CAUSEUR MAGAZINE n°125 - Page 3 - 125 2 Téléchargez l’application Causeur De nouveaux articles publiés tous les jours Les magazines disponibles hors connexion à lire ou à écouter Des notifications à chaque parution d’articles activables selon vos envies Cliquez pouraccéder aux modes lecture et audio Disponible surAndroid et iOS 3 L'ÉDITORIAL D'ÉLISABETH LÉVY MEURICEMEVACOMMEUNGLAND! e sais, ça énerve mes amis. Ils voudraient que j’applaudisse au licenciement de Guillaume Meurice. Je n’y arrive pas. J’ai les meutes en horreur, même quand je suis d’accord avec elles. Même quand elles ont raison. Je déteste l’humour de Guillaume Meurice. Il m’est arrivé de rire en l’écoutant, je n’en suis pas fière. Comme le dit Philippe Val, ce rire est un rire grégaire, un rire de connivence, d’entre-soi. Il n’oblige pas à un pas de côté, il ne provoque pas une petite bagarre intérieure, il permet de jouer au résistant en crachant sur le nazi du moment – au choix, les adversaires de l’avortement, les électeurs de Zemmour, les riches, les ploucs qui roulent au diesel ou votre servante. Je n’ai jamais entendu Meurice prendre le risque de chatouiller son public en attaquant ses vaches sacrées. Féministes, djihadistes, militants LGBT, artistes engagés et wokes décérébrés, il y a pourtant l’embarras du choix, en plus, il suffit de les citer. Il a eu mille occasions de se fendre la poire sur Mélenchon. Il aurait pu se gondoler sur les salopards du 7 octobre et leur QI de singe (désolée, mais un type qui appelle ses parents pour hurler qu’il a tué dix juifs, a un QI de singe et je suis sympa). Mais non, Meurice préfère courageusement cogner sur les électeurs du RN, qui sont méchants et racistes, les journalistes de CNews, qui sont méchants et racistes, et Benyamin Nétanyahou, qui est aussi méchant et raciste puisque tout le monde le dit. Je ne sais pas si Meurice est antisémite et je m’en fous. J’ai tendance à croire que sa blague sur le « nazi sans prépuce » n’a fait marrer que ceux qui l’étaient déjà. Peu importe le prépuce, c’est la nazification des Israéliens, surtout au moment où ils viennent de subir un pogrome, qui est insupportable. Puisque le crime est constitué, on se demandera pourquoi je n’approuve pas le châtiment. D’abord, l’indignation ne suffit pas. Aucune instance ne peut affirmer avec certitude que le crime est constitué. Certes, Meuricepourraitêtrecondamnédevantladix-septième chambre – ce dont je doute. Veut-on vraiment que des juges décident si une plaisanterie est cachère ou pas ? Faudra-t-il créer une police de l’humour qui ira chercher les contrevenants au petit matin ? Je ne veux pas vivre dans un monde où les blagues limites (mes préférées) sont proscrites. Le mauvais goût est un droit de l’homme. Et puis, les juifs ont d’autres problèmes que des mauvaises blagues. On ne devient pas plus antisémite en écoutant Meurice que « facho » en regardant CNews. Enfin, je ne vois pas l’utilité de créer un martyr, même s’il s’est démené pour allumer le bûcher en adressant un grand bras d’honneur à sa direction – laquelle, exceptionnellement, a réagi avec fermeté. Pour tous les gogos qui le prennent pour Voltaire qu’on assassine, ce limogeage est la preuve que les juifs ont le bras long. Il est vrai que c’est (c’était) l’argent des contribuables. Je l’avoue, ça me faisait mal aux seins de payer son salaire. Mais demander des têtes, ce n’est décidément pas mon truc. Je n’ai pas non plus envie que Charline se retrouve au chômage. J’aurais préféré que France Inter, touchée par la grâce du pluralisme, adjoigne à Meurice un coloc vaguement dissident – et drôle tant qu’à faire. Pas un facho, ni même un vrai type de droite mais tiens, me disais-je,pourquoipasBlancheGardin.Unefillequiose blasphémer MeToo, c’est qu’elle en a, non ? Eh bien, je ne sais pas ce qu’elle doit se faire pardonner, mais maintenant elle coche toutes les cases. Une vraie born-again. Participant à une soirée Voices for Gaza – so radicalchic ! –, elle a joué un sketch sur une réunion d’Antisémites anonymes : – « Bonjour, je m’appelle Blanche et je suis antisémite. » « Ne t’inquiète pas, lui répond un comparse, ici tu es dans une “saFe place”, personne ne te jugera car nous sommes tous antisémites. » Au second degré c’est marrant, au quatrième, c’est puant. La suite est un festival. Au comparse qui lui conseille de remonter sur scène, elle répond : « Ce serait trop de pression, il faudrait que j’aille chercher un Molière et je ne peux pas, il faudrait que je sois islamophobe, comme Sophia Aram. Mais je peux pas être islamophobe, parce que je suis antisémite. L’un exclut l’autre en fait. Si tu es islamophobe, ça te protège contre l’antisémitisme, c’est comme l’herpès. Si tu l’as à la bouche, tu peux pas l’avoir au cul. » Vous voulez le sous-texte ? Primo : pour réussir dans le showbiz, il faut être bien avec les juifs, donc islamophobe. Deuxio : l’antisémitisme est une invention destinée à faire oublier l’islamophobie et les crimes israéliens. Grosse fatigue. Finalement, Gardin ne fera pas l’affaire. Je ne me vois pas défendre son droit de dire des saloperies. J’ai mes limites.Etmesdoutes.Certainsjours,jemedisquecette obstination à défendre la liberté d’expression de ceux qui ne pensent pas comme moi (et parfois ne pensent pas du tout) est absurde. Aujourd’hui, par exemple. Après le sketch de Gardin, je ne suis pas d’humeur voltairienne. Pour me calmer, je vais aller manifester en soutien à Sophia Aram. Je suis sûre que je retrouverai Guillaume Meurice et toute la bande de Charline. Et en attendant, chère Sophia, bienvenue chez les méchants. Tu verras, on y rigole beaucoup plus que chez les dames patronnesses de France Inter. J P.-S. Notre cher Jonathan Siksou vient de recevoir un très mérité Grand prix de l’Académie française pour Vivre en ville (Le Cerf, 2023). Bravo à lui ! Si vous l’avez raté à sa sortie, c’est l’occasion de vous jeter sur ce délicieux texte. 4 Festival du Film de Cabourg – L’Artilleur L'ANTIFASCISME NEPASSERAPAS! 30 Touche pas à mon vote Élisabeth Lévy 32 Jusqu'ici tout va bien Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques 38 Nouvelle France en chantier Driss Ghali 40 Carte d'identités Pierre Vermeren 44 À gauche, la soupe à l'union Céline Pina 3 Meurice me va comme un gland ! Élisabeth Lévy 10 Coup de rouge Olivier Dartigolles 12 La relève Élisabeth Lévy 20 « Je crois à un populisme décent » Entretien avec Alexandre Devecchio Propos recueillis par Élisabeth Lévy 22 Anatomie d'une descente aux enfers Propos recueillis par Alban Sugner 26 En chute libre Corinne Berger SOMMAIRE N°125 – ÉTÉ 2024 Directeur de la publication Gil Mihaely Directrice de la rédaction Élisabeth Lévy Directeurs adjoints de la rédaction Jean-Baptiste Roques, Jeremy Stubbs Rédaction en chef Martin Pimentel (causeur.fr) Jonathan Siksou (culture) Rédaction Cyril Bennasar, Sami Biasoni, Jean Chauvet, Yannis Ezziadi, Alain Finkielkraut, Stéphane Germain, Jean-Luc Gréau, Pierre Lamalattie, Bérénice Levet, Patrick Mandon, Céline Pina. Correction Frédéric Baquet Secrétaire de rédaction Cécile Michel Ont participé à ce numéro Corinne Berger, Valentin Chantereau, Olivier Dartigolles, Didier Desrimais, Emmanuel Domont, Driss Ghali, Gilles-William Goldnadel, Dominique Labarrière, Isabelle Larmat, Alexandra Lemasson, Frédéric Magellan, Robert Ménard, Frederic de Natal, Paul Rafin, Georgia Ray, Ivan Rioufol, Vincent Roy, Julien San Frax, Alban Sugner, Emmanuel Tresmontant, Pierre Vermeren. Direction artistique Laurent Carré Iconographie Alexandre Denef Direction marketing et commerciale Marina Leroux Charles Lévy 01 84 79 01 35 Distribution MLP Gestion de la diffusion en points de vente BO Conseil Analyse Média Etude Otto Borscha - oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34 (contact points de vente) Abonnements et anciens numéros : https://boutique.causeur.fr/ 01 84 79 01 35 (Du lundi au vendredi 10h – 17h) ou clients@causeur.fr Impression Berger Levrault Graphique 2780, route de Villey Saint-Étienne 54200 Toul Image de couverture Guillaume Brunet-Lentz – ISA HARSIN/ SIPA . Tous nos remerciements au restaurant Terraza Mikuna (au BHV Marais, 1 rue des Archives). Causeur est édité par Causeur.fr SAS au capital de 153 850 euros - RCS Paris Siret 504 830 969 00037 Naf 5814 Z. Dépôt légal à parution - ISSN 1966-6055. Commission paritaire : 0325 D 90295. Enregistrement CNIL 1296122. 32, rue du Faubourg-Poissonnière 75010 Paris 01 84 79 01 35 / info@causeur.fr www.causeur.fr 5 Alain ROBERT/SIPA – Hannah Assouline 47 « Nous ne sommes pas dans les années 1930 ! » Entretien avec Philippe Guibert Propos recueillis par Céline Pina 48 On va dans le mur, tu viens ? Stéphane Germain 50 Attention : travail ! Frédéric Magellan 52 GB News, la télé des déplorables Jeremy Stubbs 54 La défaite en aimant Robert Ménard 56 Quel fasciste êtes-vous ? Céline Pina CULTURE& HUMEURS 60 Mal de mer Georgia Ray 63 Voltaire, le retour ! Jonathan Siksou 64 Sous la botte, la beauté Julien San Frax 66 Se jouer des Jeux Jonathan Siksou 68 En quête de codex Vincent Roy 69 La féria et les furieux Yannis Ezziadi 70 Patrick Eudeline, le rock à l'âme Emmanuel Domont 72 Bardot, c'est moi ! Alexandra Lemasson 73 La boîte du bouquiniste Paul Rafin 74 Soirée mousse EmmanuelTresmontant 77 Coups de soleil Dominique Labarrière 78 Tant qu'il y aura des films Jean Chauvet 80 Les carnets d'Ivan Rioufol 82 Abécédaire des impostures morales Gilles-William Goldnadel Prochaine parution : le 4 septembre 2024 6 D.R. – Oscar Gonzalez/Sipa USA Nicaragua, Oman, Uruguay, Venezuela… Seule une poignée de pays ont une ambassade à Ramallah, la capitale de fait de l’Autorité palestinienne. Car c’est à Tel-Aviv, au Caire ou à Amman que sont basés la quasi-totalité des diplomates de rang plénipotentiaires chargés de représenter leur gouvernement auprès du régime de Mahmoud Abbas, le plus souvent dans le cadre d’une résidence « régionale » englobant plusieurs pays. On a cru toutefois que les choses allaient changer quand, le 22 mai dernier, Oslo, Dublin et Madrid ont annoncé reconnaître officiellement la Palestine comme un État-nation à part entière, brisant là la règle tacite appliquée par la plupart des pays occidentaux en vertu de laquelle la reconnaissance bilatérale entre Israël et La vente en bureau de tabac de « Sniffy », poudre blanche « énergisante » à inhaler, véritable Canada Dry de la cocaïne, a suscité l’émoi de la presse et des autorités. Bien que composée de produits légaux (caféine, taurine, créatine, maltodextrine et d’autres substances en « ine »), c’est bien sûr son rituel de consommation qui alerte tout adulte responsable – l’aspiration nasale au moyen d’une paille aimablement fournie par Sniffy et tous ses amis – ça ne vous rappelle rien ? Lutter contre le tabagisme, mais consentir à cette initiation cocaïnomaniaque, à l’heure où la coke s’impose dans tous les milieux, est-ce tolérable ? À quand « Héroincola » avec un kit seringue et Coca Zéro ? Ce n’est pourtant pas la cohérence qui étouffe l’administration française (étonnant, hein ?), car on trouve désormais chez nos buralistes des sachets Diplomatiedematamores Initiationauxinterdits ParJean-BaptisteRoques ParStéphaneGermain Palestine devait être un préalable. Dans les chancelleries, il se murmurait alors que, pour marquer le coup, l’Espagne ouvrirait dans la foulée une mission diplomatique à Ramallah. À la tête d’une coalition de gauche assez comparable au Nouveau Front populaire français, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez mène en effet une stratégie très offensive vis-à-vis de Benyamin Nétanyahou. Le 8 mai, son ministre des droits sociaux, Pablo Bustinduy, avait ainsi envoyé une lettre aux entreprises espagnoles installées dans l’État hébreu pour les prier de ne pas contribuer au « génocide en cours en Palestine ». Au même moment, le ministre des Affaires étrangères,JoséManuelAlbares,essayaitdeconvaincre, en vain, la Belgique, le Portugal et le Luxembourg de reconnaître eux aussi l’État de Palestine. On s’attendait donc à ce que Madrid installe dès le mois de juin un ambassadeuràRamallah.Iln’enfutrien!Invoquantdes raisons de « niveau de vie et de sécurité », le personnel du consulat général d’Espagne à Jérusalem, pressenti pour créer la nouvelle représentation diplomatique, a refusé de quitter la ville sainte, pourtant située à seulement 15 kilomètres. Piquante ironie. Alors qu’en France de nombreux fonctionnaires du Quai d’Orsay n’hésitent pas à critiquer Emmanuel Macron, pas assez pro-arabe à leur goût, la situation est inversée au sud des Pyrénées, où beaucoup de diplomates espagnols ne font pas mystère de leurs idées néoconservatrices et de leur malaise à servir un pouvoir marqué par la pensée décoloniale. Vous avez dit « État profond » ? • d’herbe qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la « ganjah » des coffee-shops hollandais. Certes, le chanvre que recèlent ces paquets est dépourvu de THC, mais ne propose qu’aux fumeurs un ersatz riche uniquement de CBD. En termes de rituel de consommation, le cousinage avec le roulage de pétard n’en demeure pas moins évident. Alors, pourquoi pas Sniffy et sa paille ? Pour avoir une vision complète de la schizophrénie des autorités compétentes, on se souviendra de l’interdiction des… cigarettes en chocolat, dont le rituel (autant qu’il m’en souvienne) n’était guère comparable à celui de l’initiatique Gauloise sans filtre. À 10 ans, il ne me serait pas venu à l’esprit de mettre le feu au chocolat, ni de tenter de l’inhaler. Derrière tous ces risibles errements se cache une question essentielle : la survie des bars-tabac-presse-PMU-Loto qui maillent – de moins en moins – le territoire. Tout ce qu’ils vendent se révèle mauvais pour la santé ou en voie de disparition. Jeux de hasard addictifs, alcool nocif, tabac prohibé jusque dans leur établissement, presse en chute libre. Sauver ces lieux populaires relève bien de l’intérêt général. Quitte à les transformer en dealers en chocolat, voire en banquier pour orphelins de La Poste ou interdits bancaires (« René, un demi et un RIB sans faux col »). Aux dernières nouvelles, les concepteurs de Sniffy feraient machine arrière pour éviter l’interdiction. La poudre ne serait plus à inhaler, mais à diluer dans un verre d’eau. Un peu comme le Ricard en somme. Alors, ça va. • 7 D.R. Il y a quelques années, Caroline De Haas affirmait qu’« un homme sur deux ou sur trois » est un agresseur sexuel. Récemment, se sentant trahie par un ami psychanalyste gauchiste de télévision accusé d’agressions sexuelles, Sandrine Rousseau, effondrée, a déclaré : « On ne peut compter sur aucun homme. » Jacinta Allan, la très progressiste Première ministre de l’État de Victoria en Australie, pense exactement la même chose. Raison pour laquelle elle vient de nommer Tim Richardson à un nouveau poste de secrétaire parlementaire (ou ministre junior) dédié au… « changement de comportement des hommes ». Ce secrétaire devra se concentrer prioritairement sur « l’influence d’internet et des réseaux sociaux sur l’attitude des garçons et des hommes à l’égard des femmes et sur l’établissement de relations respectueuses », a précisé la Première ministre victorienne. Tim Richardson prend sa nouvelle mission très à cœur : « Le moment d’agir sur la violence des hommes à l’égard des femmes c’est maintenant, et cela commence par nous, les hommes et les garçons », se flagelle-t-il sur Instagram où l’on peut découvrir sa bonnetêtederavidelacrècheprogressiste.Narquois,de nombreux Victoriens se sont moqués de cette décision absurde en la qualifiant de « blague absolue ». D’autres, plus sérieusement, ont rappelé que les hommes étaient surreprésentés dans les statistiques sur le suicide et que 93 % des décès sur les lieux de travail concernaient des hommes – pourtant, s’il existe un ministère pour les femmes, il n’y a pas de ministère pour les hommes, ont-ils souligné. Ironiques, certains concitoyens de Mme Allan se sont étonnés : bien que le pourcentage de violences domestiques dans les couples lesbiens soit presque deux fois plus élevé que celui des mêmes violences dans les couples hétérosexuels, aucun secrétariat parlementaire pour le « changement de comportement des lesbiennes » n’a pour le moment été envisagé. Facétieuse, la sénatrice Jane Hume a finalement et pataphysiquement conseillé à Jacinta Allan de créer un ministère chargé du changement de… gouvernement. • Comportementalistemasculin ParDidierDesrimais O tempora, o mores. Le naturisme ne semble plus en vogue chez nos voisins. La pratique, plus que centenaire, avait connu un pic après-guerre, notamment en Allemagne de l’Est où elle jouait un rôle de protestation pacifique et originale face au régime socialo-communiste (certains lecteurs se souviendront d’une photo qui circulait sur internet il y a quelques années, montrant une jeune Angela Merkel dans le plus simple appareil avec quelques amies au bord d’un lac – l’ex-chancelière a en effet grandi en RDA). Outre-Rhin, cette pratique bien connue sous le nom de Freikörperkultur s’est fédérée au sein de l’association DFK, qui devait fêter cette année en grande pompe son 75e anniversaire. Or, patatras, les organisateurs ont dû annuler les festivités… par manque de participants. Le président de la DFK, Alfred Sigloch, déclarait récemment au journal Bild que son association était passée de 65 000 à 34 000 membres en à peine vingt-cinq ans, et que la tendance se confirmait. Cette dégringolade a mis à nu un évident manque d’intérêt chez les nouvelles générations, mais pas seulement : d’autres avancent le développement des smartphones et des minidrones qui font craindre à certains d’être pris en photo à leur insu. Dans ce pays traditionnellement très libéral vis-à-vis de la nudité publique, des zones, plages et autres campings réservés demeurent, mais de nombreux sont en sursis, les propriétaires et municipalités se tournant davantage vers des locations plus lucratives, à contre-courant de l’esprit très simple et écolo des naturistes. Mais Sigloch l’assure, les grands raouts estivaux feront de la résistance, comme le cross international naturiste qui aura le lieu le 27 juillet prochain au bord de la mer Baltique. Un sujet qui avait manifestement échappé aux candidats aux européennes. • Naturismeàl’os ParValentinChantereau 8 D.R. Le port du niqab sert-il toujours à protéger la pudeur des femmes ? Comme beaucoup de jeunes Indonésiens de son âge, AK (dans la presse il n’a été identifié que par ses initiales), 26 ans, est un habitué des sites de rencontre. Sur l’un d’eux, il a noué une relation avec une jeune fille de son âge. Les deux tourtereaux ont fini par se rencontrer sous le regard de Cupidon. Portant le niqab, Adinda Kanza s’est présentée à lui comme musulmane pratiquante, ce qui est loin de déranger le jeune amoureux qui considère ce vêtement traditionnel « comme un signe de dévotion à l’islam ». Après un an d’échanges respectant les règles du prophète Mahomet, le couple a décidé de se marier. La promise, prétendant être sans famille, a opté pour une simple cérémonie organisée chez AK après qu’elle a apporté une dot de cinq grammes d’or. Cependant, une douzaine de jours après leur mariage, AK a commencé à nourrir des soupçons. Son épouse refusant ostensiblement de quitter son niqab à la maison ou d’avoir tout contact sexuel sous divers prétextes fallacieux, il a fini par enquêter et découvrir l’impensable. Les parents de son épouse étaient bien vivants, en bonne santé, et n’étaient pas au courant de ce mariage. Pire encore, AK est tombé des nues lorsque ceux-ci lui ont révélé que celle qu’il avait épousée était en réalité un homme, se travestissant depuis quatre ans. La police a immédiatement placé en détention la fausse jeune femme, en expliquant que cette dernière avait tout planifié pour voler les biens de son époux. Son imposture était facilitée par sa voix aiguë et, surtout une fois maquillés, des traits du visage remarquablement féminins. Inculpé(e) pour fraude, elle/il risque jusqu’à quatre ans de prison. Le port du niqab, qui n’est pas traditionnel en Indonésie, y connaît une popularité croissante que même la leçon de l’histoire d’AK ne freinera pas. • ParFredericdeNatal Les agents conversationnels (ou chatbots) animés par l’IA sont censés nous concurrencer en termes à la fois de créativité et de présentation d’informations. Le hic, c’est qu’ils confondent les deux. Il arrive que, au lieu de trouver des faits, ils les inventent. En 2022, l’essai public de Galactica, le chatbot scientifique de Meta, tourne au fiasco, les utilisateurs signalant de nombreux cas de production d’informations imaginaires, comme un article sur l’histoire des ours dans l’espace. Début 2023, éclate un scandale à propos d’articles publiés par le média américain CNET. Rédigés par l’IA, ils contenaient des conseils financiers complètement erronés. En juin de la même année, deux avocats sont punis d’une amende pour avoir cité dans la jurisprudence d’une réclamation pour dommages corporels six affaires judiciaires qui n’ont jamais existé. ChatGPT les avait inventées. En février 2024, Air Canada est obligée de respecter une politique de remboursement imaginée par son chatbot de service client. Le même mois, Perplexity AI donne une mauvaise recommandation à une personne qui venait de subir une intervention chirurgicale à cœur ouvert. Heureusement, elle ne l’a pas suivie. L’Organisation mondiale de la santé vient de lancer S.A.R.A.H, animé par ChatGPT, qui est censé donnerdesconseilsdemédecine.Enavril,ilfournitàun utilisateur une liste de noms et d’adresses de cliniques à San Francisco, dont aucune n’existe. Cette tendance des chatbots à la fabulation s’appelle « hallucination » et elle est inhérente à leur mode de fonctionnement. Un des avocats leurrés par ChatGPT a prétexté qu’il croyait que c’était un moteur de recherche, mais les agents conversationnels ne répondent pas à une question de la même manière que Google. Utilisant ce qu’on appelle des « grands modèles de langage », ils sont entraînés sur de vastes quantités de textes pour produire des séquences de mots en calculant la probabilité de leur enchaînement. C’est même ce qui rend leurs inventions très plausibles. Ce défaut pourrait être mitigé, mais jamais complètement éliminé. Nous devons surtout comprendre que ces systèmes sont appelés à nous aider, non à nous remplacer. • Mythomanieartificielle Tromperievoilée ParJeremyStubbs 9 D.R. D’abord capitale des Gaules puis cœur battant du commerce européen à la Renaissance, enfin berceau de l’industrie de la soie, Lyon est depuis l’avènement de Grégory Doucet la figure de proue des mobilités douces. Dérégler les feux tricolores, supprimer les grandes voies de circulation pour multiplier les pistes cyclables et faire traîner les travaux en longueur : telle est la politique retorse des talibans verts qui pourrissent la vie des Lyonnais. La ville est devenue un perpétuel chantier, sa rive gauche constamment embouteillée. La dernière lubie de la Mairie, en date du 13 mai, consiste à fermer à la circulation la rue Grenette, axe stratégique qui dessert la Presqu’île d’ouest en est, pour la réserver aux transports en commun et aux vélos. Les premières victimes sont les commerçants du centre-ville. Selon Lyon people, ils déplorent une perte de quelque 200 millions d’euros depuis l’élection de Grégory Doucet, 30 % de leur chiffre d’affaires. Les difficultés d’accès font fuir beaucoup de clients qui achètent dans les centres commerciaux ou en ligne. Enfin, à bout de patience, les Lyonnais se rebiffent ! Riverains et commerçants se sont rassemblés dans le Collectif des défenseurs de Lyon Lepornoetlatribu L’HidalgodeLugdunum ParIsabelleLarmat donné par le titre de la version publiée dans le New York Post, rival droitard du Times : « Une tribu isolée d’Amazonie se connecte enfin à internet, mais finit par devenir accro au porno ». Journalistes et internautes ont été captivés par cette idée d’indigènes si naïfs qu’ils restent sans aucune défense devant l’irruption dans leur vie de tentations devenues banales dans le reste du monde. En réalité, si la tribu en question n’a eu un accès constant et haut débit à internet que récemment, grâce au réseau de satellites du milliardaire, dire que cette population découvre le web du jour au lendemain est une faribole qui relève du mythe du bon sauvage menacé de corruption par la décadence moderne. Clés USB permettant de stocker toutes sortes de contenus ou smartphones permettant d’aller sur WhatsApp, Facebook ou Instagram lorsque l’on se rend près des zones habitées circulent dans ces villages depuis des années. Le Times a dû publier un rectificatif intitulé : « Non, une tribu reculée n’est pas devenue accro au porno », accusant ses concurrents médiatiques d’avoir travesti la vérité. Reste que certains passages du reportage n’étaient pas aussi nuancés qu’il le prétend. On pouvait par exemple y lire : « La société moderne a traité les problèmes liés à internet pendant des décennies […]. Les Marubos […] sont confrontés au potentiel et aux périls d’internet d’un coup. » Mais Musk cherchait moins à défendre l’honneur de la tribu qu’à condamner une mauvaise publicité faite à son réseau Starlink. • pour organiser une série de « mâchons » ou « apéritifs de résistance citoyenne » au mois de juin. Les membres se sont réunis devant l’hôtel de ville lors de la tenue du dernier conseil municipal avant l’été. Une pétition en ligne contre la piétonnisation du cœur de Lyon a recueilli plus 5 000 signatures. Mais surtout, Me Mélanie Hamon, avocate en droit public, porte devant le tribunal administratif le recours de ces Lyonnais contre le projet de piétonnisation. Attaquant Ville et Métropole de Lyon, elle entend bien avoir gain de cause contre des transformations engagées sans étude préalable quant à leurs conséquences sur les habitants et les commerçants. Le maire sera peut-être obligé de mettre la pédale douce sur ses projets. • Le 12 juin, sur le réseau social Twitter qu’il a racheté, Elon Musk accuse le New York Times d’avoir tenu des propos « irrespectueux » et « méchants » envers la tribu amazonienne des Marubos (Brésil), qui venait d’être connectée à internet via son réseau de satellites Starlink. Un reportage publié par le quotidien dix jours plus tôt, et intitulé « La dernière frontière d’internet : les tribus qui vivent reculées du monde en Amazonie », a été repris par de nombreux médias et ensuite partagé de manière virale sur la Toile. Mais son contenu a été déformé pour créer un récit nouveau dont le sens est ParMartinPimentel 10 C OUP DE ROUG E ParOlivierDartigolles Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise. C ’était il y a une dizaine d’années. J’étais allé soutenir les salariées d’une maison de retraite, mobiliséespourdemeilleuresconditions de travail et une revalorisation des salaires. En échangeant avec moi, l’une d’entre elles s’est soudainement arrêtée de raconter son quotidien. Plus la force. Sa dernière phrase, noyée dans des larmes, s’était achevée par un constat dont je conserve encore aujourd’hui le souvenir précis : « Je pousse un cri mais dans le vide, je n’intéresse personne. » Avant cela, elle m’avait dit : « La toilette des résidents c’est tête/cul en cinq minutes, on n’a même plus le temps d’un échange humain. À force d’être maltraitée, on en devient maltraitante. » On ne dira jamais assez combien le développement d’une société se juge à la situation faite aux plus vulnérables. À l’heure où ces lignes sont écrites, au lendemain du premier tour des législatives, c’est en très grande partie ce cri qui s’est fait entendre. Il vient de loin, bien avant ces dix dernières années. Il a fait irruption dans notre vie politique et sociale, mais n’avait jamais disparu des âmes humaines ; des bides et des entrailles. Des vies sans répit. Des vies sans les petits bonheurs de l’existence et de l’insouciance d’autrefois. Un resto avec les enfants, un cinéma, quelques jours de vacances… Un lâcher-prise sans avoir la crainte de la prochaine facture de gaz et d’électricité, ou celle de la voiture qui ne démarre pas au petit matin. Et cette diablerie de Parcoursup qui a changé la joie de réussir son bac en angoisse de l’inscription. Plus encore, ce cri n’est pas la seule traduction d’une vie matérielle de plus en plus rabougrie, mais l’expérience concrète d’un déclassement. Non pas d’un « sentiment », mais bel et bien d’un toboggan sans la possibilité de s’accrocher afin d’éviter la chute. Ne plus être considéré et même être méprisé pour ne pas vivre au bon endroit, pour ne pas avoir bien voté lors de la dernière élection, pour ne pas regarder le bon programme télé. En ce domaine, le macronisme a été le terminus d’un long processus d’un nouveau mépris de classe, avec une violence extrême pour la dignité humaine, quand une trop grande partie de la gauche a regardé ailleurs. Je suis d’une gauche qui, avec Ariane Mnouchkine, a dit : « Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds. » Cette gauche ne doit pas se contenter de faire « barrage », car ce logiciel est définitivement en cale sèche. Un peuple a besoin d’un imaginaire à partager. Et c’est bien sur ce terrain, et sur nul autre, que nous devons échanger et nous confronter. Vous pouvez compter sur moi. Je ne vous lâcherai pas ! • 11 © Crédit BULLETIND’ABONNEMENT 3 POSSIBILITÉS POUR VOUS ABONNER SUR INTERNET www.causeur.fr/boutique PAR COURRIER En nous envoyant ce formulaire avec votre règlement (chèque ou prélèvement SEPA) PAR TÉLÉPHONE 01 84 79 01 35 (DU LUNDI AU VENDREDI 9H30 - 17H) Sous enveloppe timbrée à : Causeur Abonnements 32 rue du Faubourg Poissonnière 75010 Paris Accompagné de votre règlement : Par chèque à l’ordre de Causeur.fr Je paye en une seule fois mon abonnement. Par prélèvement automatique (SEPA) Je serai prélevé mensuellement sur mon compte bancaire (résiliable à tout moment). Signature obligatoire pour autorisation de prélèvement 3. ENVOYEZ LE BULLETIN En application de la loi Informatique et libertés, les coordonnées demandées ci-dessus sont nécessaires à l‘enregistrement de votre commande. Celles-ci peuvent être communiquées à nos partenaires à des fins de prospection. 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