ROCK AND FOLK n°677 - Page 9 - 677 JANVIER 2024 R&F 003 Edito Le sourire déglingué Pas envie de rire. Chaque année c’est la même chose… A ce moment de vœux et de souhaits, d’espoir en quelque sorte, pan, un mort. Cette fois, c’est deux ! C’était idem l’année dernière. Avec Wilko. Le premier d’une série de guitaristes mais de chanteuses aussi. Shane MacGowan, donc… Un mec qu’on a aimé comme un pote. Sans le connaître. Le fait qu’il soit vivant suffisait. Et une vie plutôt rock. Dans ce vieux sens du terme. Excès, excès et excès, pour faire vite. Mais talent également. Enorme. Gosse irlandais frondeur et insolent. Meilleur client des pubs de Londres et d’ailleurs, et bénédiction pour les prothésistes dentaires. Même s’il ne rendit riche qu’une seule de ces deux professions. Et puis Tai-Luc… Devenu bouquiniste, il est peut-être mort de devoir débarrasser ses caisses du quai de Gesvres. Ordres de la Mairie de Paris. Oust ! Les Jeux olympiques, hein ! Anne Hidalgo coupable ? C’est aussi ce moment de regarder en arrière. Pas un bilan, non, seulement regarder si ce 2023 fut un bon cru. Si ce fut si terrible que ça, pire du coup que 2022 ? Une année rock ? Une bonne année ? Clairement pour la paix, non. Pour l’économie et tous ces trucs éreintants, non plus. IA, CRS 8, 49.3, Cop 28… Emeutes. Féminicides, crimes sexuels. Gérard Depardieu. Epizootie. Nouveaux mots dans le dictionnaire : complosphère, mégenrer, greenwashing, mégabassine, grossophobie. Nouveaux noms aussi : Stromae, IAM… Sécheresses et inondations. Soleil en été, pluie en automne et neige en hiver. C’est quoi ce dérèglement climatique !? Fentanyl, drogue du zombie des villes. Glyphosate, drogue de l’agriculteur des campagnes ? Mais pour notre musique ? Que faudra-t-il retenir de cette année écoulée ? Se souvenir de ceux qui ont disparu, bien sûr, mais aussi des disques que nous réécouterons et ceux qui finiront chez le soldeur. Quid des liens d’écoute ou de téléchargement devenus si vite obsolètes ? Qui restera ? Qui sont les groupes d’aujourd’hui et ceux de demain ? Les meilleurs concerts et ceux dont on ne garde comme souvenir qu’une céphalée carabinée ou un T-shirt moche ? Les bonnes interviews, les meilleurs vinyles, les grandes rééditions, les espoirs… Bref. Pas un bilan, donc. Juste le film d’une année qui s’achève. Osera-t-on souhaiter que 2024 soit meilleure que 2023 ? Vincent Tannières Photo Andy Soloman/ UCG/ Universal Images Group: Getty Images Shanta Claus Parution le 20 de chaque mois Mes Disques A Moi Thomas E. Florin ADRIEN DURAND 10 In memoriam Géant Vert Tai-Luc 14 Tête d’affiche Romain Burrel SLEATER-KINNEY 16 Géant Vert Madness 18 Bertrand Bouard DYLAN LEBLANC 20 Géant Vert Jim Jones All Stars 22 Jérome Soligny DHANI HARRISON 24 En vedette Thomas E. Florin Kurt Vile 26 Jérôme Soligny Frederic Lo 30 Stan Cuesta REM 34 Basile Farkas Nino FERRER 38 Eric Delsart NIRVANA 42 En couverture Vianney G. 2023 ANNéE ROCK ? 46 La vie en rock Patrick Eudeline SHANE MacGOWAN 56 RUBRIQUES edito 003 Courrier 006 Telegrammes 008 Disque Du Mois 061 Disques 062 Reeditions 070 REHAB’ 074 vinyles 076 DISCOGRAPHISME 078 HIGHWAY 666 REVISITED 080 Qualite France 081 Erudit Rock 082 Et justice pour tous 084 FILM DU MOIS 086 Cinema 087 SERIE du mois 089 IMAGES 090 Bande dessinee 092 LivRes 093 Live 094 PEU DE GENS LE SAVENT 098 Sommaire 677 56 Shane MacGowan www.rocknfolk.com Rock&Folk Espace Clichy - Immeuble Agena 12 rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 99 – Fax : 01 41 40 34 71 – e-mail : rock&folk@editions-lariviere.com Président du Conseil de Surveillance Patrick Casasnovas Présidente du Directoire Sophie Casasnovas Directeur Général Frédéric de Watrigant Editeur Philippe Budillon Rédacteur en Chef Vincent Tannières (32 99) Rédacteur en Chef adjoint Eric Delsart Chef des Infos Yasmine Aoudi (32 94) Chef de la rubrique Live Matthieu Vatin (32 99) Conseiller de la Rédaction Jérôme Soligny Maquette Christophe Favière (32 03) Secrétaire de rédaction Manuella Fall Publicité : Directeur de Publicité Olivier Thomas (34 82) Assistant de Publicité Christopher Contout (32 05) PHOTOGRAVURE Responsables : Béatrice Ladurelle (31 57), Flavien Bonanni (35 29) Chromiste : Hugues Vuagnat (3489) VENTES (Réservé aux diffuseurs et dépositaires) : Emmanuelle Gay (56 95) ABONNEMENTS : Promotion Abonnements : Carole Ridereau (33 48) Abonnement : France 1 an - 12 numéros papier et numérique : 131,48 e, prélèvement mensuel : 5,95 e Suisse et autres pays et envoi par avion : nous contacter au (33) 03 44 62 43 79 ou sur : abo.lariviere@ediis.fr VENTE PAR CORRESPONDANCE : Accueil clients 03 44 62 43 79 Commande par Carte Bancaire ou sur www.rocknfolk.fr COMPTABILITé (32 37) Fax : 01 41 40 32 58 Directeur de la Publication et Responsable de la Rédaction : Patrick Casasnovas IMPRESSION : Imprimerie de Compiègne Zac de Mercières 60205 Compiègne Cedex. Papier issu de forêts gérées durablement, origine du papier : Allemagne, taux de fibres recyclées : 63%, certification : PEFC/ EU ECO LABEL, Eutrophisation : 0,003 kg/ tonne. Diffusion : MLP – Rock&Folk est une publication des Editions Larivière, SAS au capital de 3 200 000 euros. Dépôt légal : 1er trimestre 2024. Printed in France/ Imprimé en France. Commission paritaire n° 0525 K 86723 ISSN n° 07507852 Numéro de TVA Intracommunautaire : FR 96572 071 884 CCP 11 5915A Paris RCS Nanterre B 572 071 884 Administration : 12, rue Mozart 92587 Clichy Cedex – Tél : 01 41 40 32 32 Fax : 01 41 40 32 50. Les manuscrits et documents non insérés ne sont pas rendus. Photo Anton-Corbijn-DR Photo Clare Muller/ PYMCA/ Avalon/ Getty Images 42 Nirvana Couverture : Graphisme Franck Loriou Toutes photos : Getty Images - Iggy Pop : Dalle - Howlin Jaws : Muriel Delepont Simonon/ Ayers, Lemon Twigs, Pretenders, Rolling Stones : DR Ce numéro comprend un flyer “Offres Noël” déposé sur une partie de la diffusion abonnés. Courrier des lecteurs La provocation on aime bien ça 006 R&F JANVIER 2024 Pierres ou huître ? Devinette et injustice. Deux mastodontes de la Rock Music avec un point commun : ils ont enfin sorti un album studio avec de nouveaux morceaux plus de dix-huit ans après leur précédent. Ah, ah, mais quels sont ces deux groupes en fait ? D’un côté The Rolling Stones dont la parution de “Hackney Diamonds” justifie une énième couverture ainsi que huit pages dans mon magazine préféré. De l’autre côté Blue Öyster Cult dont la parution de l’excellent “The Symbol Remains” fin 2020 s’est résumée à une simple chronique dans Disques Classic Rock. J’ai acheté le double disque vinyle dès sa sortie, et je vais certainement en faire de même pour “Hackney Diamonds”. Pourtant, vu la qualité de la musique du premier nommé, je sais déjà lequel des deux va prendre davantage la poussière ! Alors deux poids, deux mesures ? Jean-Louis RAmond Pas d’accord ! Thomas E. Florin dans son article sur les Rolling Stones paru dans le dernier numéro (article bien écrit au demeurant) trouve le dernier album des Stones mal produit. Personnellement, je trouve la production d’Andrew Watt excellente. C’est simple, il est arrivé à faire sonner un groupe d’octogénaires comme des trentenaires hyper-testéronés, ce n’était pas gagné d’avance. JEan-Philippe Qualité France Mettre en couverture Howlin’ Jaws et consacrer un article à une sélection de 50 jeunes groupes français, je vous dis bravo et... enfin ! Enfin, parce que les groupes rock français sont trop rares dans vos pages et depuis l’arrêt du regretté fanzine “Abus Dangereux”, notre scène hexagonale n’est pas assez mise en avant dans la presse spécialisée alors que tant de bons et même excellents groupes la composent. C’est au milieu des années quatre-vingt que j’ai découvert et côtoyé cette scène alors en pleine ébullition grâce à Daniel qui tenait un bar concert fabuleux à côté de SaintBrieuc, Le Barracuda. Tous les grands noms de l’époque y sont passés, qu’ils soient de la scène alternative ou pas. C’était chaud, sale et humide mais bon Dieu que c’était bon ! A l’époque, les lieux pour faire jouer les groupes florissaient partout, notamment chez nous en Bretagne, le bonheur. Avec les copains, nous avons ensuite programmé ces groupes dans notre club de jeunes ou en salle des fêtes. Les Thugs, Kid Pharaon, City Kids, Blue Valentines, Thompson Rollets, Dominic Sonic, Cherokees, No Man’s Land, Drive Blind, Lonely Games, Forguette Mi Note, Les Rats, Les Gunners, Cyclope, King Size, Les Locataires, Mr Moonlight... sont venus jouer chez nous, accompagnés de quelques pointures internationales telles The Troggs, The Fleshtones et autres Vibrators. Puis les lieux ont baissé pavillon, contraints par le voisinage, les normes de sécurité, les soucis financiers, et beaucoup d’associations ont également lâché l’affaire. Les gros festivals ont alors occupé le paysage ; quelques activistes ont poursuivi comme le Mondo Bizarro à Rennes ou le Galion à Lorient, mais le Covid finira par avoir raison de la pugnacité de leurs patrons. Aujourd’hui il y a une scène rock française qui a besoin de lieux pour s’exprimer et d’une presse pour les soutenir afin de ramener des jeunes dans les bistrots et salles de concerts, pas seulement pour quelques groupes post-punk anglo-saxons ou quelques trop rares groupes hexagonaux. Et cette scène a besoin du soutien et de la mise en forme en lumière d’un magazine comme le vôtre. Alors bravo, enfin et encore ! Fabrice Fièvre adolescente Je me baladais sur l’avenue. Quand me vint une vision parmi les magazines... La sulfureuse et toujours jolie Chrissie assise en tailleur, l’air rebelle et qui ose me toiser. Mon Dieu : c’est Rock&Folk que j’avais perdu de vue depuis... arf... 35-40 ans (j’en ai 53). A l’époque, je le fauchais à mon grand frangin quand il rentrait de ses études le week-end. C’était au temps où la new wave et la pop rock nous régalaient. Je ne pigeais sans doute pas grand-chose aux articles et critiques truffés de périphrases et d’allusions à prendre à différents degrés. Mais je m’accrochais, lisais, relisais, m’imprégnais. Et tenant pour dit ce qui était analysé et disséqué. Le papier glacé de la couverture entre les mains, le feuilletant avant de passer en caisse, j’ai eu la résurgence de cette adolescence, certes pas facile, mais incroyablement bien accompagnée par Rock&Folk. Merci d’avoir existé et d’exister encore. Chut... silence... je me (re)plonge dedans. LAurent En rouge et bleu Ah, ces compilations rouges et bleues de notre groupe chéri... Cela doit faire trente-cinq ans que je ne les ai pas écoutées mais elles représentent tellement pour moi. On ne peut qu’avoir une affection toute particulière pour ces deux disques, car comme beaucoup de (futurs) passionnés, c’est avec eux que j’ai découvert un groupe qui ne me quittera plus jamais. Ils ont représenté ma porte d’entrée dans leur discographie avec leurs différents albums qui continuent à me faire vibrer ! Bruno Swiners Moitié-moitié Une face Beatles et une face Rolling Stones, indiscutablement la meilleure réponse à la grande question... ! Ringa Storr A la lettre près J’apprends dans les condoléances du numéro 676 de Rock&Folk le décès de Rigo Star. Du coup, je m’inquiète pour Paul McCartey... Antoine Si Si Shane MacGowan était né en Italie, il ne serait pas chanteur, il ne serait pas célèbre. Il serait vivant. Patrick Moalic Très chers artistes Et si un jour on parlait money, hein... Clapton, c’est 800 000 euros aux Arènes de Nîmes cet été. Les Stones, c’était 1 million chacun soit Jagger, Keith et Ron, engagé en tant que membre du groupe permanent depuis peu ; pour 2024, c’est passé à 5 millions pour les trois. Iggy, il me semble qu’à Istres, il demandait à l’époque 36 000 euros comme cachet. Après, c’est un choix et je préfère les voir là qu’à trimer au New Morning ou, comme un soir, Mick Taylor aviné à l’Espace Julien à Marseille. Steve Lipiarski Pas d’accord du tout ! Un mot sur l’article affligeant de cynisme sur la sortie du nouvel album des Rolling Stones. Attendu avec impatience par bon nombre de fans, nous en sommes pratiquement tous agréablement surpris. Bien sûr que les guitares sont gonflées à bloc, la production trop carrée et moins “bancale” que les grands disques d’antan. Bien sûr que Steve Jordan n’est pas Charlie Watts. Et pourtant, compte tenu de l’âge des trois survivants, ce disque est un miracle. Les trois Stones jouent et chantent impeccablement bien. Cette fois, ils y ont mis du cœur. Alors, respectons au moins cela. Mick et Keith ont expliqué qu’ils voulaient retrouver l’âme des Stones, mais avec un son plus moderne. A mon avis, le pari est réussi. Pas de sample ni de synthétiseur. Tout est joué en direct. Et, non, le dernier morceau, joué live par Mick et Keith autour d’un micro, n’est pas anecdotique. Alors merci à Andrew Watt d’avoir donné un grand coup de pied au cul aux trois protagonistes pour enfin sortir un disque à la fois totalement inattendu, et digne des Stones. Colin Armstrong Ecrivez à Rock&Folk, 12 rue Mozart, 92587 Clichy cedex ou par courriel à rock&folk@ editions-lariviere.com Chaque publié reçoit un CD 008 R&F JANVIER 2024 AIR En amont d’une série de concerts prévue en Europe à partir du 24 février prochain, le duo versaillais a dévoilé son “Moon Safari” (1998) en Dolby Atmos. BEACH BOYS “Beach Boys By Beach Boys” est le premier livre officiel (édition limitée à 500 exemplaires) signés par les membres du groupe, et attendu courant 2024. Il comprendra des interviews des protagonistes et autres contributeurs de renom (Bob Dylan…), des photos rares et emblématiques de leurs débuts à leur renommée mondiale. BJÖRK Ode à la perte et au deuil, “Fossora”, le onzième disque studio (2022) de l’Islandaise bénéficie d’une réédition en Boxset Deluxe en édition limitée. Elle contient versions alternatives de chansons, photos, partition, livret, carnet de notes et... une écharpe en soie. BLUE ÖYSTER CULT En 2022, les Américains ont célébré le cinquantenaire de leurs prouesses live lors de trois concerts à guichets fermés au Sony Hall de New York. Le bien nommé “50th Anniversary Live – First Night” renfermant l’intégralité de la première date est proposé en 2 CD, 2 CD/ DVD, 2 CD/ BD, 3 LP… Déjà en vente. CHATEAU d’HEROUVILLE France 5 diffusera le documentaire, “Le Château D’Hérouville, Une Folie Rock Française”, le 19 janvier. L’épopée du studio d’enregistrement résidentiel à l’initiative du compositeur Michel Magne, qui accueilli dans les années 70 nombreuses stars (Iggy Pop, David Bowie, Pink Floyd, Nino Ferrer…). DAVID BOWIE Les pages manuscrites des paroles de “Rock N’Roll Suicide” et “Suffragette City” écrites par l’icône disparue en 2016 ont trouvé acquéreur pour la modique somme de 89 000 £ lors d’une vente aux enchères. ARTHUR BROWN Le chanteur de rock britannique a reçu pour la seconde fois le Legend Award au Hard Rock Hell Prog XII à Great Yarmouth (Royaume-Uni) le 8 novembre dernier. ANNA CALVI La multi-instrumentiste poursuit sa contribution aux bandes originales consacrées à la série britannique de BBC One. “Peaky Blinders Season 5 & 6”, la double BO, est espérée pour le 26 janvier. FRANK CARTER & THE RATTLESNAKES Précédé du single “Man Of The Hour”, le nouvel album “Dark Rainbow” des Anglais originaires de Hertfordshire est prévu le 26 janvier. Ils l’interpréteront le 24 février à Paris, au Bataclan. NICK CAVE “The Death Of Bunny Munro”, deuxième ouvrage de l’Australien paru en 2009, sera adapté pour la télévision. Matt Smith interprétera le rôle principal et le produira avec l’aide d’Isabella Eklöf, sous le regard attentif de l’auteur. Le début du tournage est prévu au printemps prochain. En amont, “Australian Carnage — Live At The Sydney Opera House” est paru le 1er décembre en version digitale dix-huit titres ou vinyle huit titres série limitée. CULT Pierre angulaire du combo rock britannique emmené par Ian Astbury, “Electric”, paru en 1987 et produit par Rick Rubin, a été réédité en vinyle standard et en vinyle bleu en édition limitée. DUTRONC & DUTRONC Alors que les nouvelles ne sont pas bonnes pour Françoise Hardy, Jacques et Thomas ont réuni leurs meilleurs moments dans “Dutronc & Dutronc La Tournée Générale !”. Disponible en double LP, CD livres, maxi 45 tours 2 titres, et digital. EELS Précédé du doucereux single inédit de Noël “Christmas, Why You Gotta Do Me Like This”, les californiens reviennent avec une nouvelle compilation. Télégrammes par Yasmine Aoudi Arthur Brown Photo Harvey Waller-DR Anna Calvi Photo DR “Eels So Good: Essential Eels Vol 2” contient vingt titres, le meilleur de sept albums studio (2007-2020), trois inédits. Disponible en CD, 2 LP ou digital. DAVE EVANS “Elephantasia”, l’opus folk datant de 1972 du regretté Australien d’origine britannique parti en avril 2021, bénéficie d’une réédition en CD et vinyle. BILLY IDOL Live capté en avril dernier au barrage Hoover sur le fleuve Colorado, “Billy Idol – State Line: Live At The Hoover Dam” a fait l’objet d’un film disponible en DVD ou Blu-ray. Avec Alison Mosshart (The Kills), Steve Jones (ex-guitariste des Sex Pistols) ou encore Tony Kanal (No Doubt) en invités spéciaux. JASON ISBELL AND THE 400 UNIT Le bassiste Jimbo Hart a officialisé sa rupture avec les 400 Unit. Cofondateur du combo, il prend un congé pour se consacrer à sa santé mentale et régler d’anciens traumatismes. KISS Un fan de 56 ans et son épouse ont trouvé la mort dans un accident de voiture en se rendant à Ottawa (Canada) pour assister à un concert de Kiss annulé plus tôt dans la journée en raison de la grippe du leader Paul Stanley. Leur Bentley a percuté de plein fouet un véhicule sur le Rainbow Bridge. LED ZEPPELIN Les éditions Petit A Petit publieront le 10 janvier prochain “Led Zeppelin : En Bande Dessinée”. Retour en images et en couleur sur 160 pages sur “l’empreinte sur l’histoire de la musique populaire moderne” du mythique groupe. TED NUGENT Face à la prolifération de supers-porcs (cochons sauvages) envahissant l’Amérique depuis le Canada, le guitariste de hard rock américain, ardent chasseur, se posant en“Mère Teresa”, a émis l’idée sur Fox News de les abattre depuis un hélicoptère et de redistribuer la viande aux sans-abris. PULP Dans le cadre de sa tournée de retrouvailles, lors d’un concert à Mexico, le combo britannique a dévoilé “Background Noise”, nouveau morceau du leader Jarvis Cocker dédicacé à sa petite amie. Annonciateur d’un futur microsillon ? AXL ROSE Sheila Kennedy, ancien mannequin de Penthouse, poursuit en justice le leader de Guns N’Roses pour agression sexuelle présumée en 1989, lors d’une fête dans un hôtel new-yorkais. L’avocat du chanteur réfute les accusations, qu’il qualifie de “réclamations fictives”. QUEEN Pendant le week-end du 18 au 21 janvier sera projeté exclusivement dans les salles Imax “Queen Rock Montreal”, concert emblématique capté en novembre 1981 au Forum de Montréal (imax.com/queen). BILL RYDER-JONES Cinq ans après “Yawn”, “Iechyd Da” (prononcer “yakih dah”) le cinquième opus de l’ancien guitariste de The Coral est attendu le 12 janvier. SOUNDGARDEN Le batteur Matt Cameron a avoué dans un podcast Vinyl Guide que le différend opposant le groupe à la veuve de Hugh Cornwell, Vicky, n’est toujours pas réglé. STONE TEMPLE PILOTS Dénoncé par sa moitié Jenn, le guitariste Dean DeLeo a été appréhendé pour conduite en état d’ivresse et violences conjugales. SCORPIONS En mémoire de la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989, les hard-rockers se sont associés avec la maison horlogère Col&MacArthur pour créer “Wind Of Change”, une montre (en édition limitée à 1989 exemplaires pour la version automatique) et numérotée contenant en incrustation un fragment du Mur, et une corde de leurs guitares JANVIER 2024 R&F 009 (pour la version automatique). A l’arrière, l’emblématique scorpion du groupe est gravé. TY SEGALL Le work addict californien a concocté un nouvel opus : “Three Bells”, quinze chansons, paraîtra le 26 janvier prochain. SMASHING PUMPKINS Les Citrouilles se sont fendues d’un chant inédit de Noël, “Evergreen”, et d’une version revisitée de “Silver Bells” de Bing Crosby pour Disney. SPINAL TAP Le réalisateur Rob Reiner a révélé que le tournage de la suite de “This Is Spinal Tap” débuterait en février prochain, avec les protagonistes du film de 1984. Paul McCartney, Elton John et Garth Brooks allongeront la liste des invités. VILLAGERS Le singer-songwriter Conor O’Brien et l’Irlandaise Lisa Hannigan ont accordé leurs voix pour revisiter un classique de Noël de 1941 : “The Little Drummer Boy”. Condoléances: Chad Allan (musicien et chanteur canadien de rock, soft rock et country rock, cofondateur des Guess Who, BachmanTurner Overdrive), Buzy (auteure, compositrice et interprète française), Charlie Dominici (chanteur américain de metal progressif, The Dream Theater), Claude Fléouter (journaliste, producteur et réalisateur français, fondateur des Victoires De La Musique, coproducteur de “L’IleAux Enfants”), Jeffrey Foskett (chanteur et guitariste américain, Beach Boys), Myles Goodwyn (chanteur, auteur-compositeur et guitariste canadien, April Wine), Jean Knight (chanteuse américaine de soul, “Mr Big Stuff”), Denny Laine (guitariste britannique de rock, Moody Blues, Wings), Tai Luc, Shane MacGowan, Michel Sardaby (compositeur et pianiste français de jazz), John “Rambo” Stevens (ami fidèle et manager britannique de John Lydon), Karl Tremblay (chanteur québécois, Cowboys Fringants), Goerdie Walker (guitariste britannique de post-punk, Killing Joke), Chiba Yusuke (musicien, chanteur et compositeur japonais de garage rock, Thee Michelle Gun Elephant…), Benjamin Zephaniah (écrivain et poète anglais, rasta et dub). Bill Ryder-Jones Photo Marieke Macklon-DR Dancing in the street Le 8 janvier prochain, à l’initiative de Jérôme Gourmet, maire du XIIIème arrondissement, Paris sera officiellement dotée d’une rue David Bowie. L’artère, toujours en construction, est située rive gauche — dans un quartier qui abrite déjà les places Keith Haring et Jean-Michel Basquiat — et débutera au numéro 61 de l’avenue Pierre-Mendès-France. Jérôme Soligny a été sollicité par la Ville de Paris pour organiser cette journée avec la Mairie du XIIIème. George Underwood et Geoff MacCormack, les deux amis d’enfance de David Bowie restés proches de lui jusqu’à la fin de sa vie, dévoileront la plaque. Quelques Français qui l’ont bien connu, des journalistes et des fans seront conviés en fin de journée à la mairie pour une rencontre informelle au son de ses chansons. Son livre est noir comme la musique qu’il écoute. Pourtant, Adrien Durand a su se trouver où était la lumière : attaché de presse du meilleur festival de France (Villette Sonique), rédacteur en chef adjoint du meilleur webzine musical du pays (“Noisey”), il fête ce mois-ci le premier anniversaire de ce qui pourrait bien devenir la meilleure maison d’édition rattachée de près ou de loin à la musique au monde (Le Gospel). Ce Nick Hornby hypra mélancolique, auteur de “Tuer Nos Pères” et “Je N’Aime Que La Musique Triste”, sortait en septembre dernier son premier roman : “Cold Wave”. Un anniversaire, un premier roman, deux bonnes occasions de discuter autour d’un jus d’orange glacé. Une époque plombée ROCK&FOLK : Premier disque acheté ? Adrien Durand : Le premier disque que j’ai acheté en étant conscient de le faire, c’était le single de Beck, “Loser”, en CD deux titres. Une chanson qui m’a suivi, puisque j’ai intitulé un livre “Je Suis Un Loser Baby” où je racontais notamment l’histoire de Carl Stephenson quiaco-écritcemorceaupuisestdevenu fou et a lancé toutes ses machines dans la baie de Santa Monica. R&F : Comment découvriez-vous la musique à l’époque ? Adrien Durand : Beaucoup par hasard. Par exemple, j’ai découvert Rage Against The Machine parce qu’un soir ma sœur revenait de soirée, il pleuvait et quelqu’un lui avait prêté un bonnet avec le nom du groupe imprimé dessus. Ça pouvait être aussi bête que ça. Puis la télévision jouait un rôle très important. C’est par les clips que j’ai acheté “Mellon Collie And The Infinite Sadness” des Smashing Pumpkins, un album qui a beaucoup compté. Vers 1995 ou 1996, il y avait cette période étrange : le deuil de Kurt Cobain. Moi, je n’écoutais pas Nirvana à 7 ans, mais on sentait ce flottement dans l’air avec un trône à prendre et les prétendants qui tentaient leur chance. C’était une époque plombée, située entre deux guerres en Irak, on parlait tout le temps de sida aux enfants et les stars qu’on voyait à la télé se suicidaient où faisaient des overdoses… Nos parents nous inculquaient des idéaux hippies et racontaient leur Mai 68, le tout depuis nos lotissements de banlieue pavillonnaire. Tout cela créait une ambiance de regrets et donnait naissance à des personnages comme Trent Reznor. “The Downward Spiral”, pour moi, incarne cette noirceur, ce nihilisme qui semblait être la seule solution pour se sortir d’un marasme quotidien. R&F : On écoutait de la musique chez vous ? Adrien Durand : Surtout de la chanson à texte, que j’ai toujours rejetée. Je n’aime pas la musique qui se prend trop au sérieux. Puis mes parents écoutaient beaucoup les Beatles, mais c’est un groupe que je n’aime pas du tout. Donc à la question Stones ou Beatles, je suis obligé de répondre : ni l’un ni l’autre. On écoutait “Harvest” qui était un peu le disque familial et Neil Young était très présent à l’époque, avec la BO de “Dead Man” ou “Mirror Ball”, l’album avec Pearl Jam. Mais rapidement, ce qui m’a attiré, c’était des choses beaucoup moins… professionnelles. R&F : C’est-à-dire ? Adrien Durand : L’esthétique slacker, lo fi avec Sebadoh ou Dinosaur Jr. : des groupes qui avaient plus d’humour et de recul, beaucoup moins le côté rock star tête de noeud de certains artistes dont on a parlé avant. La BO du film “Kids” de Larry Clark m’a beaucoup ouvert à cela aussi. C’était un film sur le skate mais dessus, au lieu du punk à roulettes habituel, il y avait Daniel Johnston, Folk Implosion... Ça nous disait : “Oui, tu peux faire du skate sans n’être jamais monté sur une planche ; oui, tu peux monter un groupe sans n’avoir jamais joué de guitare”. R&F : Les films étaient donc des passerelles vers la musique ? Adrien Durand : Oui, ils participaient à une ambiance générale. On découvrait Musicien, programmateur, attaché de presse, journaliste, auteur d’essais et désormais romancier, ce touche-à-tout connaît l’industrie musicale sous toutes ses coutures et porte un regard singulier sur ce milieu, tout en gardant un rapport viscéral avec ce qui compte : la musique. AdrienDurand Recueilli par THOMAS E. Florin - Photos William Beaucardet 010 R&F JANVIER 2024 Mes disques à moi “A la question Stones ou Beatles, je suis obligé de répondre : ni l’un ni l’autre” JANVIER 2024 R&F 011 012 R&F JANVIER 2024 les films de Gregg Araki en écoutant “Monster” de REM. Où Michael Stipe assumait peut-être plus son homosexualité. C’était le côté gothique fluo, gender fluid de ces années. Personnellement, j’associe les Deftones au film “Donnie Darko” parce que les premiers m’ont fait découvrir Depeche Mode et Duran Duran alors que dans le second, il y a Tears For Fears. Etat émotionnel R&F : Chez “Noisey” vous vous moquiez énormément de tout le folklore qu’il y a autour des rock stars, la culture rock en général ? Adrien Durand : Oui. Pour moi, c’est un peu comme le catch : tout cela est une construction. Les groupies, les boas à plumes, les bagouses, c’est pas mon truc. Je viens de la classe moyenne plutôt basse, donc cette mondanité, le côté “J’ai un avion avec mon nom pour faire la bise au dalaï-lama”… A vrai dire, cela fait maintenant trois ans que je me demande pourquoi j’aime la musique, c’est devenu le sujet de plusieurs de mes livres. Ce que j’ai découvert, c’est que mon rapport est beaucoup plus direct : la musique elle-même, les chansons, m’arrache à la réalité en créant une sorte de bulle autour de moi. C’est cela que j’ai essayé d’explorer dans mon livre “Je N’Aime Que La Musique Triste”. R&F : Comment ça marche ? Adrien Durand : La musique me met dans un certain état émotionnel. Je me suis rendu compte de cela à force de voyager seul. Certaines chansons devenaient mes compagnons parce qu’elles se trouvaient là où j’allais. Par exemple, les toilettes de bar sont associées pour moi à “True Colors” de Cyndi Lauper, parce que je l’entendais toujours quand je faisais la queue pour aller aux toilettes. Puis, il y a des disques qui sont un peu comme une maison : “I Could Live In Hope” de Low par exemple, qui est très enveloppant, ou l’album de Grouper, “The Man Who Died In His Boat”, une musique minimale qui a un fort pouvoir d’évocation. R&F : Comme la cold wave, qui est au cœur de votre premier roman. Adrien Durand : Mais c’est par les groupes que je viens de citer que j’en suis venu à écouter de la cold wave. Longtemps, la cold wave était pour moi la musique des gens plus âgés. Mais j’ai arrêté d’écouter de la musique par mouvement ou par genre, je suis sorti du côté encyclopédiste avec toutes ses listes du type “les trois plus grands albums de la house de Chicago” où quelqu’un nous impose à l’avance une lecture d’un album que l’on n’a jamais entendu. Je veux passer par un rapport direct, personnel, émotionnel. Ça a été cela ma passerelle vers la cold wave : tous les groupes slowcore, tout comme des artistes électroniques du milieu des années 2010 que j’aimais beaucoup — Helena Hauff ou Daniel Avery — en parlaient. Alors, quand j’écoute les Cure ou Bauhaus pour la première fois, je retrouve tout ce que j’aime : de la musique bricolée, pas trop de virtuosité, le tout extrêmement assumé dans ses intentions. Un état d’esprit qu’on peut retrouver dans toutes les musiques, comme dans “World Of Echo” d’Arthur Russell par exemple. R&F : Donc, si on résume : slacker adolescent, slowcore adulte… Que s’est-il passé entre les deux ? Adrien Durand : A la fin des années 2000, il y a une période que j’ai trouvée très pénible, c’était l’époque des crossovers : rap et metal, jungle et metal... A l’époque, j’écoutais beaucoup Tricky, “Les toilettes de bar sont associées pour moi à ‘True Colors’ de Cyndi Lauper” JANVIER 2024 R&F 013 qui me semble avoir bien mieux vieilli qu’un groupe comme Massive Attack. Personnellement, je pense que dès que la musique ressemble à un pitch, c’est très mauvais signe. C’est terrible, parce que c’est ce que l’on demande au groupe aujourd’hui. “Pitchez-moi votre projet en deux minutes.” Je suis persuadé que la professionnalisation tue en partie la musique. Déguisés en mouches géantes R&F : Que ce soit par vos textes ou même quand vous étiez attaché de presse pour Villette Sonique, vous semblez toujours du côté de l’underground. Adrien Durand :Çaacommencéquandj’avaisungroupe.Onorganisait des concerts et, à cette époque, la plupart des formations faisaient deux dates où ils retournaient la salle puis ils disparaissaient à tout jamais. Je trouvais ça beau, ce côté gratuit. C’était l’époque du post hardcore, où le groupe qui a fait la transition pour moi, ça a été At The Drive-In, qui m’a ouvert à Fugazi, Arab On Radar, et tous cesgroupesquifaisaientdesmorceauxde 45secondesdéguisésenmouchesgéantes, commeTheLocust…Puisj’aicommencé à travailler pour Villette Sonique et là, Etienne Blanchot, le programmateur, m’a fait découvrir énormément de groupes. R&F:Commeàtoutlemonde.Villette Sonique a été le meilleur festival qui alliaitdéfrichageetgroupecultedans les années 2000. Adrien Durand : Etienne faisait venir des microgroupes pour une seule date, arrivait à avoir des affiches de gens hors tournée.C’estcommeçaquej’aidécouvert les Liars par exemple. Je n’ai pas du tout aimé le revival rock des années 2000, cela reprenait des codes qui me dérangeaient. Alors,quandlesLiars,quiétaientassociésàtoutcela,arriventavec“Drum’s Not Dead”, un disque sans guitare, personnellement, j’ai trouvé ça génial. City Of Shit R&F : Des souvenirs de concert particulier ? Adrien Durand :JayReatardàMontréal peudetempsavantsamort.Ilajouévingt minutes, la salle était à un étage d’un immeuble, j’ai vraiment cru que le sol allait s’effondrer. C’est étrange la fin de la carrière de Jay Reatard : peu de temps après, j’étais en Louisiane dans une ville que les habitants surnomment City Of Shit, ce qui en dit long sur l’ambiance qui y règne. Le gros truc, c’était que Jay Reatard venait de virer son groupe et qu’il organisait des auditions. Tous les musiciens de la ville voulaient tenter le coup car ils étaient persuadés qu’ils allaient être le next big thing. Et c’est vrai que “Blood Visions” est un album à part. Tellement intense qu’on avait l’impression que le disque allait se balancer tout seul contre les murs... R&F : Pourquoi avoir appelé votre maison d’édition Le Gospel ? Vous écoutez du gospel ? Adrien Durand : Ah ah ah, non, pas spécialement. Je crois surtout que j’ai un rapport assez mystique aux choses. J’aime cette idée d’une musique qui élève, mais qui devient une bulle en même temps. Les disques récents que j’écoute sont comme ça : le dernier album de Tirzah, “trip9love… ???”, une chanteuse anglaise qui fait une sorte de shoegaze un peu trip hop, assez fantomatique… Quand on met ça, on a l’impression d’être légèrement défoncé, suffisamment pour que la réalité s’éloigne. R&F : Quel album emporteriez-vous sur une île déserte ? Adrien Durand : “The Moon And The Melodies” de Harold Budd et les Cocteau Twins. Je suis très fan des deux, c’est un disque comme un palais des glaces, fabuleux, le genre d’album qui crée le même flottement que les drogues. Et c’est très compliqué pour moi d’écouter un autre disque derrière ça. H Livre “Cold Wave” (Le Nouvel Attila) MES DISQUES A MOI Adrien Durand 014 R&F JANVIER 2024
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