LYON DÉCIDEURS n°48 - Page 6 - 48 LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. 1. JEAN-PIERRE VACHER, DIRECTEUR DE LYON DÉCIDEURS jpvacher@lyondecideurs.com REJOIGNEZ-NOUS SUR Salaire décent ou indécent F ace à l’une de ces polémiques périodiques sur les rémunérations des patrons, le directeur général de Stellantis n’a rien trouvé de mieux que de mettre au défi l’État et la représentation nationale de légiférer si l’on estime que son salaire dépasse les bornes de l’entendement. Une réaction pour le moins hypocrite quand on sait que Carlos Tavares est payé par une holding établie aux Pays-Bas et pourrait donc ne pas être exposé à une hypothétique nouvelle législation hexagonale en la matière. Mais surtout, pour avoir touché 36 millions d’euros de rémunération totale en 2023 (dont 10 % de rémunération fixe), Carlos Tavares apparaît comme l’arbre qui cache la forêt constituée par les dizaines, voire centaines, de milliers de patrons de TPE-PME qui se situent à des années-lumière d’une telle rémunération. Il n’est pas inutile de rappeler qu’un petit patron sur cinq gagne moins que le Smic ou qu’un tiers affiche une rémunération mensuelle comprise entre 1400 et 2600 euros mensuels. Pour les trois quarts des dirigeants de TPE-PME, la rémunération mensuelle moyenne est inférieure à 4000 euros. NORMAL QU’UN «PETIT» PATRON SANS SALARIÉ GAGNE MOINS QU’UN «GRAND» PATRON, responsable de dizaines de milliers d’emplois et qui a su remettre sur les rails son entreprise tout en négociant un virage stratégique. Reste à savoir dans le détail comment se répartit la valeur dans l’entreprise entre les actionnaires, les managers et l’ensemble du personnel (les plus bas salaires de Stellantis ont touché, quant à eux, une prime de 4100 euros). Car la question est bien là. «Autour de cette question du partage de la valeur, c’est l’avenir du capitalisme qui se joue», expliquait Benoît de Ruffray, le président de Fondact, l’association qui milite depuis 40 ans pour un meilleur partage de la valeur, lors d’une réunion de Lyon Place Financière fin mars. Signalons l’initiative intéressante du patron de Michelin qui a mis en place, quant à lui, la notion de «salaire décent» (celui qui permet à tout un chacun de vivre décemment) au sein du groupe, variable selon les pays et selon que l’on réside à Paris ou Clermont-Ferrand. Sur ces bases, il n’y a pas de salaire inférieur à 25356 euros bruts chez Bibendum dans la capitale auvergnate (soit 20 % de plus qu’un Smic annuel de 21203 euros bruts) ou 39639 euros à Paris. Un salaire décent pour tous n’en fait que plus ressortir la rémunération indécente de quelques-uns. É DITO www.lyondecideurs.com redaction@lyondecideurs.com @lyondecideurs LyonDecideurs Édité par Lyon Décideurs, 10 rue des Marronniers, 69002 Lyon. 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Réchauffementclimatiqueparexemplaire214,5gdeC02.DiffusionRosebudÉditions.Toutereproduction,textesetcréationsgraphiques,eststrictementinterdite. Ne pas jeter sur la voie publique. Salaire décent ou indécent F est payé par une holding établie aux Pays-Bas et pourrait donc ne pas être exposé à une hypothétique nouvelle législation hexagonale en la matière. «Il n’est pas inutile de rappeler qu’un petit patron sur cinq gagne moins que le Smic» 2. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. SOM M AIRE LYO N D É C I D E U R S • N ° 4 8 • M A I 2 0 2 4 LES INDISCRETS 8 GRAND ENTRETIEN 10 Bruno Bonnell: «J’ai un des plus beaux jobs de la République» LE FAIT DU MOIS 14 Décryptage LDLC Arena: Aulas de retour chez lui LE PORTRAIT 16 Thierry Abribat (Amolyt Pharma): le coup du siècle AC TU ALITÉ LE DÉCIDEUR DU MOIS 21 Bruno Kloeckner (XPO Logistics France): le pionnier du camion électrique LES INFOS DU MOIS 22 Olivier Ginon (GL Events), Fabrice Lacroix (Fluid Topics), Frédéric Giraud (Jïz Marketing Group), Raphaël Appert (Crédit Agricole), Vincent Mendes (Aster), Dominique Godet (Relyens), Pascal Nadobny (Addev Materials)… BOURSE 28 Alain Tur (AST Groupe), Bénédicte Durand-Deloche (Altheora) ACTU POLITIQUE 30 Trois questions à Cécile Michel (Les Écologistes): «J’ai accepté avec beaucoup d’enthousiasme» START-UP 32 Audrey Abrial et Bastien Thibaudier (Cubdo), Olivier Boidin (My Energy Manager)… L’Enjeux démocratise le jeu de société en entreprise PARCOURS 34 Marie-Christine Plasse: toujours plus haut ARRIVÉES/DÉPARTS 36 Philippe Carol (Cercle de Lyon), Vincent Thiéry (BNP Paribas), Laurent Gelpi (Albarest)… 16 Bruno Bonnell. 10 Thierry Abribat 34 Marie-Christine Plasse. © Pierre Ferrandis © Pierre Ferrandis 4. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. SOM M AIRE ESPAC E DÉ C IDEU RS LA GALAXIE DE… 48 Alain Coulas (ATS Studios) LE QUARTIER D’AFFAIRES DE… 50 Romain Boucaud-Maitre (chocolats Voisin): la terre du futur LES LOCAUX… 52 Yeap prend de la hauteur L’OBJET DE… 54 Brice Chambard (Obiz): «C’est un tableau rempli de symboles» LE RÉSEAU DU MOIS 56 Bouge ta Boîte, le réseau business et sororité AFTERWORK OÙ SORTIR À LYON 58 On vous conseille… Pour déjeuner, pour dîner LES SORTIES DE… 60 Céline Melon Sibille (Manifesta): l’art contemporain en thérapie CULTURE 62 Les sorties à ne pas manquer LA PASSION DE… 64 Christophe Marguin (Toques blanches lyonnaises): collectionneur à la carte 38 — 46 Christophe Marguin. Alain Coulas. Céline Melon Sibille. 64 60 48 ENTRETIEN EX C LU SIF Gilles Courteix: «Je n’y vais pas à reculons» Après avoir laissé planer le doute pendant plusieurs mois, Gilles Courteix a (enfin) pris sa décision: il est candidat à sa propre succession pour un second – et dernier – mandat de trois ans à la tête du Medef Lyon-Rhône. Le patron du BTP à la tête du groupe familial Courteix se livre sans filtre sur sa personnalité «franche et directe», les difficultés rencontrées pour la mise en route de son premier mandat ou encore sur sa nouvelle vision de la vie depuis son grave accident de moto de l’été dernier. 8. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. AC TU . LES INDISC RETS PAR LA RÉDACTION MUNICIPALES 2026 Droite lyonnaise : le vide ou le trop-plein ? La célèbre formule du général de Gaulle redoutant, après sa disparition, non pas «le vide mais le trop-plein» s’applique à merveille à la droite et au centre lyonnais. Quand Pierre Oliver (en haut à gauche), maire LR du 2e arrondissement, pense avoir déjà décroché l’investiture, Béatrice de Montille (en haut à droite), élue LR du 3e arrondissement et engagée dans le monde économique, ne se prive pas de rappeler les encouragements de son mentor, David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’AMF (Association des maires de France), lors de sa récente venue à Lyon. «Lyon a besoin de toi», a-t-il déclaré s’adressant à Béatrice de Montille devant plusieurs centaines de personnes participant à la réunion publique organisée aux Puces du Canal sous l’égide de Nouvelle Énergie, le parti de l’élu cannois. De son côté, le restaurateur Christophe Marguin (en bas), élu à la Métropole et président des Toques blanches lyonnaises, s’organise et s’appuie, entre autres, sur les conseils avisés de l’ancien directeur général du Medef Lyon-Rhône, Jean-Louis Joly. Lui-même élu municipal dans le Beaufortain, il connaît bien les arcanes politiques et économiques à Lyon et rappelle à qui veut l’entendre que son candidat n’a nulle intention de se rallier à Pierre Oliver, à ce stade. «On ne se présente pas pour mettre les Verts dehors», tempête Béatrice de Montille, avant de poursuivre: «Il faut avoir un projet, fédérer des talents, effectuer un travail de fond. Bref, il n’y a pas de candidat naturel, ni au plan national ni ici à Lyon.» © Marie-Ève Brouet © Tom Augendre MARATHON David Lisnard plus affûté que Laurent Wauquiez Touslesdeuxcandidatspotentielsàl’électionprésidentielle du printemps 2027, le maire LR de Cannes et le président LR de la Région Auvergne-RhôneAlpes étaient au départ du marathon de Paris, début avril. Ils ont, l’un et l’autre, finis sous la barredes4 heures,avecunavantagepourDavid Lisnardquiacourules42,195 kmen3h41’39’’. LaurentWauquiezamis15minutesdepluspour franchirlaligned’arrivéeen3h56’34’’.Faut-il enconclurequeDavidLisnardestunpeuplus affûtéqueLaurentWauquiezenvuedumarathon de la présidentielle 2027? Difficile de tirerd’unecourseuneconclusionpolitique… L’APRES-THÉODORE Deux restaurants pour Tabata et Ludovic Mey… Tabata et Ludovic Mey ont définitivement signé le rachat du Théodore ce mercredi 24 avril. En lieu et place de l’établissement idéalement situé cours FranklinRoosevelt, où Marco Chopin a servi ses derniers clients à la fin de la semaine précédente, Tabata et Ludovic Mey lèvent le voile sur leur projet. Ils ouvriront, dès cet automne, deux restaurants. Un restaurant gastronomique de 22 couverts et une brasserie à la française d’une cinquantaine de places avec une terrasse pouvant accueillir 80 couverts. Deux établissements avec chacun leur entrée sur la rue et chacun son propre nom, l’enseigne Théodore n’est pas conservée. Tabata et Ludovic Mey travailleront ensemble dans les deux restaurants. Les travaux vont bientôt commencer. Ouverture prévue en octobre pour le restaurant gastronomique et en novembre pour la brasserie. Une opération de 4 millions d’euros. … Marco Chopin se donne le temps Quant au futur projet de Marco Chopin, il n’est pas encore arrêté. Des discussions ont eu lieu entre Épicure Investissement, le nouveau propriétaire d’Orsi, et lui. Mais, pour l’instant, il veut se donner le temps de la réflexion et ne pas se précipiter. Un possible intérêt pour Le Splendid a aussi été évoqué. Retourner dans le quartier des Brotteaux où il avait fait les beaux jours de l’Est avant le Théodore pourrait aussi le tenter. Et pourquoi ne pas changer carrément d’arrondissement? LES INDISC RETS PAR LA RÉDACTION MARATHON David Lisnard plus affûté que Laurent Wauquiez Touslesdeuxcandidatspotentielsàl’électionprésidentielle du printemps 2027, le maire LR de Cannes et le président LR de la Région Auvergne-RhôneAlpes étaient au départ du marathon de Paris, début avril. Ils ont, l’un et l’autre, finis sous la barredes4 heures,avecunavantagepourDavid Lisnardquiacourules42,195 kmen3h41’39’’. LaurentWauquiezamis15minutesdepluspour franchirlaligned’arrivéeen3h56’34’’.Faut-il enconclurequeDavidLisnardestunpeuplus affûtéqueLaurentWauquiezenvuedumarathon de la présidentielle 2027? Difficile de tirerd’unecourseuneconclusionpolitique… LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. 9. INAUGURATIONS La gare de la Part-Dieu et emlyon préemptent le «21» 21 juin pour l’inauguration de la gare de la Part-Dieu rénovée. 21 novembre pour le nouveau campus d’emlyon dans le 7e arrondissement. Le calendrier des inaugurations se remplit avec une attirance pour le «21». Côté gare SNCF, il fallait trouver une date qui convienne aux principaux financeurs, à savoir au président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, au patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou (photo), qui connaît bien Lyon pour y avoir été longtemps en poste (comme directeur régional de la SNCF et comme patron de Keolis Lyon), à la préfète de Région, Fabienne Buccio, et à la Métropole de Lyon. Ce sera donc le vendredi 21 juin, jour de la Fête de la musique. Et pour fêter leur retour à Lyon après un siècle «d’exil» à Écully, les dirigeants d’emlyon souhaitaient laisser passer la rentrée, histoire que tout le monde ait pris ses marques. Va pour le jeudi 21 novembre. GALILEO GLOBAL EDUCATION Deux campus en terre lyonnaise pour Marc-François Mignot-Mahon Le géant de l’enseignement supérieur privé, Galileo Global Education, fait de Lyon une de ses places fortes. L’actionnaire d’emlyon depuis 2022, après avoir pris possession des nouveaux locaux dans le 7e à Gerland (visuel ci-dessous), va s’offrir un autre campus flambant neuf de 8000 m2 à la Confluence. L’occasion de rassembler sur une seule implantation lyonnaise plusieurs des écoles du groupe, dont Digital Campus et Bellecour École. Un dossier conduit en toute discrétion, certains membres de la direction d’emlyon ignoraient encore récemment ce projet… 10. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. © Pierre Ferrandis LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. 11. Ça fait quoi d’être à la tête d’un fonds d’investissement qui gère 54 milliards d’euros? Ça impressionne? BRUNO BONNELL: Ça impressionne surtout par la détermination du gouvernement à mettre autant d’argent sur l’avenir. C’est unique. Les premiers plans d’investissement d’avenir étaient de l’ordre d’une dizaine de milliards, et c’était déjà beaucoup. Mais là, c’est 54 milliards d’euros, une somme considérable. Est-ce que vous vous dites: «avec 54 milliards d’euros, j’ai plus de pouvoir que la plupart des ministres»? Quand on rentre dans l’administration centrale, ce qui est mon rôle aujourd’hui, on n’a pas plus de pouvoirqu’arriveràorganiserladistributiondecetargent intelligemment. Je ne sais pas ce qu’en pensent les ministres, je n’en suis pas un. Moi, mon objectif en tant que secrétaire général pour l’investissement en charge de France 2030, c’est de veiller avec mon équipe de 70 personnes et nos opérateurs – la BPI, l’Ademe,l’Agencenationaledelarecherche,laCaisse desdépôts –àcequecetargentsoitdistribuéauxmeilleurs. Donc si j’ai un pouvoir, c’est celui d’un directeur d’une école d’innovation française d’excellence. Et ça, c’est plutôt sympa. Justement, c’est quoi la philosophie de France 2030? C’est un plan d’excellence qui fait confiance à l’innovation dans les territoires. En établissant ce plan, le président de la République a décidé de mettre beaucoup d’argent sur la table, avec dix objectifs précis à l’horizon 2030:produire2 millionsdevéhiculesélectriquesparan,fabriquer20 nouveauxbiomédicaments, devenir le leader de l’hydrogène vert, faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille, prendre part à la nouvelle aventure spatiale, produire le premier avion bas carbone… Et tout cela avec la contrainte de 50 % des dépenses dédiées à la transition écologique et énergétique, en majeure partie pour la décarbonation de l’économie. Ce plan, à quelles entreprises s’adresse-t-il? De très petites comme de très grandes entreprises peuventapporterleurpierreàl’édifice.Maisilfautavoir desprojetsenphaseaveclesobjectifsdeFrance 2030. En gros, cela veut dire que si l’on vient nous voir en nous demandant de l’argent pour construire un bâtiment ou dans le but d’augmenter ses capacités de production,notreréponseseranon.Enrevanche,sivous êtes dans l’industrie automobile électrique, dans les microlanceurs,danslabioproductionoudansl’exploitation des fonds marins, ça peut être intéressant pour vous de déposer un dossier. Et la seconde chose, c’est quel’onneretientquelesmeilleursdossiers.Onreçoit parfoisdesdossierstrèsbons,maisquiarriventaupied du podium… En l’espace de deux ans et demi, 31 milliards d’euros ont déjà été engagés dans 3700 projets BRUNOBONNELL «J’ai un des plus beaux jobs de la République» Ancienmultientrepreneurdanslejeuvidéopuislarobotique,ex-présidentduconseil d’administrationd’emlyonpuisdéputé(Renaissance)dela6e circonscriptionduRhône,Bruno Bonnelloccupedésormaislepostestratégiquedesecrétairegénéralpourl’investissementen chargedeFrance 2030.Unplandotéde54 milliardsd’eurosquiviseàgagnerlabatailledela réindustrialisationgrâceàl’innovation. PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-PIERRE VACHER, VINCENT LONCHAMPT ET OCÉANE ELLA LE G RAND ENTRETIEN «Je rencontre toute la journée des entrepreneurs qui font des trucs géniaux et se battent pour changer le monde» 12. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. portés par 7000 entreprises bénéficiaires sur tout le territoire. Ce sont des résultats très encourageants quantàl’énergied’innovationquel’ontrouveenFrance. Sur ces 3700 projets, près de 1000 sont soutenus dans la région Auvergne-Rhône-Alpes pour un montant global de près de 6 milliards d’euros. C’est beaucoup plus que n’importe quelle autre région française (à l’exception de la région parisienne). C’est le reflet d’une région très industrielle? C’est surtout le reflet d’une région au dynamisme extraordinaire dans tous les domaines. La palette de France 2030 est très, très large, et nous avons en Auvergne-Rhône-Alpes beaucoup d’entreprises innovantes et de centres de recherche qui vont de l’agriculture de demain à l’oncologie en passant par l’hydrogène et la chimie verte donc, oui, il y a beaucoup, beaucoup de dossiers qui proviennent de notre région. Et vous vous attendiez à ça justement, que la région soit autant représentée, ou c’est une surprise pour vous d’être arrivé à ce stade? Non, ce n’est pas une surprise. Je connais trop bien cette région pour ne pas dire que je m’y attendais. Mais par contre, ne crions surtout pas victoire. Car il y a des régions qui nous talonnent. D’autant que les chiffres sont un peu déformés puisque près de la moitié des 6 milliards d’euros alloués dans la région par France 2030 sont destinés à la construction d’une usine de semi-conducteurs à Crolles portée par STMicroelectronics et GlobalFoundries (2,9 milliardsexactement).Doncsionmetcetinvestissement de côté, ça fait 3 milliards d’euros dans la région, et derrièrenousilyal’Occitanie,laNouvelle-Aquitaine ouencoreProvence-Alpes-Côted’Azurquinelaissent pas leur part au chat et qui apportent plein de nouvelles idées. Donc il ne faut pas que l’on s’endorme pour rester compétitif. Si l’on reste dans la région, pouvez-vous citer deux ou trois projets soutenus qui représentent bien l’esprit France 2030? Il y en a beaucoup. Je pense notamment à la start-up industrielleNetriquidéveloppeàGerlanddestechnologiesinnovantesd’organessurpucepourlesindustries de santé; à Biose Industrie à Aurillac dans le Cantal qui est un leader mondial dans le développement et la production de médicaments microbiotiques; ou encore à Carbios à Clermont-Ferrand qui développe un nouveau procédé dans le recyclage des matières plastiques.Etquandjevousdonnecesexemples,onse rendcomptequel’unedesoriginalitésdeFrance 2030 c’est de véritablement faire le pari de la force et de l’intelligence de nos TPE et PME. Justement, l’une des principales critiques faites à France 2030 est que les TPE-PME ont du mal à trouver leur place dans ce dispositif. Vous reconnaissez cette difficulté? Non,jem’inscrisenfauxcontrecetteidée.Leschiffres parlent d’eux-mêmes: les TPE-PME-ETI représentent la moitié des investissements de France 2030. C’est donc qu’il y en a qui ont trouvé la route. Et puis ces 54 milliards d’euros, c’est notre argent, c’est l’argent des Français. Donc effectivement, le dispositif n’est pas un guichet où l’on dit «bonjour, voilà 2 millions d’euros ». Ce n’est pas comme ça que ça marche. Il faut monter un dossier – de deux pages seulement je précise – pour voir si l’on est éligible, puis il y a un processus de présentation de son projet et ensuite une sélection des dossiers… Oui, la route n’est pas simplepourtrouverdesmillionsd’euros,mêmesinous avonsdéjàfaitbeaucoupenmatièredesimplification. Ce qui veut dire que les difficultés que vous évoquez pour les PME sont dues à un manque d’ingénierie en interne pour répondre aux dossiers de candidature. C’est pourquoi nous nous sommes associés aux préfectures et aux chambres de commerce qui nous font aussi remonter plusieurs centaines de dossiers. On sait que l’État cherche à tout prix à réduire ses dépenses, est-ce que vous craignez que Bercy fasse des économies sur le plan d’investissement France 2030? Ma réponse est non. Déjà parce que la somme allouée à France 2030 a été votée par l’Assemblée nationale danslecadredes«investissementsd’avenir»duprojet de loi de finances, ce qui implique qu’il faut repasser devantleParlementsil’onveutmodifiercettesomme. Ce qui est un peu plus compliqué que de faire des économies budgétaires dans les dépenses annuelles de fonctionnement. Mais surtout, je pense qu’il y a une chose à ne pas faire, c’est de freiner sur la glace alors que l’on est en pleine dynamique d’innovation. Donc ilnefautpastoutmélanger:lesdépensesdefonctionnement de l’État, qu’il faut certainement réguler; et les investissements, qu’il ne faut pas toucher, voire au contraire qu’il faut amplifier. Vous restez très attaché à la région lyonnaise. Quel regard portez-vous sur l’action des écologistes à la Mairie et à la Métropole de Lyon? De là où je suis aujourd’hui, je vois la montée en puissancedeplusieursagglomérations– Clermont-Ferrand, Grenoble, Dijon, Besançon… – et je trouve que Lyon vitunpeusursesacquis.Jedirais«bonélèvemaispeut mieux faire» car Lyon se repose encore sur l’héritage Collomb.GérardCollombavaitdel’obstinationetune véritablevisionpourréveillerunevilledontondisaitau débutdesannées 2000qu’elleétaitunebelleendormie. Votre crainte c’est que Lyon redevienne une belle endormie comme vous dites? Onnedoitpass’endormirsurnoslauriers,ilfautqu’on seréveilleunpetitpeu.Onnepeutpassecontenterde LE G RAND ENTRETIEN «Bien sûr, cela me manque d’être chef d’entreprise» 6 OCTOBRE 1958 Naissance à Alger. 1983 Cofondateur de la société lyonnaise Infogrames. 2007 Ouvre un nouveau chapitre professionnel dans la robotique avec la création de plusieurs sociétés dans le domaine. 2012-2019 Président du conseil d’administration d’emlyon. 2017-2021 Député (Renaissance) de Villeurbanne. DEPUIS 2022 Secrétaire général pour l’investissement chargé de France 2030. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. 13. © Pierre Ferrandis dire que l’on veut juste être la ville de la biodiversité. C’est très important et je le soutiens à mort. Mais on ne peut pas être que ça. Parce que les grandes métropoles de demain, de la taille de Lyon, ne peuvent pas se contenter d’être agréables. Ceci est valable également pour la région au passage. Vous vous êtes toujours défini comme un homme de gauche. Vous êtes encore en phase avec le macronisme ou regrettez-vous qu’il penche de plus en plus à droite? Jemesuistoujoursdéfinicommeunhommedegauche… quandlagaucheexistait!Etcetteremarquevautaussi pourladroite,ladroiten’existeplus,àpartàl’extrême. Etlà-dessus,mapositionestfermeetdéfinitive:iln’est pas acceptable de fricoter avec l’extrême droite et le RN. Donc moi, je ne suis pas de ceux qui disent que le macronisme penche à droite. Parce que je pense que le macronisme se définit lui-même en dehors des clivages gauche-droite. Comme dans un autre temps, il y avait quelque chose qui s’appelait le gaullisme et qui se définissait par lui-même. Alors est-ce que le macronisme perdurera ou pas? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’on a un président pour trois ans. Vous avez été un Marcheur de la première heure. Quand vous vous retournez sur ces sept dernières années, que vous dites-vous? On a bien fait le job? On aurait pu faire mieux? Jepensequ’onatotalementratéunedesgrandesmissions que nous avions à l’époque, qui était de réconcilier les Français avec la politique. Alors pourquoi on a raté? On peut l’interpréter de mille façons. Je le vivais à l’Assemblée à l’époque où j’étais député et je reste convaincu qu’il y a eu dès le départ un procès en illégitimité d’Emmanuel Macron qui a été qualifié de parvenu, de président des riches… Pour le reste, je trouve que le bilan est assez incroyable. Notamment leretournementéconomique.Aujourd’hui,onneparle plus de chômage. Alors ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de chômeurs, mais ça veut dire que ce n’est plus le sujet numéro un comme sous François Hollande. Ça ne vous manque pas trop de ne plus être chef d’entreprise? Bien sûr que cela me manque. Surtout que j’ai un des plus beaux jobs de la République: je rencontre toute la journée des entrepreneurs qui font des trucs géniaux, qui se battent pour changer le monde en trouvant de nouveauxmédicamentsoudenouveauxmatériauxpour fairedubienàlaplanète.Alorsforcément,quandjeferme la porte de boîtes que je viens de visiter, je me dis «ah! purée, je pourrais peut-être les aider ». Mais bon, la réalitéc’estqu’ilyauntempspourtout.J’aieuletemps de l’entreprise, puis le temps de la transmission quand jemesuisoccupédelaprésidenceduconseild’administration d’emlyon, et aujourd’hui c’est le temps de l’engagement et moi, ça me va bien. C’est un bon temps. ● Retrouvez l’intégralité de cette interview en vidéo et en podcast sur le site .com « Je me suis toujours défini comme un homme de gauche... quand la gauche existait ! » UN RETOUR EN POLITIQUE À LYON EN 2026? Bruno Bonnell pourrait-il revenir en politique en 2026 à l’occasion des scrutins municipaux et métropolitains? «On verra bien ce qui va se passer d’ici là. Les élections sont dans deux ans et il peut se passer beaucoup de choses», précise l’ex-député du Rhône qui prend soin de ne pas fermer la porte. Et qui affirme vouloir «porter ses idées et mener des combats». Sans en dire plus sous leur forme. 14. LYON DÉCIDEURS. N° 48. MAI 2024. Décines ses plus gros matchs d’Euroliguedèsquel’Arenaseraitsortie de terre. Un partenariat avec l’Asvel renforcé ensuite par la prise de namingdeLaurentdelaClergerie,le patrondugroupedeventedematériel informatique LDLC, qui accole sesinitialesàlaLDLCArenaenplus du club LDLC Asvel. Et c’est aussi Jean-Michel Aulas qui a signé avec le mégatourneur Live Nation pour prendrelesmanettesdelaprogrammationmusicaledelasallepourune période de 15 ans (Étienne Daho, Bigflo&OliouencoreEricClaptonau menudanslesprochainessemaines). «L’idée est de faire 100 à 120 événements par an, soit près d’un événementtouslestroisjours»,déclarele futur propriétaire. Avec des proches et Xavier Niel? Et si c’est Jean-Michel Aulas, via sa holding familiale Holnest pilotée avec son fils Alexandre et Patrick Bertrand,quiprendleleaddansles négociationsavecJohnTextor,ilne sera pas seul dans l’opération. Loin de là: comme nous l’avons révélé sur Lyondécideurs.com, le pool devrait rassembler une douzaine de co-investisseurs, entreprises et C ’estbienlapreuvequ’il n’y a pas que dans le foot que tout va très vite. Dans les affaires aussi. La hache de guerre à peine enterréeendécembredernier –JohnTextorsignantun chèque de 14,5 millions d’euros en rachatd’actionsàJean-MichelAulas qui annule dans la foulée ses poursuitesjudiciaires–,lesdeuxhommes topentmaintenantpourlaventede laLDLCArenadeDécines.L’annonce del’ouverturede«discussionsexclusivesetconfidentielles»aétéofficialiséele2 avril,actantlerecentrage du nouveau boss de l’OL sur le foot masculin,etsignantleretourdeJeanMichelAulaschezlui.Àlafaveurd’un deal qui devrait tourner à près de 170millionsd’euros(soit30millions deplusqueleprixdelaconstruction) pours’offrirlasalleinauguréeenfin d’annéedernière,quipeutaccueillir AC TU . LE FAIT DU M OIS Jean-Michel Aulas doit signer dans les prochains jours le rachat de la LDLC Arena de Décines. Ironie de l’histoire, il rachète à son acheteur John Textor une salle dont il a porté la construction de A à Z. D’après nos informations, Tony Parker n’est pas présent parmi ses co-investisseurs, et Xavier Niel pourrait faire partie de l’aventure. jusqu’à16000 spectateursenconfigurationconcert(12500placespour lesrencontresdebasket).«C’estl’un demesderniersgrandsprojets,mais je ne peux pas trop entrer dans les détailsparcequenoussommesencore en pleines négociations. Le closing devraitintervenirdanslesprochains jours.CetteArena,c’estunevisiondu futur.Cettesalleestlaplusinnovante etlaplusenvironnementaled’Europe. L’objectif,lorsdesaconstruction,était queLyondisposed’uneinfrastructure hautdegammeenmatièredesportet d’événements»,déclaraitJean-Michel Aulasfinavril,invitécejour-làd’un rendez-vouséconomiquedevantun parterre d’invités. Il savait très bien de quoi il parlait: c’est lui qui a pensé de A à Z l’enceinteconstruiteàunjetdepierres du Groupama Stadium. Il en a eu l’idée, a porté l’investissement à 100 % avec l’OL Groupe (51 millions d’euros de fonds propres et 90 millions d’euros de crédit-bail immobilier) puis a confectionné le modèleéconomique,l’OLdevenant actionnaireminoritairedel’Asvelen 2019. Avec pour conséquence que leclubdebasketallaitdélocaliserà «C’estl’undemesderniersgrandsprojets. Et je suis accompagné par plusieurs entrepreneurs lyonnais et parisiens» DÉCRYPTAGE LDLC Arena:
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