ROCK AND FOLK n°692 - Page 4 - 692 Avril 2025 R&F 003 Edito L’avenir c’est le futur Au moment où deux lettres — le I et le A — s’imposent comme le grand défi de notre époque et interrogent notre futur, il y a cinquante ans une autre révolution inquiétait déjà l’humanité : celle du règne des machines. L’Homo sapiens a toujours craint le progrès. Le feu ? Peu de témoignages là-dessus, néanmoins on peut imaginer la réticence de certains dans les cavernes (trop chaud, trop lumineux, ça nique les peintures…). Socrate se méfiait de l’écriture. L’imprimerie, l’Eglise n’était pas trop pour. L’électricité et le train faisaient flipper. Les machines, les voitures, la conquête spatiale, le cinéma, l’informatique, les téléphones portables… Bref. En 1974, Kraftwerk publie “Autobahn”. Un album qui célèbre le plaisir de la route — clope au bec, autoradio à fond, sans ceinture ni trop de limitation de vitesse, 1,20 g d’alcool dans le sang — mais qui, surtout, interroge ou célèbre un futur en mutation. Plus qu’un simple disque, c’est une prophétie musicale. Un manifeste électronique. Depuis l’Allemagne industrielle, Kraftwerk capte l’air du temps et anticipe, en les évoquant, les grandes angoisses modernes de l’époque : la radioactivité, la mécanisation du travail, l’essor de l’ordinateur personnel, la montée en puissance de la technologie dans la vie quotidienne. Ces thèmes qui hantaient déjà la science-fiction et le cinéma. Orwell et Huxley ont prévenu des dérives du progrès avec “1984” et “Le Meilleur Des Mondes”. Asimov, avec “Les Robots”, interrogeait la frontière entre l’homme et la machine. “Metropolis” de Fritz Lang montrait un monde dominé par des robots humanoïdes, tandis que “2001 : L’Odyssée De L’Espace” mettait en garde contre une intelligence artificielle hors de contrôle. En… 1968 ! L’idée même du remplacement de l’humain par la machine s’impose dans “Autobahn”, à travers ses rythmes mécaniques et son esthétique froide. Une inquiétude que “Blade Runner” et “Brazil” porteront à l’écran dans les années 1980 et qui, aujourd’hui encore, alimente les débats sur l’automatisation et l’IA. Les peurs restent les mêmes, elles changent juste de visage. Et d’accessibilité. De vitesse, aussi. Avec “Autobahn”, Hütter et Schneider tournent résolument le dos à leur passé. Exit la flûte et le violon, place aux synthétiseurs et aux séquenceurs. Terminé les sandales et les bésicles, les cheveux longs sont coupés, les chandails abandonnés… Des costumes sont achetés. Et même des cravates ! Leur son futuriste tranche avec l’époque. Devient le futur. Au présent. En pleine ère hippie, alors que le Larzac fait se mobiliser, eux chantent l’urbain, la route, l’ordinateur. Ils sont les pionniers d’un nouveau langage sonore, influençant plusieurs générations à venir : new wave, techno, hip-hop, pop électronique. Avec “Autobahn”, Kraftwerk ne se contente pas de capturer son époque : il invente un monde. Un monde où la modernité fascine autant qu’elle inquiète. Un monde qui, cinquante ans plus tard, est devenu le nôtre. Kling klang. Vincent Tannières Parution le 20 de chaque mois Mes Disques A Moi Patrick Boudet DENNIS MORRIS 12 In memoriam Eric Delsart MIKE RATLEDGE 18 Jérôme Soligny DAVID JOHANSEN 20 Tête d’affiche Dimitri Neaux LAMBRINI GIRLS 22 Romain Burrel THE DARKNESS 24 Jérôme Reijasse Zombie Zombie 26 Romain Burrel PERFUME GENIUS 28 Alexandre Breton KAS PRODUCT 30 Stan Cuesta THE DELINES 32 Géant Vert JETHRO TULL 34 En vedette Clara Lemaire THE HORRORS 36 Léonard Haddad THE WALKABOUTS 40 En couverture Jérôme Soligny KRAFTWERK 44 La vie en rock Patrick Eudeline MArtin Circus 54 RUBRIQUES edito 005 Courrier 008 Telegrammes 010 Disque Du Mois 059 Disques 060 Reeditions 068 REHAB’ 072 vinyles 074 DYNASTIE 076 DISCOGRAPHISME 078 HIGHWAY 666 REVISITED 080 Qualite France 081 Erudit Rock 082 Et justice pour tous 084 FILM DU MOIS 086 Cinema 087 SERIE du mois 089 IMAGES 090 Bande dessinee 092 LivRes 093 Live 094 PEU DE GENS LE SAVENT 098 Sommaire 692 44 Kraftwerk www.rocknfolk.com Photo Cal Moores-DR 36 The Horrors Couverture : photo Maurice Seymour/ Kraftwerk/ Getty Images Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 34 71 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.com Président du Conseil de Surveillance Patrick Casasnovas Présidente du Directoire Sophie Casasnovas Directeur Général Frédéric de Watrigant Editeur Philippe Budillon Rédacteur en Chef Vincent Tannières (32 99) Rédacteur en Chef adjoint Eric Delsart Chef des Infos Yasmine Aoudi (32 94) Chef de la rubrique Live Matthieu Vatin (32 99) Conseiller de la Rédaction Jérôme Soligny Maquette Christophe Favière (32 03) Secrétaire de rédaction Manuella Fall Publicité : Directeur de Publicité Olivier Thomas (34 82) Assistant de Publicité Christopher Contout (32 05) PHOTOGRAVURE Responsables : Béatrice Ladurelle (31 57), Flavien Bonanni (35 29) Chromiste : Hugues Vuagnat (3489) VENTES (Réservé aux diffuseurs et dépositaires) : Emmanuelle Gay (56 95) ABONNEMENTS : Promotion Abonnements : Carole Ridereau (33 48) Abonnement : France 1 an 12 numéros version papier + DIGITAL OFFERT : 76 €, Prélèvement mensuel 2025 : 6 € Suisse et autres pays et envoi par avion : nous contacter au (33) 03 44 62 43 79 ou sur : abo.lariviere@ediis.fr VENTE PAR CORRESPONDANCE : Accueil clients 03 44 62 43 79 Commande par Carte Bancaire ou sur www.rocknfolk.fr COMPTABILITé (32 37) Fax : 01 41 40 32 58 Directeur de la Publication et Responsable de la Rédaction : Patrick Casasnovas IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne Zac de Mercières 60205 Compiègne Cedex. Papier issu de forêts gérées durablement, origine du papier : Allemagne, taux de fibres recyclées : 63%, certification : PEFC/ EU ECO LABEL, Eutrophisation : 0,003 kg/ tonne. Diffusion : MLP – Rock&Folk est une publication des Editions Larivière, SAS au capital de 3 200 000 euros. Dépôt légal : 2ème trimestre 2025. Printed in France/ Imprimé en France. Commission paritaire n° 0525 K 86723 ISSN n° 07507852 Numéro de TVA Intracommunautaire : FR 96572 071 884 CCP 11 5915A Paris RCS Nanterre B 572 071 884 Administration : 12, rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 32 Fax : 01 41 40 32 50. Les manuscrits et documents non insérés ne sont pas rendus. Courrier des lecteurs Sex-symbol avec des dents pourries 008 R&F Avril 2025 Autour du Poe Votre article sur le groupe Larkin Poe des sœurs Lovell est des plus intéressants mais si vous rappelez que le nom du groupe fait référence à l’arrière-arrière-arrière-arrièregrand-père de Megan et Rebecca, que ce dernier était pauvre, intelligent et originaire de l’Alabama, peut-être aurait-il fallu préciser également que Larkin Poe était “le cousin de l’auteur gothique américain Edgar Allan Poe si bien traduit dans notre langue par Charles Baudelaire” (cf : Olivier Nuc, “Le Figaro”). Gérard Hiblot depuis tout petit. L’idée de me les brosser ne m’a jamais effleuré et je ne peux pas le reprocher à mes parents. Ma mère et mon père ont eu toutes leurs dents arrachées. Ils avaient reçu de l’argent de l’Etat pour se faire poser des prothèses, cette politique visait évidemment à faire économiser au gouvernement la prise en charge de soins dentaires appropriés” — comme mentionné par Daltrey. “[Alors] dès qu’ils riaient, leurs dents tombaient. Dès qu’ils dansaient, ils perdaient leur dentier. Voilà ce que je me disais : inutile de m’ennuyer à me brosser les dents puisque, plus tard, un dentier tout neuf m’attendra et je pourrai le perdre sur la piste de danse, comme tout le monde (...). On avait [bien] des brosses à dents à la maison, mais seul mon père les utilisait, pour cirer ses bottes de travail. Ça m’a valu des problèmes de santé. Et j’ai été naïf de ne pas m’en inquiéter plus tôt — je sais que ça peut sembler bizarre venant de moi, mais, je vous assure : prenez soin de vos dents ! Mais il m’a fallu une éternité pour capter que mes dents étaient une des raisons pour lesquelles je me sentais malade en permanence. A l’époque où j’ai intégré les Pistols, à la seconde où j’ai souri, j’ai entendu : ‘Oh, mon Dieu, matez-moi ces dents !’ C’est Steve Jones qui a fait : ‘Oh, beurk, t’es tout pourri ! Regarde-toi, tes dents sont pourries !’ Les deux du devant étaient couvertes de moisissure verte. Pourtant, je n’avais pas mangé d’épinards ni rien. Si c’était ça, cette merde était coincée là depuis un bail. Entre la gencive et les deux dents de devant, il y avait une ligne verte, un peu comme de l’argile, et sur toutes les autres ce truc jaune affreux que je n’ai jamais compris — de la plaque dentaire. A l’époque, je pensais que c’était exceptionnel, un truc bien, quoi. Eh ben non. Pas du tout. J’étais là : ‘Pourquoi personne ne veut m’embrasser ?’ ” Il est par ailleurs de notoriété publique que la punchline “You have to have the all pulled out, after the Savoy Truffle” était une allusion directe de George Harrison, dans “Savoy Truffle”, aux “dents pourries” de l’amateur de chocolat Eric Clapton. Dans son autobiographie, “I, Me, Mine”, le gentle Beatle relatait : “qu’à l’époque Clapton avait beaucoup de cavités dentaires nécessitant des soins. Il avait toujours mal aux dents mais mangeait beaucoup de chocolat — il ne pouvait pas y résister”. Les dents de travers, alors, trait working-class ultime ? Béttina Moisson Mélange de genres Un peu de Bowie, de T.Rex, du Dirigeable, des White Stripes, allez Gyasi (chanteur intelligent et pas artificiel), ajoute un peu d’Aerosmith et tu seras le futur du rock’n’roll. Patrick Moalic Saints honnorés Merci pour ce bel hommage rendu aux Saints qui a marqué l’histoire de ce si riche mouvement artistique et culturel que fut le punk rock. S’il est vrai que la richesse musicale de leur discographie est incontestable et que “I Am Stranded” restera un single d’anthologie dans l’esprit des amoureux de cette époque, je ne vois en revanche aucune injustice commise concernant leur déficit de notoriété vis-à-vis du Clash ou de Sham 69, le groupe de Hersham que Rock&Folk a toujours perçu comme étant des bourrins (comme UK Subs ou Angelic Upstarts...). Ces deux groupes ont occupé la scène musicale anglaise et londonienne en multipliant les concerts durant toute cette période, tissant les liens indéfectibles avec les teenagers que nous étions. Si je peux comprendre que le single “If The Kids Are United” (Sham 69) ne corresponde pas à la vision musicale des journalistes de Rock&Folk, les deux albums du Clash : “London Calling” et “Sandinista” s’inscrivent parmi les œuvres majeures de l’histoire du rock and roll. L’histoire n’a pas été par conséquent injuste visà-vis des Saints dont je salue ici le talent artistique et musical. Thierry Grosso Mr Bricolage S’agit-il une fois encore du fameux phénomène proustien ? Lorsque j’écoute les Kills, aussitôt me revient à l’esprit la ferronnerie qui se trouvait juste en face de chez mes grands-parents, dans la rue des Doreurs. Furieuse activité, toute en stridences, en grincements, toute en griffures, en éraflures. Le suraigu de la perceuse. Le grésillement des soudures. Inoxydables Alison et Jamie. MArc Marseillais ? Rock&Folk sur Dylan. Ces mots au détour de la page 56, “Ni bonjour, ni merci”. En fait, Dylan aurait pu être parisien. Serge Frachet Sales dents pour les rockers Austin Powers avait démystifié quelque chose lorsqu’il disait via un tiers que : “Dans l’Angleterre des années soixante, on pouvait être un sex-symbol avec des dents pourries ; [L’hygiène buccale] ne comptant pas”. Assertion en écho de laquelle Roger Daltrey s’attardait de façon très éclairante dans son autobiographie. Il disait (à propos de sa future femme Heather) : “Elle aimait la manière british de se fringuer, nos coupes de cheveux. Aujourd’hui, elle remarque : ‘Vous étiez différents du genre de garçons qu’on rencontrait en Amérique... même si, en comparaison, vous aviez des dents pas possibles !’” Il poursuit : “C’est une généralisation, bien entendu. Si la plupart d’entre nous avaient une dentition très moche, c’était le résultat inattendu de l’Etatprovidence : si incroyable que ça puisse paraître, les dentistes du NHS, la médecine sociale anglaise, étaient alors rétribués au nombre d’extractions et de plombages qu’ils arrivaient à abattre chaque mois. Quand tout un système fonctionne de la sorte, tout le monde ou presque finit avec des chicots atroces. Au moment où on s’est connus, Harold Wilson était à la tête du pays et Heather était révoltée par ses dents jaunes. ‘Bon, c’est qu’il fume la pipe’, ai-je tenté ; et elle d’asséner : ‘On ne peut pas être Premier ministre et avoir les dents jaunes’.” Et ainsi, quand aujourd’hui la norme est à l’orthodontie précoce, un sentiment similaire nous traverse en visionnant avec le recul ce fameux entretien de David Bowie avec Russel Harty en 1973. Jessine Hein, peintre et sculptrice allemande, qui a d’ailleurs réalisé une curieuse reproduction des dents naturelles du Thin White Duke, déclare à ce sujet :“Les dents de Bowie étaient comme tout le reste chez lui : différent ! Loin de la norme esthétique, de la perfection, mais étonnamment belles dans l’univers de son apparence fantasque et miraculeuse. Son sourire révélait une imperfection qui le rendait plus réel, plus humain. Bowie a chanté pour nous à travers les interstices de ses dents mal positionnées et tordues et c’était magnifique ! Il a [d’ailleurs] déclaré qu’elles lui correspondaient bien.” Et comment ne pas évoquer le cas de Johnny Rotten ici, à propos duquel Steve Jones se répand dans “Lonely Boy” en ces termes : “C’est moi qui ai baptisé John Lydon, ‘Rotten’, ‘le pourri’, à cause de l’état épouvantable de ses dents, et ça lui est resté” John Lydon confirme : “J’ai toujours eu de sales dents, Broken Bruno So long Marianne/ Le swinging London ne danse plus/ Je ne sais pourquoi/ J’avais ce week-end roulant sur les routes de campagne du Kent/ Ce besoin irrésistible de mettre en musique de fond un de tes albums/ Envie de ta voix rauque et cassée par les excès/ Cette voix déchirante, déchirée/ De femme blessée/ Un bouquet de roses pourpres séchées/ Traîne sur la table/ Oh so long Marianne/ Comme égérie d’un peintre préraphaélite/ Tes lèvres de pulpe/ Ton regard si pénétrant/ D’un geste tu laisses ce rideau de velours pourpre se refermer/ La campagne s’efface dans la brume/ Le ciel est gris de nuages cotonneux/ S’abandonner/ Morphine Bruno BAstide Pardon ? Dans certaines scènes d’ “Un Parfait Inconnu”, Chalamet évoque plus Johnny Thunders que le Zim. Jean-François Abgrail Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart, 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@ editions-lariviere.com Chaque publié reçoit un CD 010 R&F Avril 2025 DON AIREY Le claviériste britannique de Deep Purple annonce un nouvel album solo, “Pushed To The Edge”, qui verra le jour le 28 mars. BAMBARA Le trio de Brooklyn interprétera son cinquième et dernier opus “Birthmarks” à travers l’Hexagone. En avril, le 16 à Nantes au Stéréolux, le 17 à Bourges au Printemps de Bourges, et en mai le 14 à Reims à la Cartonnerie et le 15 à Paris à la Maroquinerie. ALAIN BASHUNG Capté en 2008, le dernier concert à l’Olympia de l’interprète de “Osez Joséphine” bénéficiera d’une sortie vinyle. “Alain Bashung A L’Olympia” sera disponible le 4 avril. KATE BUSH Christophe Delbrouck relate la carrière de l’Anglaise Kate Bush, musicienne avant-gardiste et personnalité incontournable du rock féminin, dans un ouvrage sobrement intitulé “Kate Bush”. En librairie le 10 avril prochain. CAR SEAT HEADREST Le quatuor américain composé de Will Toledo, Ethan Ives, Andrew Katz et Seth Dalby livrera son treizième album. Annoncé comme un retour à “l’énergie rock des débuts”, “The Scholars” sera dans les bacs le 2 mai prochain. CATHEDRALE Les Toulousains soutiendront “Poison”, leur cinquième livraison, lors de deux soirées en avril : le 8 au Point Ephémère (Paris) et le 11 au Labo Des Arts (Toulouse). CLASH Quarante ans après la séparation du quatuor, le livre “All TheYoung Punks – A People’s History Of The Clash” de Iain Key donne la parole à 300 fans (journalistes, musiciens, roadies…). Retour sur les débuts du groupe jusqu’à sa fin, en passant par sa fulgurante ascension, à travers des anecdotes, souvenirs de concerts ou de lieux, des critiques de disques, de singles… Il sera en vente le 11 avril prochain. LEONARD COHEN Lors d’une vente aux enchères contenant près de 170 pièces (manuscrits et poèmes inédits, lettres...) par Julien’s Auctions le 28 février dernier, un carnet de notes manuscrites du poète canadien datant de 2007 a été acquis pour 120 650 $. DATSUNS Les Néo-Zélandais seront aux côtés des BelgoHollandais Sha-La-Lee à la Maroquinerie le 26 mars. DEATH VALLEY GIRLS Le groupe californien emmené par Bonnie Bloomgarden viendra insuffler son rock garage sur scène à l’Epicerie Moderne à Feyzin le 22 avril, au Quai M à la Roche-sur-Yon le 30 et au Point Ephémère à Paris le jour de la fête du Travail… DISQUAIRE DAY Le 12 avril aura lieu la journée internationale des disquaires indépendants, plus de deux cents références exclusives et inédites seront proposées par l’ensemble des disquaires participant à l’événement à travers toute la France. Pour l’occasion, à partir de 19 heures, Bertrand Burgalat, accompagné des A.S Dragon, Catastrophe… assurera le show sur la scène de Ground Control (Paris 12ème). JEREMY BRADLEY EARL Le guitariste, membre fondateur du combo psyché-folk new-yorkais Woods, a dévoilé son premier EP solo “Four Songs”. Il le défendra à Paris le 14 avril, au Point Ephémère. La veille, il sera en dédicace et exposera ses illustrations (avec possibilité d’achat) chez le disquaire Les Balades Sonores (Paris 18ème). MICK JONES Le guitariste a organisé à Londres une exposition “The Rock & Roll Public Library” pour le lancement du numéro 1 de son magazine éponyme centré sur la culture DIY, “des fanzines punk rock jusqu’à la mode, des écoles d’art jusqu’aux chômeurs, des démos sur cassettes quatre-pistes jusqu’aux studios high-tech”. HEAVY LUNGS Précédé du single “Yes Chef”, “ode au travail, à la transpiration et aux jurons en cuisine”, la révélation punk d’outre-Manche revient avec un deuxième missile. “Caviar” sera à écouter dès le 18 avril. MICK JAGGER Le leader des pierres qui roulent rééditera “The Very Best Of” (déjà paru en 2007) en 2 LP. La compilation renferme 17 chansons de sa carrière solo et 3 inédits, et sera en vente le 25 avril. KISS Offre d’emploi : Gene Simmons, le bassiste grimé, propose à ses fans d’occuper le poste d’assistant Télégrammes par Yasmine Aoudi Bambara Photo DR Heavy Lungs Photo Jason Thomas Geering-DR personnel et de roadie le temps d’une journée lors de sa prochaine tournée solo qui débutera le 3 avril. Le prix à payer pour cette “Ultimate Gene Simmons Experience” ? La modique somme de 12 495 $. LIMIÑANAS Marie et Lionel joueront leur dernier-né, “Faded”, à l’Olympia le 10 avril. MOGWAI Le documentaire “If The Stars Had A Sound”, consacré au groupe post-rock écossais, retracera son parcours de ses tout débuts en 1995 à son dixième album “As The Love Continues” en 2021. Réalisé par Antony Crook, il sera disponible en Blu-ray, DVD et digital le 28 avril prochain. JIM MORRISON La ville de Paris a attribué le patronyme du chanteur des Doors à une passerelle reliant les 4ème et 12ème arrondissements et surplombant le port de l’Arsenal. MOTÖRHEAD L’ex-batteur et cofondateur du combo britannique Lucas Fox se dévoile en 142 pages dans “Motörhead – In And Out”. Il relate sa vie, sa rencontre avec Lemmy Kilmister à Londres, sa plongée au cœur du Swinging London… L’autobiographie, aux Editions Hors Collection, sera à lire dès le 24 avril. PAVEMENT L’intégralité des singles datant de 1989 à 1999 du groupe de Stephen Malkmus sera réunie dans un coffret en 18 vinyles 45 tours en édition limitée. Reproduit avec les pochettes d’origine et accompagné d’un livret de 24 pages, “Cautionary Tales: Jukebox Classiques” est déjà à découvrir en streaming en attendant sa sortie physique espérée le 12 juillet prochain. PINK FLOYD Le film restauré “Pink Floyd At Pompeii – MCMLXXII” de 1972, réalisé par Adrien Maben, sera projeté en salles en IMax à travers le monde à partir du 24 avril. Remastérisé numériquement en 4K et remixé par Steven Wilson, il comprendra des images rares des coulisses. Le vinyle sera quant à lui disponible dès le 2 mai. PLEASURES Les rockers made in Marseille se produiront le 28 mars à Reillanne, au Café du Cour, et le 19 avril à Paris au Supersonic. PRINTEMPS DE BOURGES La 49ème édition aura lieu du 15 au 20 avril. The Limiñanas, Michel Polnareff, Rover, Terrenoire, Jean-Louis Aubert, Clara Luciani, Natacha Atlas, Gwendoline, Bambara, Fatboy Slim, Wysteria, Last Train, Ko Ko Mo, Richard Thompson feront partie de la longue liste d’artistes qui se succéderont sur scène dans différents lieux… PULP Le combo de Sheffield a signé un contrat d’enregistrement, allongeant ainsi la liste des artistes du label Rough Trade Records, qui manage le groupe depuis trente ans. ROUTE DU ROCK Après avoir annoncé que Pulp viendrait donner sa seule date française de l’été au Fort de Saint-Père, le festival malouin vient de révéler que les pionniers de l’électronique Kraftwerk seront également à l’affiche. La 33ème Collection Été de La Route du Rock aura lieu du 13 au 16 août 2025 à Saint-Malo (35). REYTONS Le quatuor anglais fera escale au Cabaret Sauvage le 5 avril. L’occasion de (ré)entendre son troisième microsillon “Ballad Of A Bystander”. ARTHUR RUSSELL “Travels Over Feeling: Arthur Russell – A Life” de Richard King est la biographie visuelle du musicien décédé en avril 1992. Elle renfermera des partitions manuscrites, paroles, photos, lettres et dessins provenant des archives de l’Américain et des entretiens avec ses pairs, ses amis et sa famille proches. En librairie à partir du 16 avril. Avril 2025 R&F 011 BUFFY SAINTE-MARIE La chanteuse, auteurecompositrice, qui aurait inventé ses racines autochtones canadiennes, a été officiellement déchue de sa nomination à l’Ordre du Canada en janvier dernier. VANDISC La 23ème convention internationale du disque se tiendra les 26 et 27 avril à Auvers-sur-Oise. Au programme vinyle, CD, DVD, Blu-ray, livres… NEIL YOUNG Alors qu’un nouvel album “Oceanside Countryside” du prolifique loner vient de paraître début mars, le documentaire “Coastal” réalisé par Daryl Hannah, son épouse, sera projeté au cinéma dans le monde entier pour une unique séance le 17 avril. La BO contenant onze morceaux sera disponible le lendemain. Condoléances Roy Ayers (musicien américain, néo soul et acid jazz), Rick Buckler (batteur britannique, The Jam), Jerry Butler (chanteur américain, de soul, The Impressions), Carton (chanteur français, de rock, Raoul Petite), Bill Fay (chanteur, pianiste et auteurcompositeur britannique), Roberta Flack (chanteuse américaine, de soul, jazz et folk), Tommy Hunt (chanteur américain, de soul et R&B, The Flamingos), Brian James (guitariste britannique, de punk rock, Lords Of The New Church, The Damned), David Johansen, Bruce Joyner (chanteur américain de rock garage, The Unknowns), Herbert Léonard (chanteur et auteur français), Gwen McCrae (chanteuse américaine), Joey Molland (auteurcompositeur et guitariste britannique, Badfinger, Natural Gas), Jamie Muir (percussionniste écossais, King Crimson), Dominique Noirtat (Monsieur courrier rock’n’roll aux Editions Larivière), Jean Sarrus (musicien et comédien français, Les Charlots…), Angie Stone (actrice, chanteuse américaine, de neo soul, Vertical Hold). Photo Bowen Stead-DR MIEN Le supergroupe psychédélique réunissant Alex Maas (The Black Angels), Rishi Dhir (Elephant Stone), JohnMark Lapham (The Earlies) et Robb Kidd (Golden Dawn Arkestra) revient sept ans après avec un deuxième essai. “Miien”, enregistré entre Montréal, Abilene et Austin, est attendu pour le 18 avril. Si on a tant aimé le rock dans toutes ses diversités, c’est aussi grâce à des clichés mémorables de Dennis Morris. Mais le photographe anglais ne s’est pas contenté d’immortaliser les légendes du rock. A travers son objectif, il a capturé l’âme de la communauté jamaïcaine de Londres, la sienne : l’église, les Sound Systems, sa mère, ses amis… puis, le quotidien des quartiers pauvres de l’est de Londres. Autant d’instantanés de vie, vibrants et authentiques. Une façon d’apprendre ROCK&FOLK : Premier disque acheté ? Dennis Morris : Le premier single était “Black Skin Blue Eyed Boys” d’Eddy Grant And The Equals. Et le premier LP était “Soul Rebels” de Bob Marley And The Wailers qui est sorti sur Trojan. R&F : Comment votre passion pour la photographie est-elle née ? Dennis Morris : J’ai fréquenté très jeune l’église St Mark, à Dalston. Et le bienfaiteur de ce lieu, Donald Paterson, a ouvert un club photo. Il m’a mis un appareil entre les mains, je devais avoir 9 ans. Et en assistant au tirage d’une photo, j’ai trouvé le processus tellement magique que je suis devenu accro. Dès lors, je n’ai cessé de prendre des photos de tout, que ce soit ma mère, les gens que je côtoyais ou mon environnement. Pour moi, la photographie, c’était une façon d’apprendre. R&F : L’idée de combiner photographie et musique vous est venue comment ? Dennis Morris : Je n’ai jamais voulu être photographe de rock. Mon ambition était de devenir photographe de guerre, mais pour différentes raisons, c’était impossible. Alors, j’ai simplement transposé cette influence dans la photographie rock et je m’y suis tenu. R&F : Comment avez-vous rencontré Bob Marley ? Dennis Morris : Quand j’ai appris qu’il venait en Angleterre pour sa première tournée, je voulais absolument le prendre en photo. Alors, j’ai séché l’école pour me rendre au Speakeasy Club où il devait jouer (du 15 au 19 mai 1973, ndr). J’y suis arrivé à 10 heures du matin car je ne savais pas qu’aucun groupe n’arrive si tôt pour faire les balances. J’ai donc attendu là-bas jusqu’à quatre heures de l’après-midi. Quand Bob Marley est arrivé, je lui ai demandé si je pouvais le prendre en photo. Il m’a répondu : “Ouais, mec, viens.” Je les ai shootés pendant qu’ils faisaient les balances. Et à la pause, Marley m’a demandé ce que c’était que d’être un jeune Noir en Angleterre. De mon côté, je lui posais des questionssurlaJamaïqueparcequejen’enavaisquetrèspeudesouvenirs. Pour une raison ou une autre, il m’a vraiment apprécié. Et il m’a proposé de les accompagner pour la tournée. Je n’ai pas hésité. Et le lendemain matin, j’ai fait mon sac comme si j’allais faire du sport à l’école pour les rejoindre.L’undemesclichéslesplusconnusestnéàcemoment-là.Assis danslacamionnettejustederrièreBob,etilm’adit:“Tuesprêt,Dennis ?” J’airépondu“Oui”etj’aiprislaphoto.Monaventurevenaitdecommencer. Quitter Babylone R&F : La tournée s’est passée comment ? Dennis Morris : Elle devait durer deux semaines, mais après seulement quelques jours, le froid de l’hiver anglais s’est fait sentir. Un matin, ils voulaientjoueraufootballmaisilneigeait.PeterToshetBunnyWailerm’ont demandé ce que c’était. J’ai répondu : “De la neige”. Ils m’ont regardé : “Qu’est-cequetuveuxdirepar… delaneige ?”.J’airépété:“Delaneige”. Ils se sont écriés : “C’est un signe de Jah. On doit quitter Babylone”. Ils détestaient le froid. Mais Bob, lui, insistait : “Non, non, on doit continuer et délivrer notre message”. Peter et Bunny, eux, ont refusé d’aller plus loin. La tournée s’est donc arrêtée brutalement et ils sont rentrés en Jamaïque. R&F : Et le fameux concert au Lyceum de Londres, en 1975 ? Dennis Morris :J’ai contacté Island Records et ils m’ont dit que Bob se souvenaitdemoi.J’aiobtenuunpassphotoetmevoilàdansla fosse avec lesautresphotographes.Tousmeregardaient,dugenre:“C’estqui,lui ?”. Il a saisi Bob Marley, les Sex Pistols, Marianne Faithfull comme nul autre. La Maison Européenne de la Photographie à Paris lui consacre une rétrospective exceptionnelle, à découvrir jusqu’au 18 mai 2025. Dennis Morris Recueilli par Patrick Boudet 012 R&F Avril 2025 Mes disques à moi “Marley m’a demandé ce que c’était que d’être un jeune Noir en Angleterre” Photo Muriel Delepont Avril 2025 R&F 013 014 R&F Avril 2025 J’avais déjà observé la manière dont Bob se produisait sur scène auparavant, donc je savais exactement où me placer pour capturer les meilleurs moments. J’ai pris des clichés incroyables qui ont ensuite été publiés en couverture du “NME”, du “Melody Maker” et de “Time Out”. R&F : Comment avez-vous réagi lorsque votre photo est devenue la pochette de l’album “Live!” de Bob Marley ? Dennis Morris : Waouh ! C’était un moment incroyable pour moi. Pour mon mentor, M. Paterson, qui a toujours cru en moi. Et bien sûr c’était un moment important pour ma maman. C’est à ce moment-làqu’ellearéaliséquejepouvais vraiment faire de la photographie mon métier, en vivre. J’ai eu une enfance très similaire à celle de Bob. Je n’ai jamais connu mon père. A ce jour, je ne sais toujours pas qui il est. Bob, non plus n’a jamais connu son père. R&F : Etait-il facile de photographier Bob Marley ? Dennis Morris : Oh oui. C’était un homme magique. Vraiment magique. Je n’avais donc jamais besoin d’éclairage pour le photographier. Il illuminait tout autour de lui. La lumière venait de lui, je devais simplement être prêt à capturer ce moment. R&F : Quel est le plus beau cadeau que Bob Marley vous ait offert ? Dennis Morris : Le fait que je sois ici en train de te parler, vraiment. Il m’a donné la conviction que je pouvais accomplir ce que je voulais accomplir en tant que jeune homme noir. Il me disait toujours : “Crois en toi, et tu avanceras. Il y aura de nombreux obstacles, mais ne laisse aucun d’eux te briser. Il y aura des hauts et des bas, mais continue toujours à avancer, à aller de l’avant”. Vieux dans sa tête R&F : Comment avez-vous rencontré Johnny Rotten ? Dennis Morris : John Lydon était un grand fan de reggae, et quand MES DISQUES A MOI Dennis Morris “Rassembler ces deux univers de rébellion sans jamais oublier mes racines jamaïcaines” Admiral Ken et Bix Men, Hackney, Londres, 1973 John Lydon, 1978 Sid Vicious, Stockholm, 25 juillet 1977 Avril 2025 R&F 015 Photos Dennis Morris il a vu ces photos de Bob Marley, il a voulu travailler avec moi. Alors je les ai accompagnés en tournée en tant que photographe officiel. R&F : Vous avez énormément photographié les Sex Pistols, c’est un peu le grand écart avec Bob Marley. Dennis Morris : Tu sais, la réalité, c’est que j’ai grandi en Angleterre, mais j’ai le sang jamaïcain. Donc c’est un peu comme avoir une double nationalité, comme si j’avais deux passeports. J’ai compris la rébellion anglaise en grandissant ici. Mais après avoir rencontré Bob Marley et être allé en Jamaïque, j’ai compris la rébellion jamaïcaine. Pour moi, il s’agissait donc de rassembler ces deux univers de rébellion sans jamais oublier mes racines jamaïcaines. R&F : Les concerts, ça se passait comment ? Dennis Morris : Malcolm McLaren, qui était un génie du marketing, faisait jouer les Sex Pistols dans de petites salles, de sorte qu’il y avait toujours trop de monde. Le public débordait sur la scène, ce qui engendrait invariablement des bagarres entre les spectateurs, ou entre le groupe et les spectateurs. A cela s’ajoutaient les crachats que le public balançait sur les membres des Sex Pistols en guise de reconnaissance. C’était une période un peu folle où les concerts pouvaient ne pas se terminer à cause du chaos. R&F : Vous les avez suivis dans leur quotidien ? Dennis Morris : Les Sex Pistols ont été rapidement interdits dans toute l’Angleterre. Alors Malcolm McLaren a eu l’idée de poursuivre les tournées sous un autre nom, S.P.O.T.S. (Sex Pistols On tour Secretely, ndr), jusqu’à ce que les autorités découvrent la supercherie. On voyageait en bus. John et Sid adoraient manger chinois car lorsqu’ils refluaientleurnourriture,ilstrouvaientquelevomiétaitplusesthétique. R&F : Sid Vicious a fait l’objet de nombreuses critiques. Dennis Morris : Sid était un chouette gars, plutôt timide. Il avait le trac et se sentait facilement déstabilisé par l’hystérie du public. Il buvait beaucoup pour se désinhiber. Lorsqu’il a rencontré Nancy Spungen, il est devenu une autre personne. Elle lui a fait découvrir l’héroïne et il est devenu accro. Chacune de leurs disputes prenait des proportions hors normes. Une fois, il a détruit entièrement sa chambre d’hôtel. Bob Marley, 1973 Oasis, Japon, 1994 016 R&F AVRIL 2025 R&F : Vous avez réalisé la pochette de “Public Image (First Issue)” et créé le logo de PiL, le groupe fondé par Johnny Rotten après les Sex Pistols. Qui vous a demandé de faire ça ? La maison de disques ou Johnny ? Dennis Morris : Quand nous sommes revenus de Jamaïque, il a décidé de créer un groupe et il m’a dit qu’il voulait l’appeler Public Image Limited. Et je lui ai conseillé de le transformer en acronyme PiL pour que cela sonne comme une pilule (en anglais “pill”, ndr). Il a trouvé que c’était une excellente idée. R&F : Et la pochette ? Dennis Morris : John voulait rompre avec l’imagerie du punk. J’ai proposé le concept d’un détournement de couverture de plusieurs magazines célèbres avec le lettrage adapté : “Vogue Italie” pour John, “Time Magazine” pour Jah Wobble, “Mad” pour Keith Levene et “Him”, un magazine gay, pour Jim Walker. R&F : Aujourd’hui John Lyndon soutient Nigel Farage et Donald Trump. Qu’en pensez-vous ? Dennis Morris : C’est un jeune homme qui est devenu vieux dans sa tête. Malheureusement, quand on est perdu, on se tourne vers l’extrême droite, parce que cela te donne une forme de force. Il a fait de très grandes choses quand il était jeune. Je vais te raconter deux anecdotes. Une fois, à l’époque du punk, nous marchions dans la rue et Sting vient vers nous. Alors John l’apostrophe : “Sting, espèce de con, tu ne réussiras jamais”. A propos des Rolling Stones, John disait toujours, “Ton Mick Jagger, c’est un vieux radoteur”. Aujourd’hui, Mick Jagger a 80 ans et il court sur scène. Ce qui n’est plus le cas de John. Beaucoup de gens, quand ils deviennent célèbres, se perdent dans ce succès et ne réalisent pas exactement ce qu’ils ont accompli et ce qu’il est encore possible de faire. Je pense qu’en ce moment, John est perdu. Il ne sait pas dans quelle direction aller. Beaucoup d’ombres R&F : Avant la séance photo avec Marianne Faithfull pour “Broken English”, vous êtes allés ensemble dans un pub où elle a commandé les boissons les plus chères, puis au restaurantoùellea commandé beaucoupdechosesmaisn’yapastouché. Pensez-vous qu’elle essayait de vous tester ? Dennis Morris : Tu as parfaitement raison. Parce qu’elle n’avait aucune idée de qui j’étais. Elle m’a dit : “Tu sais qui je suis ?”. Et j’ai répondu : “Bien sûr !”. Et elle m’a dit : “Tu sais ce que ça va t’apporter ?”. Et j’ai répondu : “Bien sûr que je sais”. Il faut se souvenir que Marianne a eu une vie confortable et insouciante dans sa jeunesse puis, avec Mick Jagger, elle est devenue une star avant de chuter jusqu’à dormir dans la rue. Et pourtant elle a survécu. C’était une femme très forte. Elle voulait savoir si j’avais ce qu’il fallait pour travailler avec elle et c’est la raison pour laquelle elle m’a soumis à tous ces tests. R&F : Et en studio, cela s’est passé comment ? Dennis Morris : On a essayé plein de choses. Je voulais une photo avec beaucoup d’ombres. J’ai toujours aimé les ombres. Une de mes influences, ce sont les vieux films anglais, les films de David Lean en noir et blanc, tous ces types de films. Elle avait des manières très aristocratiques. Elle bougeait beaucoup et je savais que quelque chose allait arriver. Il fallait que je sois prêt. Et puis elle a passé sa main au-dessus de son visage avec la cigarette. A ce moment-là, je savais que je tenais la photo qui deviendrait la pochette. R&F : Quand vous avez travaillé en France, écoutiez-vous du rock français ? Dennis Morris : Oui, Téléphone. Je les aimais bien. La plupart des groupes que j’écoutais quand je vivais en France étaient assez underground, comme Dirty District, Silmarils, Pigalle ou Les Garçons Bouchers avec le “Big François”. J’adorais aussi la Mano Negra. R&F : Quel est le meilleur morceau comme remède à la mélancolie ? Dennis Morris : “Positive Vibration” de Bob Marley. Que ta vie soit dans une mauvaise passe ou pas, tu dois toujours rester positif. H Exposition “Music + Life”, Maison Européenne De La Photographie, 5/ 7 rue de Fourcy, Paris (75004) jusqu’au 18 mai 2025 MES DISQUES A MOI Dennis Morris “Sid était un chouette gars, plutôt timide” Photo Muriel Delepont
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