SCIENCE-FICTION MAGAZINE n°119 - Page 4 - 119 FAST X Louis Leterrier Nous retrouvons Louis via Zoom pour « FAST X » où il a dû littéralement prendre le « train en marche » sur une production colossale. Sans aucune langue de bois, il nous explique toutes les étapes de son arrivée sur l’épisode ultime de cette franchise, entre la gestion des comédiens et tout l’aspect technique. Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est dantesque. SFMAG : Comment vastu ? LL : Tout va bien c’est juste le fil tendu de la partie postproduction SFMAG : Comment t’estu retrouvé sur cet énorme projet ? LL : Par hasard, enfin pas tout à fait parce que j’ai une relation un peu privilégiée avec « Universal » parce qu’on se connaît bien. Je t’en avais peutêtre parlé, j’allais peutêtre réaliser le « Fast and Furious 8 », le « 3 », ils m’ont souvent appelé pour faire des « Fast and Furious », car il y avait des changements de réalisateur. Sur celui-ci je terminais la suite d’« Audelà du périph » avec Omar Sy et Laurent Lafitte. J’étais en postproduction ici aux États-Unis pour faire mon doublage américain, quand j’ai réellement reçu un coup de fil au milieu de la nuit, vers minuit de Peter Kramer, le président d’Universal. Il m’appelle et je raccroche. Et il rappelle et je lui dis « salut, Peter je te rappelle demain ». Et il me dit « Peux-tu me rappeler tout de suite ? » Je ne savais pas ce qu’il se passait, il m’explique que Justin Lin a décidé de partir, et si je pouvais lire le scénario tout de suite, maintenant. Je lui dis « Où en êtes-vous, vous êtes en prépa ? ». « Ah non, non on a commencé à tourner » SFMAG : Ah d’accord…. LL : En même temps, lis le mais sache que si ça te plaît il faut que tu viennes après-demain. Et moi j’étais sur une série Apple, c’est compliqué, c’était un choix compliqué à faire, c’était surtout un saut de l’ange un peu risqué sans préparation, le plus gros film de la plus grosse série, le summum de ce que tu peux faire, le temps de préparer et d’arriver le lendemain diriger des acteurs. J’en connaissais un ou deux, j’en ai 24, c’est compliqué. Bon je réfléchis assez rapidement, j’en ai parlé à ma femme et elle me dit « fais-le, fais-le ». Quelques fois dans la vie, dans ta carrière tu as des opportunités comme ça, il faut que tu les saisisses au vol. Au pire des cas, tu commences, et puis on se rend compte que c’est pas possible et tu t’arrêtes, etc.. Au meilleur des cas, tu continues et tu fais un truc qui marche. Et ce qui s’est passé, c’est le meilleur des cas. Dès que je suis arrivé sur le plateau, j’avais absolument les rênes totales du projet, au début il m’encadrait, il me disait, « on a fait ça, et ça et ça », il y a des choix qui ont été faits, mais très rapidement ils m’ont dit « tous les changements que tu veux faire, les choses qui ne marchent pas et que tu peux améliorer, vas-y, vas-y » et c’est ce que j’ai fait. Et ça s’est très, très bien passé. On a rattrapé le retard INTERVIEWCINÉ“FASTX” 2 SUITE PAGE 139 ITWune:Mise en page 1 10/04/2023 09:28 Page 1 Sommaire FAST X Interview Louis Leterrier “Fast X” page 2 Chroniques BD 13 pages p. 5 Chroniques TV 8 pages p. 18 Chroniques Littérature 20 pages p. 26 Chroniques Films 24 pages p. 46 Dossiers IronWomen (partie 2) p. 70 Interviews LITTÉRATURE & BD Martin - Gasmi - Jaquier - Ristocelli p.77 CINÉ “Fast X” - Louis Leterrier p. 2 (suite page 139) “Jean-Manuel Costa” - p.110 “Winnie - The - Pooh : Blood and Honey” Rhys Frake Waterfield p. 119 “Evil Dead Rise” - Lee Cronin p. 123 “John Wick” - (collectif) p. 128 “La Petite Sirène” (collectif) p. 133 Histoire du cinéma Star Wars : Paul Hirsch, monteur p. 107 science fiction magazine No 119 mai-juin-juillet 2023 ISSN 1286-479X Trimestriel sfm éditions Commission paritaire 0619 K 78296 Dépôt légal avril 2023 Imprimerie Spektar Distribution Presstalis Service des ventes kiosques : À JUSTE TITRES réservé aux diffuseurs de presse Pascale Delifer : 04.88.15.12.41 p.delifer@ajustetitres.fr Titre modifiable sur le portail-diffuseurs : www.direct-editeurs.fr Textes copyright Sfmag Administration, rédaction sfmag Alain Pelosato 1, place Henri Barbusse 69700 Givors Tél. 09 83 21 05 22 pelosato@yahoo.fr Bureau aux USA Science Fiction Magazine 5870 Golden Eagle Circle Palm Beach Gardens FL 33418-1527 Cell : 818 294 8243 marc.sfmag@gmail.com Directeur de la publication et rédacteur en chef : Alain Pelosato ABONNEMENTS 6 numéros : 30 euros 12 numéros : 55 euros Chèque à l’ordre de Sfmag N’oubliez pas d’indiquer votre adresse ! Vous pouvez également vous abonner sur notre site http://www.sfmag.net (voir notre adresse postale ci-dessus) Maquette couverture Harald Bodo - Alain Pelosato Maquette intérieure Harald Bodo, Greg Covin, Pierre Dagon, Alain Pelosato Corrections Andrée Cormier, Alain Pelosato, Marc Sessego 3 Edito119:edito72.qxd 06/04/2023 11:59 Page 1 Vous vous souvenez de l’émission TV “Temps X”? Oui, bien sûr, l’émission animée par les frères Bogdanoff. Dans ce numéro de sfmag, Emmanuel Collot a interviewé Jean-Manuel Costa dont le nom est souvent associé à ce fabuleux programme de télévision. Mais pas seulement, loin de là, et vous le découvrirez dans ces pages. Sur le plan cinématographique Marc Sessego interviewe des réalisateurs, des acteurs et autres professionnels du cinéma de “Winnie The Pooh”, de “Evil Dead Rise” (oui il est de retour !), de “John Wicks No 4” et de “La Petite Sirène”. Il continue la rubrique “Histoire du cinéma avec les premiers films “Star Wars” en interviewant leur monteur Paul Hirsch. Dans la rubrique dossiers, vous trouverez la deuxième partie des “IronWomen” par Emmanuel Collot et plus loin, son interview de l’écrivain Laurent Martin. Et Sébastien Moig propose un entretien avec Alexandre Ristorcelli ainsi que Gasmi/Zakour sur leurs créations dans la BD et d’autres entretiens avec l’écrivain Antoine Jaquier. Merci aux chroniqueurs (BD, Livres, Ciné, TV) : Françoise Toquet, Gregory Covin, Sébastien Moig, Marc Sessego, Emmanuel Collot. BONNE LECTURE ! Alain Pelosato 4 Coups de coeurs Edito119:edito72.qxd 06/04/2023 11:59 Page 2 La fin du monde est proche. Une aurore boréale rouge sang est survenue en même temps que la naissance de 222 000 enfants. Ceux-ci, dotés d’une intelligence extrême et d’un manque total d’empathie, vont dominer l’humanité… c’est du moins ce qui est prévu. Album présentant quelques-uns des enfants « rois », il est une mise en bouche mettant en avant l’absence de sensibilité de ses personnages, même s’il manque à cette entrée (en matière) un héros pour s’opposer à eux. Si l’on s’amuse à chercher les inspirations de l’auteur – La malédiction (The Omen), Le village des damnés – difficile d’aimer ces petites têtes blondes et de comprendre où va le scénario sans dresser un antagoniste sur leur route. Bref, un album prologue qui prend trop son temps. Et puis c’est la fin du monde (as we know it comme dirait REM) et on y fonce sans combattre ? Allez, tous ensemble : « Jésus revient, Jésus revient, Jésus revient parmi les tiens… ». Grégory Covin Il est immortel et cherche un moyen de mourir, s’il le souhaite un jour. Il est là depuis la nuit des temps et s’associe aujourd’hui à l’armée afin de satisfaire autant ses pulsions que réveiller en lui des souvenirs bloqués dans sa psyché. Mais surtout, il va tout défoncer… Si la série pâtit du syndrome Superman – un héros tellement puissant qu’on ne s’inquiète pas pour lui –, elle est en totale adéquation avec le personnage qu’endosse Keanu Reeves depuis plusieurs années, à savoir John Wick. Infatigable, imbattable, inaltérable, BRZRKR – dont l’acteur donne les traits en plus d’être coscénariste – est le prolongement d’un John Wick dans l’univers super-héroïque. Désormais immortel, sa kryptonite est sa pro5 Aurora 1 Bec – Raffaele Soleil Janvier 2023 BRZRKR 1 Reeves – Kindt Garney Delcour Mars 2023 ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 5 pre mémoire qui l’empêche de savoir qui il est. En réalité, une excuse pour notre héros pour plonger tête la première d’un carnage à un autre. Les fans de Keanu Reeves et surtout de John Wick seront ravis – ainsi que ceux de Conan, tant nous découvrons ici une version endiablée –, tant l’histoire est sensiblement écrite sur le même bout de papier, et la violence superfétatoire, élevée au rang de démonstration technique, captive autant qu’elle interroge. Une BD défouloir comme on en fait peu. Grégory Covin Parfois une BD est avant tout le moyen de renouer avec l’un de ses auteurs préférés. Quand on est fan de comics, Greg Capullo a forcément, à un moment ou à un autre, marqué l’esprit du lecteur que nous sommes, après s’être déchaîné sur les pages de Spawn – les lecteurs du titre comprendront le jeu de mots – et avoir mis tout le monde d’accord en s’illustrant sur Batman. Il est l’un des maîtres de la BD américaine, et chacune de ses planches est un délice. Pour Scott Snyder, je suis déjà plus partagé. Je pose un genou à terre devant son incroyable La cour des hiboux (son entrée en matière dans l’univers de Batman, un incontournable, tout simplement), mais me relève très vite face aux épisodes qui ont suivi qui, à mes yeux, n’ont cessé de baisser en qualité. Pour ce qui est de Démons, Snyder montre qu’il sait comme toujours raconter une histoire, mais aussi qu’il n’a pas envie de se creuser la tête. C’est nerveux, mais trop classique, empli d’action, mais sans réels rebondissements. Ainsi cette histoire d’humains angéliques affrontant des démons, qui voient l’arrivée d’une jeune femme cherchant à venger la mort de son père, est une lecture agréable – et c’est déjà très bien – mais qui ne surprend jamais. Pour ce qui est des planches, Greg Capullo, lui, est toujours au sommet de son art. Grégory Covin Jeu de pistes sur la quatrième lune de Jupitel, et les morts s’accumulent autant que les mystères qui se rajoutent à l’intrigue. Mettant en pause le développement scientifique et fantastique de l’existence d’un océan intérieur détenant des formes de vie – art dans lequel se complaît souvent Léo –, les auteurs nous placent principalement du point de vue du commandant de l’expédition, confronté à une enquête policière. Si les équipes précédentes n’ont plus donné signe de vie, non à cause d’un incident en relation à leur environnement, mais par les agissements d’un de leurs membres, quelles en sont les raisons ? Ces dernières commencent à entrevoir une explication, mais sur Terre… Ambiance glaçante sur un monde qui l’est tout autant, avec des dessins qui s’amusent à composer avec les traits d’acteurs connus. Une très bonne lecture. Grégory Covin CHRONIQUESBD 6 Démons Snyder – Capullo Delcourt Janvier 2023 Europa 2 Léo – Rodolphe Janjetov Delcourt Février 2023 ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 6 Les récits épiques sont toujours plus captivants quand ils s’inspirent de faits historiques. C’est le cas de cette trilogie qui prend place au cœur de la Vasconie, épousant la légende carolingienne autant qu’elle met à l’honneur le personnage de Brunhilde. Conquêtes de territoires et allégeances jonglent avec le fantastique et de fortes têtes qui peuvent à tout instant retourner leur veste. Karolus Magnus, roi conquérant, avance ses armées tandis que héros et vilains s’agitent dans l’ombre, chacun disposant ses pions avec cette illusion de se croire maître des évènements à venir… un album sans temps mort qui laisse entrevoir un final sanglant. Grégory Covin Déjà la neuvième adaptation des nouvelles de Liu Cixin, et il est cette fois question de présenter la thèse et l’antithèse du génie de l’Homme par sa découverte d’un matériau aux spécificités extraordinaires qui vont permettre de creuser la planète pour y créer une voie d’accès. Ce n’est pas nouveau, tout ce que l’on invente peut nous servir comme nous desservir, et c’est ce que va constater le personnage principal, jugé par ses pairs en découvrant ce que l’on a fait de son invention alors qu’il ressort d’une cession cryogénique de sommeil. L’auteur est connu pour ses idées novatrices, et une fois encore de constater qu’il est rare de lire des récits de science-fiction sur notre volonté de pénétrer les différentes couches de notre planète. Derrière cette originalité se terre toutefois une évidence somme toute banale : tout nouveau concept scientifique est vite perverti ou ignore trop facilement les conséquences de sa mise en place. Traînant quelque peu en longueurs, le récit nous plonge toutefois dans ce bain d’interrogations : qu’est-ce qui a mal tourné et qu’est-il advenu des personnages qui se sont enfoncés au centre de la Terre ? Les dessins de Qingsong n’aident pas toujours à l’immersion, mais l’imagination de Cixin nous maintient sous la surface jusqu’à la dernière page. Grégory Covin C’est l’histoire d’un jeune garçon qui, avant tout le monde, décèle un danger auquel nul ne croit, et qui va partir en quête d’une preuve. Il faut dire que, sur sa planète de glace, l’énergie fournie aux villes est alimentée par un fragment d’étoile. Namet a compris que celui-ci, fracturé, allait bientôt exploser… Le problème de ce récit est son rythme. Plus de trente pages pour nous faire comprendre que la découverte de Namet n’est prise au CHRONIQUESBD 7 Karolus Magnus 2 J-L. Bartoll – Eon Soleil Février 2023 La Terre Transpercée Liu Cixin – Wu Qingsong Delcourt Février 2023 Lost Shelter 1 Umelesi Vergani Soleil Février 2023 ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 7 sérieux par personne, c’est trop. Les quinze dernières pages tentent d’insuffler un peu plus de dynamisme, mais pour le coup vont trop vite. Avec l’arrivée d’un second personnage, le récit se fait confus et use de facilités. Heureusement, les dessins – et la colorisation – sont enchanteurs et nous maintiennent captivés. Avec seulement un autre tome de prévu, la suite devra faire un peu plus chauffer les moteurs de son scénario pour ne pas nous laisser de glace. Grégory Covin De l’extérieur la petite bourgade de King Hills ne paye pas de mine. Les maisons s’y alignent autour d’une rue centrale, coincées entre une mer qui parfois se déchaîne et des montagnes tapissées d’épaisses forêts. Des légendes ancestrales se sont nourries de cette typographie singulière, des bateaux s’échouant dans les profondeurs de la baie, tandis que la forêt, comme toutes les forêts, cache ses mystères, peuplée d’êtres insondables et occultes qui se révèlent parfois aux promeneurs égarés. La jeune Friday Fitzhugh a vécu à King Hills avant de monter dans un train et de partir au loin. Aujourd’hui, si elle revient, c’est en partie pour Lancelot, un ami avec qui elle a mené par le passé des enquêtes paranormales. Les deux vont tenter de dénouer les nœuds d’une histoire d’enfants disparus et, au-delà, de réfléchir (aussi) à ce qu’ils ont vécu dans le passé pour mieux appréhender leur futur commun… Lorsque Friday regagne Kings Hill après quelques années passées au loin elle avoue avoir l’impression de n’avoir jamais quitté les lieux. Une atmosphère lourde sourde de la ville, parcourue de brume, d’un passé chargé, et de lieux typés qui dégagent quelque chose d’insondable. Lancelot, lui, n’a jamais quitté King Hills, au contraire il a continué à arpenter le terrain, donnant un coup de main à la police locale dans la résolution d’affaires parfois étranges. Et si le petit site de King Hills, passé son décor de carte postale, cachait en son sein des histoires moins avouables, des meurtrissures qui reviennent à la surface au point de mettre à mal l’équilibre fragile de la ville ? Pour éviter que les ténèbres envahissent peu à peu les terres reculées de la petite bourgade, nos deux héros vont devoir apprendre à s’apprivoiser de nouveau, pour lever le voile sur des pans entiers de l’histoire de King Hills. Une bonne mise en place pour un récit teinté de fantastique et de légendes… Sébastien Moig Le monde n’est plus ce qu’il a été. Dévastées les villes ne sont plus qu’amas de ruines, d’immeubles effondrés, de ponts et de chaussées déformées. Pourtant il existe encore des cités luxueuses ultra-protégées qui abritent les nantis, comme celle de Kugamayama qui se dresse fièrement aux yeux des classes populaires qui tentent de survivre un jour de plus à sa périphérie. Akira est un enfant des taudis. Habillé de guenilles il s’est juré CHRONIQUESBD 8 Friday Ed Brubaker et Marcos Martin Glénat Rebuild the world tome 1 Kirihito Ayamura Vega/Dupuis ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 8 de devenir chasseur de reliques. Car si le monde d’avant a bel et bien été balayé, et qu’il n’en reste que peu de traces, les reliques qui attestent encore de ce qu’il fut se revendent à prix d’or. Pour Akira retrouver des reliques, les vendre et accumuler des richesses pourrait lui permettre de passer de l’autre côté du rideau de fer, et de vivre enfin protégé des dangers de l’extérieur. Des dangers qui prennent la forme de monstres, tels les chiens canons jadis utilisés pour assurer la sécurité des grandes villes, ou tout simplement de bandits ex-chasseurs devenus détrousseurs qui pullulent sur ces territoires hostiles. Après avoir échappé de peu à une mort certaine, une jeune femme prénommée Alpha lui apparaît. Peu vêtue et très pulpeuse, elle dit être une réalité augmentée capable de le protéger de tous les dangers. Mais en échange de sa protection, la jeune femme lui demande de conquérir certaines ruines. Étrange deal qu’Akira ne va pas accepter tout de suite, préférant d’abord juger sur pièces la garantie de protection que lui propose la belle… Le premier tome survitaminé de ce manga recèle suffisamment de zones d’ombres pour capter l’attention du lecteur. Si les personnages se creusent au fil du récit, une mention spéciale revient à la représentation des cadres et du bestiaire qui portent en eux les dangers présents et à venir… Sébastien Moig Dans un Japon frappé d’une apocalypse qui a tout dévasté, Yôko et Airi déambulent à moto sur les traces de la sœur de la première qui a, des années auparavant, effectué un road trip à travers le pays qu’elle a documenté en postant des photos sur Touringram, une application dédiée aux voyages. Les villes parcourues, rendues à la végétation, conservent encore quelques traces de leur riche passé, mais Yôko ne peut que constater l’écart qui les sépare de leur faste d’antan. À la fin du premier tome de la série, les deux jeunes femmes captent le signal d’une radio au sein de laquelle un DJ diffuse des plages musicales. Hélas une fois parvenues dans l’immeuble abritant la station, Yôko et Airi, découvrent que celui-ci n’est autre qu’une IA ayant survécu à l’effondrement. En poursuivant leur chemin, les deux amies vont être prises dans une mystérieuse tempête avant de faire face à une attaque de rats. Mais la suite du voyage leur réservera de meilleures surprises. D’abord un passage par Tsukuba, ville universitaire qui a accueilli en 1985 une Exposition internationale des sciences et de la technologie, dans laquelle elles vont pouvoir se baigner d’un ciel étoilé assises dans les fauteuils d’un planétarium dont le toit s’est effondré, permettant une exploration naturelle des constellations. Puis une virée vers le circuit de Motegi qui accueillait des compétitions de sports mécaniques. Dans un Japon désolé, Yôko et Airi, ne se résignent jamais, et ce même si leur quête sans fin pouvait paraître veine. Si les traces laissées par la sœur de Yôko CHRONIQUESBD 9 Les promeneuses de l’apocalypse tomes 2 et 3 Sakae Saito Doki Doki ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 9 n’ont que peu à voir avec ce qu’est devenu le monde, les deux amies l’arpentent dans la bonne humeur et une capacité de résilience hors du commun. Reste à savoir ce que réserve la suite de leur parcours… Sébastien Moig En 1815 la bataille de Waterloo n’a pas vu la victoire d’une coalition « européenne » contre Napoléon Bonaparte. Bien au contraire l’empereur des Français a étendu sa domination sur l’Ancien Monde. Pour l’occasion, la monarchie anglaise s’est fait raccourcir comme aux plus sombres heures de la Révolution française et un pont traversant la Manche relie aujourd’hui les deux territoires jadis hostiles. La répétition d’actes de violence de la part de groupuscules anarchistes et la multiplication de campagnes de désobéissance civile a permis à l’Angleterre de recouvrer, il y a un peu plus de 20 ans, son indépendance. Mais la récente destruction, à Paris, de la Tour Robida, a renforcé l’animosité entre les deux peuples. Alors que l’honorable Raymond Leigh-Otter est assassiné dans son domicile de la campagne anglaise, l’inspecteur LeBrock se voit confier l’enquête. Une enquête qui le conduira en France, à Grandville, aka Paris, pour tenter de démêler les nœuds d’une affaire impliquant les hautes sphères du gouvernement… Les deux premières aventures de l’inspecteur LeBrock avaient été éditées en France par Milady graphics en 2010 et 2011. Le Label Delirium propose quant à lui de publier l’ensemble des histoires de la série, soit cinq tomes en commençant par les débuts, le tome 1, Grandville. Petit bonus de cette nouvelle édition, un cahier iconographique d’une trentaine de pages dans lequel Bryan Talbot revient sur la genèse du récit, et sur son travail, expliquant ses clins d’œil placés ici ou là qui renforcent le côté décalé et bourré d’humour du récit. Un récit uchronique dans lequel déambulent tout un tas de héros animaliers anthropomorphes qui rendent hommage à Jean Ignace Isidore Gérard plus connu sous le nom de Jean-Jacques Grandville, caricaturiste animalier de la première moitié du dix-neuvième siècle. Une relecture hautement recommandée, purement jouissive ! Sébastien Moig Dans un Paris contemporain qui n’a que peu à voir avec le nôtre, Manon se réveille aux premières heures du jour dans les bras de sa petite amie Mila. Les deux femmes souhaitent avoir un enfant, mais seule l’aide de la magie pourrait leur permettre d’arriver à leurs fins. Or la magie n’est pas des mieux perçue dans la capitale française, au point que des groupes de manifestants se regroupent en divers lieux pour afficher leur opposition à sa pratique. Alors que les deux femmes se dirigent vers le cabinet du sorcier qui a décidé de les accompagner dans leur démarche, elles sont CHRONIQUESBD 10 Grandville Bryan Talbot Label Delirium In Memoriam tome 1 Manon Mathieu Salvia et Djet Dupuis ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 10 prises à parti par des opposants et Manon se voit dans l’obligation de sortir sa carte de flic pour tenter de calmer les ardeurs belliqueuses de certains d’entre eux. Arrivées dans le vaste bureau de maître Chamblin, les deux amies apprennent que Mila est enceinte. Mais la joie est de courte durée puisque seulement quelques secondes après avoir appris la bonne nouvelle une explosion phénoménale frappe Paris, balayant tout sur son passage. Bien que sauve Mila perd son fœtus. Paris se réveille dans la douleur. Le souffle de l’explosion qui a frappé la capitale a anéanti les anciens pouvoirs des magiciens et les artefacts qu’ils utilisaient sont devenus inopérants. Néanmoins il semble que ce ne soit pas le cas pour tous… Mathieu Salva et Djet posent superbement le cadre de ce Paris alternatif touché par une explosion dévastatrice. Les deux auteurs posent dans ce premier opus leurs arcs narratifs autour de Manon, d’un ancien sorcier au passé trouble à la recherche d’une enfant qui traverse la ville accompagnée d’un chat gigantesque et d’un autre sorcier, fou, qui semble en pleine possession de ses pouvoirs. Musclé le récit n’hésite pas à proposer ici ou là des pleines ou doubles-planches utilisant les fonds perdus pour densifier chaque scène. La suite devrait nous apporter les informations permettant de relier les fils, et à vrai dire on en salive déjà ! Sébastien Moig En 1995 Tsutomu Nihei publie dans Afternoon le premier jet d’une série qui le révélera aux yeux du monde, Blame ! Dans cette nouvelle le mangaka laisse entrevoir ce qui fondera son univers futur, notamment son intérêt pour les récits sombres, foutraques où l’architecture verticale, sans véritable fin, fait partie intégrante de la mise en ambiance. Ses héros, meurtris, y évoluent souvent à la lisière du chaos, et leurs quêtes, si elles semblent veines dès le départ, permettent de poser l’univers duquel l’espoir a presque totalement disparu. L’homme n’y est plus qu’une matière composée/décomposée qui nourrit un système qui échappe à tous. À partir de 1999, et après une prépublication (toujours dans la revue Afternoon), Nihei sort les 10 volumes de Blame ! que nous découvrirons en France à partir de mars 2000 chez Glénat. Noise qui se veut une préquelle à Blame ! voit le jour en 2001, alors que la série mère n’est pas encore achevée. Dans l’idée du mangaka, elle devait offrir des éléments de compréhension sur son univers en cours de développement. On y suit une flic du nom de Musubi Susono qui, accompagnée d’un collègue prénommé Krauser, mène une enquête sur la disparition d’enfants. Au cours de ses investigations, son collègue disparaît et elle-même se voit menacée par une secte se faisant appeler « Le Culte ». Dans le dédale d’un monde en déliquescence, suintant de toutes parts, l’inspectrice tentera de lever les voiles sur ce qui se trame dans la vieille ville et au-delà… En proposant Noise CHRONIQUESBD 11 Blame 0 Tsutomu Nihei Glénat ChroniquesBD():Mise en page 1 01/04/2023 12:03 Page 11
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