ROCK AND FOLK n°688 - Page 6 - 688 Décembre 2024 R&F 005 Edito 50 nuances de noir Seize ans après. Quarante-cinq ans plus tard… Robert Smith. Soyons francs, des Robert, il n’en traîne plus trop dans les rues. Même pas dans les troquets. C’est un peu un prénom de tonton. De tonton d’avant. Un peu blagueur, un peu poivrot. Ça sonne anisette, turf et 421. Œufs durs sur le comptoir et distributeur de cacahuètes. C’est un nom de dictionnaire aussi. Et de poitrine féminine, également. En langage vert. Mais là, on parle de paire. C’est Robertus en latin. Des acteurs fameux le portent ou l’ont porté. De Niro, Mitchum, Vaughn, Redford, Downey Jr. D’autres. En France on pense Hossein, Castel, Dalban, Lamoureux… Hue et Badinter en politique. Des musiciens aussi, de rock parfois. Plant, Wyatt, Fripp, Gordon, Trujillo, Piazza, bien sûr. Et puis tous les Bob, Bobby, Bobbie, Rob et Robbie…. Pas trop un prénom de rock star quand même. Robert Zimmerman ? Ça sonne moins bien convenons-en. Et puis Robert Smith. Associant le prénom au blase le plus répandu d’Angleterre et des pays anglophones. Tellement que Morrissey et Johnny Marr, par dérision, le choisirent pour sa banalité. Au jeu des sept erreurs en comparant, disons, celui de 1985 au Robert d’aujourd’hui, pas grand-chose n’a bougé. Les yeux sont toujours maquillés, les lèvres mal peintes, la chemise est toujours noire — désormais en triple XL — et les cheveux hérissés… mais à présent clairsemés et moins noirs. Gris… De loin, c’est un peu le Joker. Un peu Didier Bourdon. Mais qui l’approche ? Car aujourd’hui comme en 1978, quasi, Robert Smith est la plus implausible des rock stars. Que reste-t-il du Smith de la pochette électroménagère ? Que reste-t-il de celui de “Pornography” ? Qu’a-t-il encore de commun avec celui de “The Lovecats” ? L’emballement autour du jeu de piste un peu enfantin à la Harry Potter qu’a déclenché l’annonce de ce “Songs Of A Lost World” l’a montré, en 2024, Cure est plus populaire que jamais. Rabibochant les premiers disciples avec les suivants. Les extatiques et les danseurs. Pour la première fois. Et celui qui prenait un malin plaisir à choisir des tournants artistiques controversés, provocant régulièrement l’ire ou la déception de son public, fait aujourd’hui l’unanimité. Remplissant les stades sans publier d’album, réunissant plusieurs générations de fans lors de grandes messes noires. Noir. Simple, sobre, élégant et luxueux. Noir. Obscurité, inconnu, peur, mort. Des drames sont passés. Des deuils. L’intégrité est, elle, toujours là. Robert Smith aussi. En noir. Le noir, ça va avec tout. Et accessoirement, ça amincit. Vincent Tannières Parution le 20 de chaque mois Mes Disques A Moi Nicolas Ungemuth vuillemin 12 In memoriam Olivier Cachin Quincy Jones 16 Tête d’affiche Thomas E. Florin GetDown Services 18 Isabelle Chelley The darts 20 Basile Farkas Kit sebastian 22 Alexandre Breton La femme 24 Thomas E. Florin Sinaïve 26 Eric Delsart Redd Kross 28 Bertrand Bouard Warren Haynes 30 Alexandre Breton The THE 32 En vedette Basile Farkas kim deal 34 Isabelle Chelley Primal Scream 38 Vianney G Steve Wynn 42 Stan Cuesta the high llamas 46 Jérôme Soligny chrissie Hynde 50 Story Léonard Haddad the beatles 1974 54 En couverture Alexandre Breton the cure 62 La vie en Rock Patrick Eudeline Granny takes a trip 70 RUBRIQUES edito 005 Courrier 008 Telegrammes 010 Disque Du Mois 075 Disques 076 Reeditions 084 REHAB’ 088 vinyles 090 DISCOGRAPHISME 092 HIGHWAY 666 REVISITED 094 Qualite France 096 Erudit Rock 098 Et justice pour tous 100 FILM DU MOIS 102 Cinema 103 SERIE du mois 105 IMAGES 106 Bande dessinee 108 LivRes 109 Live 110 PEU DE GENS LE SAVENT 114 Sommaire 688 62 The Cure www.rocknfolk.com Photo Anwar Hussein/ Getty Images 54 The Beatles 1974 couverture : photo Sam Rockman-dr Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 34 71 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.com Président du Conseil de Surveillance Patrick Casasnovas Présidente du Directoire Sophie Casasnovas Directeur Général Frédéric de Watrigant Editeur Philippe Budillon Rédacteur en Chef Vincent Tannières (32 99) Rédacteur en Chef adjoint Eric Delsart Chef des Infos Yasmine Aoudi (32 94) Chef de la rubrique Live Matthieu Vatin (32 99) Conseiller de la Rédaction Jérôme Soligny Maquette Christophe Favière (32 03) Secrétaire de rédaction Manuella Fall Publicité : Directeur de Publicité Olivier Thomas (34 82) Assistant de Publicité Christopher Contout (32 05) PHOTOGRAVURE Responsables : Béatrice Ladurelle (31 57), Flavien Bonanni (35 29) Chromiste : Hugues Vuagnat (3489) VENTES (Réservé aux diffuseurs et dépositaires) : Emmanuelle Gay (56 95) ABONNEMENTS : Promotion Abonnements : Carole Ridereau (33 48) Abonnement : France 1 an - 12 numéros papier et numérique : 131,48 e, prélèvement mensuel : 5,95 e Suisse et autres pays et envoi par avion : nous contacter au (33) 03 44 62 43 79 ou sur : abo.lariviere@ediis.fr VENTE PAR CORRESPONDANCE : Accueil clients 03 44 62 43 79 Commande par Carte Bancaire ou sur www.rocknfolk.fr COMPTABILITé (32 37) Fax : 01 41 40 32 58 Directeur de la Publication et Responsable de la Rédaction : Patrick Casasnovas IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne Zac de Mercières 60205 Compiègne Cedex. Papier issu de forêts gérées durablement, origine du papier : Allemagne, taux de fibres recyclées : 63%, certification : PEFC/ EU ECO LABEL, Eutrophisation : 0,003 kg/ tonne. Diffusion : MLP – Rock&Folk est une publication des Editions Larivière, SAS au capital de 3 200 000 euros. Dépôt légal : 4ème trimestre 2024. Printed in France/ Imprimé en France. Commission paritaire n° 0525 K 86723 ISSN n° 07507852 Numéro de TVA Intracommunautaire : FR 96572 071 884 CCP 11 5915A Paris RCS Nanterre B 572 071 884 Administration : 12, rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 32 Fax : 01 41 40 32 50. Les manuscrits et documents non insérés ne sont pas rendus. Courrier des lecteurs Un exemplaire de Rock&Folk, son polo Fred Perry, son écharpe du RC Lens et ses Sambas Saint Bob Cher Bobby, tes jambes et ta voix, usées à parcourir chaque recoin du monde, ont tracé des chemins que nous avons suivis, guidés par la lumière de ta poésie. Tu as poursuivi ces pierres qui roulent pour nous éclairer, et même aujourd’hui, chaque souffle dans ton harmonica semble porter encore le poids de l’âme du Café Wha?. A Paris, quand tu as terminé ton “Rough And Rowdy Ways Tour” avec “Every Grain Of Sand”, c’était comme une prière, un moment suspendu dans l’éternité, magnifique à en perdre haleine. Merci pour cette beauté rare, pour chaque grain de sable que tu continues de souffler dans nos vies. JEAN-PIERRE BES Disque du Moi La lecture de votre Disque Du Mois, couple franco-turc(que), me rappelle ma découverte l’an dernier, sur mon lit d’hôpital, d’un autre couple, francoarménien(ne) : Ladavina (en un seul mot) dont R&F n’a d’ailleurs jamais parlé ! Merci donc à Basile Farkas d’avoir à nouveau réveillé en moi cette envie de découverte multiethnique, également inconnue de nos officines dites spécialisées. Mais je ne désespère pas... Mon disque du Moi ! Robinov 004 R&F Décembre 2024 Point de Deal Pixies... Numéro novembre, page 28... La question est, me semble-t-il, posée honnêtement... “Que manque-t-il ? Rien a priori ?... pour que Pixies, ce soit encore “Doolittle” ou “Bossanova” ? Que manque-t-il pour que, a priori, Pixies soit encore Pixies ?... Oh, pas grand-chose, rien de rien... Juste quelque chose, quelque chose qui relève de l’âme... Que manque-t-il a priori pour que Pixies subsiste et que Pixies soit encore quelque peu ce groupe qu’il a été ?... soit un groupe dont le moindre morceau était plus riche que toute la carrière des Rolling Stones ?... Ce qui manque à ce groupe... a priori... pas grand-chose... Kim Deal... Pas grand-chose. Tout. KIM DEAL. Patrick Fontaine The Osees, La Jungle, Frankie And The Witch Fingers, Dick Move, The Gories, Fifty Foot Combo, New Bomb Turks, The Detroit Cobras et tant d’autres... Sa collection de vinyles et de CD s’est enrichie au fil des ans, avec une prédilection pour le punk rock, la soul, le ska, le popcorn exotica et bien d’autres genres. Il y a un mois, tout a basculé. Mon amour m’a laissée seule avec ses trophées, ses pépites musicales. La douleur est immense, mais je me rappelle tous ces moments passés ensemble, de cette passion qui nous unissait. Récemment, j’ai appris que Bruce Springsteen ajouterait une date de concert au Stade Pierre Mauroy à Lille le 24 mai 2025. Pour moi, le Boss et Greg sont indissociables. Chaque note, chaque chanson me rappellent son sourire, sa passion et l’amour que nous avons partagé. Greg, tu resteras à jamais dans mon cœur, et ta musique continuera de vivre à travers moi. Merci pour tout. Anouck Exactemment Dans votre article sur Mercury Rev, vous qualifiez “Snowflake Midnight” de “magnifique tournant électro”, album que, à l’époque de sa sortie, vous l’aviez descendu dans les grandes largeurs. Je suppose donc qu’il est réévalué ou réhabilité pour employer les termes que l’on utilise aujourd’hui pour ne pas dire que l’on s’est trompé... Zockor Cachez ce sein Amyl, la rockeuse australienne, déclare : “Je n’ai pas à censurer mon corps”. Pourquoi alors, dans ce cas, sur la pochette du nouvel Amyl And The Sniffers, ses seins sont-ils floutés ? E. T. DEconing PEople Substitution Doliprane se barre, Placebo me fait toujours de l’effet. PAtrick Moalic César pour Audiard Rock&Folk octobre 2024 : Jacques Audiard invité de la rubrique “Mes Disques A Moi”. Tellement impressionné par l’étendue des connaissances musicales du réalisateur que je me suis précipité sur son dernier film “Emilia Perez”. Si l’industrie peine aujourd’hui à vendre ses CD et autres vinyles, au moins, un magazine de rock aura servi à engraisser le cinéma et tant mieux car ce film est une bombe ! Alain Dounont Notre histoire a commencé il y a 34 ans… Aujourd’hui, je veux rendre hommage à un homme qui a illuminé ma vie par sa passion inébranlable pour la musique. Greg, mon compagnon, a quitté ce monde à l’âge de 54 ans, emportant avec lui il y a un mois un exemplaire de Rock&Folk, son polo et son pull Fred Perry, son écharpe du RC Lens et ses Sambas. La musique était bien plus qu’un simple passe-temps pour lui ; c’était sa raison d’être. Toujours à la recherche de nouvelles pépites musicales, il savait dénicher des mélodies accrocheuses et énergiques. Les foires aux disques étaient son terrain de jeu, où il échangeait avec d’autres passionnés, partageant des découvertes et des souvenirs. Il m’a dit qu’il avait acheté ses premiers disques au Prisunic du coin : des 45 tours d’Adriano Celentano, de Plastic Bertrand et des Communards. Ces disques, qu’il avait perdus ou vendus, il a eu le plaisir de les racheter des années plus tard. Son père, Mitch, lui a transmis le goût de la soul avec Otis Redding, la provocation avec Coluche, et l’engagement libertaire avec Georges Brassens. A 18 ans, il a assisté à ses premiers concerts du Boss, Bruce Springsteen, dont il était un fervent admirateur, en particulier de l’album “Nebraska”, qu’il écoutait souvent la nuit pour se rétablir d’un accident de moto. Notre histoire a commencé il y a 34 ans, lorsque je l’ai rencontré. Il m’a emmenée voir mon premier concert de Prince à la Foire de Lille en 1990. Ensemble, nous avons partagé des moments inoubliables, de nombreux concerts et festivals : de Mink DeVille, Iggy Pop, The Chrome Cranks, Tav Falco’s Panther Burns, Oblivians, Zen Guerilla, The Revelators, The White Stripes, Oasis, The Cramps, Nick Cave, Reverend Horton Heat, Andre Williams, The Skatalites, Sepultura, Body Count, David Bowie, Ministry, Killing Joke, Bob Log III, Reverend Beatman, Dead Elvis, Deadbolt, Batmobile, Shannon And The Clams, Nick Waterhouse, The Limboos, Rolando Bruno, Viagra Boys, Warmduscher, La mort s’emmêle Le 21 octobre, le premier chanteur d’Iron Maiden est mort à 66 ans révolus. OK, mais depuis le 17 octobre, Paul Di’Anno entamait le sixième mois d’après cette soixante-sixième année. On peut donc affirmer que la faucheuse l’a rappelé à 66,6 ans ! Alors que c’est le chanteur d’après, Bruce Dickinson, qui a chanté “The Number Of The Beast”. Peuchère, RIP, même pour les rockers, la mort peut se tromper. Michael Georges Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart, 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@ editions-lariviere.com Chaque publié reçoit un CD 010 R&F Décembre 2024 AMYL AND THE SNIFFERS Le groupe australien viendra présenter son nouvel album “Cartoon Darkness” à l’Olympia le 27 novembre. RICHARD ASHCROFT Proche des frères Gallagher, le chanteur de The Verve assurera la première partie sur 19 dates de la tournée d’Oasis au Royaume-Uni et en Irlande. JEAN-LOUIS AUBERT Résultat d’innombrables heures de rencontres, “Jean-Louis Aubert, Une Vie En Chansons” (Hugo Publishing), d’Eric Jean-Jean, revient sur le tout début de carrière du chanteur de Téléphone, de sa rencontre avec Louis Bertignac au lycée à son premier voyage aux USA. Préfacé par l’artiste, l’ouvrage est déjà en librairie. BEATLES “Beatles ’64”, nouveau documentaire consacré aux Fab Four de David Tedeschi, et produit par Martin Scorsese, revient sur la première visite du groupe aux Etats-Unis. Il sera diffusé en exclusivité le 29 novembre sur Disney+. En parallèle, les versions américaines de sept albums seront rééditées le 22 novembre. “The Beatles: 1964 U.S. Albums In Mono” en coffret vinyle, et six autres dont “A Hard Day’s Night”, “Something New”… en vinyle 180 g sortiront individuellement à partir des masters mono. BJÖRK Après le film, voici le livre, “Cornucopia Book”, annoncé pour mi-janvier, résumé en couleur en 480 pages de la tournée Cornucopia de l’Islandaise, qui s’est déroulée entre 2019 et 2023. L’ouvrage rassemble 313 photographies officielles de Santiago Felipe et est accompagné d’un livret de 16 pages. KATE BUSH L’icône britannique a dévoilé une nouvelle version de son titre “Snowflake” servant de bande-son à un court-métrage qu’elle a écrit et réalisé. Le percutant “Little Shrew (Snowflake)” traite de la quête d’espoir durant les ravages de la guerre. Il se termine par une demande de dons en faveur de l’organisation War Child. COCOROSIE Les frangines Bianca et Sierra Casady viennent de révéler un nouveau simple, “Least I Have You”, pour officialiser leur signature sur le label Joyful Noise (Deerhoof, Tropical Fuck Storm…). STAN CUESTA Le 12 décembre à la librairie Charybde à Ground Control (81, rue du Charolais – 75012 Paris) aura lieu la soirée de lancement du premier recueil de nouvelles, de notre collaborateur, “La Musique A Gâché Ma Vie”. DAFT PUNK Remasterisé en 4K, le chefd’œuvre d’animation de 2003 “Interstella 5555: The 5tory Of The 5ecret 5tar 5ystem”, du duo casqué et du réalisateur Leiji Matsumoto (“Albator”) sera projeté mondialement en salles pour une soirée unique le 12 décembre. Il sera suivi le lendemain de la sortie en vinyle doré et CD en série limitée à 5 555 exemplaires, et en vinyle noir à 25 000 exemplaires disponibles sur la boutique officielle du groupe. DIIV Le groupe shoegaze de Brooklyn sera sur la scène du Bataclan (Paris) le 28 novembre et sur celle de L’Antipode (Rennes) le 12 décembre prochain. LA DISCOTHEQUE ROCK ULTIME C’est Noël en Perfecto ! Philippe Manœuvre a réécrit l’ensemble des textes des deux volumes de ses “Discothèque Idéale” parus en 2003 et 2009 et en a ajouté 30 inédits pour ces 480 pages d’Histoire du rock’n’roll chez Desinge & Hugo. CLAUDE GASSIAN Dans le cadre de l’exposition “Highlight”, la Galerie Rabouan Moussion (11, rue Pastourelle - 75003 Paris) expose jusqu’au 31 décembre une sélection de clichés de plusieurs photographes parmi lesquels Claude Gassian (Nick Cave, Prince, Miles Davis…). GHOST Sorti en salles en juin, le film “Rite Here Rite Now” sera disponible en DVD, Blu-Ray 4 K UHD le 6 décembre. GUITARES D’EXCEPTION L’énorme ouvrage de Julien Bitoun, illustré par Eleanor Jane Parsons, répertorie cent modèles mythiques, de la Gretsch White Penguin à la Fender Stratocaster CBS en passant par la Gibson Flying V. 224 pages aux Editions Gründ, 69 euros. NICKY HOPKINS “The Session Man: Nicky Hopkins”, le bien nommé documentaire, retrace la vie et la carrière du paniste, commencée au milieu des années soixante jusqu’aux années quatre-vingt-dix, avec l’apparition d’une multitude d’artistes avec lesquels il a collaboré, Kinks, John Lennon, Rolling Stones, Peter Frampton… Prévu pour la fin de l’année, il sera disponible en DVD. LIMIÑANAS Le morceau “Prisoner Of Beauty”avec Bobby Gillespie au chant annonce un nouvel album début 2025. LOUISE ATTAQUE “Amours”, premier album live du trio parisien enregistré lors de sa tournée en 2023, est disponible. PRETENDERS Pour présenter l’ouvrage “Intrépide – Ma Vie De Pretender” de Chrissie Hynde, Jérôme Soligny sera présent le 27 novembre à la Librairie de Paris (75017 Paris) et le 7 décembre en compagnie d’Isabelle Chelley chez Gibert Disques (75006 Paris). ROLLING STONES Le concert capté dans un club intimiste londonien le 8 juin 1999 sortira sous le titre “Welcome To Shepherd’s Bush” Télégrammes par Yasmine Aoudi Limiñanas Photo Mathieu Zazzo-DR le 6 décembre. Il contiendra des morceaux rares comme “Melody” ou “Moon Is Up”, au format coffret Blu-Ray 4K UHD + 2 CD, coffret Edition Limitée à 15 000 exemplaires 2 CD, coffret vinyle noir 2 LP, et coffret vinyle blanc… GASPARD ROYANT Pour 2024, le crooner français renouvelle l’exploit d’un deuxième album de Noël. “All The Best For Christmas” offrira des duos avec Maxwell Farrington & Le SuperHomard, Nicole Atkins, Bobbie, et sera à découvrir dès le 6 décembre. SHEEPDOGS Le quintette canadien assurera le show au Badaboum (Paris) le 27 novembre. L’occasion de (ré)entendre son dernier EP “Hell Together”. SIMPLE MINDS Le sixième opus “Sparkle In The Rain”, du combo emmené par Jim Kerr et Charlie Burchill ressort en édition Super Deluxe 4 CD avec un livret 36 pages contenant des interviews et des photos inédites…, en édition Deluxe 4 CD, et 1 LP. Il comprend l’album orignal remasterisé, des B-sides, remixes rares et un concert inédit de 1984 à Glasgow. Déjà dans les bacs. SPRINTS Le quatuor garage punk irlandais sera à l’Aéronef de Lille le 13 décembre et au Trabendo de Paris le 16 décembre. GWEN STEFANI La Californienne revient avec un cinquième solo, “Bouquet”. Il renferme dix titres, dont un duo avec son compagnon Blake Shelton. Déjà disponible. U2 Le onzième album des Irlandais bénéficiera d’une réédition pour son vingtième anniversaire. “How To Dismantle An Atomic Bomb - 20th Anniversary” est sorti le 22 novembre, en Super Deluxe 8 LP ou 5 CD, en 2 LP, en Deluxe 1 CD digipak, et 2 LP & 1 CD. Décembre 2024 R&F 011 VAMPIRE WEEKEND En attendant leur prochaine livraison, dont ils ont déjà dévoilé deux morceaux, les New-Yorkais se produiront à l’Adidas Arena à Paris le 13 décembre prochain. WASHINGTON DEAD CATS Après être paru en CD et digital, “40 Years Of Punkabilly Madness 1984-2024”, treize morceaux tirés de la discographie du combo hexagonal, verra le jour en vinyle le 6 décembre. WARMDUSCHER Les Londoniens emmenés par Clams Baker Jr présenteront leur dernier-né et cinquième album “Too Cold To Hold” au Petit Bain à Paris le 26 novembre. WEEZER Pour son trentième anniversaire, le premier disque éponyme du groupe De Rivers Cuomo, plus connu sous l’intitulé de “Blue Album” et produit par Rick Ocasek (The Cars), est réédité au format Super Deluxe en coffret vinyle et en coffret Deluxe 3 CD. YARD Le trio originaire de Dublin vient de dévoiler “Call”, nouveau single post-punk tout en tension qu’ils joueront le 6 décembre aux Trans Musicales de Rennes et le 7 au Supersonic de Paris. Condoléances Barbara Dane (chanteuse américaine de folk, blues et jazz), Paul Di’Anno (chanteur et musicien britannique, chanteur d’Iron Maiden de 1978-1981), Cissy Houston (chanteuse américaine, de soul et gospel, Elvis Presley, Aretha Franklin, et mère de Whitney), Jackmaster (DJ et producteur écossais), Jack Jones (chanteur américain, de jazz, musique pop, “La Croisière S’Amuse”), Quincy Jones, Clark Kent (producteur de disques et DJ américain, Jay-Z, Mariah Carey), Phil Lesh (bassiste américain, membre fondateur du Grateful Dead), Jean Manœuvre (artiste peintre et auteur, père de Philippe), Paul Morrissey (réalisateur, scénariste “Flesh”, Trash”…, et photographe américain, Andy Warhol, Velvet Underground…). Weezer Gwen Stefani Photo DR Photo DR Pour certains d’entre nous — une sorte de secte —, Vuillemin est un dieu. Un authentique génie. Il y a la qualité de son dessin et ces planches à hurler de rire. Un humour qui ne convient pas à tout le monde mais pour ceux qui le goûtent, c’est un délice. Des souvenirs d’adolescence à lire “Raoul Teigneux Contre Les Druzes” ou les Sales Blagues dans “L’Echo Des Savanes”. “Ce sont eux qui m’ont dit que je devais ajouter de la couleur dans mes dessins, et ils avaient entièrement raison. C’est le meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné. Avant, je mettais du noir partout”, dit-il. Aujourd’hui, il travaille à nouveau — entre autres —, pour “Charlie Hebdo” après être passé dans l’équipe rivale de Siné. “Certains m’ont considéré comme un traître, je n’en ai pas tenu compte. Je suis de retour chez ‘Charlie’ et j’y suis très bien.” Coincer Vuillemin pour une interview n’est pas chose aisée. L’homme n’a pas de téléphone portable ni d’adresse mail. Il faut donc passer par l’un de ses amis, laisser un message sur un téléphone fixe et attendre la réponse. Qui, heureusement, ne tarde pas. Il reçoit chez “madame” (“Personne ne vient chez moi, même pas mon fils”), à Paris. Il est chic, a l’œil qui frise, est d’humeur plutôt joviale. “Je ne peux pas vous proposer de café car je ne sais pas comment fonctionne la machine.” Va pour un verre d’eau suivi par un voyage dans son éducation musicale, laquelle réserve quelques surprises. Une dent cassée ROCK&FOLK : Quel a été votre premier émoi musical ? Vuillemin : Mon premier disque, c’était “Love It To Death” d’Alice Cooper, quand j’avais 13 ans. Je trouvais qu’ils avaient des bonnes gueules, c’est pour ça que je l’ai acheté, et j’ai découvert le rock avec cet album. R&F : Mais avant, il n’y avait pas eu les Rolling Stones ou les Beatles ? Vuillemin : Non parce que j’ai grandi en Corse où c’était un désert culturel, donc à 13 ans, je n’y connaissais que dalle. J’ai découvert les Beatles dans les années quatre-vingt. Très tard. Donc j’ai commencéavecAliceCooper,puisj’aiacheté lesautresalbums.Etpuisaubahut,jeme suis mis à aimer Slade, que j’adore toujours. Je ne savais même pas qu’on appelait ça du glam rock. C’était assez mal vu parce que tous les autres écoutaient du rock progressif. R&F : Mais il y avait tout de même T.Rex, David Bowie, Roxy Music… Vuillemin : Je ne connaissais pas... J’ai découvert tout ça, ainsi que les Stooges grâce à une copine lorsque je suis arrivé à Paris à la fin des années soixante-dix. Mais à l’époque où j’écoutais Slade, j’écoutais aussi beaucoup John Renbourn et Bert Jansch, que je reprenais à la guitare. R&F : Mais c’est tout en open tuning bizarres ! Vuillemin : Oui, mais il y avait pas mal de choses que j’arrivais à faire (Vuillemin est un excellent guitariste, nda). Je m’étais acheté des partitions. J’ai même fait découvrir Jansch et Renbourn à mon père, qui a apprécié. Et puis j’ai aimé Kiss. Je réécoute maintenant, il y a quand même de super morceaux. Il faut oublier le côté guignol, mais déjà, l’album où ils sont en costard avec des sabots, il y a des mélodies très simples, avec peu d’accords, très efficaces, et puis ils avaient un son que j’aimais beaucoup. Il y avait aussi Led Zeppelin. J’adorais Jimmy Page parce qu’il ne jouait pas de manière conventionnelle. Parfois il se plante, il rate une note Le dessinateur, en activité depuis le début des années quatre-vingt, à l’âge d’or de “Hara-Kiri”, évoque les disques qui l’ont marqué. C’est un dandy rocker, fou de guitare, qui a fait pleurer de rire toute une génération. Vuillemin Recueilli par Nicolas Ungemuth - photos william Beaucardet 012 R&F Décembre 2024 Mes disques à moi “J’aime bien Oasis. Pas pour la musique mais parce que c’est deux connards” Décembre 2024 R&F 013 014 R&F Décembre 2024 ou un temps et hop, il se rattrape. Il a un jeu très sale, imparfait. J’aime beaucoup ça. Et puis Led Zep, c’était un son. “Communication Breakdown”, quand j’étais jeune, ça me rendait fou. C’est grâce à Led Zeppelin que j’ai découvert les Yardbirds, autre groupe qui m’impressionne. R&F : Et ensuite ? Vuillemin : J’arrive à Paris à l’âge de 17 ans, j’étais aux arts appliqués, et je découvre la scène punk. J’étais allé voir un concert des Damned au Palais des Glaces, il y avait aussi les Jam dont j’avais beaucoup aimé le premier album, “In The City”, et là, un punk me pète la gueule. Je suis rentré chez moi avec une dent cassée et ma mère m’a dit : “Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?”. “Ben je suis allé voir un concert de rock, maman.” C’est à cette époque que j’ai découvert Motörhead, le premier album m’a scotché, j’ai pris les suivants et je crois que j’ai vu tous leurs concerts à Paris depuis. Ils avaient ce guitariste fantastique, “Fast” Eddie Clarke, Philthy Animal Taylor dingue à la batterie, la voix démente de Lemmy, et ce son de basse incroyable. D’ailleurs, pour parler de basse, il y a un bassiste qui m’a époustouflé, c’est JeanJacques Burnel. Ce son, ses lignes… Je suis devenu fan des Stranglers. J’étais au fameux concert de la Mutualité où Burnel avait mis une raclée au punk parisien surnommé “Fuck”, qui jouait les terreurs. J’ai dit “Chapeau !”. La Fête à Neuneu R&F : Sex Pistols, Clash ? Vuillemin : Les Pistols, forcément. Ça envoie, ils jouent bien et puis il y a cette voix. Je vois des interviews de Johnny Rotten aujourd’hui, il se teint les cheveux en vert, en bleu ou en rose, il a des fringues ridicules. Je ne comprends pas pourquoi il fait ça puisqu’il a toujours ce truc très important : son regard de fou. Il ferait mieux de faire comme aux débuts de P.i.L, mettre un costard et une cravate. Avec ses yeux de dingue, ça suffit largement. Les Clash, je ne sais pas pourquoi, ils m’ont toujours fait penseràungroupedepunksàchiens.Moi, mon groupe préféré, c’était les Damned. Enrevanche,jen’aijamaisécoutélepunk français. Ils ne jouaient pas comme il fallait,ilsnesavaientpasfaire,saufPalmer de Bijou. C’était un peu la fête à Neuneu : tchak-poum, tchac-poum. C’était du balocheàlasaucepunk.Pourmoi,lerock, c’est anglo-saxon, point. A une exception près : les Dogs, que j’avais vus sur scène et qui m’ont laissé sur le cul. Je les aimais beaucoup.Sinon,jepréfèrelesAnglaisou les Américains aussi parce que je parle très mal la langue et je ne comprends rien aux paroles, qui ne m’intéressent pas. Je préfère quelques mots de Lemmy aux poésiesinterminablesdeBobDylan.Alors que chez les Français, je comprends ce qu’ils disent, et ça me gêne. R&F : Et après le punk ? Vuillemin : J’ai découvert des choses que je n’avais jamais écoutées, comme les Stones ou les Beatles. R&F : Lesquels préférez-vous ? Vuillemin : Je m’en fous. Il y a un côté brouillon chez les Stones qui est super, et chez les Beatles des mélodies extraordinaires, mais il vaut mieuxnepascomprendrelesparoles.Enfait,ceuxquejepréfère, c’est les Kinks.Surletard,j’aiégalementdécouvert les Flamin’ Groovies et les Nuggets, que j’ai adorés. Le chanteur de mon groupe, Les Ambassadeurs, était mod et n’écoutait que des vieux trucs comme ça. Il m’a fait une bonne initiation. Les tout premiers albums et singles des Who, par exemple, j’adore. Dire que Pete Townshend a écrit “My Generation” aussi jeune, c’est impressionnant.Onleréécouteaujourd’hui, onesttoujourssurlecul. J’aime leschoses simplesetlesguitaristessimples.Lesconcoursdevitessenem’intéressent pas. Grâce à Wilko Johnson, j’ai découvert Mick Green, des Pirates, qui est l’un de mes guitaristes préférés. En quelques notes, il en dit beaucoup plus que ceux qui branlent le manche. D’ailleurs, je me suis fait broder le logo des Pirates derrière un blouson. J’ai acheté tous ses disques. Là, je réécoute un concert qu’il avait fait à l’Ubu, c’est formidable. R&F : Et puis, il y a votre amour des Cramps… Vuillemin : Ah oui ! Je les avais vus au Palace, je n’en revenais pas. J’avais lu une interview de Poison Ivy où elle racontait qu’au début, MES DISQUES A MOI vuillemin “J’aimais bien le mec qui s’est mis une balle dans la tête” Décembre 2024 R&F 015 ilsnesavaientpasaccorderleursguitares etques’ilsjouaientaussilentement,c’est parce qu’ils étaient incapables d’aller plus vite. J’ai trouvé ça intéressant. Et puis il y avait leur look. Lux, Poison Ivy, Nick Knox et surtout Bryan Gregory. Après l’avoir vu, je me suis laissé pousser une longue mèche. C’était un groupe vraiment incroyable, avec un grand goût pour les reprises. Encore une fois, c’est cette simplicité que j’aime. Un peu comme les Ramones, que j’ai découverts après leurs débuts. R&F : Chez “Hara-Kiri”, ils écoutaient du rock ? Vuillemin : Ah non, non, pas du tout. Choron, qui ne savait pas chanter, a voulu faire un disque de rock, c’était pas terrible. Il prenait le micro et il gueulait “1, 2, 3, 4”, et il commençait sur 5 ou sur 3 et les musiciens devenaient fous. Berroyer, lui, était branché jazz. Il m’emmenait chez lui, il passait un disque de Miles Davis et me disait : “Tu vas voir, là, écoute cette note”. J’entendais “Tut !” et je me disais : “Bon, bah ça doit être génial”. Quant à Gourio, il n’écoutait rien. Il n’écoutait même pas sa mère. R&F : Vous dessinez en écoutant de la musique ? Vuillemin : Je l’ai fait à un moment. Je travaille principalement la nuit. C’était un peu chiant parce qu’il fallait se lever pour retourner la galette. Puis je suis passé au CD. Et j’ai arrêté parce que ça me distrait. Je suis incapable d’avoir ce qu’on appelle un fond sonore, je ne peux pas m’empêcher d’écouter la musique très fort donc j’ai arrêté. Des collants de super héros R&F : Reprenons la chronologie. Le rap ? Vuillemin : Ça ne m’intéressait pas mais, en jouant au jeu vidéo GTA 5, j’ai découvert des trucs qui m’ont beaucoup plu, mais je ne saurais pas dire de qui il s’agissait. Par contre, le rap français, avec les vers de mirliton complètement cons, c’est pas possible. Mais j’aime certains trucs américains. C’est comme le reggae, j’ai mis très longtemps à apprécier alors qu’il y a des choses fabuleuses. Il faut dire que j’ai l’oreille imbécile : j’ai des a priori, alors pour me faire changer d’avis, il faut y aller… R&F : Et le metal, avec Guns N’Roses et compagnie ? Vuillemin : Alors ça, ça ne m’a jamais intéressé. Le problème, ce n’est pas qu’ils portent des collants de super héros, c’est le son. Je trouve ça mou et gras. Mais j’aime beaucoup Metallica. Ils ont des bons morceaux et ils jouent comme il faut. Et, dans un genre un peu différent, j’ai beaucoup aimé Queens Of The Stone Age. J’aimais bien aussi le mec qui est mort, qui s’est mis une balle dans la tête. Comment s’appelle-t-il, déjà ? R&F : Kurt Cobain ? Vuillemin : Oui, c’est ça. Il avait quelques bonnes chansons. Mais bon… Le rock, c’est devenu un peu toujours la même chose maintenant. C’est une maison dont on change les meubles de place mais c’est toujours la même maison. Tout a été fait. Parfois, un groupe apparaît, on repère un ou deux morceaux et puis c’est fini. Il m’arrive d’entendre un morceau qui me plaît à la radio, je vais acheter le CD et je réalise que le reste du disque est nul. J’ai de la sympathie pour Oasis. Leur musique ne m’intéresse absolument pas mais j’aime bien les deux frangins parce que c’est deux connards. R&F : Donc la musique actuelle ne vous intéresse pas vraiment ? Vuillemin : Non, je préfère aller gratter dans les fondations. Il y a tellement de choses fabuleuses… H 010 R&F Décembre 2024 Photo A&M Records/ Getty Images Quatre-vingt nominations aux Grammys, huit aux Oscars, un Emmy, des centaines de millions de disques vendus avec Michael Jackson, Ray Charles, Lesley Gore, Nana Mouskouri, Ice-T, New Order… Comment résumer les soixante-dix ans de parcours d’un tel géant ? Impossible, et on n’essaiera même pas. Phase impériale Ce qu’il faut rappeler : Quincy est l’épitomé du rêve américain dans ce qu’il a de plus noble : une enfance plus que modeste dans le South Side à Chicago, une fascination pour la musique et le piano dès l’âge de 5 ans, et une première partie de carrière dans le jazz, qui aurait facilement pu être brève : “Q” a révélé sur le tard que Ray Charles l’avait initié à l’héroïne à l’âge de 15 ans, et que leur dealer était un certain Detroit Red, mieux connu sous le nom de Malcolm X. Quincy se débarrasse du monkey on his back après cinq mois, sa dope sera le son. Le succès commercial viendra dans les années 1950, après une tournée catastrophique avec un groupe de cadors, parmi lesquels le bassiste Eddie Jones : “On avait le meilleur groupe de jazz de la planète et pourtant on crevait de faim. C’est là que j’ai compris qu’il y avait la musique et le music business. Et que si je devais survivre, il allait falloir que j’apprenne la différence entre les deux”. Quincy apprend vite, et une des rencontresclés dans son évolution sera celle de Frank Sinatra en 1958 à Monaco, à l’invitation de Grace Kelly. En 1961, il devient le premier Noir à occuper la fonction de vice-président chez Mercury Records. En 1964, il signe sa première BO pour “The Pawnbroker” de Sidney Lumet, lui valant deux nominations aux Oscars. Quarante musiques de films suivront. Parmi lesquelles celle de “The Wiz”, du même Sidney Lumet, l’occasion de croiser la route de celui dont il produira la “phase impériale”, comme dirait Neil Tennant des Pet Shop Boys, la trilogie immaculée “Off The Wall”, “Thriller” et “Bad”. Michael Jackson y débute comme acteur dans le rôle de l’épouvantail et choisira “Q” pour produire son album un an plus tard. Le résultat de cette collaboration entre l’enfant prodige et le père de substitution : environ 160 millions d’albums vendus et une place majeure dans l’histoire de la pop musique contemporaine. C’est également avec Michael (et Lionel Richie en coauteur) que “Q” enregistrera le mammouth des tubes caritatifs, “We Are The World”, cinquante superstars pop/ rock/ soul/ country/ blues réunies le temps d’une nuit épique avec comme devise cette phrase de Quincy devenue fameuse, “Check your ego at the door” (Laissez votre ego à l’entrée du studio), agrémentée d’un corollaire, “On ne fait pas un disque sur la famine habillé en costume de soirée”, ce qui n’empêcha pas Michael de revêtir son plus bel uniforme façon académicien funky. Elégance et éclectisme Sa stature de commandeur de toutes choses musicales n’empêchait pas mister Jones d’avoir le sens de l’autodérision : n’était-il pas apparu dans “Austin Powers: Goldmember”, jouant son propre rôle dans cette comédie foutraque qui donna une seconde jeunesse à son hit jazzy de 1962 “Soul Bossa Nova” ? Même l’électro-rock british intéressait “Q”, qui remixa “Blue Monday” en 1988. “Tellement triste d’apprendre la mort de Quincy Jones. Quand il nous a signés sur son label (Qwest, ndr), il nous a mis à l’aise et nous invitait à dîner chez lui chaque fois qu’on était en ville. Il nous a rendus célèbres en Amérique. Il était tellement humble et sympa qu’on tombait instantanément amoureux de lui. Chaque année, je recevais un gentil message de lui à Noël et pour mon anniversaire. Un génie de la musique et un grand homme, qui sera vivement regretté. RIP”. Signé Peter Hook de Joy Division/ New Order, preuve supplémentaire, s’il en fallait une, de l’élégance et de l’éclectisme musical qui animaient ce monstre du jazz, du funk, de la soul et au-delà. Et pour conclure avec un verbatim devenu fameux, on se souviendra de cette interview durant laquelle Quincy évoquait l’enregistrement d’un titre phare de l’album “Off The Wall”, sa première collaboration avec le King of Pop : “Michael m’a envoyé une note : ‘S’il te plaît Q, enlève-moi les violons sur l’intro de ‘Don’t Stop Til You Get Enough’, ça embrouille mon groove’. Et vous savez ce que c’était ? (Il mime les violons, ndr) C’était ce qui donnait son identité à la foutue chanson ! J’ai répondu ‘Pas question ! Tu ne me dis pas ce que j’ai à faire !’ Et si vous voulez savoir qui a eu gain de cause, écoutez la chanson : c’est la partie la plus forte de l’introduction, c’est moi qui avais raison !” Le boss, on vous dit. H Olivier Cachin in memoriam Quincy Jones L’auteur de “The Dude” et producteur de “Thriller” est mort à 91 ans. Résumé impossible d’une vie d’artiste complet. 1933-2024
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