LE FANA DE L'AVIATION n°663 - Page 4 - 663 60 Accidenté sur un terrain reculé au Cambodge le 18 juin 1993 Il faut sauver le soldat “Transall” On n’abandonne jamais ses blessés, affirme la Légion étrangère. L’armée de l’Air le prouve avec un “Transall”. 70 Qui se souvient de Georges Payan? Sur les traces d’un Breguet 14 et de son pilote Enquête sur un pilote et son avion disparus il y a 100 ans. 78 Ce jour-là… 22 et 23 février 1945 Opération Clairon Pour qui sonne le glas Deux jours pour bloquer tous les trains en Allemagne en février 1945. 80 Maquettes Assembler des maquettes, un sport d’hiver. 4 Actualités 10 Courrier 12 Livres 13 Abonnements 18 “The Jug” Indestructible P-47 Vous pouvez faire des trous dedans, le brûler, le frapper, rien n’y fera. Les pilotes de P-47 vous racontent pourquoi leur avion les ramena (presque) toujours à leurs bases. 32 Les trésors du musée de l’Air et de l’Espace Dix moteurs pour le Dassault “Mirage” IIIV 01 Il fallait au moins ça pour défier la pesanteur et faire décoller à la verticale un “Mirage” III. 40 Stinson L-5B Ambulance volante Rencontre dans le ciel avec un transport de blessés qui se porte à merveille, le Stinson L-5B. 48 Le chasseur “Eindecker” La légende du “fléau Fokker” Ce monomoteur sema la terreur dans le ciel en 1914. Mais qu’en est-il vraiment? Rejoignez Le Fana sur Facebook Espace Clichy, immeuble SIRIUS 9, allée Jean-Prouvé. 92587 CLICHY CEDEX E-mail : redac_fana@editions-lariviere.com PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SURVEILLANCE Patrick Casasnovas PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE Sophie Casasnovas DIRECTEUR GÉNÉRAL Frédéric de Watrigant DIRECTEUR DE LA PUBLICATION ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : Patrick Casasnovas ÉDITEUR : Karim Khaldi RÉDACTION Tél. : 0141403422 Rédacteur en chef : Alexis Rocher Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal Rédacteur graphiste : François Herbet, Secrétaire de rédaction : Antoine Finck Secrétariat : Nadine Gayraud SERVICE DES VENTES (réservé aux diffuseurs et dépositaires) Jennifer John-Newton Tél. : 0141405695 IMPRESSION : Imprimerie Compiègne. Avenue Berthelot 60200 Compiègne. Papier issu de forêts gérées durablement. Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 63 %. Certification : PEFC/EU ECO LABEL. Eutrophisation : 0,003 kg/tonne. 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À propos du P-47, nous parlons de bulldozer, mais nous aurions pu aussi évoquerun“charvolant”,untracteur,bref, plonger dans le dictionnaire des synonymes d’“incassable”. Donc une réputation au programme, et une bonne. Plus d’un avion se voit revêtu ainsi d’une réputation, la plupart du tempsaussicollantequ’unchewing-gumàune chaussure. Dans certains cas c’est la mauvaise réputationchèreàGeorgesBrassens.Rappelez-vouscelle,exécrable,duF-104 “Starfighter”. Bonne ou mauvaise, à chaque fois il convient de dépasser les lieux communs. Avec le P-47, nous faisons parler les chiffres, et surtout nous cherchons ce que les pilotes en pensaient. Nous vous laissons le plaisir de découvrir pourquoi le P-47 mérite sa (bonne) réputation… Je vous souhaite une bonne lecture. Le Fana ALEXIS ROCHER sur La réputation… SMITHSONIAN INSTITUTION Le solide P-47 ramène toujours son pilote… 4 ACTUALITES Les premiers avions installés dans Aeroscopia il y a 10 ans. Déjà 10 ans pour Aeroscopia! Le 14 janvier dernier, Aeroscopia a marqué ses 10 ans de fonctionnement. Le musée, installé juste en face des chaînes de montage d’Airbus, poursuit l’aventure commencée en 2014 avec pas moins de 238000 visiteurs en 2024, une année record selon Manatour, la société délégataire de service public en charge de sa gestion. Aeroscopia fut financé par le Grand Toulouse, Airbus, le conseil régional et le conseil général, l’État par le biais du Fonds d’aménagement, Aérotech, et la ville de Blagnac, qui accueille l’établissement. Celui-ci accueille des expositions permanentes proposées par des associations comme Aérocherche, Spot’air, Aérotech ou Cap Avenir Concorde, mais aussi des industriels comme Airbus ou ATR. Une partie des avions exposés appartiennent et sont entretenus par les Ailes Anciennes qui sont installées juste à côté. Aeroscopia c’est désormais 37000 m2 de surface d’exposition et 42 aéronefs. Le nombre des avions exposés s’est étoffé depuis l’ouverture, avec l’arrivée de l’A320, de l’A340 et de l’A380, ce dernier pouvant même se visiter. Dix ans après son ouverture, Aeroscopia est un incontournable pour tous les passionnés qui passent par Blagnac. Tout au long de l’année, les équipes du musée vont célébrer ce 10e anniversaire. À chaque période de vacances scolaires, des animations sont organisées autour d’une thématique : historique en février, âmes d’enfants à Pâques, ou rêves de vol pendant l’été. Le prochain grand événement sera dédié au mythique Concorde : “Nous organisons le premier week-end de mars notre “Weekend Concorde, monument historique.” Avec à la fois des conférences pour les passionnés, mais aussi des quiz et des visites pour le grand public, les familles”, précise Coline Cabouret, responsable de la programmation culturelle et de la médiation au musée.Autant de raisons de venir et revenir visiter Aeroscopia. MAIRIE DE BLAGNAC Le musée propose des “visites contées” pour les enfants. AEROSCOPIA En bref Une fameuse “Alouette” III Marine vole désormais en collection Ce 23 décembre, l’association Les Anciennes Pales a procédé au premier vol après restauration de l’Aérospatiale SA-316B “Alouette” III n° 2358, ex-matricule 358 de la Marine nationale. Elle porte toujours la livrée qui était la sienne au sein la flottille 22S et est désormais immatriculée F-AYHT sur le registre du CNRAC (Certificat de navigabilité restreint d’aéronef de collection). La 358 est la première SA-316 immatriculée CNRAC. Elle avait été récupérée en mars dernier sur la base de LanvéocPoulmic, où elle était entreposée après avoir été retirée du service actif le 9 décembre 2022. À bord des porte-avions, d’abord Clemenceau et Foch, puis Charles de Gaulle, la 358 assura, entre autres, la mission de “Pedro” pour la sûreté des opérations aériennes. Comme l’“Alouette” II Marine “Caddie” n° 163, elle intégrera la flotte de Cocardes Marine, association dont Les Anciennes Pales est membre. Le “Transall” R211 exposé au musée des paras de Pau À la mi-décembre,les mécanos de l’association Générations Transall ont remonté en un temps record le“Transall”R211 au musée des paras de Pau,après un transfert depuis l’aéroport à travers champ et avec cinq grutages! Le fuselage et la section centrale de l’aile avaient en effet été transportés le 25 septembre dernier jusqu’au musée mémorial des Parachutistes,dédié à l’histoire des parachutistes français, situé à l’Etap (École des troupes aéroportées),à Pau. En ce début d’année,les mécaniciens de GénérationsTransall remontent le“Transall”R5 au sein du 1er RTP (régiment du train parachutiste) àToulouse. Par ailleurs,GénérationsTransall a pour ambition de faire voler à nouveau cette année les“Transall”R204 (photo ci-dessous) et R226 en tant qu’avions de collection. Le Philippine Mars au décollage de sa base de Sproat Lake. Le N5323N au décollage de Keiheuvel. Convoyage vers Tucson retardé pour le Philippine Mars Un PT-17 de plus en France Le 11 décembre, l’avion historique Martin JRM “Mars” Philippine Mars a commencé son voyage depuis Sproat Lake, à Port Alberni, vers Tucson, en Arizona. Le plan prévoyait une escale à San Francisco puis de longer la côte californienne jusqu’à San Diego pour des événements spéciaux et des séances de photos. De là, le Philippine Mars se serait ensuite rendu jusqu’à Tucson où, à son arrivée, il aurait été soigneusement démonté et transporté jusqu’au Pima Air & Space Museum. Mais, le 11 décembre, peu après avoir décollé, le Philippine Mars est revenu se poser à Sproat Lake, du fait de problèmes sur un moteur. Le Philippine Mars a de nouveau décollé le 15 décembre 2024, mais n’est pas allé loin : il s’est posé à Patricia Bay, à Victoria, un amerrissage de précaution après avoir rencontré des problèmes sur le moteur n° 4. Le 10 janvier, l’avion a été rapatrié en vol jusqu’à la base de Sproat Lake; là, les mécaniciens de Coulson Aviation ont remplacé le moteur n° 4 par un autre en état de marche récupéré sur son avion jumeau, le Hawaii Mars, exposé depuis quelques semaines au British Columbia Aviation Museum. Le Hawaii Mars fournira deux moteurs supplémentaires pour permettre au Philippine Mars de reprendre le voyage vers sa destination finale. Le 3 janvier dernier, le Boeing Stearman N5323N s’est posé à Melun-Villaroche, en provenance de Keiheuvel, en Belgique.Aux commandes se trouvait Baptiste Salis, qui l’a convoyé en vol pour son nouveau propriétaire Pierre Martel. PASCAL PETITGENET GÉNÉRATIONS TRANSALL GÉNÉRATIONS TRANSALL DR JAN MANGELSCHOTS 6 MUSÉE DE L’AIR ET DE L’ESPACE - PARIS-LE BOURGET/FRÉDÉRIC CABEZA ACTUALITES Ci-dessus, maquette du Pigeon de Cayley de 1843 à l’échelle 1/10 par Louis Helbringer, 1955. Pilote de la Sécurité civile avec jumelles à vision nocturne. Flight, ou tout sur le vol au musée de l’Air et de l’Espace Le musée de l’Air et de l’Espace propose avec Flight une grande exposition consacrée au vol. Vaste sujet! L’idée consiste à expliquer comment on vole et qui se livre à l’exercice de l’évolution dans les airs. C’est bien sûr l’occasion de se pencher sur le règne animal avec pour commencer les grands ancêtres sous la forme des insectes il y a environ 350 millions d’années. Arrivent ensuite les dinosaures. Un spectaculaire Deinoychus avec ses plumes exposé à l’échelle 1 vous donne une très bonne idée des conquérants du ciel de l’époque. Hatzegopteryx évoluait dans les airs du crétacé supérieur avec pas moins de 10 m d’envergure! Viennent plus tard les oiseaux et enfin les mammifères, avec les chauves-souris, et pour finir l’homme. Mais comment voler? L’exposition vous l’explique avec des exemples pratiques. Les visiteurs sont invités à se lancer dans des expériences qui permettent de comprendre les phénomènes aérodynamiques, la propulsion. Ils peuvent se livrer à une compétition d’avions en papier pour appliquer les différents concepts étudiés auparavant. L’exposition revient sur les recherches des pionniers et la façon dont ils se sont inspirés de la nature, l’exemple le plus marquant étant bien sûr Clément Ader avec la chauve-souris. De superbes photos du peintre de l’Air Rémy Michelin qui mettent côte à côte avions et oiseaux illustrent à merveille cette idée. Le condor et le planeur sont les rois du vol plané, tandis que le faucon pèlerin et le Concorde dominent en matière de vitesse par exemple. Conçue en partenariat avec l’Institut royal des sciences naturelles de Bruxelles en Belgique, l’Universum de Brême en Allemagne et le Parque de las Ciencias de Grenade en Espagne, Flight marque la première halte de son itinérance au Bourget. L’exposition présente une sélection de pièces issues des collections patrimoniales pour mieux comprendre la mécanique du vol : moteurs, hélices, instruments… mais aussi des objets témoins des plus récentes innovations en matière d’aviation. Le visiteur peut se pencher sur des maquettes volantes des machines de Clément Ader nouvellement acquises, des objets restaurés et exceptionnels comme la voilure d’origine de la pâle de l’hélicoptère d’Etienne Oehmichen, inspirée des ailes d’insectes, et des archives, plans, images fixes et animées, documents témoignant de la diversité des recherches. Globalement le visiteur trouvera une exposition très didactique qui permet aux poussins d’avoir une perspective globale et aux moustachus de revenir sur les fondamentaux. Exposition Flight, du 17 décembre 2024 au 27 juillet 2025, musée de l’Air et de l’Espace, Le Bourget. Entrée de l’exposition comprise avec celle du musée. RÉMY MICHELIN 7 En bref Exposition Air France à Toulouse L’Envol des Pionniers consacre à Toulouse une exposition sur Air France. Plus de 170 objets rares, dont une quinzaine d’uniformes portés par les personnels navigants et des maquettes d’avions mythiques sont à voir sur 300 m2 de surface d’exposition. L’occasion de redécouvrir la relation forte qui unit Toulouse à la compagnie aérienne, au cœur des bâtiments historiques exploités par Air France pendant 70 ans. Du 12 février au 12 février 2027. Aviation et cinéma à La Ferté-Alais les 7 et 8 juin La fête aérienne annuelle de l’Amicale Jean-Baptiste Salis, Le Temps des Hélices, aura lieu sur le plateau de Cerny, à La Ferté-Alais, les 7 et 8 juin, lors du week-end de la Pentecôte. L’affiche, de nouveau réalisée par Romain Hugault, montre clairement que le thème sera cette année l’aviation et le cinéma. Claude Foucher aimait à partager son vécu aéronautique avec toutes les générations. Disparition de Claude Foucher Début décembre, nous avons appris avec tristesse la disparition de Claude Foucher. Collaborateur régulier du Fana de l’Aviation, il est l’auteur notamment des articles “Biscarosse, cimetière des hydravions géants d’Hitler” dans le n° 324, ou “Du mousqueton au missile - l’évolution de l’armement de bord des avions” dans le n° 364. Il venait nous rendre visite de temps à autre et nous avait raconté une partie de sa vie :“Lorsque je suis revenu du service militaire en février 1958, je suis entré à Nord Aviation où j’ai été affecté au “Coléoptère” à l’atelier A12 (protos). Le travail sur la voilure du “Transall” avait commencé.Après la livraison du “Coléoptère” fin 1959, j’ai été muté au labo statoréacteur; il y avait la reconstitution du circuit carburant du “Griffon” avec la pompe à engrenage entraînée par un moteur électrique, le régulateur de débit jusqu’aux grilles d’injection du carburant qui crachaient dans des cuves, évidemment sans allumage! Tout cela commandé par une manette, genre manette des gaz; André Turcat venait souvent faire des “manips”. Il y avait aussi un banc pour le stato “Véga” et un autre pour les statos du CT41. J’ai travaillé également sur le satellite D2, pour lequel on avait aménagé la première salle blanche à Châtillon. Évidemment, après la formation de la Snias [Société nationale industrielle aérospatiale, NDLR] en 1970, la direction “Avion” de Nord à disparu. Je suis passé aux essais en vol de la direction des “Engins” et affecté au “Roland”. [Je] Devais ensuite poursuivre une longue carrière avec les missiles.” Claude Foucher s’occupa aussi de patrimoine aéronautique, notamment en effectuant des recherches sur un P-47 et un B-17 tombés non loin de chez lui. Il avait cinq ans quand la Deuxième Guerre mondiale a commencé; il l’a vécue à Paris et Melun. Ayant assisté à la capture d’un pilote de P-47 qui avait sauté de son avion en perdition non loin de Sivry-Courtry, il s’était lancé pendant 15 ans sur les traces du héros, avait reconstitué la mission et avait fini par exhumer quelques morceaux de l’épave du chasseur que pilotait le 12 juin 1944 le captain John C. Ramsay. Lors de l’inauguration de la stèle sur le site, route de Sivry à Fontaine-le-Port, en mai 1997, la fille de John Ramsay était présente et s’était vue remettre le parachute de son père… des mains du fils du fermier venu en aide au pilote! Passionné par les avions de la Deuxième Guerre mondiale, Claude Foucher l’était aussi par les Jeep et montait tous les ans des expositions sur le thème de la Libération à partir de ses archives. Claude Foucher était par ailleurs président du musée de l’Aviation de Melun-Villaroche. CLAUDE FOUCHER L’ENVOL DES PIONNIERS DR 8 ACTUALITES Ci-dessus, la reconstitution graphique 3D des trajectoires des avions durant les quelques secondes qui ont précédé l’accident, réalisée par le NTSB. Une direction des vols déficiente mise en cause dans le drame de Dallas Le NTSB (National Transportation Safety Board), l’équivalent américain du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), a rendu public dans le courant du mois de décembre dernier son rapport final concernant le catastrophique accident survenu durant le Wings Over Dallas Airshow le 12 novembre 2022, à Dallas, au Texas. Ce jour funeste, le Bell P-63F “Kingcobra” matricule 43-11719, immatriculé N6763, avait percuté en vol le Boeing B-17G “Flying Fortress” immatriculé N7227C et baptisé Texas Raider. Ni Craig Hutain, le pilote du P-63F, ni l’équipage du B-17, composé de Len Root, Terry Barker, Curtis J. Rowe, Kevin Michels et Dan Ragan, n’avaient survécu (lire Le Fana de l’Aviation n° 637). Dans ce rapport de 94 pages, le NTSB explique que la cause probable de l’accident est “[…] l’absence d’un plan adéquat et préalable de séparation des avions pré-briefé par le directeur des vols et l’organisateur de l’airshow, qui se sont appuyés a contrario sur des directives de déconfliction émises en temps réel par le directeur de vol et sur une stratégie “voir et éviter”, ce qui a engendré la perte de séparation entre les avions Boeing B-17G et Bell P-63F.” Le NTSB fournit sur la page Internet consacrée à ce rapport un enregistrement des échanges radio, dans lequel on entend le directeur des vols, Russell Royce, littéralement “micromanager” à la radio les bombardiers et les chasseurs impliqués dans le tableau. Ce qui n’a pas manqué d’étonner plus d’un directeur des vols européen; cette façon de faire n’a pas du tout cours dans les grands spectacles aériens européens, dans lesquels les plans de déconfliction – c’est-à-dire l’ensemble des mesures de sûreté permettant de prévenir tout conflit de trajectoire entre deux avions – sont établis en amont et exposés lors du briefing qui précède le spectacle aérien. Le NTSB souligne également : “Un autre facteur de cause était la capacité réduite des pilotes de l’accident à voir et à éviter les autres aéronefs en raison de la géométrie de la trajectoire de vol, de l’obscurcissement par les structures de l’aéronef de la vue par la fenêtre [pour le pilote du P-63, NDLR], des exigences d’attention associées à l’accomplissement du spectacle aérien et des limites inhérentes aux capacités humaines, qui peuvent rendre difficile la vision d’un autre avion. A également contribué à l’accident l’absence de directives de la Federal Aviation Administration (FAA) à l’intention des directeurs des vols et des organisateurs de spectacles aériens concernant l’élaboration de plans et la réalisation d’une évaluation des risques garantissant la séparation des aéronefs qui ne font pas partie d’une séquence de manœuvres approuvée, ainsi que celles d’exigences et d’orientations concernant l’évaluation périodique des directeurs des vols et la surveillance directe de leurs performances.” 9 En bref Le dernier des “Pathfinders” du Jour J s’est définitivement envolé Le lt-col. David Hamilton, le dernier pilote survivant des 20 pilotes “Pathfinder” qui, aux commandes de leurs C-47, parachutèrent les éclaireurs des 82nd et 101st Airborne sur la Normandie aux toutes premières minutes du 6 juin 1944, est décédé ce 5 janvier, à l’âge de 102 ans. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, le (alors) 1st lt Hamilton pilotait le C-47 matricule n° 43-15330, numéro à la craie (chalk) 14 du Serial (groupe) 6, et largua des parachutistes “Pathfinders” de la 82nd Airborne Division à 2h02 sur la drop zone T. Un ancien “Corsair” de l’Aéronautique navale en travaux chez Midwest Aero Restoration Le Vought F4U-7 “Corsair” BuNo 133710 immatriculé N965CV du collectionneur américain John O’Connor, qui avait subi de lourds dommages lors d’une tentative de décollage ratée depuis l’aéroport du comté de Jerome (KJER), à Jerome, dans lIdaho, le 14 mai 2019 (photo cidessus), est arrivé en fin d’année dernière dans les ateliers de Midwest Aero Restorations, à Danville, dans l’Illinois. L’essentiel des dommages à la cellule a été réparé dans un autre atelier et la société de Mike Vadeboncœur a pour mission de remettre le warbird en ordre de vol. AirVenture 2025, save the date! La grande messe annuelle de l’aviation de loisir américaine, AirVenture, organisée par l’Experimental Aircraft Association (EAA) aura lieu cette année à Oshkosh, dans le Wisconsin, du 21 au 27 juillet. Pour y assister, plus d’informations sur www.lariviere-voyages.com Extraite d’une vidéo, cette image montre le P-63 une seconde avant qu’il ne percute le B-17. Le NTSB a émis cinq recommandations à l’intention de la FAA, de l’ICAS (Internation Council of Airshow, Conseil international des spectacles aériens) et de la Commemorative Air Force. La FAA a recommandé aux intervenants de l’industrie des spectacles aériens d’élaborer une phraséologie normalisée afin de garantir la clarté et la concision des directives fournies par les directeurs des vols aux pilotes. Ainsi que d’établir des procédures opérationnelles standardisées pour les organisateurs de spectacles aériens et les directeurs des vols, qui incluent l’application de contrôles administratifs efficaces pour garantir la déconfliction des avions d’un spectacle aérien, la réalisation d’une évaluation des risques de sécurité pour chaque représentation et la réalisation d’un rapport quotidien avec débriefing avec retour d’information continu à la FAA et à l’ICAS pour remédier à toute lacune identifiée. Le NTSB a part ailleurs recommandé à la FAA de mettre en place un système d’évaluation récurrente de directeurs des vols et de réviser son règlement afin de fournir des conseils et un outil de travail aux inspecteurs de la FAA qui évaluent leurs performances. Enfin, il a été recommandé à la CAF de concevoir un processus d’évaluation des risques de sécurité pour identifier et atténuer les risques et évaluer régulièrement les tendances afin de faire évoluer les politiques et des procédures spécifiques à l’aspect unique des opérations des spectacles aériens. La Commemorative Air Force a déclaré dans un communiqué qu’elle avait travaillé en étroite collaboration avec le NTSB au cours des deux ans d’enquête et qu’elle avait étudié de manière approfondie des accidents semblables à celui de Dallas afin d’améliorer la sécurité à l’avenir : “La CAF a déjà mis en œuvre bon nombre des recommandations du NTSB pour renforcer son Safety Management System [système de gestion de la sécurité] existant. Nous étudions les informations au fur et à mesure qu’elles nous parviennent et étudions attentivement la manière dont elles pourraient avoir un impact sur nos opérations à l’avenir.” La Commemorative Air Force est le plus important opérateur au monde d’avions de collections, avec 180 machines, pour la plupart datant de la Deuxième Guerre mondiale, réparties dans plusieurs dizaines de filiales, aux États-Unis mais aussi dans d’autres pays dont la France. En novembre 2022, elle tenait pour la septième fois consécutive son meeting aérien annuel Wings over Dallas sur l’aéroport de Dallas Executive, où elle a établi son quartier général en 2016. Le B-17 Texas Raider et le P-63F étaient la propriété de son American Airpower Heritage Museum. Les conséquences de cet accident ne se limiteront pas à ces seules recommandations édictées par le NTSB. La famille de Len Root, qui pilotait le B-17, a en effet porté plainte contre la Commorative Air Force et le directeur des vols pour négligence. Celle de Craig Hutain, le pilote du P-63, a également porté plainte. Les poursuites lancées par les deux familles ont fait cause commune durant le temps de l’enquête préalable, a déclaré Kent Krause, qui représente la famille de Craig Hutain. Les avocats des deux familles ont déclaré se préparer à plaider devant les juridictions concernées en août 2025. NTSB - SOURCE : GARY DANIELS COMMEMORATIVE AIR FORCE DR LE COURRIER Quand un “Tomcat” prend l’uniforme d’un Su-27 en 2000 à Reno… Le “Tomcat” joua le rôle d’agresseur à Top Gun. Une histoire de Farman 2230 Parmi les archives de mon père Georges Lebrun, j’ai retrouvé des documents. À la sortie de Sup’Aéro promotion 1936, il rentra chez Farman où, semble-t-il, sa première attribution fut de travailler sur un projet d’évolution des Farman 220. Le dessin est de sa main, les photos de la maquette (de soufflerie?) comportent au dos la mention 2230. La silhouette est moins archaïque que celle des bombardiers antérieurs, mais l’avion présente une conception déjà dépassée pour l’époque. Le dessin le figure volant semble-t-il au-dessus de la mer; était-ce une version civile ou un patrouilleur maritime à long rayon d’action? À la déclaration de guerre, l’usine Farman de Boulogne-Billancourt fut transférée à Fourchambault (Nièvre) et la direction au casino de Pouguesles-Eaux. Mon père avait été logé dans des conditions précaires dans un hameau de Chaulgnes avec ma mère et ma sœur de 4 mois. Jean-François Lebrun J’ai lu quelque part que le F-14 “Tomcat” joua le rôle de “méchant” à l’école Top Gun. En savez-vous plus? Avez-vous des photos de “Tomcat” jouant les adversaires? Jean-Christophe Barotte En effet, si le “Tomcat” opérait à Top Gun comme “gentil” avec les pilotes des unités de première ligne en formation, il fut aussi employé comme “méchant”, pour simuler en particulier les Sukhoi Su-27 soviétiques. Plusieurs exemplaires reçurent des camouflages imitant ceux des adversaires que les pilotes de l’US Navy pouvaient affronter. Nous en avons parlé dans le dossier du n° 630 consacré à Top Gun. Qui sont les méchants “Tomcat”? 10 Dessin du Farman 2230 par Georges Lebrun. GEORGES LEBRUN DR/COLL. JACQUES GUILLEM DR/COLL. JACQUES GUILLEM Le Farman 2230 se voulait plus moderne que les précédents quadrimoteurs du même constructeur. La maquette du Farman transatlantique 2230. Ce fut à bord d’un Amiot 354 comme celuici que quatre pilotes tchécoslovaques sont partis de France le 18 juin 1940 pour rejoindre la Yougoslavie. Permettez-moi une petite remarque concernant l’article “La famille des bombardiers Amiot 350” dans Le Fana n° 662. Vous mentionnez un équipage tchèque qui disparaît en partant vers l’Angleterre. Selon les sources tchèques, cette histoire est différente. Les aviateurs tchécoslovaques se trouvaient dans une situation extrêmement difficile avant l’armistice. Le 18 juin (et non le 17, selon les sources tchèques), le gén. Vuillemin a visité la base d’Agen et a mis à disposition des aviateurs tchécoslovaques deux avions, un Bloch 210 et un Amiot 354, pour qu’ils puissent gagner la Grande-Bretagne. L’Amiot était endommagé mais les quatre aviateurs (Alois Keda, Jan Irving, Ladislav Malovec et Otakar Zanta) n’avaient aucune autre alternative. Après une courte escale à Toulouse, ils ont continué vers l’Angleterre. Mais en vol, les aviateurs ont décidé de changer de direction pour la Yougoslavie. Cette route leur a semblé moins difficile que le vol vers la GrandeBretagne par une météo défavorable; de plus ils connaissaient les aviateurs yougoslaves de par leurs relations d’avant-guerre. Après la traversée des Alpes, le moteur gauche est tombé en panne, et ensuite le moteur droit. Ils ont géré la situation et ont fini par atterrir à Zagreb. Après de nombreux mois et un itinéraire aventureux incluant l’armée tchécoslovaque en Afrique du Nord, ils sont finalement arrivés en Grande-Bretagne et ont continué la lutte avec la RAF. Leur épopée est longtemps restée inconnue, même pour les organisations gouvernementales tchécoslovaques exilées, au point que tous les quatre ont été décorés de la Médaille de la bravoure tchécoslovaque à titre posthume en octobre 1940. Zdenek Patek Merci pour ces précisions. Des recherches dans les sources britanniques indiquent que les quatre pilotes eurent des carrières dans la RAF au sein du Squadron 311 sur “Wellington” et B-24 “Liberator”. Les pilotes tchécoslovaques eurent un rôle important dans l’armée de l’Air en 1940; nous reviendrons bientôt sur le sujet dans nos pages. Le Farman 2230 est dérivé des NC 2233 et Farman 2231. Il fut commandé à trois exemplaires par Air France Transatlantique. Immatriculé F-AQJM, le premier exemplaire effectua son premier vol le 28 avril 1938. L’installation d’une nouvelle version du Hispano-Suiza 12Y le transforma en type NC 2234. Baptisé Camille Flammarion, il fut employé au début de la Deuxième Guerre mondiale lors de missions de reconnaissance dans l’Atlantique sud à partir de Natal, au Brésil. Le Camille Flammarion fut accidenté à l’atterrissage à Beyrouth le 19 janvier 1941. Le NC 2234 02 Jules Verne entra dans l’histoire en bombardant Berlin le 7 juin 1940. Il fut saboté à Mérignac en novembre 1942. Enfin, le dernier NC 2234 Le Verrier fut abattu le 27 novembre 1940 avec à son bord Guillaumet (lire Le Fana n° 554). L’épopée de quatre pilotes tchécoslovaques 11 DR/COLL. JEAN-FRANÇOIS LEBRUN DR/COLL. JEAN-FRANÇOIS LEBRUN DR/COLL. BERNARD BOMBEAU À LIRE, À VOIR “Mirage” IIIE La dernière livraison du trimestriel Icare propose un dossier sur les missions en “Mirage” IIIE racontées par Pierre-Alain Antoine, qui le pilota souvent. Au programme les missions d’attaques à basse altitude, avec pour le pilote de nombreux équipements de navigation à bien maîtriser avant de s’élancer dans les vallées escarpées. Piloter un “Mirage” IIIE dans ces conditions n’était pas un sport de masse. Il fallait une organisation rigoureuse dès la préparation du vol, puis espérer que les systèmes ne tombent pas en panne au plus mauvais moment. Finalement le “Mirage” III, né pour l’interception à haute altitude, se montra à l’aise au ras des pâquerettes, non sans beaucoup d’attention de la part de ses pilotes. Icare n° 271, décembre 2024 à février 2025 127 pages, 22 € Tête de mort Nouvel opus dans une collection consacrée aux unités de bombardement de la luftwaffe, avec cette fois-ci la kampfgeschwader 54, l’escadre de bombardement et son insigne à la tête de mort. Les amateurs peuvent suivre jour après jour les opérations de cette unité. Contrairement à d’autres publications du même genre, l’auteur n’a pas cru devoir fournir des analyses géopolitiques à l’emportepièce. Il est uniquement question du quotidien des équipages d’une unité allant d’un théâtre d’opérations à un autre. Les témoignages sont nombreux; les photos et les profils peuvent aider les maquettistes. Sont abordées la création et les opérations jusqu’à la campagne de Russie en 1942. La kampfgeschwader 54. L’Escadre à la tête de mort. Tome 1. Par Peter Taghon Chez Lela Press 398 pages, 59 € ISBN 978-2-37468-054-5 Les rotatifs Les éditions Decoopman poursuivent la réédition d’ouvrages anciens consacrés à l’aviation avec Le moteur rotatif. L’ingénieur des Arts des Métiers René Vidalie propose une présentation technique du moteur rotatif, un grand classique des débuts de l’aviation. Philippe Wodka-Gallien remet dans le contexte général l’apparition des moteurs rotatifs et leur importance pour Farman avec l’“Oméga” et les Gnome et Rhône. Vient ensuite l’étude de René Vidalie qui explique les grands principes avant d’entrer dans le vif du sujet avec les calculs et les études pour faire fonctionner correctement un tel moteur. Voilà qui va intéresser les spécialistes du sujet et les amateurs d’aviation ancienne. Le moteur rotatif Par René Vidalie Chez Decoopman 156 pages, 17 € ISBN 978-2-36965-185-7 Une grande passion Ce livre complète la première publication consacrée par Casa Éditions aux patrouilles de démonstrations aériennes lancée par Jacques Bothelin. Le récit était centré sur de magnifiques photos. Ici l’auteur raconte comment il a réalisé ses rêves, non seulement d’être pilote, mais aussi de créer sa patrouille. Comme souvent, rien ne fut facile : les difficultés volent en escadrille. Patience et persévérance sont au programme de toutes ces années. Bien sûr le lecteur trouvera ici des anecdotes savoureuses sur les nombreuses démonstrations de la patrouille Breitling. Jacques Bothelin souhaite surtout susciter des vocations en racontant son histoire animée par le feu sacré de la passion pour l’aviation. La fumée, top! Par Jacques Bothelin Chez Casa Éditions 407 pages, 26 € ISBN 978-2-38058-546-9 Un destin L’aviation recèle toujours son lot de destins incroyables, de personnages traversant le temps et l’espace guidés par leur seule liberté. Voici le cas de Georges Merkovic. Sous la plume de son fils, il nous amène de la Yougoslavie au Katanga en passant par la France, le Maroc et encore bien d’autres pays et contrées exotiques. Un itinéraire qui passe par plusieurs compagnies aériennes, des avions disparates. Plus de 40000 heures de vol s’accumulent pour ce véritable touche à tout. Un pilote au destin pas banal. Aller simple pour la liberté. La vie d’un grand aviateur Par Georges Merkovic, Éditions Baudelaire 341 pages, 26 € ISBN 979-10-203-5863-9 Le chaînon manquant À travers le témoignage du pilote d’essais Daniel Pierre, cette nouvelle publication de l’Ardhan se penche sur le programme du “Jaguar” pour la Marine nationale. Voici raconté pourquoi ce fut un échec, et comment la question du futur avion de combat de la Marine fut complexe au tout début des années 1970. Un dossier très complet vu à travers un témoignage inédit. À lire! DASSAULT AVIATION Daniel Pierre Essais en vol Les cahiers de l’Ardhan n° 47 72 pages, 18 € ISBN : 978-2-913344-62-4 Le “Jaguar” Marine au catapultage lors de ses essais. 12
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