PARIS MATCH n°3975 - Page 3 - 3975 Créditsphoto :P.6 :H.Pambrun.P.8à11 :D.Prost,DR.P.13 :J.Paulet / Allary, DR. P.14 : E.Garault, DR. P.16 : A.Mole / Musée de la chasse et de la nature, DR. P.18 : F.perry / Afp, I.Simon / Sipa, Story box / Sipa, X.Leoty/Afp,DR.P.20 :F.Robin,DR.P.22 :H.Pambrun,DR. 8 13 14 16 18 20 22 24 25 26 36 L’ENTRETIEN La valse à mille temps d’Anne Teresa De Keersmaeker CULTURE Livres. La critique de Marie-Laure Delorme Louis Sarkozy. Napoléon toujours à la page! Sorties. Un art de famille Musique. Les Francofolies tiennent bon la barre Théâtre. Les Chiens de Navarre aboient dans le vide Cinéma. James Gunn Le second père de Superman PERSONNALITÉS ROYAL POUVOIRS DESSIN Joann Sfar UNHÉROSTANTATTENDU Pourcettenouvelleadaptationaucinéma de «Superman»,lecinéasteJamesGunns’estinspiré dela versionoriginelleducélèbrecomics. Unevariantequipourraitséduirelesfans. (Page22) 6 LASEMAINEDE PARIS MATCH DU 10 AU 16 JUILLET 2025 L’ENTRETIEN LAVALSE ÀMILLETEMPS D’ANNETERESA DEKEERSMAEKER Lachorégraphebelge,enduoavecSolalMariotte, aimaginé« Brel »,unnouveauspectacleautourducélèbrechanteur. Qu’elleprésentecettesemaineauFestivald’Avignon. InterviewBenjaminLocoge/PhotosDorianProst La question la taraude toujours. À 65 ans, Anne Teresa De Keersmaeker cherche encore à surprendre, à ne surtout pas retrouver les chemins déjà empruntés, les pas déjà dessinés. Alors, pour sa création 2025, elle s’est lancé un défi: danser elle-même avec un complice bien plus jeune, le chorégraphe Solal Mariotte, un spectacle autour des chansons de Jacques Brel. L’œuvre du chanteur bruxellois n’étant pas spécialement destinée à être chorégraphiée, le travail pour De Keersmaeker a d’abord consisté à imaginer les mouvements, à accueillir les idées et les possibilités pour mieux se confronter à son partenaire. Et, pour sublimer l’ensemble, le duo a investi la Carrière de Boulbon du Festival d’Avignon, espace en plein air, soumis aux aléas climatiques, adoré du public estival. Si la chorégraphe a dû faire face l’an passé à des accusations de violences psychologiques au sein de sa compagnie, Rosas, elle veut montrer aujourd’hui un visage apaisé. Mais déterminé. ParisMatch.PourquoiunspectacleautourdeschansonsdeJacques Brel? AnneTeresaDeKeersmaeker. Il est dans ma liste d’artistes à chorégraphier depuis une vingtaine d’années. J’avais déjà créé un spectacle autour du répertoire de Joan Baez en 2002, mais cela n’avait rien à voir. Brel fait partie du patrimoine de la chanson, tout le monde connaît “Ne me quitte pas”. Mais peu de gens l’ont vu sur scène, il a arrêté les tournées dès 1967… Je sentais une intensité et une urgence qui lui sont propres, qui invitent aussi à la réflexion sur ce que c’est d’être humain. Et je venais de rencontrer Solal, qui était danseur dans mon spectacle “Exit Above”. Dans nos conversations, nous nous sommes rendu compte qu’on partageait une même fascination pour Jacques Brel. Comment avez-vous concrètement travaillé? SolalMariotte.Moi, j’ai découvert Brel sur YouTube! Pour le spectacle, nous nous sommes documentés à la Fondation PROFIL 1960 Naissance le 11 juin à Malines (Belgique). 1983 Crée sa compagnie, Rosas. 1992 Prend la direction chorégraphique du théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. 2001 Son spectacle «Rain» éblouit le monde entier. 2024 Fait face à des accusations de violences psychologiques. [SUITEPAGE10] 9 DU 10 AU 16 JUILLET 2025 PARIS MATCH Brel, dirigée par France, sa fille, où nous avons eu accès à beaucoup d’archives. Quand j’étais enfant, ce n’est pas quelqu’un que l’on écoutait dans ma famille, ma grand-mère disait même que ce qu’il chantait était très osé… Comme il ne fait pas partie de ma grille de lecture du monde, il m’a intrigué. “La valse à mille temps”, c’est de l’ordre de la frénésie, de l’accélération, presque, à un moment donné, une forme de décadence. A.T. De K. Au départ, Brel souhaitait être reconnu comme auteur. Il s’est mis à chanter car personne ne voulait de ses textes. C’est Juliette Gréco qui l’a interprété en premier. Nous avons fait une sélection purement intuitive dans son répertoire tout en respectant une chronologie. Puis on s’est rendu compte qu’il avait écrit beaucoup de musiques en ternaires, contrairement aux pop songs qui sont toutes en binaires. Cela invite à la danse ou pas. S.M. Je viens de la breakdance, je développe mon propre vocabulaire, inspiré du hip-hop. Ce qui m’a intéressé avec Brel, c’est de comprendre comment j’allais pouvoir transformer mon écriture chorégraphique sur ce type de musique. Cela a impliqué beaucoup de modifications quant à ce que je fais habituellement, mais aussi de nouvelles découvertes. Et c’est une autre dimension artistique qui s’est ouverte à moi. A.T.DeK. Nous n’avions pas l’ambition de faire un spectacle illustratif. Il nous a fallu développer plein de stratégies selon les chansons, qui ont toutes des mélodies extrêmement fortes. François Rauber et Gérard Jouannest, les musiciens et collaborateurs les plus proches de Brel, ce n’était pas rien… Il faut souligner l’aspect cinématographique des chansons. Brel disait lui-même: “Quand on commence une chanson, il faut que l’image soit tout de suite très claire, qu’elle soit unique, qu’elle ne s’éparpille pas.” Il était le premier à faire son autocritique, il trouvait qu’il y avait trop d’images dans “Fernand”, par exemple. Votre travail consiste-t-il à faire émerger ces images pour les spectateurs? A.T. De K. Non. Notre travail, c’est d’inviter à se poser des questions. Pour cela, nous interrogeons l’imaginaire de Brel, celui de Solal, le mien et celui de chaque spectateur au sein d’une expérience collective. Car, lorsqu’on est tous ensemble et qu’on partage le même espace-temps, on vit une expérience bien spécifique. Voire au-delà. Cela peut paraître étrange mais j’ai retrouvé chez lui ce que j’avais trouvé chez Jean-Sébastien Bach: une très grande conscience de la mort et, en même temps, une célébration de la vie. Il y a aussi un sens aigu de l’aventure et de l’urgence! Pourvous,Solal,chorégraphieravecAnneTeresaetdanseravecelle surscène,est-ceaussidel’ordredel’aventure? S.M. Dès le départ, on a fait un deal sur les conditions de travail. C’est une collaboration, nous sommes cochorégraphes. Mais, ensuite, il n’y avait pas un plan établi de A à Z, on s’est laissé porter par ce qui se passe dans le studio, dans la découverte, entouré de nos équipes. Car nous avons aussi travaillé de manière séparée. Ça a été l’occasion pour Anne Teresa d’un travail d’introspection sur sa propre trajectoire. Moi, j’ai répété avec deux autres danseurs pour me rendre compte de ce à quoi ressemblaient mes propositions. Et, dans un dernier temps, nous avons tenté, Anne Teresa et moi, d’harmoniser nos différences. A.T. De K. Ce n’est pas la première fois que je collabore avec un autre artiste. Mais la grande nouveauté avec “Brel”, c’est que non seulement on partage le concept et la chorégraphie, mais je suis moi-même sur scène. Ça m’a rappelé que si j’ai décidé de devenir chorégraphe, il y a quaranteans, c’est parce que je ne voulais pas faire les mouvements d’autres gens. [Elle sourit.] S.M. Quand je lui demandais de tourner sur la tête, elle me disait: “Ah non, pas cette fois-ci!” «J’airetrouvéchez Brelcequej’avaistrouvéchez Jean-SébastienBach: unetrèsgrandeconscience delamortet,enmêmetemps, unecélébrationdelavie» AnneTeresaDeKeersmaeker 10 PARIS MATCH DU 10 AU 16 JUILLET 2025 LASEMAINEDE A.T.DeK.Je voulais qu’on trouve un vocabulaire commun et, par moments, cela a été difficile… Anne Teresa, attendez-vous de Solal qu’il vous bouscule? Vous surprenne? A.T.DeK. Bousculer, étonner, soutenir, inspirer, challenger… S.M. J’ai apprécié voir sa vulnérabilité. C’est quelque chose qui est remarquable dans le spectacle et dont je suis très fier: il y a une forme de sincérité dans qui l’on est, dans ce qu’on est. Anne Teresa montre aussi où elle en est dans sa vie et dans son rapport à la scène. Vous êtes d’accord, Anne Teresa? A.T. De K. Oui. Je suis une femme de 65 ans qui adore danser et qui danse avec un jeune homme dont je pourrais être la grandmère. Bien sûr, j’ai un certain savoir-faire, à travers mes 65 spectacles précédents. Cela me met évidemment dans une position de force, mais aussi souvent dans cette position de vulnérabilité. Je me pose des questions par rapport à mon histoire, ce vers quoi je vais désormais. Avez-voustrouvédesréponsesdansvoséchangesavecSolal? A.T. De K. C’est un mélange de deux univers, qui soulève aussi la question de la diversité. Comment peut-on transmettre un certain savoir-faire en étant ouvert? Comment faire place à des nouvelles générations, sans se figer dans des valeurs établies et des systèmes, des approches, des méthodes? S.M. Moi, en tout cas, j’ai pris du plaisir à découvrir, à partager, à observer et à trouver ma propre logique. Pour autant, Anne Teresa et moi n’avons jamais été dans un rapport de maître à élève. Ma jeunesse a pu lui apporter de la fraîcheur, parfois, et une volonté de remise en question à d’autres moments. A.T. De K. On l’a vu dans le studio de répétition. Solal me proposait une manière d’aborder une chanson. Et, même si je me disais que je ne ferais pas comme ça, on essayait. Est-ce que votre corps vous impose des limites, désormais? A.T. De K. Mais j’ai toujours été très limitée, si vous réfléchissez bien à mon travail! J’ai commencé par le minimalisme américain, ma première pièce, “Fase”, c’est trois mouvements. Que l’on répète 550 fois… S.M. Oui, mais la virtuosité, elle est dans ces 550 fois! A.T. De K. En tout cas, je ne crains pas la simplicité, je veux que les choses soient lisibles et claires. Il est important de développer une vision. Il y a beaucoup de gens qui ont des idées, mais moins qui ont des visions. Solal, quand on danse avec Anne Teresa de Keersmaeker, craint-on parfois son expérience, son savoir-faire? A.T. De K. Je ne me vois pas comme un quelconque monument! C’est figé, un monument… S.M. Je n’avais pas vu danser Anne Teresa sur scène. Et je crois que c’est mieux ainsi, ça m’a empêché de me poser ces questions. Ce qui est sûr, c’est qu’Anne Teresa est vivante. Bien vivante, même. [Il rit.] Anne Teresa, comment va Rosas? Vous avez dit que depuis la crise sanitairevotrecompagniesouffrait.Vousavezétémiseencausedans la presse l’an passé… A.T.DeK.Depuis deux ans, on continue de façon active à créer des spectacles, à combler le déficit financier d’après-Covid et on donne une grande priorité au bien-être au travail. Rosas est accompagné pour cela par des professionnels, avec une nouvelle direction, qui a permis à ce que nous nous interrogions sur de nombreux aspects de notre métier. Mais aussi sur moi-même en tant que dirigeante. Aujourd’hui qu’est-ce que cela implique d’être dirigeante ? Je ne vais pas nier que des erreurs ont été commises. Mais ce n’est pas dans la presse qu’on doit les détailler. Pour résoudre des problèmes, des conflits de cet ordre-là, on a besoin de contexte, de nuance, d’empathie et surtout de discrétion. Je tiens néanmoins à dire que j’ai toujours refusé catégoriquement le conflit. Je ne crois pas qu’il soit la solution pour créer des spectacles de qualité, même si ce processus est parfois très intense. Avez-vousdéjàdesidéesentêtepourlasuite? A.T.DeK.Nousn’avonspasuneidée,maismille. InterviewBenjaminLocoge «Majeunesseapuapporter àAnneTeresadelafraîcheur,parfois, etunevolontéderemiseen questionàd’autresmoments» SolalMariotte Anne Teresa De Keersmaeker et Solal Mariotte dans la Carrière de Boulbon, près d'Avignon, le 30 juin. « Brel »,jusqu’au20juilletauFestivald’Avignon (CarrièredeBoulbon).RepriseàParisdu11au20mai 2026(théâtredelaVille). 11 DU 10 AU 16 JUILLET 2025 PARIS MATCH LA CRITI UE «Nos dernières fois» mélange journal intime et réflexions philosophiques. Hommages au cinéaste Resnais, aux philosophes Bergson et Jankélévitch, à l’écrivaine Marguerite Duras, au champion Rafael Nadal. Le grand psychothérapeute Irvin Yalom décide d’arrêter d’exercer le jour où il oublie le rendez-vous et l’histoire d’une femme. Dans les larmes de sa patiente, il voit le terme de son activité. La vieillesse est un long apprentissage éthique, impliquant perte de narcissisme et d’égocentrisme. Sophie Galabru nous fait entendre Robert Badinter sur le grand âge: comment réussir à se détacher de «sa» vie, tout en restant attaché à «la» vie? L’agrégée de philosophie montre combien les hommes et les femmes ont souvent un rapport différent à l’écoulement du temps. Les femmes y sont confrontées de manière progressive (des premières règles à la ménopause) alors que les hommes y sont confrontés de manière brutale (mise à la retraite et impuissance sexuelle). L’auteure construit son barrage contre la nostalgie: la joie, la beauté, l’amour. Sophie Galabru: il ne faut pas vivre comme si l’on allait mourir; il faut vivre comme si chaque moment était unique. Les épreuves nous apprennent la nécessité de «traverser le temps», en se construisant un but à atteindre. Dans une société matérialiste, vidée de toute spiritualité, la période de deuil n’est plus respectée. Pourtant, tout s’y joue. La philosophe souligne que l’absence n’est pas une disparition. Dans l’existence, tout fait écho d’un plan à l’autre, d’un temps à l’autre. Sophie Galabru montre comment la mort d’un proche nous fait passer de l’interaction à la transmission. L’achèvement d’une chose est souvent le commencement d’autre chose. Tout a un début. SOPHIE GALABRU SIMPLES MORTELS Dans un texte personnel, la philosophe s’intéresse à toutes les formes de finitude. « Nosdernièresfois.Défierlanostalgie », deSophieGalabru, éd.Allary,220pages,20,90euros. DeMarie-LaureDelorme Tout a une fin. Les uns choisissent de s’y soustraire; les autres décident de s’y confronter. « Nos dernières fois» parle de la retraite, des changements du corps, de la lutte contre les addictions, des maisons définitivement fermées, des ruptures amoureuses et amicales, des cycles d’études, de la mort des êtres aimés. Des fins que nous voyons venir ; des fins que nous appelons de nos vœux; des fins que nous ne soupçonnons pas. La philosophe Sophie Galabru tente de «défier la nostalgie» pour vivre mieux. Elle prône un rapport qualitatif et non quantitatif au temps qui passe. La nostalgie peut tuer dans l’œuf toute sensation de joie. L’auteure de «Faire famille» (2023) convoque un souvenir personnel. La jeune femme déjeune avec des amis, après l’été, à la campagne. Rires, insouciance, nature, confiance. Elle réalise soudainement que ce moment ne se représentera plus jamais. Au lieu de profiter du présent, elle en anticipe le terme. La philosophe cite Ionesco. À l’âge de 7 ans, prenant conscience de la mortalité de sa mère, le futur dramaturge découvre le temps. Il écrit: «Découvrir le temps, bien sûr, c’est sentir que cela passe.» D’où vient le sentiment précoce d’une finitude? Sophie Galabru a toujours été sensible à l’irréversibilité des choses. Elle a parfois souhaité provoquer la dernière fois, afin qu’elle soit loin derrière elle. L’auteure avoue ne pas savoir mettre un terme aux liens, aux situations. Elle dit: «Je ne sais pas partir.» Elle s’en va mal. Dans la brutalité, la maladresse, l’urgence. Parmi les fils rouges de «Nos dernières fois»: il faut savoir rogner et ranger notre volonté de toute-puissance pour espérer être heureux. Certaines choses nous échapperont toujours: l’autre et le temps. Face à la mort, la préparation est vaine. Au-delà de la souffrance, il faut se projeter vers l’avenir. LASEMAINEDE Sivousétiez… … une victoire de Napoléon? Ulm. C’est le nouveau système napoléonien dans toute sa grandeur. Une victoire par la manœuvre, par la marche, par la rapidité, par l’initiative… pratiquement sans un coup de feu. Et puis, c’est l’une des premières scènes de bataille de “Guerre et Paix”, de Tolstoï. … une défaite? Le siège de Saint-Jean-d’Acre. La Russie fut une folie. L’Espagne fut une folie. Ces deux campagnes témoignent de l’ego et de la myopie de l’Empereur vieillissant. Mais Saint-Jean-d’Acre, c’est une défaite au moment de l’ascension, pendant la montée. C’est Napoléon dans la fleur de l’âge, dynamique… Elle est tout à fait unique et tragique. … un livre qu’a lu Napoléon? Les “Vies parallèles”, de Plutarque. Jamais l’Antiquité n’a été aussi remplie de couleurs, d’émotions, de vie. Emerson les appelait “la Bible des héros”. … un héritage de Napoléon? L’importance des livres pour le chef d’État français. Depuis Napoléon, ils ont tous tenu à se faire représenter entourés de livres. Regardez le premier portrait officiel de Macron, avec “Mémoires de guerre” du général de Gaulle ouvert sur le bureau. Comparez-le aux portraits de David, où Napoléon, dans son cabinet aux Tuileries, fait figurer… Plutarque. … un maréchal d’Empire? Murat. Parce que c’est le beau qui triomphe de l’utile. La poésie sur la prose. Le panache sur l’intelligence. Murat est à mi-chemin entre le réel et le roman. …unmembreduclanBonaparte(horsNapoléon)? Madame Mère. Letizia. Peut-être la moins éduquée mais la plus intelligente – en tout cas la plus sage. Quelle tragédie que de survivre à son fils! … une citation de Napoléon? La plus belle de toutes. Napoléon marche à Sainte-Hélène avec Mme Balcombe. Il croise des esclaves portant de lourdes caisses. Mme Balcombe, d’un geste d’aristocrate, leur ordonne de s’écarter. Napoléon s’arrête, la regarde, et dit: “Respect au fardeau, madame.” Respect au fardeau. … un lieu napoléonien? Le 2 avril 1796, Napoléon arrive à Menton et s’adresse à ses troupes : “Soldats, vous êtes nus, mal nourris, je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde.” C’est le début de la campagne d’Italie. C’est le début de l’épopée. C’est le début de l’Histoire. ÀMenton naît une étoile. … une uchronie napoléonienne? “Monsieur N”. Un film tout à fait remarquable. Une pure fiction, mais une fiction intelligente. Et si Napoléon avait survécu à Sainte-Hélène ? S’il s’était échappé ? S’il vivait paisiblement sur une vieille plantation du sud des États-Unis ? C’est fascinant. CULTURE LOUISSARKOZY NAPOLÉONTOUJOURS ÀLAPAGE! L’essayisteapubliéunlivresurles lecturesdeBonaparte.L’occasiondele passeràlaquestion…ludique. ProposrecueillisparFlorentBarraco/PhotoÉricGarault « NapoléonBonaparte.L’empiredeslivres », deLouisSarkozy,éd. Passéscomposés, 320 pages,23,50euros. Aux Invalides, le 28 juin. L’EMPEREURSURLEROCHER Onconnaissaitletableaud’OscarRexoùNapoléon,défait,estassis sur un rocher à Sainte-Hélène. Cet été, les amoureux de la dynastie impériale pourront visiter un autre rocher… monégasque. À partir du 11 juillet et jusqu’au 31 août, le Grimaldi Forum accueille une importante exposition montrant les liens entre les princes de Monaco et les Bonaparte. «La principauté de Monaco, c’est le prolongementdusecondEmpire»,osel’historienPierreBranda. Près de 200 pièces, dont beaucoup inédites, sont présentées.L’objetàvoirabsolument?Lapenduleàl’oiseau qui appartenait à Joseph, le frère de Napoléon. F.B. « MonacoetlesNapoléon(s).Destinscroisés », auGrimaldiForumjusqu’au31août,14euros. PARIS MATCH DU 10 AU 16 JUILLET 2025 14 LASEMAINEDE UNARTDEFAMILLE Encedébutdesvacances,lesexpositionsàvisiteravecvosenfants fleurissentdanslesmuséesparisiens.Notresélection. ParAnaëlPigeat LEPALAISDENOSPETITS C’est le dernier-né des espaces aménagés dans le Grand Palais, restauré après quatre ans de travaux. Installé sous la rotonde du Palais de la découverte, le Palais des enfants accueille des expositions pour les 2 à 10 ans sur le rapport entre l’art et la science. La première s’intitule «Transparence». Des profondeurs de l’océan aux mystères de la forêt, on fait des expériences scientifiques et on observe des œuvres d’art, du XIXe siècle à aujourd’hui, accrochées à hauteur d’enfant. Avec le pavillon de Dan Graham, «Passage intime», il est question d’architectures de verre qui se jouent de nous, de reflets en reflets. Une grotte lumineuse de Soo Sunny Park (ci-contre) constitue une halte dans le parcours. On croise un guerrier japonais – fantôme – en armure de cristal, créé par Patrick Neu, et une jeune fille soufflant des bulles de savon, «Tatiana», de Hans Op de Beeck. Autant d’occasions d’avoir une conversation sur la vie et sur le monde. VOYAGERLÉGER Dans «Tous Léger!», les enfants sont invités à un jeu de piste: «La machine à voyager dans l’art». L’exposition démontre l’influence de Fernand Léger sur ses successeurs, en particulier les nouveaux réalistes (Arman, Niki de Saint Phalle, Martial Raysse…) mais aussi sur des artistes comme Gilbert & George ou Keith Haring. Les œuvres réunies ont été prêtées par deux institutions du sud de la France: le musée d’Art moderne et contemporain de Nice, fermé pour travaux, et le musée national Fernand-Léger, à Biot. Le propos est original. Dans le livret, Léger lui-même et deux écoliers mènent la visite. Des oiseaux se cachent dans une accumulation de pinces par Arman, Yves Klein peint avec du feu, Léger a même travaillé dans l’espace public… Les jeunes visiteurs sont entraînés à la découverte de l’histoire de l’art de la seconde moitié du XXe siècle, et surtout à regarder les œuvres de près. DUBIENETDUBEAU Cet été, le musée de la Chasse et de la Nature consacre une exposition à Edi Dubien, dont les œuvres sont disposées à tous les étages, dans les salles peuplées de grands félins, d’ours empaillés, de trophées de chasse et de portraits de chiens. Le grand ours blanc porte dans ses pattes un bouquet de roses en faïence, des léopards ont au cou des colliers totems en céramique, les bois d’un cerf ont été coiffés de maisonnettes blanches, une tête de chien sculptée s’est glissée sur une console, entre les cadres dorés. Autodidacte, né en 1963, Edi Dubien représente des enfants mélancoliques qui semblent converser avec des écureuils, des lapins et des loups, mais aussi une coccinelle posée sur la tête d’un renard. « Transparence »,auPalaisdes enfants,Palaisdeladécouverte, ParisVIIIe .Jusqu’au29août2027. « TousLéger ! », aumuséeduLuxembourg,ParisVIe , jusqu’au20juillet. « S’éclairersansfin.EdiDubien », aumuséedelaChasseetdelaNature, ParisIIIe ,jusqu’au17août. SORTIES «Nissa bella» (1964), Martial Raysse. Vue d’une des salles de l’exposition. 16 LASEMAINEDE PARIS MATCH DU 10 AU 16 JUILLET 2025 2004 LADERDESDERSPOUR JEAN-JACQUESGOLDMAN Une heure avant de monter sur scène, le 17 juillet, Goldman prévient ses musiciens: «C’est notre dernier concert, après celui-là, j’arrête tout.» «Il avait souhaité rendre hommage à Foulquier, qui quittait les Francos, explique Gérard Pont. Jean-Louis l’avait beaucoup soutenu, et Goldman s’en souvenait.» Pour l’occasion, le chanteur sort des sentiers battus et interprète «Ma vie», chipée à Alain Barrière, et «Nights in White Satin», des Moody Blues. « Foulquier adorait les Moody Blues, Jean-Jacques le savait, donc il l’a jouée pour lui.» Encore aujourd’hui, les Francos rêvent d’un retour de l’icône de la chanson française. 2008 ALAINBASHUNG,VERTIGEDELAMORT «Quand nous l’avions booké, se rappelle Gérard Pont, personne ne savait qu’il était malade. À l’époque, j’avais même dû insister un peu pour qu’on le programme, il n’avait plus vraiment l’aura qu’il a actuellement.» Mais ce 11 juillet, c’est un Bashung pas au mieux de sa forme qui débarque à La Rochelle, atteint d’un mauvais rhume en plus de son cancer. «Son bassiste a pris la route trop tard, il était coincé dans les embouteillages à Orléans. Nous sommes allés le récupérer en hélico. Et, quand il a fallu monter sur scène, on pensait tous qu’Alain ne tiendrait pas le coup.» Mais Bashung n’était pas homme à baisser les bras. Face à l’adversité, il donnera ce jour-là l’un des plus beaux concerts de sa vie. «Il y a eu un alignement des planètes, une petite brise parfaite, un soleil couchant, un Bashung revigoré par le public qui se doutait bien qu’il était là pour la dernière fois. L’esplanade s’est transformée en cathédrale silencieuse pour un moment rare et exceptionnel.» Qui donne encore des frissons à ceux qui y étaient. 1990 BARBARABARRICADÉE La chanteuse avait toujours refusé de se produire dans un festival. «Elle ne supportait pas l’idée de jouer en plein jour, raconte Gérard Pont. Devant l’insistance de Jean-Louis Foulquier, le patron d’alors, elle avait fini par accepter. Ce18 juillet, elle est donc programmée sur la grande scène de l’esplanade SaintJean-d’Acre, avec le jeune Arthur H en première partie. «Elle avait fait installer une loge sur la scène, pour ne pas avoir à trop se déplacer, ni à croiser trop de monde. Et elle avait exigé qu’on enlève toutes les banderoles publicitaires accrochées sur les remparts.» Coquetterie ultime, Barbara tenait à ce que ses robes noires ne soient portées qu’à la nuit. «Elle ne voulait pas qu’elles soient exposées à la lumière du soleil.» Mais quand, enfin, la Dame en noir prit place derrière son piano, la magie opéra. Et les festivaliers présents ce soir-là s’en souviennent encore. LESFRANCOFOLIES TIENNENTBONLABARRE Depuis quarante ans, le festival de La Rochelle convie le meilleur de la scène française. Son président, Gérard Pont, revient sur quatre moments inoubliables. ParBenjaminLocoge 2019 LEPARIAYANAKAMURA «On m’avait un peu ri au nez quand je l’avais programmée, se souvient Gérard Pont. Elle n’avait alors qu’un seul vrai tube, mais une certaine presse se moquait de son vocabulaire, de son attitude.» En vraie diva, Aya exige qu’on trouve un coiffeur spécialisé dans son type de cheveux, car sa coiffeuse personnelle avait raté son train. «C’était non négociable», rigole le président des Francos. Aya a pu faire son show, son premier véritable festival. «C’est aussi la première fois que j’ai vu un concert avec 15000 téléphones devant moi», note Gérard Pont. MUSIQUE UNEÉDITION2025SURLESRAILS Avec un prix moyen de 52 euros par jour, les Francos continuent de proposer découvertes et talents de la scène française.Dès ce 10 juillet, de jeunes pousses rendent hommage à Renaud, quand Kyo,Santa,Jean-Louis Aubert et Véronique Sanson se partagent la grande scène.La soirée hip-hop du 12 réunira Hamza et SDM, et la clôture,le 14 juillet, permettra à M et Lamomali de croiser la route des Marseillais d’IAM. Miossec,Yoa, Victor Solf,Quinquis seront eux aussi de la partie dans les petites salles. Pas moins de 150000 festivaliers sont attendus. Du10au14juillet. PARIS MATCH DU 10 AU 16 JUILLET 2025 18 NUITSMAGIQUES Deuxième édition pour le duo Vincent Anglade et Emmanuelle Durand, qui a pris la direction des Nuits de Fourvière en 2024. Comme toujours, Lyon s’attache à présenter ses propres créations, multipliant les invitations et les propositions de collaboration. Cette année, le public pourra notamment découvrir une création de Pomme avec Marie et Yoann Bourgeois. La chanteuse a décidé de donner corps à «Saisons», son dernier album, en concevant un spectacle avec les artistes circassiens, le tout entouré d’un quatuor à cordes. Fourvière tente également de transformer ces samedis soir, en fêtes un peu hors normes, entre un karaoké géant avec Arte ou une nuit rock autour de Last Train. Et pour les amateurs d’électro, une grand-messe à ne pas louper: celle de Kraftwerk le lundi 21 juillet. Toutelaprogrammationsurnuitsdefourviere.com. ParBenjaminLocoge À ma droite, Cécile Gallot, jugée pour avoir tué son mari après un énième viol. À ma gauche, Didier Moreau, humoriste sur une radio publique condamné par la justice pour une blague pas drôle sur les femmes. Leurs deux destins se croisent à la fin de «I Will Survive», la dernière création des Chiens de Navarre, le collectif théâtral de Jean-Christophe Meurisse, qui entend là régler son compte à la justice. Mais Meurisse, dont toutes les pièces naissent à partir d’improvisations avec ses comédiens, s’en prend cette fois à une bonne partie de la société française: le service public – difficile de ne pas voir France Inter et l’émission «La bande originale» de Nagui – ridiculisé durant la longue scène THÉÂTRE d’ouverture, les policiers, tous alcooliques, bêtes et illettrés. Ou encore les hommes politiques, peu courageux, voire les détenus forcément défoncés. Vous l’aurez compris, Meurisse ne fait pas dans la dentelle – ça n’a jamais été son propos – et utilise les ressorts les plus grossiers pour dénoncer une France malade, incapable de protéger les femmes face aux violences conjugales. Alors oui, Les Chiens de Navarre ne font pas dans la nuance ni dans la subtilité. Ici le procureur a la voix de Dark Vador, les yeux emplis de sang. Ici encore, celui qui est en prison se met un doigt dans l’anus par pure provocation. On va aussi choisir dans le public les membres du jury qui délibèrent de la culpabilité de Cécile Gallot. Pire encore, dans un moment cauchemardesque, l’humoriste Didier Moreau aux blagues douteuses se confrontera à l’abbé Pierre… nu. En 2025, le théâtre français a-t-il encore besoin de tant de grossières caricatures pour dénoncer l’inaction de la police, la lenteur des tribunaux et le mépris des classes dirigeantes ? C’est en tout cas la seule arme qu’a trouvée le metteur en scène, qui, depuis vingt ans, n’en finit plus d’utiliser l’outrance comme matière théâtrale. Il ne faut pas tout jeter pour autant. D’abord, les habitués et les fidèles de la troupe rient pendant deux heures. Ensuite, le dispositif permet de passer d’un commissariat à un pavillon de banlieue avec une magie purement scénique. Enfin, Jean-Christophe Meurisse fait tout pour une bande d’acteurs géniaux, qui ont remplacé ses comédiens historiques partis en 2021. Delphine Baril, Fred Tousch, Georges Slowick ou Lula Hugot se retrouvent le temps d’un final d’anthologie sur la chanson «I Will Survive», revisitée par le groupe américain Cake. On en ressort lessivé, mais vivant. Pardon: survivant. « IWillSurvive »,entournéeactuellement. Du4au13décembreàlaVillette,àParis. LESCHIENSDENAVARRE ABOIENTDANSLEVIDE Présentéenavant-premièreauxNuitsdeFourvière, « IWillSurvive »,lenouveauspectacledelatroupe deJean-ChristopheMeurisse,décape…etdérape. Jean-Christophe Meurisse, par sa mise en scène, n’hésite pas à provoquer le public. LASEMAINEDE
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