POUR L'ECO n°43 - Page 8 - 43 Lorem ipsum le magazine éco | Janvier 2018 Édito POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022|3 Le NFT secoue l’économie culturelle L esinnovationsderupturesontrarementaccueilliesavecenthousiasme.C’estleur marquedefabrique,leurétendard.Unepoignéedepionnierss’enentichemaisla grandemajorité,bousculéedanssaroutinedeconsommation,ronchonne,traîne lespiedsousemoqueavant,biensûr,delesadopter.En1877,c’étaitautourdu téléphone.Unanaprèsledépôtdubrevetd’AlexanderGrahamBell,leNewYorkTimesse déchaînaitcontre«l’atrocenature»d’unemachinecapabled’exposerainsiaumonde«les secretsdefamille».Lasociétéfreinedesquatrefers. Danscenumérod’été,Pourl’Écoadécidédevousprésenterlesnouveauxobjetsculturels quesontlesNFTetlesmétavers,ensedemandants’ils’agitd’unebulle.Aprèstout,même unNFTaussicélèbrequelesingedenotrecouverture,celuiduBoredApeYachtClub,avu savaleurmarchande divisée parquatre en deux mois. Mais pour nos experts: c’est non. LesNFTsontunevraierévolutionculturelle(P.31)etlefaitqu’ilssoientadossésauxtrès volatilescryptomonnaiesn’ôterienaufaitquecesformesnouvellesconstituentunmarchécommeunautre(p.30),avecseshautsetsesbas.Soyonsclairs:latokénisationdetoute l’économie(p.24)estenmarche,passeulementcelledel’art.Iln’estpassûrquecesoitune bonnenouvellepourl’égalitédevantlaculture(p.22). La technologie a toujours cheminé main dans la main avec l’art (p.20) et l’explosion numériquedel’expérienceartistiquenedoitpasêtreunesurprise.Laquestionn’estdoncpas de savoirsi ces nouveaux objets culturels numériquesvont remplacerles Rembrandt et lesRodindansl’histoiredelacivilisation,maissilesdeuxculturesvontsavoirnouerune coopérationmutuellementbénéfique(p.18).Certainslieuxculturelsyexcellent,comme laGaîtéLyrique(p.26),maisilresteàtrouverunmodèleéconomiquepermettantauxartistesdecréer(p.21etp.27).MêmelesfestivalstoutàfaitréelscommeLesEurockéennes(p.36)secherchentdenouveauxfinancements. La fiction a souvent mis en scène des métavers apocalyptiques (p.33), maiscelan’empêcheenrienque,bienmanié,lenumériqueestunvecteurculturelpuissant.LaCoréeduSudensaitquelquechose,ellequil’a utilisé avec talent pourpromouvoirdans le monde entiersa gastronomie,soncinéma,sessériesetsamusiquepop(p.28). Bonnelectureetbonété. Stéphane Marchand Rédacteur en chef Coulisses 4|POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022 MICHEL BERNARD Professeurdechairesupérieureenclasse préparatoireHEC,enseignementsd’économie,sociologieethistoiredumonde contemporain,demicroetmacroéconomie. VÉRONIQUE BLANC DéléguéerégionaleacadémiqueÎle-deFranceadjointeàlaformationprofessionnelleinitialeetcontinue,elleparticipeà ladéfinitionetlamiseenœuvredelapolitiqueacadémiquedanslechampdel’ensembledesformationsprofessionnelles. PIERRE CAHUC Professeurd’économieàSciencesPo.Ses travauxportentsurlemarchédutravail,la macroéconomieetsurlesrelationsentrela cultureetlesperformanceséconomiques. JEAN-MARIE COLOMBANI CofondateurdeSlate.fr,anciendirecteur dujournalLe Monde.Journaliste politique,auteurdenombreuxlivres,il estleprésidentducomitééditorialet scientifiquedePourl’Éco. JEAN-MARC DANIEL Professeuràl’ESCPEurope.Expertde l’histoireéconomique,ilestégalement directeurdelarevueSociétal. CÉCILE DEJOUX ProfesseurdegestionauCnametàl’ESCP BusinessSchool,fondatricedelachaire «HumanChange»surlefuturdutravailet dumanagement.AuteurdesMoocs«L’IA pourtous»et«Dumanagerauleader». PHILIPPE RAIMBOURG Professeurdefinanceàl’UniversitéParis1 Panthéon-Sorbonne,directeurdumaster Ingénierie financière.Spécialistedes risquesdedéfaillance. PIERRE RENNO ProfesseurdeSESaulycéeBergson (Paris),diplômédeSciencesPoRennes, docteurensciencepolitiquedel’Université ParisIPanthéon-Sorbonne,agrégéde Scienceséconomiquesetsociales. CLAUDIA SENIK Professeuràl’UniversitéParis-Sorbonne etàl’Écoled’économiedeParis.Auteure deL’Économiedubonheur(Seuil),elle concentresesrecherchessurlesmesures delasatisfaction. PHILIPPE TRAINAR MembreduCercledeséconomistes, professeurtitulairedelachaireassurance duCnametdirecteurdelafondation SCORpourlascience,ilestaussimembre deplusieurscomitésderédaction. Comité éditorial et scientifique LUCILE CHEVALIER (P.36) Auxmanettesdu«Jobdedemain»,Lucile écritaussidansnospages«Décideur»et «Danslaboîte».Danscenuméroquisent bonl’été,elles’estpenchéesurlefestival demusiqueLesEurockéennes:«Aprèsdeux ansd’absence,lesfestivalsreviennent,etsans jauge.J’aivoulusavoirsilepublicseraitaurendez-vous.Lessallesdecinéma,deconcertet dethéâtresouffrentencore.Tousn’ontpasretrouvélechemindeceslieuxculturels,mettant celles-cifortementenpéril.Lepublicesteneffet aucœurdeleurmodèleéconomique.» ARNAUD MURATI (P.58) JournalistedepresseécriteauParisien puisàL’Argusdel’automobile,indépendant depuis2020,Arnaudaunpeuleparcours d’Obélix,lesformesenmoins:tombédans lamarmitedel’automobiledèssonplus jeuneâge,ilaensuitechudanslechaudron dujournalismeetdel’enquêteàses20ans. Sessujetsdeprédilection:lesimpactséconomiques,écologiquesetsociologiquesdes automobilessurlaviedesgens,unthème qu’ilabordedanscenumérosousl’angledu «tout-luxe». MANUEL QUINON (P. 68 ) Aprèsdesétudesuniversitairesetuntravailderechercheensociologieetanthropologiedelaconnaissance,Manuelaenseigné lessciencessocialesenécoled’ingénieurset laphilosophieaulycée.Toutenpoursuivant destravauxderechercheetdevulgarisation enépistémologieetenscienceshumaineset sociales.Cequil’aconduitàs’intéresserce mois-ci,auxécolesdepensée,dansnotrerubrique«Socio-logics».Iltravailleparailleurs dansledomainedeladidactiqueadaptéeaux enfantsensituationdehandicapcognitif. Ils ont participé à ce numéro L’invité POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022|5 Et si le capitalisme partageait ? I l est de plus en plus considéré comme au service exclusif d’une élite égoïste et irresponsable. Àtel point que certains programmes politiques n’hésitent pas à remettre le capitalisme en cause. Les dérives économiquesetsocialessontindéniables,mais l’abandonducapitalismeconduiraitinévitablement à un appauvrissement généralisé et à un gâchisderessources.Malheureusement,lesplus défavorisés seraient, comme toujours, les plus exposésàcecataclysme. Lavéritablesolutionestuneréformedefonddu capitalisme,quiseulepeutréconcilierlesFrançaisavecsesprincipesdebase:libreentreprise, mutualisation des risques, richesse d’information des marchés. Il est prouvé qu’uncapitalismepluséquitable conduirait à plus de prospérité, pas moins. C’est la condition pour des politiques sociales plus généreuses, avec notamment l’introduction d’un bouclier anti-crise comme le revenuuniversel. Plus d’équité, c’est d’abord une plusgrandeégalitédeschances, pourles individus comme pour les entreprises. Pouryarriver, il fautabsolumentquelesgouvernements se dotent d’outils plus performants pour mieux comprendre le retour sur investissement des politiques publiques, à parité avec le secteurprivé. Malheureusement, aujourd’hui, ce type d’analyse fait défaut. Un exemple frappant: les programmesenfaveurdelapetiteenfance.Lestravaux académiques surle sujet sont nombreux, mais ne sont pas exploités parles pouvoirs publics. Résultat, des années plus tard, le niveau d’entréeenclassedesixièmetémoigned’undécrochagequasiirréversibledesplusdéfavorisés, handicapés parailleurs parla perte de mobilité sociale,quirenddeplusenplusillusoireunquelconquerattrapage. Cequel’Étatdoitauxindividus,illedoitaussiaux entreprises.Trop de rentes excessives d’un petitnombredegrandsgroupes(concentrantprofits,exportations,brevets)pénalisentleurscompétiteurs (et largement aussi les employés de ceux-ci,dontlessalairesdécrochent)ainsiquele consommateur,quidoitpayerpluscher:devant cette situation, nous n’avons pas hésité à parler devéritable «impôt privé». On attend aussi les gouvernements surl’élimination des externalitésquiportentpréjudiceauxgénérationsfutures danslecasduchangementclimatique,maisaussiauxtravailleursnonspécialisésdanslessituationsde«dumpingsocial». Uneautreconditiond’uncapitalismeplusjuste, c’estquelesplusmodestesaientaccèsàunepart plusgrandedesprofitsdesentreprises.L’intéressement des employés est utile, mais les montantsconcernéssonttropfaibles.Enfait,toutes lespersonnes,mêmelesplusdéfavorisées,disposentd’uncapitalvirtuelbienplusconséquent: leurcapitalretraite.Ilestplusqu’urgentderedirigerunepartiedessystèmesderetraiteversun volet de capitalisation, par exemple sur le modèle des Pays-Bas. C’est cela, lavraie participation:permettreàtouttravailleurdeprofiterdes fruits de l’économie du pays sur des montants suffisamment élevés pour pouvoir changer sa viedemanièresignificative.Seuleslesretraites peuventaujourd’huijouercerôle. Yann Coatanlem, économiste, président du Club Praxis et coauteur, avec Antonio de Lecea, du Capitalisme contre les inégalités (PUF). Pour parvenir à plus d’équité sociale, les gouvernements doivent se doter d’outils plus performants afin de mieux comprendre le retour sur investissement des politiques publiques. Sommaire 6|POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022 Édito P3 Le NFT secoue l’économie culturelle Par Stéphane Marchand L’invité P4 Et si le capitalisme partageait? Yann Coatanlem, économiste, président du Club Praxis et coauteur du Capitalisme contre les inégalités (PUF) SUR LE VIF C’EST VOUS L’ÉCONOMISTE Pour sauver le climat, faut-iltaxer plus la viande? P8 La réponse à notre enquête auprès des abonnés du compte Instagram de Pour l’Éco (@pourleco) REGARD ÉCO Loyers : la périlleuse tentation du gel P9 Le point de vue sur l’actualité de Mélanie Tavernier, professeure de SES DANS LE LABO «Pour les métaux, l’Europe a le choix: dépendre de la Chine ou… creuser» P10 Entretien avec Liesbet Gregoir, géologue et ingénieure EN THÉORIE Quantophrénie - Congés payés –Effet LakeWobegon P12 EN DATA Où sont les familles nombreuses? P13 DUEL La France peut-elle encore compter surson parc nucléaire ? P14 Affrontement rhétorique entre deux lauréats de «La Parole aux 18-28», dans le cadre des Rencontres Économiques d’Aixen-Provence, organisées par le Cercle des Économistes wwww.pourleco.com L’ÉQUIPE Directeur de la publication: Frédéric Mériot Éditeur: Pour l’Éco, société par actions simplifiée au capital de 100000€, RCS Paris 841 862 865, dont le siège social est sis 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, contact@pourleco.com Président de la société Pour l’Éco: HUMENSIS (S.A. au capital de 523 575,45 €, siège social: 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, RCS PARIS 791 917 230, Directeur général: Frédéric Mériot). Associé unique de la société Pour l’Éco: Financière PLECO (société par actions simplifiée, siège social: 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris, Président: HUMENSIS). RÉDACTION Rédacteur en chef: Stéphane Marchand stephane.marchand@pourleco.com Rédactrice en chef adjointe: Julie Desrousseaux Responsable éditorial web: Clément Rouget Rédactrices: Cathy Dogon, Audrey Fisné-Koch Conception-maquette: Julien Josset Secrétaire de rédaction: Muriel Foenkinos Ont contribué à ce numéro: Nacim Baouche, Stéphanie Bascou, Nicola Borri, Juliette Chaignon, Agathe Cherki, Lucile Chevalier, Yann Coatanlem, Aude David, Émilie Coste, Marie Desbuquois, Elsa Ferreira, Antoine Landrot, Arnaud Murati, Anne Neymann, David Ngonga, Marine Pataillot, Gérard Pehaut, Martine Peyrard-Moulard, Michel Poiccard, Martial Poirson, Manuel Quinon, Gilles Rapaport, Richard Robert, Érik Tartrais, Mélanie Tavernier, Ariane Tichit, André Zylberberg. Conception et réalisation de la couverture: Agence Josiane Marketing et partenariats : Directrice marketing: Sabine Aguera Sabine.aguera@pourleco.com Responsable marketing digital: Frédéric Chevalier Frederic.chevalier@pourleco.com Cheffe de produit marketing: Natacha Zylberman Natacha.zylberman@pourleco.com VENTES AU NUMÉRO Distribution MLP. Gestion des quantités et de la promotion: À juste Titres Contact Julien Tessier : 04 88 15 12 42 Dépositaires et diffuseurs : réassorts et quantités sur www.direct-editeurs.fr ABONNEMENTS Tarif formule 100% MAG: 49€ Tarifs autres formules, Étranger et Drom-Com: consulter le Service Clients. Tarifs réservés aux enseignants, classes et étudiants: consulter le Service Client. 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POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022|7 CONCRÈTEMENT STORY D'ÉCO Covid, sécurité, cachets, concurrence: un festival de défis pour Les Eurockéennes P36 Enquête sur les conditions chaotiques d’une reprise d’activité VU DANS L’UE Sur le droit à polluer, le Parlement européen zigzague P42 Les négociations ont viré au psychodrame en juin, plombant au passage le projet de taxe carbone aux frontières UN PRIX À LA LOUPE Combien ça coûte un timbre? P44 INCLURE Au Sénégal, cette innovation qui a commencé par un pot de yaourt P46 Reportage dans un pays en pleine transition où science et technique incluent de plus en plus les usagers pour coconstruire avec eux des politiques efficaces ENTREPRISE À HAUT RISQUE Société Générale : la banque de pointe est devenue une cible P48 Depuis l’affaire Kerviel, la troisième banque française enchaîne les difficultés et les réductions de coûts L’ŒIL FINANCIER 2022, année molle pour les bonus P51 L’ERREUR DU DÉCIDEUR Comment un recrutement accéléré peut faire… perdre du temps P52 DANS LA BOÎTE C’est l’histoire d’un salarié qui avait plusieurs employeurs P54 Décryptage du système méconnu de Travail à temps partagé HISTOIRE D’UN COUAC Boeing, géant des airs cloué au sol P56 CROCHET DU DROIT Barème Macron, la saga P57 Chaque mois, les applications du droit en économie décryptées par deux enseignantes FUTUR ÇA VA TANGUER Automobile: la dangereuse tentation du « tout-luxe » P58 Une offre réduite de voitures vendues plus cher: l’équation est séduisante pour les constructeurs Mais elle va à contre-courant de la demande AU-DELÀ DE LA TECH Ces séries qui égratignent les licornes P61 Les destinées de WeWork, Uber et Therano racontées dans trois fictions LE JOB Chef de station traitement des eaux usées P62 COIN DES CHERCHEURS LE PENSEUR SUR LE GRIL L’anthropophagie pour se moquer de l’économie P64 L’EXPÉRIENCE Avec les 35 heures, les cols bleus ont pris des kilos P66 SOCIO-LOGICS Les « écoles de pensée », freins ou stimulants pour la connaissance ? P68 RÉTRO-ÉCO L’instabilité des matières premières, cancer à répétition de l’économie P70 CHRONIQUE DES IDÉES REÇUES En augmentant les taux d’intérêt, la BCE va casser la croissance P72 Eh non! En réalité, la hausse des taux restera inférieure à l’inflation L’ÉCO DES LIVRES La sélection de la rédaction P73 À VOUS DE JOUER Testez vos «éconnaissances» P74 Sur le vif|C’est vous l’économiste 8|POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022 Source:FranceAgriMer,d’aprèsKantarWorldPanel «R asleboldestaxes»; « la vie est suffisamment chère en ce moment»; «la viande doit être un produit non pas premium, mais au contraire, accessibleàtous»…L’idéed’augmenterle prix de laviande, en particulieren période d’inflation, est fortement rejetée par une minorité d’abonnésdePourl’Éco. Baisse insuffisante Face à cette hostilité compréhensible,lesfaitssonttêtus.Touslesexperts s’accordent surce point: impossibledetenirnosengagements climatiques sans diminuer fortementlaquantitédeviandedansnos assiettes. L’enjeu n’est pas neutre; l’élevage est à l’origine de 15% des émissions de gaz à effet de serre. Unsteakenémetautotal27kg.Et ce n’est pas le seul problème écologique: la production d’un kilo de bœufnécessite aussi 13500 litres d’eauet10à25kgdecéréales.Avec une conséquence non négligeable surladéforestation–70%delasurSurson compte Instagram, Pourl’Écovous aposé laquestion. Nos lecteurs et lectrices sont divisés.Après notre éclairage, quel seravotre avis ? « Pour sauver le climat, faut-il taxer plus la viande ? » faceagricolemondiale est utilisée pour le pâturage du bétail et la production de céréales pour le nourrir. C’est simple: «Si toute l’humanité adoptait notre régime alimentaireoccidentalàbasedeviande,il nous faudrait quatre planètesTerre» explique Lionel Ragot, professeur d’économie à l’Université Paris Nanterre. «Labonnenouvelle,c’est qu’ilyaunchangementdecomportement depuis 15-20 ans, notammentdanslapopulationlaplusaisée, oùl’onconsommemoinsdeviande, maiscettetransitionrestebeaucoup trop modeste.» La consommation nediminuepasassezvite.En2000, elle était de 88 kg paran parhabitant. En 2019, dernière année de référencepré-Covid,elleatteignait encore86,2kg. Le poulet s’envole Autre argument en faveur d’une taxation renforcée, « l’effet prix » fonctionne:plusc’estcher,moinson consomme. Si levolume consommé global n’a que peu diminué, le contenu carné de nos assiettes a malgrétout été bouleversé depuis ledébutduXXIe siècle.Lesviandes bovines,plusonéreusesetdontles prixontaugmentéplusrapidement quel’inflation,ontvuleurconsommationdécroîtrerapidement,tandisquecelledepoulet,moinscher, adoublé.Cechangementcacheune nouvelle réjouissante pour l’environnement:lavolailleémetquatre foismoinsdeCO2 quelaviandebovine. La mise en place d’un prix du carbone, en augmentant plus fortement le prix d’un steak que celui d’un nugget, renforcerait encore cette incitation à se tourner vers les viandes les moins émettrices de CO2 . Et ce, sans rendre prohibitive une consommation à laquelle lesFrançaisnesontpasprèsderenoncer:89%d’entreeuxdéclarent ainsi aimer la viande et seuls 2% s’en passent complètement, selon uneétudeFranceAgriMer. POURALLERPLUSLOIN Sur pourleco.com «Combien ça coûte, un steak? » et « Sera-t-il possible de continuer de se nourrir comme aujourd’hui?» Clément Rouget Vous voulez participer au prochain sondage ? Rejoignez nos 20 000 abonnés sur le compte Instagram @pourleco OUI 54% NON 46% 18 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 240 220 200 180 160 140 120 100 17 16 15 14 13 12 €/kg 1000 t Prix Quantité Recul des achats de viande bovine fraîche en volume dans un contexte de progression des prix Regard éco|Sur le vif POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022|9 Pour les locataires, une hausse des loyers de plus de 5% est à prévoir d’ici fin 2022. Loyers : la périlleuse tentation du gel A vec une inflation qui frôle les 5 % sur un an, le pouvoir d’achat des Français ne cesse d’être grignoté et pour les 40 millions de Français locataires, la facturerisquedes’alourdiraveclafuture hausse des loyers. Leur prix suitl’Indicederéférencedesloyers (IRL) calculé chaque trimestre par l’Insee en fonction de l’évolution des prix à la consommation. Le mécanisme est simple: lorsque l’inflationestlà,l’indicemonte.Celui-cis’établità133,93aupremier trimestre 2022, ce qui représente unehausseannuellede2,5%,une augmentationquipourraitdépasser5% d’ici la fin de l’année, selon certainesestimations. Concrètement, si votre loyer est aujourd’hui de 500 euros, il pourrait tendrevers les 525 euros d’ici fin 2022. Cette hausse est d’autant plus inquiétante que la part du budget des ménages allouée au logement est passée de 20 à 28,5%entre1990et2020etqu’il représentelepremierpostededépenseschezlesplusmodestes,loin devant l’alimentation et les transports.Diversesvoixavancentl’idée de mettre en place un gel des prix duloyer.Souventmiseenavanten période de crise, la fixation parles pouvoirs publics d’un prix maximum autorisé –un prix plafond– apparaît comme une solution séduisante. Parc dégradé Derrièresonapparentesimplicité, cettemesure,enplusd’êtreinefficace, présenterait toutefois, selon certains économistes, de nombreux effets pervers. Pour comprendrecequipeutdysfonctionner quand un prix plafond est mis en place, imaginons un marché immobilier fictif sur lequel s’offrent et se demandent des biens en location. Sans régulation des prix, le loyer –d’équilibre– serait de 750 euros par mois. Supposons maintenant que les prix soient encadrés par les pouvoirs publics et que le prix plafond –prix maximal autorisé– soit de 600 euros. Dans cette situation, davantage depersonnesseraientdisposéesà louer des biens alors que les propriétaires,eux,seraientmoinsenclinsàproposerleurbienàlalocation. La recherche d’appartement estalorsrendueplusdifficileparla pénuriedelogements. À Göteborg, deuxième ville suédoise, où les loyers sont encadrés, ilfautattendresixansenmoyenne pouraccéderàunnouvelappartement.Maiscen’estpastout.Faceà une baisse de la rentabilité de leur investissement, les propriétaires sont aussi moins incités à rénoveretàentretenirleurbiendontle coût d’entretien, corrélé aux prix des matières premières, s’envole. S’échangeraient alors, sur le marché immobilier, des logements de mauvaise qualité. Certains locataires seraient pourtant prêts à payerunloyerplusélevépouravoir de meilleures conditions de logement, mais un tel échange serait impossible. Si le gel des loyers s’avère inopérant, d’autres solutions sont envisageables, par exemple l’augmentation des aides au logement ou la construction massive de logements sociaux, mais ces solutions soulèvent l’épineuse questiondeleursfinancementsl Mélanie Tavernier, professeure de SES ©iStockphoto/coldsnowstorm Chaque mois, le point de vue d’un(e) économiste sur l’actualité La mesure semble simple et juste. En réalité, elle est largement inefficace et enclenche de nombreux effets pervers. Face à l’inflation, d’autres solutions sont préférables. ©DR 10|POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022 Sur le vif|Dans le labo Cobalt, aluminium, lithium… Les métaux sont indispensables à latransition énergétique de l’UE. Problème: elle pourrait en manquer, comme le montre une étude d’une équipe de l’Université de Louvain (Belgique). Liesbet Gregoir, son autrice principale, géologue de formation et ingénieure, revient, entre autres, sur le risque de pénuries et le manque d’investissement des 27. Propos recueillis par Audrey Fisné-Koch Pourquoilesmétauxsont-ilssiimportantspourlatransitionénergétique? Liesbet Gregoir: Pour décarboner, nous devons obtenir de l’énergie propre via le vent, le soleil, l’eau. Mais pour capter et stockercetteénergie,nousavonsbesoin d’éoliennes,depanneauxsolaires,debatteries,d’hydrogène…Toutescestechnologiesnécessitentdesmétaux(aluminium, lithium,cobalt,silicium,etc.)qu’ilfautexploiter.D’autantqu’àl’avenir,l’UEprévoit defabriquerceséoliennes,panneauxsolairesoubatteriessursonterritoire.Mais l’Europepourraitrencontrerdesdifficultés pour obtenir les métaux, particulièrement surles 15 prochaines années, et celaneseraitpassansconséquencessur sasouveraineté. Oùenestl’UEaujourd’hui? L’Europelesimportelargement(deChine et d’Asie). Dans notre étude, nous évaluons les besoins en différents métauxnécessairesàlafabricationdestechnologies (éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques). En les additionnant, nous avons pu calculer la quantité de chaque produit dont l’Europe a besoinpourrendrepossiblecettetransition énergétique: 35 fois plus de lithium, 26 foisplusdeterresrares,deuxfoisplusde nickel,33%d’aluminiumenplus…Nous avonstendanceàsurestimerlepotentiel del’exploitationminièreenEurope.Nous ne cherchons pas de nouvelles mines et lesproduitsdebasequenousexploitons déjà sont en déclin. D’après nos estimations, l’exploitation sur le continent de touteslesmatièrespremièresdevraitdiminuerd’icià2030. AveclaguerreenUkraine,lesEuropéens sesontrenducompteducoûtdeleurdépendanceénergétiqueàl’égarddelaRussie et de leur aveuglement. Quand vous êtes dépendant et que votre partenaire n’estplusfiable,vousvousretrouvezsans ressources. L’autonomie stratégique est maintenant prioritaire dans l’agenda des dirigeants politiques. Si nous nevoulons pas remplacer notre dépendance aux combustiblesfossilesparunedépendance auxmétaux,l’Europedoitagirmaintenant. Sinon,demain,ceneseraplusdelaRussie, maisdelaChinedontondépendra.Eten casdelitige,notresystèmeénergétiquese retrouvera mis à mal. L’importation n’est pasunproblèmeensoi,maisilfauttrouver plusieurs partenaires fiables et surtout, ne pas placertous nos œufs dans le mêmepanier. L’Europe investit-elle suffisamment pourreleverledéfi? L’UE a de grandes ambitions pour les technologiesetadéjàmisdel’argentsur latable(projetsdebatteries,initiativesen matièred’énergiesolaire,feuillederoute sur l’énergie éolienne…). MalheureusePour les métaux, l’Europe a le choix : dépendre de la Chine ou… creuser ©AdamDean/PANOS-REA POUR L’ÉCO JUILLET-AOÛT 2022|11 ment,sesinvestissementssontconcentrés sur l’aspect technologique, c’est-àdiresurladernièrephaseduprocessus. Les Européens, et c’est regrettable, négligent les phases en amont: l’exploitation minière et la fabrication du métal. Dans ce domaine, la stratégie politique est confuse et les investissements ne sont pas réalisés. Les dirigeants politiques ont une grande responsabilité et doivent choisir, en toute transparence,ladirection à prendre. Cela permettrait aussi d’attirer les investisseurs et de gagner lesoutiendupublic. L’exploitation minière est souvent vue d’un mauvais œil. Bien sûr, il y a un impact environnemental et un impact social que nous ne devons pas minimiser. Néanmoins, parmi les détracteurs, on entend souvent ce discours: «Après avoir extrait du charbon, on veut extraire dulithium.C’estpeut-êtrepire!».Dansles faits, il ne faut que 45 à 75 millions de tonnesdemétauxpourremplacer…huit milliardsdetonnesdecharbon:c’esttout demêmeplusde100foismoins! Lespénuriesetl’augmentationdesprix sont-ellesinévitables? Sans doute. Mais cela dépendra de plusieurs facteurs, parmi lesquels lavitesse à laquelle l’Europe et le monde enclencheront réellement la transition. Nous allons décarboner notre économie et il y a un certain nombre de matières premières pour lesquelleslaprojection de la demande est aujourd’hui supérieure au potentiel minier, de quoi alimenterune hausse des prix. Et du côté de l’offre, l’industrie est très lente. Un certain nombre de projetssontannoncés, mais développerune nouvelle mine prend beaucoup de temps. Il existe un vrai risque que cette lenteurde développementgénèredespénuries.Iln’yapourtantpasd’inquiétudeàavoirsurlaquantité de métaux dans le sol européen. En réalité,cequiencourageraitvéritablement les industriels à accélérersurces projets, ceseraitdesprixplusélevés. L’autosuffisance européenne est-elle possible? En augmentant le nombre et la taille de nosexploitationsetaveclerecyclage,d’ici 2050,nouspourrionsatteindreunniveau d’autosuffisancetrèsélevé.Maispourcela, nousdevonscommenceràagirdèsmaintenant. Nous devons être réalistes, l’Europe n’a pas les mêmes ressources que l’Amérique du Sud, l’Afrique ou le Canada,parexemple.Nousdevronsnécessairementimporter. L’Europe atoutefois un certain potentiel minier.Etdonc,mêmes’ilestlimité,nous pouvons l’extraire. Nous pourrions fournir 55% de la demande européenne en lithiumd’icià2030.Pourlesterresrares, celapourraitallerjusqu’à80%.Lerôledu recyclage est aussi majeur: entre 40% et 75% de nos besoins pourraient être couverts en recyclant les métaux. Pour le lithium, nous avons calculé que 75% pouvaientêtrerecyclés.Résultat:sivous exploitez parexemple les 25% restants avecvosmines,vousêtesautosuffisantsl En les additionnant, nous avons pu calculer la quantité de chaque produit dont l’Europe a besoin pour rendre possible la transition énergétique. Mine de nickel de Prony en Nouvelle-Calédonie SES TRAVAUX L’étude “Metals for Clean Energy : Pathways to solving Europe’s raw materials challenge”, menée avec plusieurs experts de l’Université de Louvain, en Belgique, a été publiée en avril 2022. Elle évalue les besoins en métaux de l’Europe pour réaliser sa transition énergétique.
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