Français, la déshérence des avoirs financiers est révoltante dans deux cas. D ans les années 1990, le scandale des fonds juifs en déshérence dans les banques suisses ébranle la finance européenne. Et attire l’attention sur les assurances-vie sans bénéficiaires identifiés. En France, l’indemnisation des victimes de cette spoliation n’est pas achevée, malgré les travaux de la mission Mattéoli et la création d’une commission (CIVS). Un rapport sénatorial du 6 juin 2018 conclut à «l’absence de progrès accomplis dans la connaissance de la dette de spoliation». L’attitude de certains assureurs, notamment entre 1990 et 2010, n’a pas dû aider. Par exemple, des enquêtes menées par l’ACPR en 2013-2014 ont révélé que la filiale française du groupe Allianz a procédé à «des purges comptables» de contrats anciens et que beaucoup d’archives ont été «pilonnées» – dont, sans doute, des contrats souscrits par des victimes de la Shoah, selon un connaisseur du dossier. Il est hélas trop tard pour ces cas-là… Mais pas pour ceux conservés à la Caisse des dépôts – si des moyens sont prévus pour les recherches (lire p. 16)! Car la Caisse hérite des contrats pour lesquels les recherches d’identification des bénéficiaires effectuées par les assureurs ont été qualifiées de «vaines». Sans autres démarches, nombre de ces contrats risquent fort de ne pas être réclamés. ASSOCIATIONS SPOLIÉES Les sommes léguées aux associations caritatives mais jamais perçues par celles-ci exigeraient également une volonté politique. Avant 2014, bien des recherches sur des contrats au profit d’organismes caritatifs ont été classées sans suite (absence d’adresse, fautes d’orthographe dans la dénomination de l’association, etc.). «Lorsqu’on a repris le stock de contrats en déshérence, entre 2014 et 2017, pour identifier les bénéficiaires, j’ai vu des Post-it collés sur certains contrats. J’ai pu lire, sur l’un d’eux, la mention suivante: ”Attendre la manifestation du bénéficiaire.” Il s’agissait d’un contrat légué à une association caritative connue, mais dont l’adresse ne figurait pas dans la clause bénéficiaire. C’était très cynique, car une association ne peut pas deviner qui lui a fait des dons. Une recherche pourtant toute simple aurait permis de retrouver l’adresse et de prévenir l’association!», confie une ex-salariée de Tessi, l’organisme chargé à l’époque par la CNP de ses assurances-vie en déshérence. Les associations devraient pouvoir réclamer ces contrats, en particulier ceux transférés à la Caisse des dépôts. Or, sur le site Ciclade, géré par cette dernière, les recherches s’effectuent à partir de l’état civil du souscripteur. Comment des associations, qui ne connaissent pas l’identité de leurs donateurs, pourraientelles s’y enquérir d’avoirs dont elles ignorent jusqu’à l’existence? Là aussi, une démarche proactive de recherches confiée à des experts serait salutaire. DOSSIER 10 AVRIL 2024 N° 174 QUE CHOISIR Argent L es Françaises et les Français qui ont atteint l’âge de la retraite s’endorment chaque soir sur une épargne de 5,4 milliards d’euros. Ce serait une excellente nouvelle pour leur pouvoir d’achat s’il ne s’avérait que, pour la plupart d’entre eux, cette épargne demeure invisible, ignorée, inconnue.» Ce cri d’alarme lancé au Sénat, le 21 octobre 2020, par Olivia Grégoire, alors secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, ressemble à s’y méprendre à celui formulé six ans auparavant par les auteurs de la loi Eckert sur les assurances-vie en déshérence. Des milliards d’euros d’épargne,mais cette fois au titre des contrats d’épargne retraite supplémentaire, dorment encore dans les caisses des organismes gestionnaires au lieu de revenir à leurs titulaires! Une situation vraiment dommageable, car les retraites supplémentaires (ou d’entreprise) sont considérées comme le troisième pilier du système français de retraite. «Les encours des contrats d’épargne retraite non liquidés [sont] une épargne que des hommes et des femmes ont construite par leur travail, une épargne de sécurité dont le temps et la complexité des dispositifs ont toutefois effacé le souvenir», déplorait Olivia Grégoire, aujourd’huiministredéléguéechargéedesEntreprises, du Tourisme et de la Consommation. UN TOUT NOUVEAU DISPOSITIF D’INFORMATION En 2017, les assureurs s’étaient pourtant engagés à améliorer la situation. Ils promettaient notamment «d’attirer l’attention des entreprises souscriptrices sur la nécessité de contrôler que les adhérents ayant atteint l’âge légal de départ à la retraite à taux plein et n’ayant pas fait valoir leurs droits exercent toujours une activité». Sans grand effet. À partir de 2020, les pouvoirs publics haussent le ton. En 2021, l’ACPR (le «gendarme» des banquiers et des assureurs) sanctionne trois organismes pour infraction à la ÉPARGNERETRAITE Le dernier chantier ouvert DES SOMMES COLOSSALES D’ÉPARGNE RETRAITE ATTENDENT ENCORE LEURS BÉNÉFICIAIRES, QUI NE SONT PAS TOUJOURS AU COURANT. COMMENT SAVOIR SI VOUS EN FAITES PARTIE? ET COMMENT RÉCUPÉRER CE QUI VOUS EST DÛ ? réglementation sur la déshérence des contrats d’épargne collectifs: les mutuelles MGEN et Mutex, ainsi que Natixis Interépargne (groupe bancaire BPCE).En parallèle,une loi,votée le 26 février 2021, renforce l’information des titulaires de contrats d’épargne retraite supplémentaire. L’une des règles instituées est de charger Union Retraite (soit le groupement d’intérêt public qui réunit les régimes de retraite obligatoires, de base et complémentaires) d’informer tous les titulaires d’un contrat d’épargne retraite supplémentaire. Le site Info-retraite.fr, clé de voûte de ce dispositif, est opérationnel depuis le 1er juillet 2022. Il recenserait environ 15,3 millions de contrats de retraite supplémentaire. DE QUOI PARLE-T-ON? L’épargne retraite visée par la loi rassemble tous les contrats d’épargne retraite supplémentaire, qu’ils soient signés à titre individuel ou collectif. La première catégorie regroupe ceux souscrits directement par l’assuré soucieux de se constituer un complément de retraite sous la forme de rente ou de capital; ce sont,en grande partie,les professions libérales et les cadres supérieurs qui les détiennent. Figurent dans cette catégorie les plans d’épargne retraite populaire (Perp) et les contrats dits «Madelin ». Mais le gros de l’épargne retraite actuellement en déshérence provient de contrats collectifs. Ces derniers sont souscrits par les employeurs auprès d’une compagnie d’assurances ou d’un organisme de prévoyance pour le compte de leurs salariés (ou d’une partie d’entre eux).Les produits les plus courants ici sont le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), le plan d’épargne retraite entreprise (Pere) et les régimes de retraite d’entreprise à cotisation fixe, dits régimes de l’«article 83». Ces derniers ne sont pas obligatoires pour les sociétés, mais, si l’employeur décide d’en ouvrir un,tous les membres « QUE CHOISIR Argent N° 174 AVRIL 2024 11 Avez-vous de l’argent qui dort ? ÉPARGNE du personnel doivent y adhérer. Ces contrats, au nombre de 5,5 millions, représenteraient environ 4,5% des cotisations. Les plans d’épargne retraite (PER) leur ont succédé depuis la loi Pacte de 2019. QUI EST CONCERNÉ ? Les salariés du secteur privé constituent la cible principale du nouveau dispositif législatif d’information sur la retraite supplémentaire, même si les professions libérales et les fonctionnaires vont également pouvoir y accéder. Ce sont toutefois les employés qui devraient en profiter le plus. Pourquoi? Parce que les contrats collectifs à adhésion obligatoire, souscrits par les entreprises à leur bénéfice, sont bien plus exposés au risque de déshérence. En effet, les travailleurs du secteur privé n’ont aucune démarche à effectuer à l’ouverture de tels contrats, et ne versent pas de cotisations directes. Par conséquent, nombre d’entre eux ignorent l’existence d’une retraite supplémentaire à leur profit, d’autant qu’ils n’ont pas non plus à indiquer leurs coordonnées aux gestionnaires – cette tâche revenant au service des relations humaines ou à la direction de l’entreprise. Les risques d’erreur et, plus encore, ceux d’absence d’actualisation des informations, s’avèrent élevés. Un simple changement d’adresse de l’assuré peut suffire à couper le lien existant entre lui et le contrat! La Cour des comptes indiquait, en 2019, que chez beaucoup de banques et d’assureurs, la moitié des courriers adressés aux souscripteurs revenaient sans avoir été distribués… Pour l’avenir, la loi Pacte de 2019 a prévu latransférabilité totale de tous les nouveaux plans d’épargne retraite (PER). Bon à savoir L’attestation de fin de travail est nécessaire Pour clôturer ou transférer son contrat de retraite supplémentaire, il faut présenter une attestation de fin de travail à l’organisme gestionnaire (banque, assureur ou organisme de prévoyance). L’article L. 1234-19 du Code du travail impose aux anciens employeurs de remettre ce certificat «à l’expiration du contrat de travail». En principe, les salariés l’ont donc obtenu à leur départ de l’entreprise. En cas de perte, il est toutefois possible d’en demander une copie. La plupart des sociétés en conservent un double. L’employeur n’y est cependant pas obligé. En outre, l’entreprise peut avoir disparu. Tout n’est pas perdu, car d’autres documents permettent de prouver que l’on y a été en activité. C’est en particulier le cas du relevé de carrière, enregistré auprès de sa caisse et désormais consultable (rubrique «Mes droits») et imprimable sur Info-retraite.fr. Une attestation de France Travail (ex-Pôle Emploi) sert aussi parfois de justificatif. Il faut contacter le gestionnaire d’épargne retraite pour savoir quels documents peuvent remplacer le certificat de travail égaré.
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