TRIBUNE DE LYON n°936 - Page 3 - 936 TdL 936.indb 2 TdL 936.indb 2 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 3 TRIBUNE DE LYON NO 936 _ DU 16 AU 22 NOVEMBRE 2023 Sommaire TRIBUNE DE LYON NO 936 DU JEUDI 16 AU MERCREDI 22 NOVEMBRE 2023 © ÉRIC VIOU © MAXIME GRUSS © SUSIE WAROUDE 5 L’édito de LilianRenard 6 L’instantanédelasemaine. De chocolat vêtue Ça bouge 8 L’invitée. JacotteBrazier. «Il faut avoir faim pour réussir, et ça, ça n’a pas changé» 12 Lebaromètre despersonnalitéslyonnaises 13 Dansl’antichambre 14 Lieuxetgensdepouvoir. Justice.Nouvelleattaquede l’extrêmedroitedansleVieux-Lyon Villeurbanne.Fusillades au Tonkin, Cédric Van Styvendael s’en prend à Gérald Darmanin 16 Aménagement etenvironnement. Zonescommerciales. Saint-Priest et Givors, candidates aux aides pour réenchanter la «France moche» Part-Dieu. Lesanciensimmeubles debureaux,opportunitépour transformerlevisageduquartier 18 Sciencesetinnovation. Laboratoireslyonnais. Euclid a envoyé ses premières images du cosmos 20 Économie. Automobile.MCE-5 met son moteur révolutionnaire au bénéfice du tout-terrain 21 Laviejuridique. Ordredesavocats. Après le retrait de Me Hartemann, un barreau sans bâtonnier Focus 22 Polluantséternels. Qui savait? Qui n’a rien fait? La bataille judiciaire en marche Dossier 26 Éducation.À Lyon, dans les coulisses de la plus vieille école vétérinaire du monde Sorties 36 Lesimmanquables. Musique.Quatre concerts pour réchauffer novembre 38 Pêle-mêle. Concerts, exposition, théâtre… 40 Cinéma. SimplecommeSylvain. De Monia Chokri TheKiller.De David Fincher Vincentdoitmourir. De Stephan Castango 41 C’estpasduBergman. TheMarvels. Des super filles dans l’espace 42 L’escapade. Virée au château de Bouthéon, joyau de la plaine du Forez L’Instant T 44 LeLyonde… Annouck Curzillat 46 Topgourmand.Où festoyer pour le beaujolais nouveau 47 Chauddevant. Coney Cookie et Les Imparfaits - Le mercato des restos 48 Lerestaurantdelasemaine. ChezHugon. Un bouchon plus loin 49 Surlepouce. CanarddeRue. Le canard décomplexé Oùboireunverre. Volver. Le néobar de quartier 51 Leportrait. StéphanieKry. L’Amour te va si bien 52 Patrimoine. Ilétaitunefois… La basilique Saint-Bonaventure Lejouroù… 66 militants anarchistes furent jugés à Lyon Quiest-ce? Louis Tolozan de Montfort Parlonslyonnais. Sous-tasse Annonces légales 54 Ventes aux enchères, appels à candidatures, annonces judiciaires et légales Détente 57 Lyondanslesmédias. 58 Bulles.Interpol 7/10 26 42 L A S E M A I N E P R O C H A I N E Immobilier: comment profiter d’un marché en souffrance L’escapade. ViréeauchâteaudeBouthéon, joyaudelaplaineduForez Polluantséternels. Quisavait?Quin’a rienfait?Labataille judiciaireenmarche 22 Éducation. ÀLyon, dansles coulisses delaplus vieilleécole vétérinaire dumonde TdL 936.indb 3 TdL 936.indb 3 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 Toutel’actualitéestàretrouversur tribunedelyon.fr • L’info lyonnaise en continu • Des idées de sorties : restaurants, culture, art de vivre... • Des dossiers et enquêtes exclusives • Des portraits de Lyonnais(e)s inspirant(e)s • L’info lyonnaise en continu • Des idées de sorties : restaurants, culture, art de vivre... • Des dossiers et enquêtes exclusives • Des portraits de Lyonnais(e)s inspirant(e)s TdL 936.indb 4 TdL 936.indb 4 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 L e week-end dernier, une fois encore, le souffle haineux des cagoulards a transpercé la nuit lyonnaise. Une fois de trop. Car les nervis de l’extrême droite, milices noires d’une autre époque, ont franchi là un cran supplémentaire dans la violence en attaquant, à coups de bâtons, mortiers d’artifice et gazeuses, les participants à une conférence sur la Palestine où témoignait un médecin français intervenant à Gaza. Il n’est plus concevable, pour des raisons d’ordre public autant que d’unité républicaine, parce que ces faits inlassablement se répètent jusqu’au sentiment écœurant de l’impunité de leurs auteurs, de laisser les pavés du Vieux-Lyon se transformer en terres brunes abandonnées. Là où se déverse le torrent des haines identitaires. Certes, à ses marges sombres, Lyon abrite depuis toujours, marginaux mais déterminés, les enfants du pire et tous les remugles de l’extrême droite française. Les services de renseignement ont même, il y a quelques années, désigné Lyon comme leur berceau où quelque 400 militants actifs seraient présents. Sauf que désormais, dans un climat de banalisation extrême et de violences quotidiennes, les voilà sortis de l’ombre et des nuits de cristal, dans les tribunes des stades de foot, tout en drapeaux et signes néonazis, ou dans la rue pour faire le coup-de-poing. Il est temps de ne plus fermer les yeux. La République ne peut marcher contre l’antisémitisme un dimanche et laisser une telle violence, héritière des pires inspirateurs de la haine des juifs et de l’autre, se déverser sans contrôle ni contraintes un samedi soir. Plusieurs élus, majorité et opposition confondues, du député Thomas Rudigoz au maire Grégory Doucet, n’ont ainsi de cesse d’exiger de Gérald Darmanin qu’il agisse. Il doit en effet considérer que la violence identitaire lyonnaise est devenue une affaire nationale et engager la dissolution des groupes d’ultradroite connus. Il l’avait fait pour Génération identitaire, il doit poursuivre contre ses rejetons qui, autour de l’association Les Remparts ou via des groupes structurés sur les réseaux sociaux, ont recréé la même nébuleuse agissante. L’affaire n’est pas simple bien sûr, tant ces activistes ont appris à se dissimuler dans l’anonymat et derrière des structures de façade, des faux-nez que les procédures administratives peinent à incriminer factuellement. Mais toujours très actif, et d’ailleurs légitimement, contre la violence d’extrême gauche, le ministre de l’Intérieur ne peut continuer dans une hémiplégie coupable. Lyon a besoin d’une posture claire et ferme sur le sujet, sauf à considérer qu’un pan entier de la ville fait sécession dans la haine et la violence et que personne n’y trouve à redire au sommet de l’État. ELLES LE DISENT ICI Ultradroitelyonnaise, uneaffairenationaleou ledevoird’agirdeDarmanin Édito Édité par Rosebud SA • 10 rue des Marronniers, CS 40215, 69287 Lyon Cedex 02 • Pour joindre votre correspondant, composez le 04 72 69 15 15. Fax 04 72 44 92 04 • www.tribunedelyon.fr • Courriel: redaction@tribunedelyon.fr • Fondateur Fernand Galula • Directeur de la publication et de la rédaction François Sapy • Directrice générale déléguée Stéphanie Liogier • Responsable administratif et �inancier Marie-Thérèse Duran•AssistantededirectionVincianneHennrich•RédacteurenchefLilianRenard•RédacteurenchefadjointRomainDesgrand•Responsable numérique Étienne Combier • Secrétaire générale de rédaction Véronique Lopes • Maquette, SR et relecture Estève Gili, Delphine Pyrek • Rédaction Emma Allamand, Mathilde Beaugé, Clarisse Bioud, Lucile Brière, Iris Bronner, Harold Decaillot, David Gossart, Kelly Grosset-Curtet, Luc Hernandez, Rodolphe Koller, Enzo Maisonnat, Emma Ressegaire • Photographe Maxime Gruss(une)•IllustratricesCamilleGabert,MathildaAbou-Samra •ResponsablecommercialeFabienneGaudin•CheffesdepublicitéVirginieGautier•Développementcommercialjuridique Victor Brunet-Lecomte • Responsable diffusion-abonnements Camille Chrysostome abonnement@tribunedelyon.fr (04 72 69 06 67) • Diffusion, abonnements Faustine Cornu • Communication et événementiel Salomé Ficarelli, Fanny Andriamaroandraina, Arthur Allemand, Amaël Lacroix-Magnien • Community Manager Justin Chanel • Ont collaboré à ce numéro François Mailhes, Jean-Baptiste Martin • JournalistesstagiairesCarmen Buecher, Enzo Calderon, Manon Lescuyer • Toutes les photos de cet hebdomadaire sont «droits réservés» • ISSN 1777 9332 Numéro de com mission paritaire 1227 C 87506 • Impression: Imprimerie Chirat à Saint-Just-la-Pendue (42) • Origine du papier: France • Taux de fibres recyclées: 100 % • Réchauffement climatique par exemplaire: 137,5 g de C02. «Figurez-vousque jen’aijamaisaimé fairelacuisine.» © MAXIME GRUSS JACOTTEBRAZIER Petite-filledelacheffedeuxfois triplementétoilée,EugénieBrazier, etcréatricedel’associationLes Amisd’EugénieBrazier>P8 «Le métier, il s’apprend surtout sur le terrain.» © M.G. LINEJOLIVET Vétérinaire>P35 LILIANRENARD RÉDACTEURENCHEF @lilian_renard «Je n’ai jamais voulu qu’on me considère comme une handicapée et faire moins que quelqu’un qui voit.» ANNOUCKCURZILLAT Triathlète>P45 © M.G.. «J’aimel’idéede donnerunenoblesse auxchoses,defaire del’artavecdes mauvaisesherbes.»� STÉPHANIEKRY Artistedesignertextile>P51 © M.G. 5 TRIBUNE DE LYON NO 936 _ DU 16 AU 22 NOVEMBRE 2023 TdL 936.indb 5 TdL 936.indb 5 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 TdL 936.indb 6 TdL 936.indb 6 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 Dechocolatvêtue. Du vendredi 10 au dimanche 12 novembre derniers, le chocolat était à l’honneur dans tous ses états au centre de congrès de Lyon. Un concentré de gourmandise sur 4000 m2 , réunissant l’ensemble des acteurs de la filière: chocolatiers, chefs pâtissiers, confiseurs, producteurs de cacao, grandes marques, blogueurs food… Tous unis autour d’une passion commune: le chocolat. Chocolatiers et stylistes se sont même retrouvés pour un défilé de robes en chocolat haut en couleur, et en saveurs! ENZO CALDERON L’instantané de la semaine MAXIME GRUSS PAR TdL 936.indb 7 TdL 936.indb 7 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 JacotteBRAZIER «Ilfautavoir faimpour réussir,etça, çan’apas changé» Peu de gens le savent, vous avez fondé l’association Les Amis d’Eugénie Brazier pour soutenir les jeunes femmes qui veulent se lancer dans la cuisine. Quel est son objectif concrètement? Jacotte Brazier: «À la base, l’objectif est de les aider financièrement, de les aider dans leur scolarité, de les aider à trouver des stages… mais aussi de les aider moralement. Ma sœur et moi avons eu la chance que nos parents nous aient offert des études. En 1962, aller en école hôtelière coûtait déjà un argent fou… Donc, j’ai choisi de monter cette association pour donner des bourses à des jeunes filles afin qu’elles puissent se payer leur scolarité, leur cantine, des cours de soutien, leur habillement, leurs couteaux, leur ordinateur… Combien d’élèves aidez-vous chaque année? On a commencé en 2007 en soutenant deux jeunes filles. En 16 ans, nous en avons aidé près de 90. Cette année, elles sont 20 issues de quatre lycées de la région lyonnaise : Hélène-Boucher (Vénissieux), François-Rabelais (Dardilly), Jehanne-de-France (Lyon 9e ) et Bellerive-Robin (Vienne). J’aurais aimé ajouter d’autres établissements à la liste, mais comme je dois régulièrement m’y rendre, j’ai privilégié les alentours de Lyon. Le seul que je pourrais encore ajouter à cette liste est l’école hôtelière de Lyon-Villeurbanne, mais je n’arrive pas à la joindre… Pourquoi destiner vos bourses uniquement à des jeunes filles? Ce n’est pas du tout par sexisme. Mais être une femme en cuisine est difficile. C’est pour cela que j’ai décidé d’aider les femmes. Et Paul Bocuse était tout à fait d’accord avec moi. C’est d’ailleurs grâce à lui et à sa fondation que j’ai créé cette association. En 2004, quand Paul Bocuse a lancé sa fondation avec Hervé et Jean Fleury, on m’a proposé d’en être la secrétaire générale. Ils avaient l’idée d’aider des femmes marocaines qui faisaient de l’huile d’argan, et c’est là que je me suis dit qu’il y avait sûrement des femmes qui avaient besoin de nous à Lyon. Je suis allée au rectorat pour voir comment on pouvait aider, et © MAXIME GRUSS Cette année, Jacotte Brazier, petite-fille de la cheffe deux fois triplement étoilée Eugénie Brazier, va tenir le dernier comité de lecture — avec remise de prix* — des Amis d’Eugénie Brazier. Mais il y a un combat que la pétillante Lyonnaise ne compte pas arrêter: celui du soutien des jeunes femmes qui souhaitent se consacrer à la cuisine. PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE LOPES L’invitée de la semaine * Le prix Eugénie-Brazier récompense un ouvrage de cuisine réalisé par une femme ou dont le sujet est la cuisine des femmes. 8 TRIBUNE DE LYON NO 936 _ DU 16 AU 22 NOVEMBRE 2023 TdL 936.indb 8 TdL 936.indb 8 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 LeCanutetlesGones,c’estlacantine deJacotteBrazierdepuisqu’ellehabitesur lePlateau.C’estlàqu’elledonnesesrendez-vous, qu’elleorganisesescomitésdelecturepourson prixlittéraire,dontFranckBlanc,propriétairedes lieux,faitpartie.Ici,elleestcommechezelle,et yvientjusqu’àdeuxfoisparsemaine.Aprèsavoir tenulerestaurantmontéparsagrand-mère pendantplusde30ans,JacotteBrazierprofite delacuisinefaiteetserviepard’autres,et confesse:«Jen’aijamaisaiméfairelacuisine, figurez-vous.Sivoussaviez,maintenantçafait riretoutlemonde,parcequemoi,jesuislareine dumicro-ondes!»Eneffet,au12rueRoyale,c’était sonpèrequiétaitencuisinede1946à1974,puis cesontdescuisinierschoisisparJacotteetsamère Carmenquiontofficié,carl’uneetl’autreétaient préposéesauserviceensalle. Grandebavarde,elleracontesansdétour sessouvenirsd’école,l’histoiredesafamille, sesvacancesdanssamaisondecampagne dansl’Ain,sonarrivéerueRoyale,sontitrede vice‑championnedeFrancedecurlingtroisannées d’affilée,laplacequ’elles’estfaiteàLyonaumilieu detousceschefs,lesentimentdesurpriseetde naïvetéqu’elleressentquandonl’interpelleoula reconnaîtencoredanslarue…Rienn’esttabouou secretpourcettefemmepétillantequivabientôt soufflerses80bougies.Pourcélébrerengrande pompecetanniversaire,ellehésiteencoreentre retournerchezTroisgrosàOuchesouchezBernard PacaudàParis.Maisunechoseestsûre:elle prendraleGoldenPassExpress.«C’estuntrain panoramiquequitraversedesvalléesenneigées entreMontreuxetInterlakenenSuisse.Ilparaîtque c’estmagique»,raconte-t-elledesétoilespleinles yeux.Enpleineforme,JacotteBrazieraprisleparti denepassemettrelarateaucourt-bouillon,et deprofiter,toutendédiantsontempsetsonnom àdescausesquiluisontchères:lesPetitesSœurs desPauvres,LesEscalesSolidairesd’Habitatet Humanisme,etbiensûr,LesAmisd’EugénieBrazier. © MAXIME GRUSS Le Canut et les Gones 29 rue de Belfort, Lyon 4e . ———— — Notre repas — Croustillant de civet de cerf. Veau aux trompettes de la mort. Deux cafés allongés. — L’addition — 67 € Mon déjeuner avec Jacotte Brazier 9 TRIBUNE DE LYON NO 936 _ DU 16 AU 22 NOVEMBRE 2023 TdL 936.indb 9 TdL 936.indb 9 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 j’ai proposé que l’on donne des bourses à des élèves en cuisine. Les deux présidents ont trouvé l’idée bonne, mais n’ont pas lancé le projet. Donc j’ai décidé de le faire. Je suis allée voir Paul (Bocuse) qui m’a dit de faire quelque chose pour les filles qui étaient en apprentissage ou en CAP cuisine. Et c’est comme ça qu’on a commencé en 2007. Vous voyez une différence entre le moment où votre grand-mère était en cuisine, où vous étiez vous-même au restaurant, et aujourd’hui? Je trouve que la situation n’a pas énormément changé : que ce soit ma grand-mère ou des jeunes filles comme Astou, venue du Sénégal et passée par la Lybie et Lampedusa, il faut avoir faim pour réussir. Ma grand-mère, elle, a été foutue à la porte par son père, elle ne savait ni lire ni écrire, et elle avait mis son fils en pension à Dompierre-sur-Veyle… donc elle avait faim! Il fallait qu’elle bosse, et c’est ce qu’elle a fait. Astou, elle a faim, elle a du caractère, elle va y arriver. Il faut avoir un moteur pour pouvoir s’en sortir en cuisine, et ça, ça n’a pas changé. C’est par rapport à leur caractère que vous choisissez les jeunes filles qui reçoivent vos bourses? D’abord, ce sont les proviseurs et professeurs qui font une sélection de profils parmi leurs élèves, après je les rencontre et je fais mon choix. Cette année, j’ai décidé qu’on allait élargir notre sélection aux jeunes filles qui travaillent en salle, et à celles qui font du service à la personne. Vous savez, c’est important la salle. Malheureusement, ce n’est pas du tout festif comme milieu. J’ai essayé de trouver quelqu’un à Paris qui pourrait faire des émissions sur les métiers du service en salle pour attirer les jeunes dans cette voie, mais ça n’intéresse personne… C’est dommage. Comment faites-vous pour attirer la lumière sur votre action, qui semble assez confidentielle? J’ai conscience que ce que l’on fait avec l’association n’est pas très festif pour les journalistes, ou pour le grand public. Une fois que vous avez trouvé les filles et donner des sous, tout le monde s’en fiche un peu. En en parlant avec Sonia Ezgulian, elle a eu l’idée de faire une remise de prix littéraire pour récompenser des autrices de livres de cuisine. Ça m’a énormément plu. C’était quelque chose de nouveau pour moi: travailler avec des éditeurs, découvrir des autrices, inviter des personnalités un peu prestigieuses comme Jean-Pierre Coffe, Bernard Pacaud, ou Jean-Luc Petitrenaud pour faire partie de notre jury. Quels étaient vos critères de sélection? Notre cheval de bataille, c’était les femmes, comme avec l’association, et on a défini quatre catégories: un Grand Prix, un prix d’iconographie, un prix du roman et essai gourmand et un prix de la francophonie. Les livres récompensés devaient être écrits par des femmes, ou s’ils l’étaient par des hommes, il fallait que le sujet soit les femmes. C’est comme cela qu’une année, on a récompensé Michel Troisgros pour Michel Troisgros et L’Italie, un livre sur la cuisine de sa grand-mère italienne. Pourquoi vouloir arrêter votre remise de prix littéraires cette année? Le groupe de 12 lecteurs que nous étions s’est éparpillé, et la personne qui m’aidait pour la sélection et le contact avec les éditeurs ne peut plus le faire. On contacte quand même 90 maisons d’édition tous les ans. Et puis, il est désormais impossible de vendre les livres honorés au sein de l’hôtel de ville où la cérémonie a lieu… C’est une accumulation de facteurs qui fait qu’à 80 ans, je ne me sens pas de continuer à faire cela seule. Et puis il faut que je m’occupe de mes jeunes filles! Bientôt, une Épicerie-Comptoir Mère Brazier va ouvrir aux Halles de Lyon, le saviez-vous? Je trouve ça très bien. Je savais bien que Mathieu (Viannay) allait faire des tas de choses comme ça. Comme je ne suis plus propriétaire du nom, il peut faire ce qu’il veut. Ce qui est marrant, c’est qu’à la mort de mon père en 1974, j’avais proposé à ma sœur d’ouvrir une épicerie pour vendre nos produits, là où il y a aujourd’hui le Wine Bar de La Mère Brazier. Mais ça ne l’intéressait pas, alors j’ai abandonné l’idée. Je ne pouvais pas gérer le restaurant et une épicerie. À l’époque, c’était déjà à la mode de vendre des choses que l’on faisait dans ses cuisines. Pour moi, c’était la suite logique pour que les restaurateurs gagnent de l’argent. Vous avez cédé votre nom lors de la vente du restaurant, ce n’était pas un peu risqué? Quand j’ai vendu, l’appellation “Mère Brazier” faisait partie du lot, mais avec ma sœur, on a déposé le nom “Eugénie Brazier”. On l’a fait avant le rachat de Mathieu Viannay (qui a repris l’établissement en 2008, NDLR). C’est pour cela que mon association s’appelle Les Amis d’Eugénie Brazier. C’était son nom et son prénom qui nous importaient. Et c’est pour cela que vous avez donné l’autorisation à une école primaire de porter le nom de votre grand-mère cette année? Si vous saviez comme ça m’a fait plaisir de voir son nom sur une école. Sachant que ma grand-mère ne savait ni lire ni écrire quand elle est arrivée à Lyon, et qu’elle s’est battue pour donner une bonne instruction à son fils: c’est quand même extraordinaire!» «Être une femme en cuisine est difficile.» 23.11.1943 Naissance à Lyon de Jacqueline Brazier. 1971 Elle intègre le restaurant ouvert par sa grand-mère, rue Royale, auprès de ses parents, Gaston et Carmen. 2004 Vente du restaurant La Mère Brazier à Philippe Bertrand et Bob Tosch, qui sera racheté en 2008 par Mathieu Viannay. Ce dernier obtient directement deux étoiles en 2009. 2007 Elle lance sa fondation, Les Amis d’Eugénie Brazier. 2023 Une nouvelle école primaire prend le nom d’Eugénie Brazier à la Confluence. BIOEXPRESS JACOTTE BRAZIER L L M L’invitée de la semaine 10 TRIBUNE DE LYON NO 936 _ DU 16 AU 22 NOVEMBRE 2023 TdL 936.indb 10 TdL 936.indb 10 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41 LYON / 18.19 NOV. LA SUCRIÈRE MARCHÉ DES ARTISANS ET CRÉATEURS RETROUVEZ L’ESPACE FABRIQUÉ À LYON LYON / 18.19 NOV. LA SUCRIÈRE MARCHÉ DES ARTISANS ET CRÉATEURS RETROUVEZ L’ESPACE FABRIQUÉ À LYON TdL 936.indb 11 TdL 936.indb 11 14/11/2023 19:41 14/11/2023 19:41
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