CAUSEUR MAGAZINE n°136 - Page 3 - 136 2 Une cartographie de la démondialisation « Le livre d'investissement le plus important jamais écrit. Le commentaire de Jason Zweig offre une vision moderne de cette philosophie intemporelle. » MORGAN HOUSEL, AUTEUR DE LA PSYCHOLOGIE DE L’ARGENT Édité par VALOR ÉDITIONS, 80B avenue des Mimosas 64700 HENDAYE Disponible en librairie et sur notre site valor-editions.fr VALOR-EDITIONS.FR L’INVESTISSEUR INTELLIGENT EAN13 : 9782361170981 536 pages • 39,90 € « Le meilleur livre jamais écrit sur l’investissement en Bourse » L’Investisseur Intelligent a contribué à bâtir la richesse de nombreux investisseurs. Pourtant, il ne contient pas de recettes miracles, mais plutôt des principes, des règles, des méthodes et des idées qui restent d'actualité. Warren Buffett « La sagesse intemporelle de l'homme qui a formé Warren Buffett et les commentaires de Jason Zweig montrent combien les principes de Graham sont toujours d’actualité. Ce traité de finance mérite une place de rang sur l'étagère de l’investisseur intelligent. » BURTON MALKIEL, AUTEUR DE UNE MARCHE AU HASARD À TRAVERS WALL STREET Nouvelle Édition 3 L'ÉDITORIAL D'ÉLISABETH LÉVY ALLÔ, MAMAN J’AI CHAUD l n’a manqué qu’Emmanuel Macron déclarant que nous étions en guerre contre la canicule. Le président tenant tête au soleil sur le mode « Nous ne céderons pas », j’aurais adoré. Remarquez le cœur y était. Le 1er juillet, à Séville, le président sonne le tocsin face à l’ennemi invisible, annonçant à ses pairs, certainement fascinés par une telle vista, que nous sommes entrés dans l’ère de la « vulnérabilité climatique et environnementale ». Notez, ce n’est pas parce qu’il s’occupe des affaires du monde qu’il nous oublie. Il a beau avoir la main sur la dissuasion nucléaire, il vit à hauteur d’homme. La preuve, il publie sur son compte X un épatant petit sermon nous invitant à veiller les uns sur les autres et à faire attention à nos collègues, assorti des excellentes préconisations gouvernementales également diffusées sur nos écrans. Celle que je préfère c’est « Restez au frais ». Bah oui bande debenêts.Rafraîchissez-vous!Ilsuffisaitd’ypenser.Guizot est battu1 , La Palice aussi. J’aimerais bien connaître le petit malin qui a réussi à se faire payer pour trouver ça. En tout cas, le gouvernement est sur le coup. MO-BI-LI-SÉ. Pas de goguette en polo, mais des visites dans les maisons de retraite avec airs de circonstances. Ça va mamie, t’as bu ? Au cas où vous l’auriez oublié, l’événement à l’origine de ce branle-bas de combat est que, début juillet, il a fait chaud. Un épisode qu’on a seulement connu une trentaine de fois depuis le début du siècle, il y a de quoi paniquer. Durant plusieurs jours, la fabrique de verbiage public et de fadaises médiatiques tourne à plein régime. On apprend avec joie que le Moulin-Rouge a pris des mesures pour rafraîchir l’ambiance et que Le Grand Point Virgule, à Montparnasse, promet un moment de douceur, fier de son système d’air conditionné « à la pointe ». On félicite une start-up citoyenne qui autorise ses employés à venir en claquettes-chaussettes (pourquoi des chaussettes ?). Après une semaine, le bilan de cet effroyable combat est annoncé, pas par le ministère de la Santé mais par celui de la Transition écologique : deux morts. On attend que l’Assemblée nationale leur inflige une minute de silence. En tout cas, je paye de ma personne pour vous informer au plus près du terrain, comme on dit dans la confrérie des vestes-à-poches. J’ai donc appelé le 0800 06 66 66, le numéro d’info-canicule. Je n’ai su qu’après que c’était le numéro du diable, sinon je me serais méfiée, si ça se trouve maintenant,legouvernementm’acolléunepucepourm’espionner. En tout cas, heureusement que ma voisine m’avait déjà dit de bien boire parce qu’il m’a fallu vingt bonnes minutes pour qu’un gars décroche. Un brin lymphatique, mais sympa. Vaguement décontenancé quand je lui ai dit que l’objet de mon appel, c’est que j’avais chaud, il a tout de même patiemment énuméré ce que je devais faire ou ne pas faire, par exemple, sortir en plein cagnard. Un ventilateur, pourquoi pas, mais à condition de ne pas devenir dépendant. Il y a un nom pour l’addiction aux ventilateurs ? Il a juste oublié de me suggérer (comme le fait Santé publique France) d’aller me tanker chez les copains dotés d’une climatisation ou d’une piscine. Faudrait plutôt songer à dénoncer ces privilégiés. Marine Le Pen ayant mis le sujet sur la table, on sait désormais que la clim’, ce n’est pas seulement planètophobe, c’est d’extrême droite. Vous me direz que si, aujourd’hui, les vieux ne meurent plus de chaud comme en 2003, c’est parce que le gouvernement a pris les choses en main. Sauf qu’ils ne mouraient pas de chaud, mais de solitude. Aujourd’hui, les services sociaux des mairies appellent leurs administrés pour leur demander s’ils ont des nouvelles de leur grand-père et l’Éducation nationale encourage les parents à apporter des ventilateurs à l’école. C’est ce qu’on appelle le progrès. Sur les réseaux sociaux, les habituels mauvais coucheurs dénoncent l’infantilisation des Français. En vérité, même les enfants et les simples d’esprit pourraient se sentir offensés par des consignes aussi neuneu. Reste que, tels des enfants capricieux adressant à leur mère des injonctions contradictoires, la sommant à la fois de les laisser tranquilles et de s’occuper d’eux, nous détestons la contrainte mais exigeons de nos gouvernants des solutions à chacun de nos problèmes. Et procéduriers avec ça. Si les bureaucrates pondent des directives idiotes,cen’estpasseulementparcequ’ilsnousprennent pour des cons, mais parce que, s’ils ne le faisaient pas, il se trouverait des petits malins pour les traîner en justice et des tribunaux pour les sanctionner. Personne ne m’a dit qu’il ne fallait pas courir par 40 degrés, monsieur le président. Sans compter que les médias dénonceraient en boucle la déconnexion des puissants, bien au frais dans leur bureau pendant que le populo transpire. Et puis, on y prend goût à ce que l’État nous apprenne à vivre. Avec l’ami Jean-Baptiste Roques, on a déniché plein de services inutiles pour nous épargner la fatigue d’être soi. On vous laisse arpenter la forêt touffue des numéros verts. Certains s’offusqueront qu’on leur parle à la première personne, comme s’ils étaient simples d’esprit – « Je n’oublie pas d’éteindre la lumière quand je sors de mon bureau. » Moi j’aime bien, ça me rappelle le petit lapin du métro de mon enfance qui disait : « Ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort ! » Au chapitre des écogestes, source intarissable de préceptes et d’interdits, tu apprendras à quelle fréquence laver tes culottes et aérer ta chambre. Et après, tu pourras faire un gros dodo. Maman est là. • I 1. Ministre et président du Conseil sous la monarchie de Juillet (1830-1848), François Guizot est célèbre pour sa fameuse apostrophe : « Français, enrichissez-vous ! » 4 Yuri Gripas/Pool/Sipa – Hannah Assoulin Directeur de la publication Gil Mihaely Directrice de la rédaction Élisabeth Lévy Directeurs adjoints de la rédaction Jean-Baptiste Roques, Jeremy Stubbs Rédaction en chef Martin Pimentel (causeur.fr) Jonathan Siksou (culture) Rédaction Cyril Bennasar, Sami Biasoni, Jean Chauvet, Yannis Ezziadi, Alain Finkielkraut, Stéphane Germain, Jean-Luc Gréau, Pierre Lamalattie, Bérénice Levet, Patrick Mandon, Céline Pina. Correction Frédéric Baquet Secrétaire de rédaction Cécile Michel Ont participé à ce numéro Olivier Annichini, Pierre Berville, Olivier Dartigolles, Jean-Michel Delacomptée, Didier Desrimais, Emmanuel Domont, Michel Fau, John Gizzi, Gilles-William Goldnadel, Patrice Jean, Bruno Lafourcade, Vincent Limouzin, Pascal Louvrier, Emmanuelle Ménard, Robert Ménard, Thomas Morales, Frederic de Natal, Jean-Jacques Netter, Arthur Pauly, Jérôme Prigent, Georgia Ray, Pierre Rehov, Ivan Rioufol, Frédéric Rouvillois, Vincent Roy, Julien San Frax, Peggy Sastre, Stéphane Simon, Pierre-Henri Tavoillot, Emmanuel Tresmontant, Emmanuel de Waresquiel. Direction artistique Laurent Carré Iconographie Alexandre Denef Direction marketing et commerciale Marina Leroux Charles Lévy 01 84 79 01 35 Distribution MLP Gestion de la diffusion en points de vente BO Conseil Analyse Média Etude Otto Borscha - oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34 (contact points de vente) Abonnements et anciens numéros : https://boutique.causeur.fr/ 01 84 79 01 35 (Du lundi au vendredi 10h – 17h) ou clients@causeur.fr Impression Berger Levrault Graphique 2780, route de Villey Saint-Étienne 54200 Toul Images de couverture Hannah Assouline – AP Photo/Julia Nikhinson/Sipa – Ron Sachs/CNP/AdMedia/ Sipa Causeur est édité par Causeur.fr SAS au capital de 153 850 euros - RCS Paris Siret 504 830 969 00037 Naf 5814 Z. Dépôt légal à parution - ISSN 1966-6055. Commission paritaire : 0325 D 90295. Enregistrement CNIL 1296122. 32, rue du Faubourg-Poissonnière 75010 Paris 01 84 79 01 35 / info@causeur.fr www.causeur.fr 22 Lève-toi et tue le premier ! Stéphane Simon et Pierre Rehov 24 B2 or not B2 John Gizzi 28 Julien Dray contre la gauche mollah Propos recueillis par Élisabeth Lévy et JeanBaptiste Roques ÀLARECHERCHE DEL'ESPRIT FRANÇAIS 34 « Liberté, égalité, légèreté ! » Entretien avec Frédéric Beigbeder Propos recueillis par Élisabeth Lévy, Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou 3 Allô, maman j'ai chaud Élisabeth Lévy 10 Coup de rouge Olivier Dartigolles 11 Les carnets d'Ivan Rioufol 12 Il y a une vie après l'Assemblée... Emmanuelle Ménard 14 Le mur des comptes Jean-Jacques Netter 16 Champions, mes frères ! Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques 18 Le déclin de l’empire des mollahs Gil Mihaely SOMMAIRE N°136 – ÉTÉ 2025 5 Hannah Assouline – Daniel Frasnay/akg-images/Adagp 38 Amour, gloire et beauté Entretien avec Franck Ferrand Propos recueillis par Élisabeth Lévy, Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou 44 L'arasement de la majesté Jean-Michel Delacomptée 47 Rudy Ricciotti : cœur de béton Élisabeth Lévy 50 Le musée du Grand Siècle, un grand dessein Entretien avec Alexandre Gady Propos recueillis par Jonathan Siksou 56 Un monument à la grandeur Frédéric Rouvillois 58 Ces cathos-là Cyril Bennasar 62 Quel antisioniste êtes-vous ? Par Céline Pina CULTURE& HUMEURS 66 Mathieu : un roi en grand format Arthur Pauly 68 Restent les paysages Georgia Ray 71 La boîte du bouquiniste Jonathan Siksou 72 De pages en plages Emmanuel Domont 74 007 dans la peau d'un SS ? Julien San Frax 76 Mémoire à fleur de peau Pascal Louvrier 76 Curiosité vagabonde Vincent Roy 78 Le goût du large EmmanuelTresmontant 80 Tant qu'il y aura des films Jean Chauvet 82 L'ère de la calomnie Gilles-William Goldnadel Prochaine parution : le 3 septembre 2025 6 D.R. – Mika Cotellon/Gaumont Jean-Pascal Zadi est un cinéaste au talent indéniable. Dans sa comédie Tout simplement noir, sortie en 2020, il jette un regard très juste et très caustique sur les antiracistes professionnels qui prospèrent dans la grande familledushow-business.EtmériteamplementleCésar du meilleur espoir masculin que son rôle de disciple français du mouvement Black Lives Matter lui a valu (car il joue aussi dans ses films), doublé d’un statut de chouchou des médias bobo, particulièrement apprécié pour son aptitude peu conventionnelle à dénoncer tous les travers de la société, même ceux que la gauche ne Depuis 2007, les quatre tournois du grand chelem garantissent une même rémunération entre joueurs hommes et femmes. À travail égal, salaire égal, qui pourrait s’opposer à une telle mesure ? Toutefois, si on creuse un peu, on est en droit de s’interroger sur le caractère juste d’un tel égalitarisme. En effet, que ce soit en 2025 ou 2024, le vainqueur du tournoi – Carlos Alacaraz – a passé environ vingt heures sur le court, alors que les championnes de 2024 (Iga Swiatek) ou Humournoir Balles dematch inégales ParJean-Baptiste Roques ParStéphaneGermain veut pas voir. Autant dire que l’on ne s’attendait pas à ce qu’il dise de si grosses bêtises sur France Info, le 27 juin, lors d’une interview promotionnelle pour son nouveau long métrage, Le Grand Déplacement. Questionné sur le racisme anti-Blancs, Zadi s’exclame : « C’est une hérésie ! » Comprenez : le racisme anti-Blancs n’existe pas. À l’en croire, quand des Blancs se font insulter ou agresser à raison de leur couleur de peau, il s’agit seulement d’« hostilités inhérentes à l’être humain », pas de racisme, phénomène qui, selon lui, n’est avéré qu’à condition de procéder d’un « système ». Aussi convaincant que Claudine Gay, l’ex-présidente de l’université Harvard, dissertant sur le « contexte » de l’antisémitisme devant le Congrès américain, Zadi se lance alors dans une démonstration fumeuse, selon laquelle il est impossible qu’un Blanc soit victime de racisme, puisque « les Noirs, les Arabes et les Asiatiques » rencontrent « dans la société occidentale » davantage de « freins » pour « avoir un boulot, rentrer dans une boîte de nuit, avoir un appartement ». A-t-il conscience du comique de son argument ? Qu’à ce compte-là, il nous donne l’autorisation, sans risquer l’accusation de racisme, de nous moquer publiquement de la carnation d’un Noir privilégié, par exemple un président africain, qui dans son pays ne rencontre systémiquement aucune difficulté à se loger, à exercer une éminente profession ou à aller danser en discothèque ? Quand un raisonnement… tout simplement foire. • 2025 (Coco Gauff) n’ont tapé la balle que pendant dix et onze heures. Ce n’est pas que les joueuses soient plus expéditives, mais elles jouent leurs matchs en trois sets alors que les hommes disputent les leurs en cinq manches. Alcaraz et Coco Gauff ont d’ailleurs joué chacun une finale très disputée, mais quand l’une a bataillé deux heures et trente-huit minutes, l’autre a amorti, lifté, coupé, lobé pendant cinq heures trente. La quantité de « travail » fournie ne semble donc pas exactement la même. Résultat, à l’heure passée sur le court, les hommes sont payés presque deux fois moins, un détail qui n’en est pas un à 120 000 ou 240 000 euros de l’heure (Alcaraz et Gauff ont empoché chacun un pactole de 2 550 000 euros cette année). L’égale rémunération entre hommes et femmes, au tennis, demeure une décision politique et comme toute discriminationpositive,ellecréedesinjusticesenprétendant les éradiquer. Et ne parlons pas du spectacle offert par les hommes et les femmes du fait de leur niveau de jeu. On peut apprécier le tennis féminin sans se leurrer sur les niveaux respectifs des unes et des autres. Avant de hurler à l’ignominie, écoutons ensemble la révélation française du tournoi, Loïs Boisson. Interrogée sur France 2 à propos des joueuses qui l’avaient inspirée, la demi-finaliste a répondu avec beaucoup de sincérité : « Aucune. Je ne regardais que les hommes. » Consternation sur le plateau du service public. Rires gras chez les auteurs mal pensants de Causeur. • 7 D.R. Originaire de Dortmund, Alina S. a postulé dernièrement à un emploi de secrétaire dans une imprimerie située à Hagen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Considérant qu’elle n’avait pas les compétences pour ce poste, l’entreprise n’a pas retenu sa candidature. Ni une ni deux, Alina S. a immédiatement porté plainte pour… discrimination. Précisons qu’Alina S. est un homme qui se définit pour le moment comme une « personne trans et intersexuelle » en raison d’une « réassignation sexuelle incomplète » en vue de devenir une femme – sa voix, non encore modifiée par une chirurgie du larynx, ne laisse par exemple aucun doute sur son sexe d’origine. Cette personne a réclamé une indemnisation de 5 000 euros et obtenu finalement 700 euros après que l’affaire a été jugée au tribunal du travail de Bielefeld, tribunal dont le président, Joachim Kleveman, a révélé à la presse qu’Alina S. avait déclenché ces dernières années 239 actions en justice contre des entreprises ayant refusé de l’embaucher. Cette créature procédurière a touché à chaque fois des dommages et intérêts dont les montants étaient parfois supérieurs à 3 000 euros. Au chômage depuis douze ans, Alina S. a eu le temps de se renseigner sur les multiples possibilités qu’offre la loi allemande. Par exemple, il suffit que l’entreprise oublie d’ajouter, dans son annonce d’emploi, un « d » pour «divers»danslarubriqueindiquantlesexeducandidat, pour qu’elle encoure le risque de se voir traîner, comme l’imprimerie de Hagen, devant un tribunal. Dans un autre cas, Alina S. a porté plainte contre une société qui parlait dans son annonce de « jeune équipe » – âgé.e de 47 ans, iel s’est senti.e discriminé.e. Résultat : 3 750 euros de dommages et intérêts. L’un dans l’autre, Alina S. aurait ainsi empoché au bas mot la somme rondelette, exonérée d’impôts, de 240 000 euros, selon le président du tribunal Joachim Kleveman qui, à l’issue de son dernier procès gagné, lui a lancé un facétieux : « À la semaine prochaine ! » Cette fois, c’est une entreprise de nettoyage qui est la cible d’Alina S. • Unbonboulot ParDidierDesrimais Créée en 1986 au lendemain des attentats commandités par l’Iran, ponctionnée sur les contrats d’assurance habitation et auto, on l’appelle la « taxe attentat », car à l’origine destinée à indemniser les victimes du terrorisme, mais on peut aujourd’hui la qualifier de « taxe caillera », car elle sert principalement à dédommager les victimes de la violence ordinaire et de l’insécurité permanente. Les chiffres du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, qui gère la caisse, sont frappants : en 2023, dernier exercice validé, 60 millions d’euros ont été versés à des victimes d’attentats alors que 467,3 millions l’ont été à 25 500 victimes d’infractions de droit commun… qui ont pour qualification homicides, violences sexuelles, viols, agressions, blessures volontaires et involontaires, dégradation de biens, squat… Comme l’explique le Fonds, « la loi a ainsi voulu éviter aux victimes d’avoir à demander directement à leur agresseur d’indemniser leurs préjudices, voire d’être privées de toute indemnisation en cas d’insolvabilité de celui-ci ou s’il n’est pas identifié ». Le Fonds est à ce point garanti et généreux que certains avocats ne fixent plus d’honoraires, mais se paient sur la bête en prenant un pourcentage sur les indemnités que touchent leurs clients. Au nom de la solidarité nationale, l’État, via ce Fonds, a pris donc les victimes sous sa coupe, qui menace de déborder. L’inflationdesindemnitésenatteste:en2015lasommeallouée à quelque 13 000 victimes était de 271,8 millions. Elle s’élève donc aujourd’hui à 467,3 millions, une hausse de 70 %, qui illustre les années Macron. Sous Jupiter, le mercure affole le thermomètre de l’insécurité. Conséquence, la taxe « caillera » a grimpé : de 4,3 euros en 2015, elle a aujourd’hui atteint 6,5 euros par contrat… Les délinquants bénéficient ainsi d’une double remise de peine : non seulement ce sont les cochons de payants qui indemnisent leurs victimes, mais de plus, ils ne participent pas à la collecte nationale, car beaucoup n’aiment pas les polices... d’assurance, auxquelles ils ne souscrivent pas. • Primeà l’insécurité ParOlivierAnnichini 8 D.R. On connaissait les poupées gonflables, destinées à assouvir des fantasmes érotiques. On peut désormais se procurer des nourrissons artificiels. Les « poupées reborn » sont si réalistes qu’on peut presque les confondre avec de vrais bébés. Leur mode commence aux États-Unis dans les années 1990 avant de gagner le reste de la planète. S’il s’agissait au début de poupées ordinaires retravaillées (d’où reborn, « qui renaissent ») par des artistes, aujourd’hui on peut les acheter en kit et les personnaliser. Il y a un marché florissant en ligne et les prix peuvent être élevés. La clientèle est composée surtout de femmes qui peuvent s’imaginer pouponnant un véritable nouveau-né. Des appareils électroniques simulent les battements de cœur et la respiration. Beaucoup de clientes donnent le bain à la poupée, la mettent au lit ou la promène dans une poussette. D’abord une affaire de collectionneuses, les poupées reborn sont devenues aussi un exutoire à l’instinct maternel et même une aide à surmonter le deuil d’un enfant. Certains commentateurs dénoncent une forme de dépendance malsaine. D’autres rappellent la théorie de la « vallée de l’étrange » connue en robotique : plus un objet ressemble à un être humain, plus il provoque en nous de l’empathie ; mais s’il est trop réaliste, il provoque un sentiment de rejet, d’« inquiétante étrangeté », dirait Freud. C’est ainsi qu’une véritable panique morale vient de saisir le Brésil où plus d’une trentaine de projets de loi au sujet des poupées reborn ont été introduits dans des conseils municipaux ou les assemblées des différents États. La plupart visent à sanctionner les femmes qui essaient de faire soigner leur poupée à l’hôpital public ou qui prétendent avoir un bébé pour se faire traiter en priorité. Pourtant, aucun cas avéré ne justifie cette mobilisation. Une vidéo sur TikTok montrant une poupée amenée à l’hôpital s’est révélée n’être qu’une mise en scène ludique. Cela n’a pas empêché les amatrices de subir un torrent de dérision vitriolique sur les réseaux ou les fabricants de recevoir des menaces de mort. Une chanson de rap parodique prône le recours à la violence contre les maléfiques poupées. Le 6 juin, un homme a frappé un vrai bébé à la tête. Sa défense ? Il croyait que c’était une poupée reborn. • ParFredericdeNatal Est-ce qu’en boxe féminine l’Algérienne Imane Khelif aurait caché ses bijoux de famille pour obtenir une médaille d’or aux JO de Paris ? Pour couper court, et éviter à l’avenir toute suspicion, la fédération World Boxing (partenaire du CIO) a édicté de nouvelles règles : désormais pour monter sur le ring, il faudra se soumettre à une analyse ADN, déterminant le sexe à la naissance, avant d’éventuelles modifications hormonales ou coups de bistouri. Ce nouveau point pourrait indisposer la FFB (fédération française) qui a accordé en avril 2024 à Maho Bah-Villemagne, né femme, mais ayant obtenu administrativement la qualité masculine, une licence homme… Ex-femme et boxeuse (vicechampionne de France en 2022), on ne peut le suspecter de vouloir tricher car la transition est risquée… Mais Maho, 30 ans, 50 kilos sur la balance, peine à trouver des adversaires. Dans cette catégorie, il y a peu de boxeurs sinon à sa taille du moins à son poids, et encore moins qui veulent prendre le risque de croiser les gants avec une ex-femme… Verdict depuis l’obtention de sa licence homme, Maho n’a combattu que deux fois, toujours contre le même adversaire (pour un nul et une défaite), ce qui devient rengaine. Remarquez, entre les cordes, ça pourrait créer des liens : « Il m’a mis une droite, je lui ai mis une gauche, on a tout de suite compris qu’on était faits l’un pour l’autre. » Naguère on disait d’une personne qu’elle avait mauvais genre quand elle avait de drôles de mœurs. Aujourd’hui on parle de personnes qui ont le cul entre deux chaises. Un cassetête dont Maho a accepté de nous causer : « Quand je boxais chez les femmes, on me soupçonnait d’être un homme et un tricheur. Maintenant que j’ai une licence homme, mes adversaires hésitent, et je les comprends, car c’est pas évident de boxer un trans. » Actuellement blessé, Maho espère remonter sur les rings à la rentrée. Trois adversaires auraient donné leur accord. La preuve que chez les coqs (catégorie de 51 à 53 kilos), il n’y a pas que des poules mouillées • Lasolitudeduring Ersatzdebébés ParOlivierAnnichini 9 Harvard Staff Photographer – Ranson Le mensuel anglais Times Higher Education nous apprend que, cette année, sur les 200 universités figurant en haut de son classement mondial de plus de 2 000 établissements, plus d’un quart sont dirigés par des femmes. Au nombre de 55 aujourd’hui, les présidentes n’étaient que 28 en 2015. C’est certes un progrès pour l’égalité qui reflète l’excellente réussite scolaire des filles. Et puis, depuis longtemps, on nous sermonne sur les avantages du leadership féminin par rapport au vieux modèle patriarcal. Les femmes feraient preuve de moins d’agressivité, de plus de prudence et de plus d’empathie. Or, les résultats d’une série d’études convergent sur la même conclusion : en moyenne, les femmes universitaires soutiennent moins que les hommes les valeurs académiques traditionnelles de liberté d’expression et de liberté de recherche. En 2022, d’après une étude conduite par la Foundation for Individual Rights and Expression, sur 1 491 universitaires américains, 61 % des hommes, mais seulement 49 % des femmes pensent qu’il n’est jamais acceptable d’empêcher quelqu’un de s’exprimer. Quand un(e) collègue est à l’origine de propos controversés, deux fois plus de femmes que d’hommes sont en faveur d’une enquête officielle. Et plus de femmes que d’hommes pensent Moraledureetsciencesmolles ParJeremyStubbs qu’un homme qui refuse de suivre une formation à la diversité devrait y être contraint. En 2021, l’analyse par une équipe sino-belgo-norvégienne des opinions de 2 587 chercheurs européens conclut que les chercheuses mettent plus souvent l’accent sur le progrès sociétal et les chercheurs sur le progrès scientifique. La même année, selon une étude qui porte sur 468 professeurs de psychologie américains, quand la vérité scientifique et la justice sociale sont en conflit, 66,4 % des hommes priorisent la vérité, mais seulement 43 % des femmes. Tendance confirmée par une enquête auprès de 3 772 universitaires aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Ainsi, les hommes privilégient la quête de la vérité, même quand elle est controversée ; les femmes, la promotion de buts moraux et sociaux aux dépens de la liberté d’expression. Avec la féminisation progressive de l’université, devons-nous nous attendre à moins de science et plus d’intolérance ? • 10 C OUP DE ROUG E Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. « J’aime qu’on me contredise ! » pourrait être sa devise. A vant l’intervention israélienne en Iran du 13 juin, Benyamin Netanyahou était en grande difficulté. D’abord sur le plan intérieur, avec ses alliés gouvernementaux d’extrême droite qui, refusant la participation des ultra-orthodoxes au service militaire, le menaçaient d’une dissolution de la Knesset. Habile tacticien, le Premier ministre israélien semblait pourtant de plus en plus acculé en n’ayant qu’un seul horizon pour se maintenir : poursuivre la destruction de Gaza. Un carnage sans issue après le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par les terroristes islamistes du Hamas. La riposte légitime s’est transformée en une vengeance disproportionnée, depuis plus de vingt mois, contre le peuple palestinien enfermé dans une enclave de douleur et de mort, de colères et de ressentiments. Sans parler des exactions du gouvernement israélien en Cisjordanie. De plus en plus d’Israéliens, dans ce pays démocratique, ne voulaient plus de cela, d’un horizon obstrué et d’un isolement international. Avant l’intervention israélienne puis américaine sur l’Iran, deux processus diplomatiques étaient engagés. D’abord des échanges directs, à Oman, entre Américains et Iraniens sur la question du nucléaire. Puis, la conférence programmée à New York, du 17 au 20 juin, à l’initiative de la France et de l’Arabie saoudite, pour la reconnaissance de l’État palestinien. Et aussi – cela a été trop peu rappelé – pour une reconnaissance d’Israël par des pays arabes. Bref, il était question de diplomatie et de politique. D’avenir commun, de sécurité collective pour éviter une escalade dans une région poudrière où toute déflagration peut avoir des conséquences vertigineusement dangereuses. Puis, après l’intervention israélienne et américaine en Iran, tout cela a été déchiré. Éparpillé aux quatre vents d’un Proche-Orient en état de choc. À l’heure où ces lignes sont écrites, les commentaires portent sur les performances de la bombe GBU-57. C’est impressionnant quand même notre capacité à être tour à tour infectiologues (au temps du Covid), sélectionneurs (pour les JO ou le PSG) et maintenant spécialistes des bombardiers B-2 et de l’uranium enrichi. Il est aussi question de ce que pourrait être la riposte iranienne, de la dimension stratégique du détroit d’Ormuz, de la possible flambée du prix du pétrole. Et de l’impuissance française et européenne. Seul le chancelier allemand a eu un propos audible en indiquant que Benyamin Netanyahou avait fait le « sale boulot » pour nous tous. Le Premier ministre israélien a obtenu à la fois le précieux soutien américain et un nouveau théâtre d’opérations. On sait qu’il peut faire la guerre. On sait qu’il peut imposer la loi du plus fort. Surtout s’il est soutenu par plus fort que lui encore. On sait qu’il est un politique capable, dans des situations particulièrement difficiles pour lui, de se tirer d’affaire pour mieux se relancer et s’imposer. Mais pour quelle issue ? Pour quel projet politique ? Celui des partis religieux d’extrême droite qui, il y a peu d’années encore, n’auraient jamais pu intégrer un gouvernement israélien ? Je n’ai jamais confondu l’État d’Israël avec son gouvernement. Alors que l’antisionisme est devenu un antisémitisme, on doit pouvoir continuer à critiquer, si nécessaire, la politique du gouvernement israélien. D’accord ? • L'HUMEURD'OLIVIERDARTIGOLLES 11 R E MIS EN LIBER T É LESCARNETSD'IVANRIOUFOL L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée : la mobilisation des #Gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Et les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente. U ne chamaillerie, a expliqué Emmanuel Macron pour dédramatiser l’affront de son épouse repoussant brutalement, des deux mains, le visage interloqué du président. Mais cette intimité volée, filmée le 25 mai au Vietnam à la descente d’avion du couple, a été vue pour ce qu’elle montrait : un mari giflé. Or ce geste d’exaspération est venu rejoindre, chez les Français excédés, un semblable sentiment de rejet à l’encontre d’un chef de l’État à l’âme sèche. La colère a gagné les oubliés du système, confisqué par une caste hautaine et inopérante. Les dirigeants ont raison de s’inquiéter des irritations populaires. « Je suis en colère, comme beaucoup de Français », a déclaré Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, en réaction aux violences urbaines ayant salué, en mimant des intifadas, la victoire du PSG en Ligue des champions le 31 mai. Mais qu’attend-il pour fuir ce centrisme bavard et impuissant ? Macron immobilise la France. Même Amélie de Montchalin, chargée des comptes publics, l’a admis (RTL,10 juin) en regard des finances publiques : « Oui, il y a un risquepourlaFrancedemisesoustutelleduFMI.» Cette perte de contrôle de l’État se décline dans tous les domaines. À peine le président venaitil de déclarer, après les émeutes d’après-match : « Nous poursuivrons, nous punirons, nous serons implacables », les juges rendaient majoritairement des jugements modérés. Son procès contre ceux qui « préfèrent brainwasher [« laver le cerveau »] sur l’invasion du pays et les derniers faits divers » a envenimé la révolte des victimes des barbares, ces loups introduits par la société ouverte. Les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme, le climat ou les océans dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente. L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée. La mobilisation des #Gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Grâce à son mouvement, l’écrivain a déjà incité les députés à abroger, le 28 mai, puis le 17 juin, les ZFE (zones à faibles émissions). Son combat contre la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui veut faire payer aux usagers les 300 milliards d’investissements dans des énergies renouvelables jugées inutiles, fédère lesmarins-pêcheursetlesagriculteurs.Lemotd’ordre « C’est Nicolas qui paie » est repris par les trentenaires assommés par le fisc. Les succès d’audience d’une personnalité rebelle comme Philippe de Villiers, qui crève l’écran sur CNews chaque vendredi dans son incarnation de l’esprit français, témoignent de l’épuisement du mondialiste déraciné. « Macron doit partir », a dit Villiers le 13 juin. D’autres le martèlent sur les réseaux sociaux. Le temps presse. Le théâtre politique tourne à vide. « L’Assemblée s’agite comme une mouche dans un bocal » (député Harold Huwart). La machine législative produit des lois inutiles ou inapplicables. Le chef de l’État multiplie des amas de mots sans lendemain. Selon un sondage Cevipof (L’Opinion, 6 juin), 73 % des Français voudraient « un vrai chef ». Quand Israël a choisi, le 13 juin, d’attaquer les sites nucléaires des mollahs iraniens, Benyamin Netanyahou n’a pas prévenu Macron. Le président français, ombre tremblante, ne comprend pas qu’un peuple qui ne veut pas mourir puisse se défendre de ses ennemis. Donald Trump a dit vrai, le 17 juin, avant de lancer en appui d’Israël ses bombardiers B-2 sur Fordo, Natanz et Ispahan : « Emmanuel se trompe toujours. » •
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