LE JOURNAL DU DIMANCHE n°4045 - Page 6 - 4045 LE JOURNAL DU DIMANCHE 2 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 L’événement Teddy Riner « Il n’y aura pas de petit combat » EXCLUSIF En quête d’un troisième titre olympique, le judoka sera l’une des stars de Paris 2024. Il s’est confié au JDD à deux semaines de son entrée en lice Unrendez-vouspourl’histoire.Le 2 août, Teddy Riner (35 ans) peut remportersurletatamidel’Arena du Champ-de-Mars sa troisième médailled’orolympiquedespoids lourds après Londres en 2012 et Rio en 2016. Un défi fou. Le JDD a rencontré le Guadeloupéen à Poissy, dans le nouveau campus du PSG, son club depuis bientôt sept ans. Sans filtre, celui qui a décrochéonzetitresdechampion dumondenousracontecomment il s’est préparé et pourquoi il se sent encore plus fort qu’à Tokyo en2021,oùiln’avaitdécrochéque le bronze en individuel avant de participer à la conquête de l’or par équipes. Commentvoussentez-vousà l’approchedecette5e olympiade? Si on s’en tient à mes statistiques, à mes résultats, le Teddy version 2024 est bien plus fort. Mentalement, physiquement, sur le judo, je suis meilleur dans touslessecteurs.Ausol,j’aibeaucoup progressé, je suis plus fort. Debout,aukumikata[lasaisiedu kimono, NDLR], je reste solide. Sur les attaques, j’ai encore plus de puissance qu’avant. Je peux donc dire que je suis meilleur qu’avant.Maisensport,onlesait tous, il y a une part d’incertitude. Il suffit que je me déconcentre une demi-seconde et la médaille d’or s’envole. De Tokyo à Paris, j’aitraversécetteolympiadeavec beaucoup de plaisir, finalement. L’apportdevotreclub,lePSG, a-t-ilétédéterminantdans votrepréparationolympique? Je dirais que ça a pesé à hauteur de 50 %, le reste reposant sur la fédération qui m’a aidé à organiser les stages et m’a soutenu dans monprojetpersonnel.AuPSG,j’ai la chance de pouvoir profiter de touteslesinstallationsdontbénéficientlesfootballeursetleshandballeurs, notamment sur le plan médical ; j’ai pu faire un check-up danslecomplexeAspetar,àDoha. Surleplandujudo,jesuisàl’écoute desconseilsdunouvelentraîneur du club, le Belge Damiano Martinuzzi.AuPSG,c’estprofessionnel, cadré. Idéal pour moi. Vous avez récemment repris votre collaboration avec Christian Chaumont, l’entraîneur de vos débuts à Levallois-Perret. Appréhendez-vous ces Jeux à domicile où vous serez plus attendu que jamais ? Non. La pression, le public, tout celafaitpartiedesJO.C’estunévénementàpart.Jesaisqu’àlamaison, cette pression sera énorme. Pour le moment, je n’ai que de la bonne pression, celle qui génère de l’excitation, de l’envie. Quand arrivera la « mauvaise » pression, il faudra être bien connecté pour lagérercorrectement.Maisjesais comment faire. Le2août,surletatami,lesRusses serontabsentsetvousn’affronterez doncpasInalTasoev,quevousaviez battuenfinaleduMondialàDoha en2023avantquelaFédération internationaleneluiaccorde égalementunemédailled’or.Vous nel’avezjamaisaffrontédepuis. Regrettez-voussonabsence? Oui,j’auraisaiméqu’ilsoitàParis pour remettre les pendules à l’heure,sansêtregênéparuneblessurecommejel’étaisauMondial. Jerestepersuadéd’avoirgagnéen respectantlerèglement,iln’yapas de débat, pas photo. Son absence va redistribuer les positions dans le tableau et le Top 10 reste très costaud en plus de 100 kilos. Je me prépare à d’autres scénarios. Sivousdécrochezcetroisièmetitre olympique,vouségalerezlerecord duJaponaisTadahiroNomura,sacré en1996,2000,2004enmoinsde 60kilos,maisvousdeviendrezle judokaleplustitrédetouslestemps avecvosonzetitresmondiaux… Ce serait énorme de surclasser Nomura. Quand j’étais jeune, ce judokaétaitmonhéros,unmodèle. J’ai énormément de respect pour ce combattant. Je l’admirais, il savaittoutfaire,j’airarementvuça. Pourl’égaleraupalmarès olympique,ilfaudragagner. Surquoicetournoiva-t-ilsejouer? Sur des détails, forcément, mais aussi sur l’approche psychologique. Au risque de surprendre, j’ai décidé de me mettre dans la peau d’un outsider et de me dire quetoutpeutarriver.Etsile2août, jegagne,ehbien,ceseraunebonne surprise. C’est un état d’esprit qui se travaille et que j’arrive à intégrer grâce à mon expérience olympique.Iln’yaurapasdepetit combat. Dès le premier tour, je peuxtombersurleTchèqueLukáš Krpálek, le champion olympique en titre, qui n’est même pas tête desérie.C’estcequirendcesport aussi dur et aussi excitant. Adoptez-vouscettestratégie justementparcequeleregard devosadversairesachangé cesdernièresannées,depuis quevousn’êtesplusinvincible? Je m’adapte, et c’est très bien qu’ils pensent qu’ils peuvent me mettre sur le dos. Cela veut dire qu’ils vont ouvrir leur judo, qu’ils vontêtremoinsendéfense,qu’ils vont se livrer. Et s’ils ouvrent, c’est là où ça devient dangereux pour eux (rires). Aprèstoutescesannées,comment trouvez-vousencorelamotivation deretourneraucombat? Ilfautavoirunpetitgraindefolie iensûr,ilsetrouvera toujours des esprits chafouins pour se plaindre, des grincheux pour céder aux « gnagnagnas », comme les moquait Anne Hidalgo voilà quelques semaines. À raison, parfois. Des commerçants et des bistrotiersontbaissélerideaupour que les forces de l’ordre puissent sécuriser les quais de Seine. Le retour des QR codes a fait fuir de nombreux Parisiens qui ont préféré prendre leurs quartiers d’été loin de la capitale plutôt que de souffrir un nouveau confinement. Autant de dommages collatéraux pour que se déploie le rêve olympien d’Emmanuel Macron. LaFrancevaaccueillirlemonde. Elle n’a pas droit à l’erreur. Douze millions de visiteurs sont attendus pour cette 33e olympiade dans un Paris qui ressemble encore à un champ de bataille. L’enjeu est de taille. Sécuritaire et sportif notamment. Dans cinq jours, 160 chefs d’État et de gouvernement seront présents à Paris pour assister à la cérémonie d’ouverture, et 45 000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour protéger la seule parade. Un défi immense, inédit aussi, puisque jamaispareillecérémonienes’était déroulée sur un fleuve. C’estpourquoinousavonsdonné laparoleàceuxquis’activentdepuis desmoispourquecetteolympiade soit une fête que rien ne saurait gâcher. Gérald Darmanin, quoique ministre de l’Intérieur d’un gouvernement démissionnaire, est toujours aux commandes. L’échec estinenvisageable.IdempourTeddy Riner en quête d’un troisième titre olympique. Nous aurions aimé les réunir le temps d’une photo, mais l’emploi du temps du judoka ne le lui permettait pas. Ils partagent cependant le même objectif : faire gagnerlaFrance.EtsicesJeuxont déjàfaitcoulerbeaucoupd’encre,les plus belles pages restent à écrire. g RAPHAËLSTAINVILLE INTERVIEW À Tokyo, c’est le sport qui avait rapporté le plus de médailles à la France (9 sur 33).À Paris,Stéphane Nomis, le président de la fédération, vise dix podiums. Un objectif élevé mais réalisable,notammentgrâceauxfilles. Derrièrelesdeuxlocomotives,Clarisse Agbegnenou,tenantedutitreenmoins de63kilos,etRomaneDicko,première mondialechezleslourdes,lecompteur pourraitgrimperdèslesamedi27juillet avecShirineBoukli(-48kilos),révélationdelasaison.ArgentéesauJapon, AmandineBuchard(-52kilos),SarahLéonieCysique(-57kilos)etMadeleine Malonga(-78kilos)restentdesvaleurs sûres.Chezlesgarçons,hormisTeddy Riner,difficiledetrouverunautreleader. LukaMkheidze(-60kilos),enbronze en 2021, peut récidiver, Alpha Djalo (81 kilos) ou Joan-Benjamin Gaba (-73kilos)créerlasurprise.Unenouvelle consécration est possible dans l’épreuve mixte par équipes, où les Japonais, battus chez eux, veulent leurrevanche.Banzaï!gC.G. LEJUDOFRANÇAISTRÈSAMBITIEUX 12 millions de visiteurs attendus pour cette 33e olympiade DR ; CHINE NOUVELLE/SIPA B Teddy Riner interviewé par Céline Géraud au nouveau campus du PSG,à Poissy, le 13 juillet dernier. Teddy Riner affronte le Russe Inal Tasoev en finale du Grand Slam de Paris, le 4 février 2024. LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 21 JUILLET 2024 3 L’événement Unmilliarddetéléspectateurssontattendus ce vendredi pour la cérémonie d’ouverture desJeux.LemetteurenscèneThomasJolly en a confié la création à l’historien Patrick Boucheron,laromancièreLeïlaSlimani,lascénaristeFannyHerreroetl’hommedethéâtre DamienGabriac.Dansunentretienaccordéau Monde,lequatuord’auteursciteenréférence lacérémoniereconnuedeLondresen2012, etenantimodèleladémonstrationdeforcede Pékinen2008,promettantde«joueravec les clichés » avec « beaucoup d’humour ». DamienGabriacannonceun«espritrassembleur,éclectique,poétique,politique,enhéritier des Jean Vilar et André Malraux ».Plus polémique,PatrickBoucheron,pourfendeur du « roman national », invoque le bicentenairedelaRévolutionpourlequelJean-Paul Goude«déjouaitlesstéréotypesnationaux et ne craignait pas de prôner le métissage planétaire avec un optimisme que nous avons aujourd’hui perdu ». Parmi d’autres voix, l’ancien député LR Julien Aubert s’en estinquiété:«ÊtrefierdelaFrance,valoriser sa culture millénaire et son héritage, c’est visiblementtropdemander.» gH.A. Amélie Oudéa-Castéra « Jouer contre les Jeux, c’est jouer contre la France ! » J-5 C’est la fin d’un long parcours d’obstacles. Malgré les polémiques et la mauvaise humeur des « Gaulois réfractaires », Amélie Oudéa-Castéra est en passe de réussir le pari des Jeux Àcinqjoursdel’ouverturedesJeux, est-cequetoutestvraimentprêt? Nous sommes prêts dans nos temps de passage. Mais les Jeux olympiques restent le plus gros événement planétaire et le plus complexe dans son organisation. Nous restons donc en alerte, en étant capables de réagir en cas d’imprévu. Mais la cérémonie d’ouverture se déroulera bien sur la Seine, dans un format inédit pour des Jeux. Dans un seul et même récit se déploieront la dimension artistique, la parade et la partie protocolaire. Ilyaencorebeaucoupd’inconnues. Notammentlenomdudernier porteurdelaflamme… Je suis sûre qu’« il » ou « elle » plaira aux Français. Je ne peux pas en dire plus parce que l’effet de surprise est capital ! Quichantera?CélineDion? AyaNakamura?Donnez-nous unindice… Je ne peux pas vous donner de nom, mais France Télévisions a commencé à distiller quelques indices avec sa bande-annonce… Dernièreincertitude: la«baignabilité»delaSeine. Pouvez-vousgarantirquelasanté desathlètesneserapasexposée? Nousnetransigeronsjamaisavecla santédesathlètesniaveccelledes baigneursquipourront«reconquérir » la Seine – et la Marne ! – dès l’année prochaine. C’est le sens du « plan baignade » et de nos investissements, dont l’efficacité seconfirme,puisquenoussommes désormais de manière continue dans les bons seuils de qualité de l’eau. Si des orages forts venaient à se produire, nous avons intégré desjournéesdecontingenceautour desépreuvespourdifférer,sinécessaire, leur déroulement, le temps que les indicateurs reviennent au vert.Au-delà,cechantierextraordinaireaétélancépourbénéficier au plus grand nombre ! Grâce à l’actiondel’Étatetdescollectivités, nouspourronsouvrirdeszonesde baignadedanslaSeineetlaMarne tous les étés dès 2025. J’ajoute que cela permet aussi de reconstituer la biodiversité du fleuve. Il yaencorequelquesannées,onne recensaitquetroisespècesdepoissons capables de survivre dans la Seine.Noussommesremontésà36 aujourd’hui, mais il n’y a toujours pas de requins dans le fleuve ! Sommes-nousprêtsàaccueillir lesvisiteurs–12millionsde personnes–,notammentceux venusdel’étranger? Oui, nous sommes prêts. Nous avons travaillé avec les acteurs du secteurtouristiquepouraméliorer l’«expériencevisiteur»,laqualité deservice,l’accessibilitédeshôtels, cafés, commerces et restaurants. Nousavonsaussimenédestravaux d’ampleurdansnosgares,nosaéroportsetnostransportspourgarantirdesparcoursfluides.Jerappelle que la majorité des acheteurs de billets sont Français, de toutes les régions de France ! 15 % viennent de l’étranger. La première nation est le Royaume-Uni, devant les États-Unis et l’Allemagne. Cetaffluxaffecteralaviedes Parisiens:couloirsdecirculation réservés,stationsdemétrofermées. Ilvafalloirprendresursoi? On ne laisse pas les Parisiens et les Franciliens sans solution. Il y a d’abord un effort inédit pour un été sur les transports en commun, avec 15 % d’offre supplémentaire par rapport à un été normal et jusqu’à 70 % sur les lignes les plus concernées par les Jeux. Nous avons aussi facilité les mobilités douces,notammentl’usageduvélo, avec un réseau de 400 kilomètres depistescyclablesdédiéesauxJeux et46000vélosadditionnelsencirculationviaVélib’etlesopérateurs de free-floating. Nous avons enfin veillé à donner à chacun la faculté d’anticiper,d’adaptersesdéplacements avec les bons outils. CesJeuxinterviennentdansun climatpolitiquetendu,certains syndicatsmenaçantdeperturber l’événementpardesmouvements degrève.Celavousinquiète-t-il? Ce ne sont pas les Jeux d’un gouvernement, mais ceux des Français, des athlètes, du mouvement sportif, de la jeunesse. Et je ne doute pas que les politiques et les syndicats soient sensibles au fait que les Français veulent que les JO soient un succès pour leur pays. Jouer contre les Jeux, c’est jouer contre la France. Vousavezétémiseencausead hominem,moquée;riennevous resteentraversdelagorge? Les attaques personnelles, je les ai encaissées, elles font partie du métier. Je n’ai pas des décennies d’expérience politique derrière moietj’aisansdoutemoi-mêmepu commettredesmaladresses.Mais jeneveuxpasperdremonauthenticité, ma spontanéité. Dans tout cela,jen’aiétéheurtéequ’uneseule fois au point de riposter, quand la maire de Paris a dit : « On ne sera pasprêtspourlestransports.»Cette sortie m’a paru mettre en risque, voire en doute, l’engagement du collectif. Je ne voulais laisser personne se décourager. Avez-vousunregret, uneautocritiquesurce quiauraitpuêtremieuxfait? Surlabilletterie,ilauraitpuyavoir plus de pédagogie au lancement. Lepremiersystèmeavectirageau sort et vente par packs a créé des frustrations, et la grille tarifaire a puêtremalperçuealorsqu’unvrai effort a été fait avec plus de 50 % des billets proposés à moins de 50euros.Maisensuite,nousavons dépassélesrecordsdunombrede billets vendus pour des JO, avec 8,8 millions aujourd’hui. VousavezfixéauxFrançaisl’objectif d’intégrerleTop5mondialcalculé surlenombredemédaillesd’or. N’est-cepasunpeu«petitbras»? Ilyaencorequelquesmois,onnous disait qu’intégrer le Top 5 n’était pas réaliste. Aujourd’hui, on nous ditqu’onpeutfairemieux.Jesens l’appétit,l’enviedenoséquipesde Francemonterentempérature.Si on fait mieux, tant mieux ! Ya-t-iluneviepourvous aprèslesJO? Ahoui,çac’estsûr!Laquelle?On verra. Je suis une grande amoureuse de la vie et de ses imprévus. Quantaurisquede«redescente», j’ai appris à gérer ça à plusieurs reprises dans ma vie après des périodesparticulièrementintenses. Cet été, mes enfants sont un peu loin de moi. Les Jeux passés, je seraiheureusedepouvoirêtreplus présente à leurs côtés. Lesdeuxdernièresannéesnevous ontpasdégoûtéedelapolitique? Vousallezcontinuer? Même si certains jours sont difficiles, la politique est un fabuleux champ d’engagement. L’envie de continueràm’investirauservicede monpays,sousuneformeousous uneautre,celanemequitterapas.g PROPOSRECUEILLIS PARANTONINANDRÉ pour continuer à se faire mal, c’est certain.C’estd’ailleurspourentretenircettefraîcheurquej’aidécidé desortirducadre,dem’expatrierà plusieursreprisespourtrouverune nouvelleoppositionphysiqueetune diversitétechnique.AuKazakhstan, j’avais 30 à 40 lourds face à moi, je n’avais jamais vu ça. En Mongolie, j’en avais une vingtaine, rien que pourmoi,c’estunluxeintrouvable ici. Je suis aussi allé au Brésil, au Japon,etj’enoublie.Aprèsvingtans en équipe de France, il fallait que je puisse me réinventer. Avec mon staff,onadoncmultipliécesstages à l’étranger. EntreTokyoetParis,duranttroisans, vousn’avezjamaiseuenvie,ne serait-cequ’unmatin,denepasvous lever,desécherl’entraînement? Cela m’arrive forcément certains matins d’être fatigué, mais j’ai très viteunepetitealertequisedéclenche dansmoncerveauetquimedit:«Si tu ne te lèves pas, tu régresses. » Et ça,pourmoi,c’estimpossible.C’est unequestiond’orgueil,defierté.Ça paraîtdingue,maisjeprendsencore du plaisir dans la douleur, dans la baston. Parce qu’il y a toujours un trucàallerchercherauboutducouloir. Et là, j’y suis presque. Celaveut-ildirequ’aprèscesJeux àdomicile,vousraccrocherez? Non, j’ai encore envie de tenter l’aventure à Los Angeles. Les Jeux auxÉtats-Unis,çamefaitrêver.On saitquelesAméricainsvontmettre lespetitsplatsdanslesgrandspour faire quelque chose d’extraordinaire. Je ne serais pas étonné qu’il y ait même des voitures volantes en 2028 (rires). J’ai encore envie dem’éclateret,forcément,s’ilyala possibilitéd’unemédailleaubout,je vais y aller. J’ai toujours la gnaque. Visualisez-vousdéjàlaroutinede cettejournéeolympique,le2août? Ceseralamêmequepourlesgrands championnats. Je me lèverai de très bonneheure.Danslasalled’échauffement,jechoisiraiunemusiquespéciale pour ces Jeux – le jour J, pas avant. Comme à chaque fois, je ferai quelques parties de petits chevaux aveclescopains,çamedétend.Etpuis le combat commencera. J’ai hâte ! g PROPOSRECUEILLIS PARCÉLINEGÉRAUD INTERVIEW MILLEREAU PHILIPPE/KMSP/AFP UNECÉRÉMONIED’OUVERTURETRÈSPOLITIQUE? BLONDET ELIOT/ABACA La tribune, installée dans les jardins du Trocadéro, où se tiendra la cérémonie d’ouverture. LE JOURNAL DU DIMANCHE 4 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 L’événement Sécurité L’épreuve de vérité TENSION Dans cinq jours, Paris accueillera 160 chefs d’État et de gouvernement pour la cérémonie d’ouverture des JO, observée par quatre milliards de téléspectateurs. Sous la protection de 45 000 policiers et gendarmes. Du jamais-vu La Place Beauvau retient son souffle. « On est en haut du toboggan », commente une huile de la police nationale. Car même si le ministre de l’Intérieur nous précise qu’aucune « menace caractérisée » ne plane sur la cérémonie d’ouverture des JO (lire notre entretien page 12), la menace terroriste est extrême. Les Jeux olympiques sont une « fenêtre d’opportunité inouïe » pour les mouvances islamistes qui voudraientfrapperune«ciblesymbolique sans équivalent », observe une source du renseignement. La propagande a commencé à fleurir à la fin du mois de mars. La première référence aux JO dans la sphère médiatique de l’État islamique est apparue dans la production non officielle « Hadm Al-Aswar », avec une infographie représentant deux combattants au milieu d’une galaxie d’armes, avec la mention « Paris 2024 » ainsi que le logo officiel des JO. Plus récemment, au début du mois de juin, l’organe de propagande pro-EI Al Adiyat Media a incité les « loups solitaires » à cibler ce rendez-vous. Sur un photomontage, on voit un drone muni d’une chargeexplosivevolerendirection de la tour Eiffel. Accompagné d’un message:«LesJeuxolympiquesdes loups solitaires ont commencé, par la volonté d’Allah. » Selon le renseignement, la première menace djihadiste est celle qui est qualifiée de « portée ou inspirée » par l’État islamique. Elle a brusquement été réactivée sur le territoire français à l’automne dernier avec l’assassinat du professeur Dominique Bernard, dans un contexte international marqué parlesattaquesduHamasenIsraël et la multiplication d’autodafés du CoranenEuropeduNord.Lesservicesderenseignementsurveillent enprioritélesjeunesradicalisésen ligne. Selon leur décompte, porté à la connaissance du JDD, plus de 70%desjeunesimpliquésdansdes projets d’attentat depuis l’année dernière étaient âgés de moins de 21 ans. Autres profils particulièrement craints : les jeunes radicalisésoriginairesduCaucaseduNord –auteursd’aumoinstroisattentats depuis 2018 –, ceux qui sortent de prison et les détenus radicalisés. L’un d’entre eux, Ali Riza Polat, un Franco-Turccondamnéàperpétuité pour sa complicité dans les attentats de janvier 2015, a d’ailleurs attaquédessurveillantsdelaprison de Laon, mardi, à coups de tesson de bouteille. Etpourtant,l’échecsécuritaireest inenvisageabledanslesprochaines semaines. « Même si aucune faille n’est décelée, chaque attentat est décortiqué pour comprendre où et commentonpeutaméliorerledispositif»,rapporteunagent.Lahantise du contre-espionnage est la tuerie de masse, planifiée, coordonnée, à l’arme de guerre. Les chefs de la Place Beauvau, à commencer par Gérald Darmanin lui-même, reconnaissentquele«risquezéro» n’existe pas. « On n’est pas à l’abri d’un détraqué armé d’un couteau », concède-t-on au sein de la police. Pourminimiserlesrisques,lesadministrations centrales ont érigé ces rendez-vousenobjectifultra-prioritaire : les « réunions JOP », à la préfecturedepolice,hebdomadaires ilyadeuxans,sontdevenuesquotidiennesdepuisledébutdel’année. Le « dieu JO », comme certains hauts fonctionnaires le surnomment, oriente depuis des mois les stratégies de sécurité publique, les moyens alloués au renseignement et à la police judiciaire, les nominations et les mouvements au sein du ministère de l’Intérieur. Gérald Darmanin assume par ailleurs que le principe de précaution a prévalu dans les centaines de milliers d’enquêtes administratives réclamées pour toute demande d’accréditation JO. En janvier dernier, par exemple, un ancien salarié d’une société du secteur informatique a signalé aux services de renseignement les dérives de ses employeurs, les accusant de discours antirépublicains et d’acquisition illégale d’informations confidentielles : cette entreprise a fait l’objet d’une surveillance accrue car elle avait souscrit récemment des contrats de location de locaux professionnels à proximité immédiate d’un site olympique, détaille une source proche du dossier. Ailleurs, plusieurs dizaines de candidats à des postes d’agents de sécurité ont été mis de côté. Le mois dernier, c’était par exemple un employé dont le contrat n’a pas été renouvelé en raison de propos antisémites tenus sur son lieu de travail alors qu’il devait assurer la sécurisation d’une compétition. Outre le terrorisme islamiste, la radicalisation politique est égalementscrutée.Siuneactionviolente venuedel’ultradroitependantlesJO apparaît«limitée»,selonlerenseignement et le ministre, la menace contestataire est « plus palpable », rapporte un haut cadre policier. Notamment celle qui provient des groupuscules radicaux de l’ultragauche, des écologistes ou encore de la mouvance propalestinienne. Une menace qualifiée de « faible intensité » en ce qui concerne le passage à l’acte, mais qui nécessite une vigilance permanente des forcesdel’ordre.Selonlesinformations du JDD, plus de 200 actions ont été entravées depuis le début du relais de la flamme, début mai, à Marseille. Actions difficilement comparables, puisqu’elles vont de la banderole dépliée sur le parcours jusqu’à l’interpellation d’individus violents. En avril dernier par exemple, les services ont concentré leurs efforts sur un adolescentquitenait,surInternet,des discours violents contre l’État : il incitaitsonentourageàdégraderles banquesqu’ilphotographiaitlorsde repérages, et à s’en prendre à des personnalités politiques. Faceàcesmenacesprotéiformes, la capitale se barricade, et plus de 30000forcesdesécuritéintérieure venues de province renforcent désormaisParis.Undéfilogistique également, pour des états-majors chargés de répartir les policiers dansles hôtels réquisitionnés de la banlieueparisienne.Àpeinearrivés, certains d’entre eux ont été la cible de menaces de mort, en guise de bienvenue. Dans la nuit de mardi à mercredi par exemple, la façade d’un hôtel de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), où logent une cinquantainedepoliciersdel’Isère, areçudestirsdemortiersd’artifice. La semaine dernière, à L’Haÿ-lesRoses(Val-de-Marne),desindividus sesontadressésàlaréceptionniste d’une résidence occupée par une centainedepoliciers:«Onsaitqu’il yadeskeufsici,onvavousbrûler!» Leministredel’Intérieurveutrassurer ceux qui s’inquiètent de voir fondreleurseffectifsauprofitdela sécurisation des sites olympiques. Maisl’appréhensiondemeure:«ça va être “open bar” pour la petite et moyenne délinquance », s’inquiète un gardien de la paix du littoral atlantique. Surtout, que deviendra lasécuritéquotidiennedesFrançais, unefoislapériodedesJeuxpassée? Les policiers qui auront été sur le pont tout l’été vont prendre leurs congés. Là encore, le ministre précise que la rentrée a été anticipée. D’autresrappellentpourtantquele fameux « dieu JO » ne débloquera plus les budgets et n’arbitrera plus les priorités. La vigilance retombera nécessairement. « Il faudra conserverunhautniveaud’alerteet de surveillance. Car certains profils radicauxquiaurontétéentravés–et enquelquesortefrustrés–pourraient vouloir profiter du relâchement », entrevoitunesourcepolicière.Après les JO, tout (re)commence. g WILLIAMMOLINIÉ Pour les chefs de la Place Beauvau, le « risque zéro » n’existe pas À peine arrivés à Paris, des policiers sont menacés de mort Gérald Darmanin et Laurent Nuñez lors d’une réunion sur le périmètre antiterroriste entré en vigueur jeudi dernier. Les forces de l’ordre sont désormais omniprésentes à Paris, comme ici en gare de Lyon, le 10 juillet. DELPHINE GOLDSZTEJN/LE PARISIEN/MAXPPP JULIEN DE ROSA/ POOL/ABACA LE JOURNAL DU DIMANCHE 6 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 L’événement Réserve militaire « De l’entraînement à la réalité » ENGAGEMENT Parmi les Sentinelles, certains sont réservistes, et ils seront nombreux à patrouiller dans les rues de Paris pendant les Jeux olympiques Pour le soldat Yannick, réserviste dans le 24e régiment d’infanterie, cetétéestspécial.Aprèsdesmoisde formation, il patrouille enfin dans les rues de Paris, arme à l’épaule, pour l’opération Sentinelle : « On passe de l’entraînement à la réalité, c’estunvéritableaccomplissement.» Pour les Jeux olympiques, près de 20 000 militaires sont mobilisés afindegarantirlasécuritéet,parmi eux,desréservistes.C’estjustement lecasdeYannick.En2015,cejeune hommehabitaitàquelquesmètres des terrasses de café et du Bataclan, visés par des terroristes islamistes, dans le 11e arrondissement de Paris. « Je n’avais qu’une envie : descendre dans la rue et agir. » Cela a pris quelques années avant qu’il s’engagedansl’armée:«Jen’aipas grandidanscemilieu-là,ilafalluque jepasselecap,puisquejeréussisseà convaincre ma famille. » Parmi les 40 000 réservistes qui s’engagent, 60 % sont comme Yannick : ils n’avaient jamais été en contact avec l’armée et méconnaissaient cet univers. Ce dernier trouve un accomplissement, parallèlement à son métier d’expert-comptable : « L’armée répond à ce besoin que j’avaisdemesentirutileàlanation, denepasêtrepassiffaceàlamenace grandissante du terrorisme. » Les grer l’armée d’active. Cette période peutêtreunbontremplin.»Luciea donc testé, et elle s’engagera finalement… dans la police nationale ! Toutencontinuantlaréservedans son régiment : « Les deux sont très complémentairesetm’apportentun bon équilibre. » Leur lieutenant, Ronan, est engagé depuis cinq ans : « J’ai l’impression d’être utile à mon pays, affirme-t-il lui aussi. Mais c’est plus qu’un sentiment, c’est une réalité. Tout ce que l’on fait vient en appui au dispositif de sécurité pour faire face à la menace terroriste. Un but qui, je le crois, est noble ! » S’ils sont fiers de servir, ils sont aussi reconnaissantspourcequel’armée leur apporte: « Avec l’armée, nous sommes formés comme nulle part ailleurs ! assure Yannick. Mais tout le monde devrait en bénéficier, que ce soit sur la défense, les premiers secours… » D’autant que ces jeunes rejoignent aussi une communauté en intégrant la réserve : «Jedécouvreunespritdefamille,se réjouitLucie.Onsesentappartenir à un corps. Nous sommes tous un maillon de la chaîne, essentiel au groupe. » Yannick vient tout juste d’arriver mais partage déjà cette impression : « C’est quelque chose que l’on vit rarement dans le civil, cette entraide, cette cohésion. J’ai longtemps joué au rugby, et ce sont des valeurs que l’on peut retrouver dans le sport, mais dans l’armée l’enjeu est bien plus grand ! » PourlegénéralBarbry,chefdela division«cohésionnationale»(en charge de la réserve), les engagés cherchent ce sentiment d’adhésion et trouvent également dans l’armée une « interaction sociale authentique, qui vient contraster avec un monde parfois très virtuel entreréseauxsociauxettélétravail». Et les jeunes sont de plus en plus nombreuxàs’engagerainsi.«Ilest vraiquel’arméedéploiedesmoyens considérablespourrecruter,explique le général délégué aux réserves. Mais il y a une réelle demande qui existe en réponse à cela. » La loi de programmation militaire 20242030 a pour objectif d’atteindre 80 000 militaires réservistes et, pour le général de la Chapelle, pas de doute : « Si nous recrutons à ce rythme, nous y arriverons. » Le but est clair : réussir à recruter un réserviste pour deux militaires d’active afin de « faire face aux crises ou aux menaces de tout type, et d’épauler les militaires à temps plein appelés sur d’autres tâches », explique le ministère des Armées. Et sur le terrain, de très nombreux Français les remercient… Ce dont Lucie est particulièrement fière : « Quoi de plus gratifiant qu’un simple merci pour nous qui voulions rendre service ? » g PHILIPPINEFARGES Guillaume Batigne « Difficile de prévoir l’ampleur du trafic pendant les JO » ADAPTATION Le commissaire Batigne, chef de la brigade des stupéfiants de la PJ parisienne, revient sur l’adaptation de la police judiciaire aux trafics en ligne, à l’approche des JO Dans moins d’une semaine, les JO débutent. Comment s’adapte la brigade des stups ? Nous nous adaptons en permanence aux évolutions des narcotrafiquants eux-mêmes. Depuis avril dernier, la nouveauté est la création de quatre groupes « cyberstups » chargés d’enquêter en ligne sous pseudonymes. Nous usons également de la possibilité de taper les consommateurs au portefeuille, avec les amendes forfaitaires délictuelles de 200 euros, qui sont en hausse de 46 % à Paris. Mais il est difficile de prévoir l’ampleur du trafic de drogue dans la capitale durant cette période. Le public sera comINTERVIEW posé de Franciliens pour la moitié, et nous n’envisageons pas que la consommation explose. Cyberstups…LacommandeviaInternet est-elle devenue si banale ? Désormais,c’estledealerquivient directementauconsommateur,en proposant beaucoup de produits stupéfiants à la livraison en passant par des messageries cryptées comme WhatsApp ou Telegram. Ces centrales d’appels pilotent les livreurs qui vont chercher la marchandiselematinetlivrentl’argent récupéré à une personne désignée en fin de tournée. Cette hausse de l’ubérisation du trafic s’explique aussiparcequ’untiersdespointsde dealphysiquesontdisparucestrois dernières années dans l’agglomération parisienne. Les trafiquants écoulent leurs marchandises par d’autresmoyens.Rienqu’àParis,on constateuneaugmentationde40% d’affaires liées à des cybertrafics, soit une cinquantaine d’enquêtes réalisées. Aujourd’hui, la drogue est devenue un produit ordinaire deconsommationàtraversdespratiques marketing agressives. C’est-à-dire ? Promos, goodies, cadeaux… tout est fait pour satisfaire le client. La relation fournisseur-consommateur a complètement changé. Les trafiquants, par la voie de ces callcenters, n’hésitent pas à détourner des marques pour faire de la drogue un produit d’appel, dont l’emballage est rendu attractif pour le consommateur. Ils usent également de tarifs dégressifs : 5 ou 10 grammes de cocaïne sont moins chers qu’un seul. Leprofildudealer-livreurévolue-t-il? Oui. On est bien loin du trafiquant de rue des dernières décennies. On a affaire à de plus en plus de femmes, souvent inconnues des services de police. Ou à des personnes qui pratiquent le deal comme une activité complémentaire, puisqu’un dealer-livreur peut toucher entre 10 et 15 euros par livraison. Il y a aussi de vrais livreurs, débauchés par des centrales d’appels, qui livrent de la drogue en plus des produits de consommation courante, pour gagner plus d’argent. g PROPOS RECUEILLIS PAR ADRIEN BAGET «Unejournéeà l’arméevautmille coursd’éducation civique » Lieutenant Ronan. Caporal-chef Lucie. Soldat Yannick. BRUNO MARTIN ANTHONY QUITTOT Tous les moyens sont bons pour se faire livrer sa commande de stupéfiants. attentatssontégalementaucœurde l’engagementdeLucie,caporal-chef au même régiment de réserve d’Îlede-France. En 2015, lors de l’attentat contre Charlie Hebdo, elle avait 17ans:«Àcetâge-làdel’adolescence, on cherche un sens à donner à sa vie. Je me suis alors demandé comment je pouvais apporter ma pierre à l’édifice ? » Ce choix de la réserve est aussi un moyen de renforcer ce sentiment national déjà bien présent en eux : « Une journée Sentinelle vaut mille cours d’éducation civique », juge le général de brigade Christophe de la Chapelle, délégué aux réserves del’arméedeTerre.Etcelapeutaussi êtreuntest.Lucievoulaitparexemple intégrerl’arméed’activeetachoisila réserve comme premier essai. « Ce format d’engagement à la carte a de nombreux avantages, commente le général.Celapermetnotammentàune jeunesseparfoisfrileusedansl’engagement de tester avant d’imaginer inté- LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 21 JUILLET 2024 7 L’événement VIVEZ LES JEUX AVEC LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS! LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS A CONSTRUIT POUR VOUS LE CENTRE AQUATIQUE OLYMPIQUE metropolegrandparis.fr Photo : © Métropole du Grand Paris – Conception : « Holy Games » L’Église occupe le terrain RELIGION À l’occasion des JO, l’Église catholique lance les « Holy Games » pour mettre en lumière le lien entre les valeurs du sport et la foi chrétienne « Jésus allait dans tous les lieux pour signifier sa proximité avec les hommes. De même, l’Église est là où les hommes se rassemblent, y compris au sein des plus grands événements sportifs mondiaux. » C’est ainsi que Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque de Digne et délégué du Vatican pour les JO, justifie la présence de l’Église catholique au milieu de l’effervescence des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Une initiative baptisée « Holy Games », mise en place par un groupe de travail sous la houlette de la Conférence des évêques de France. « Il s’agit d’insuffler un supplément d’âme à ces JO. Par notre esprit de paix, de joie et de fraternité, nous voulons témoigner de la présence de la Croix au cœur de cette grande célébration sportive en nous appuyant sur cinq axes : culturel, spirituel, solidaire, missionnaire et sportif », indique Janvier Hongla, responsable de la communication des Holy Games. Au programme : visites guidées d’une quarantaine d’églises parisiennes, messes, concerts, accompagnement spirituel des sportifs, attention portée aux personnes de la rue… Un dispositif qui s’appuie sur la mobilisation de 250 jeunes venus de toute la France et de 40 ecclésiastiques, du 25 juillet au 11 août. Ces animations se déploieront principalement autour de deux lieux emblématiques. La chapelle des sportifs, dans l’église de la Madeleine, où Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, a célébré la messe d’ouverture de la trêve olympique, ce 19 juillet, en présence du nonce apostolique en France, Mgr Celestino Migliore, de Thomas Bach, président du CIO, d’Anne Hidalgo, maire de Paris, et des ministres de la Culture, Rachida Dati, et des Sports, Amélie Oudéa-Castéra. Second lieu emblématique : l’aumônerie du village olympique, près de la basilique Saint-Denis, où une équipe d’aumôniers catholiques, parmi lesquels le père Jason Nioka, ancien judoka professionnel ordonné prêtre en juin dernier, accompagneront les athlètes durant les Jeux. Ce lien entre le sport et l’Église catholique ne date pas d’aujourd’hui. Au XIXe siècle, l’Église catholique a joué un rôle clef dans l’évolution du sport en France en soutenant les patronages, ancêtres des clubs sportifs modernes, parmi lesquels l’AJ Auxerre et le Montpellier Hérault SC. En 1905, le pape Pie X, anticipant les Jeux paralympiques, organisait des compétitions pour les personnes handicapées au Vatican, soulignant ainsi la dimension pastorale du sport. Cette période marque également la renaissance des Jeux olympiques, encouragée par des personnalités chrétiennes telles que Pierre de Coubertin et le père Didon, à l’origine de la célèbre devise olympique :« Plus vite, plus haut, plus fort. » Enéchoàcettetraditionquiperdure, le pape François a adressé ces mots dans un discours aux Français : « Le sport a la capacité d’unir les personnes, de favoriser le dialogue et l’accueil réciproque ; il stimule le dépassement de soi, formeàl’espritdesacrifice,favorise la loyauté dans les relations interpersonnelles ; il invite à reconnaître ses propres limites et la valeur des autres. Les Jeux olympiques, s’ils restentvraimentdes“jeux”,peuvent donc être un lieu exceptionnel de rencontre entre les peuples, même les plus hostiles. » g ÉLISABETH CAILLEMER « Le sport a la capacité d’unir les personnes » Pape François Bénédiction de la chapelle Notre-Dame des Sportifs en l’église de la Madeleine (Paris 8e ), le 9 septembre 2023. VALÉRIE DUBOIS/HANS LUCAS/AFP LE JOURNAL DU DIMANCHE 8 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 L’événement « La Seine est prête pour les JO » DÉPOLLUTION Le « plan baignade » arrive à son terme : le dernier ouvrage majeur, un tunnel de 9 kilomètres de long, a été inauguré et devrait empêcher les rejets d’eaux polluées en amont de la Seine La commune de Vigneux-surSeine retrouve enfin sa quiétude. Lesforeusesontquittéleschamps, aprèsplusdequatreansd’unchantier pharaonique. Le tunnel VL8 a étéinauguréenprésencedupréfet d’Île-de-France, Marc Guillaume, du maire de la commune, Thomas Chazal, ainsi que du président du Syndicatinterdépartementalpour l’assainissementdel’agglomération parisienne(Siaap),responsabledu projet.Unevéritable«fierté»pour les acteurs du chantier, réunis sur l’estacadequisurplombelaMarne, à quelques dizaines de mètres du nouveau tunnel. Ce projet, estimé à plus de 330 millions d’euros et financé pour moitié par la préfecture de la région, a mobilisé près de 450 artisans et compagnons de vingt entreprises différentes, qui ont travaillé jour et nuit pour être dans les temps. Pour FrançoisMarie Didier, président du Siaap, il s’agissait d’une véritable « coalition », impliquant des personnes quinecommuniquaientplusoupas dutout.Unecoalitionetundéfi:le chantierdevaitrespecterdesdélais serrés, et affronter des difficultés géologiques réelles – il fallait par exemple creuser sous la Seine. Officiellement mis en service le 14 juillet, le VL8 fait partie du « Plan baignade », un ambitieux programme d’investissement de 1,4 milliard d’euros visant à dépolluerlaSeineenvuedesJeuxolymSanté publique Les défis sanitaires… des JO SANTÉ Avec près de 12 millions de visiteurs attendus en région parisienne cet été, les autorités s’apprêtent à faire face à un enjeu de sécurité sanitaire inédit « Cela fait plus de deux ans que l’on se prépare et que l’on anticipe les risques liés à cet événement hors norme. » La voix est calme et concentrée, consciente de la situation à haut risque qui s’approche : Grégory Emery, directeur général de la Santé depuis 2023, a la lourde tâche de superviser le Centre de crises sanitaires, créé le 1er mars dernier, à quelques mois du coup d’envoi des Jeux olympiques. « On conduit depuis tout ce temps une analyse étendue des risques, qu’ils soient climatiques, alimentaires, épidémiques, ou environnementaux… Une quarantaine ont été identifiés comme “probables” », explique encore au JDD le docteur spécialisé en Santé publique. « L’objectif, pendant les Jeux, sera de les détecter via les agences de santé sur le terrain, de les surveiller et de mettre en place des actions si nécessaire. » Pour ce faire, une cellule opérationnelle fonctionnera 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pendant la période, avec l’objectif d’apporter une réponse immédiate aux urgences. De quels risques parle-t-on? « Les grosses chaleurs et la canicule ont piques. Ce tunnel sera chargé de stockerleseauxgrises,notamment en période de pluie, avant leur déversementdanslefleuve.Cebassin, actuellement vide, augmente considérablement les capacités de stockage existantes, puisqu’il peut accueillirl’équivalentde3à3,5millimètres de pluie sur la région. Et cet investissement est conçu pour durer : si les Jeux olympiques ont été un « accélérateur important », affirme le préfet de Paris, l’objectif principal était de construireunsystèmed’assainissementpourlescinquanteprochaines années. Cinq usines ont donc été construites, deux autres rénovées, et des milliers de branchements privésontétéréaliséspourassainir durablement le fleuve. À l’avenir, le VL8 continuera à servir de réservoir, mais deviendra surtout un moyen de transport entre les différents bassins et la station de traitement. Avec une capacité de 51 000 mètres cubes, il relieeneffetcinqpuitsentreAthisMons (Val-de-Marne) et Valenton (Essonne),oùsetrouvelastationde pompage et de traitement. Un dispositif qui permet donc de réduire les risques de déversement d’eaux usées dans le milieu naturel, avant que l’eau ne soit rejetée dans la Seine. Le VL8 servira également de voie de secours, pour remplacer les tuyaux en service, lors de futurs travaux de modernisation du système. En résumé, ce tunnel permettra, après des épisodes de pluie, un retour plus rapide à une qualité d’eau de la Seine qui soit compatible avec la baignade. Un point crucial pour le préfet Marc Guillaume, qui a confirmé les annonces d’Anne Hidalgo, avec qui il a plongé mercredi matin. L’objectif n’est pas de rendre la Seine « buvable, mais bien baignable », a-t-il insisté. Emmanuel Macron a promis qu’il plongerait à son tour, probablement après les JO, et répété cet objectif. Les Parisiens devraient donc profiter de trois sites de baignade dans un an : à Bercy, bras Marie (entre l’île Saint-Louis et Saint-Paul) et bras Grenelle (près de la tour Eiffel). Paris pourrait alors devenir « la première grande ville dépolluée », s’est félicité le préfet lors de ses remerciements traditionnels de fin de chantier. « Il fallait être prêt pour les Jeux, et c’est le cas », a-t-il conclu. g LOUISEDUGAST Un ambitieux programme de 1,4 milliard d’euros été classées parmi les risques les plus probables, il y a déjà des pics de température dans le Sud. Nous suivons cela de près, d’autant que les spectateurs vont patienter dans des files d’attente ou assister à des cérémonies en plein air », poursuit le patron de la DGS, qui précise que des dispositions ont été prises comme la distribution de bouteilles d’eau ou l’existence de places ombragées. Les épidémies ? « Nous surveillons les cas de dengue, comme celui qui s’est déclaré ce mois-ci dans l’Hérault, alors que le patient n’avait pas voyagé dans une zone à risques. » Et d’ajouter : « Les autorités sont prêtes à agir rapidement pour neutraliser les moustiques dans la zone qui serait concernée. » Vigilance identiqueapportéeàlarésurgence de coqueluche déjà présente sur le territoire : « Le brassage des populations favorise la transmission de maladies, mais pas au point d’avoir des conséquences sur notre système de santé », tempère le médecin. Un discours rassurant, partagé par le directeur de l’Agence nationale des maladies infectieuses émergentes à l’Inserm, Yazdan Yazdanpanah : « Nous n’avons pas constaté d’augmentation de maladies infectieuses lors des derniers JO à Londres ou Rio… excepté celle des infections sexuellement transmissibles. » Il évoque le Covid, pour rassurer encore : « Il est peu probable qu’il y ait une reprise de l’épidémie mais il faut toujours rester vigilant après la récente hausse des cas. » Pour limiter la transmission justement, le masque sera à nouveau obligatoire dans les urgences des hôpitaux parisiens. Le système hospitalier, déjà saturé, est-il prêt à prendre en charge une éventuelle augmentation de patients ? La question se pose de manière récurrente. Par rapport à l’année dernière, 1 300 lits supplémentaires seront disponibles chaque semaine cet été, rassure de son côté l’Agence régionale de Santé. « Soixante services ont bien été renforcés, les autres non! » nuance Thierry Amouroux, porteparole du syndicat infirmier SNPI qui tient à rappeler que le personnel soignant est toujours en sous-effectif. « S’il y a une légère hausse d’admission, cela tiendra, mais il ne faudrait pas qu’il y ait un imprévu qui entraîne un afflux massif vers les hôpitaux… » g STÉPHANIE DE MURU Les grosses chaleurs, parmi les risques les plus probables Grégory Emery, directeur général de la Santé. Chargé de stocker les eaux grises, le tunnel VL8 a été mis en service le 14 juillet. DR SIAPP SERGE ATTAL/ONLYPARIS.NET LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 21 JUILLET 2024 9 L’événement Laurent Michaud « Créer des souvenirs chez les athlètes » EXCEPTION Alors que les premières délégations sont déjà installées, le directeur du village olympique lève le voile sur ce lieu interdit au public Il y a les happy few, ces sportifs et une petite partie de leur encadrement, qui sont autorisés à y pénétrer. Et il y a le reste du monde, qui fantasmesouventsurcequisepasse dans le village olympique, à l’abri des regards. Installée en SeineSaint-Denis, au nord de la capitale, cettemini-villevahébergerprèsde quinzemilleaccréditéssimultanément et met à leur disposition une polyclinique, un centre de musculation ouvert 24 heures sur 24, un coiffeur,unesupérette,unebanque, desjeuxd’arcadeetmêmedesfontaines de boisson gazeuse ! Pour se déplacerauseindel’immensezone sécurisée,lesrésidentspeuventutiliser des véhicules électriques et desvélosenlibre-service.Avecune capacité quotidienne de plusieurs dizaines de milliers de couverts, le réfectoire, installé dans l’ancienne cité du cinéma, revendique le titre deplusgrandrestaurantdumonde. Laurent Michaud est le directeur du village olympique et paralympique. Cet ancien du Club Med et de Center Parcs raconte au JDD la miseenroutedecelieuhautement symbolique inauguré ce jeudi. Depuisquelquesjours, vousaccueillez lespremièresdélégations. Êtes-vousimpressionné? Elles sont toutes très impressionnantes.UnepartiedesAméricains, desBrésiliensoudesSud-Africains sont arrivés cette semaine. Nous avonsaussidetoutespetitesnations olympiques comme le Qatar et le Kenya. C’est superbe de voir tous ces athlètes extrêmement enthousiastes,heureux,aveclesourire.J’ai eu des retours très positifs et une phrase revient très souvent : « On se sent comme à la maison. » Dès demain, vous accueillerez chaque jour jusqu’à 2 000 athlètes supplémentaires. Combien de temps faut-il entre l’arrivée au village et la remise des clés de leur chambre ? C’est extrêmement rapide car ils arrivent en petits groupes, ce qui nous permet de fluidifier l’accès. Je me souviens des Jeux à Tokyo où il n’y avait pas d’autre choix que de venir en avion, souvent par charters entiers de 150 ou 200 athlètes. Là-bas, c’était plus long. Ici, on est plutôt sur des groupes de 30 à 60 athlètes. Le process de contrôle est très simple. Le système que nous utilisons permet de ne pas retirer le téléphone ou les clés de ses poches pour passer le portique de sécurité. Ensuite, les athlètes se rendent dans l’un des seize bureaux d’accréditation. Nous avons dimensionné les équipes pour éviter les files d’attente. Les sportifs rejoignent alors leur résidence. Au total, pour passer toutes les étapes, il faut seulement 20 à 30 minutes. Difficile de rater la délégation française, qui a redécoré un immeuble entier en bleu-blanc-rouge… Le Comité national olympique et sportif français a pu accéder à ses locaux avant la préouverture du village. C’est le privilège du pays hôte, cela fait partie de la tradition des Jeux. Mais chaque délégation a eu la possibilité de prendre possession de ses espaces dès le 12 juillet pour les décorer. On commence à voir des drapeaux un peu partout. On imagine que les Russes, qui concourront sous bannière neutre, et les Ukrainiens ne seront pas voisins, tout comme les Israéliens et les quelques Palestiniens présents… Bien entendu, nous tenons compte de la situation géopolitique et nous travaillons avec le service des relations internationales de Paris 2024 pour que toutes les délégations se sentent en confiance. On sait aussi qu’il y a des délégations qui aiment être ensemble. Les Nordiques, notamment la Finlande, la Norvège, la Suède, apprécient d’être voisins. On sait que les délégations de Belgique, du Sénégal ou de Monaco sont à chaque fois très proches des Français. Nous avons également des nations qui partagent des lieux pour des questions d’optimisation budgétaire. La place du village est un lieu central. À quoi ressemble-t-elle ? C’est un lieu emblématique du village. Situé en bord de Seine, il abrite la fresque de la trêve olympique. C’est tout un symbole de l’avoir installée sur cette place où les délégations peuvent accueillir des invités venus de l’extérieur, les familles, des dignitaires… Au milieu de la place, il y a un écran géant qui diffusera les Jeux du matin au soir, un peu comme une fan-zone, avec des transats, des tables,uncaféjusteàcôté.D’autres servicessontproposés,commeune supérette Carrefour [partenaire premium des Jeux, NDLR] et un magasindeproduitslogotés«Paris 2024 ». Il y a également une poste, une banque avec un distributeur debilletsetunpointd’information touristiquedelavilledeParisetde la Seine-Saint-Denis. Enfin, nous avons une nurserie, ce qui constitue une première dans un village olympique. Les athlètes qui ont des enfants en bas âge pourront passer du temps avec eux. Précisons que les enfants ne pourront pas accéder aux logements des athlètes… Effectivement. Seuls les athlètes ont le droit d’accéder à la zone résidentielle ainsi que les personnes possédant un rôle opérationnel dans l’organisation des Jeux. Cela garantit aux sportifs une préparation sereine de leur compétition. Il y a aussi un espace de loisirs. Pourquoi ? Il est extraordinaire : plus de 3 000 mètres carrés pour se divertir, avec un bar créé par Coca-Cola [sponsor international des JO, NDLR], des salons, des jeux d’arcade, etc. Nous n’avons pas voulu fournir uniquement un lieu d’hébergement et de restauration, mais une expérience complète. Notre objectif, c’est qu’il y ait des émotions. On souhaite créer des souvenirs chez les athlètes, pas seulement lors de leur compétition, mais également sur ce qu’ils vont vivre au sein du village. INTERVIEW À gauche, le village olympique. À droite, des membres deladélégation australienne regardent une carte des JO de Paris 2024. HERVIO JEAN MARIE/PRESSE SPORTS ; CHRISTOPHE PETIT TESSON/EPA/MAXPPP PENDANTLESJEUXPARALYMPIQUES: 60000 REPAS SERVISPARJOUR UNEPOLYCLINIQUE OUVERTE 24HSUR24 14500 ATHLÈTES ETLEURSTAFFPENDANTLESJO 9000 ATHLÈTES ETLEURSTAFF UNCENTREDERÉPARATION DEPROTHÈSES ETDEFAUTEUILS LEVILLAGEDESATHLÈTES ENCHIFFRES Quels travaux seront nécessaires pour le transformer en village paralympique dans la foulée des JO ? Très peu. Dès le départ, nous avons conçu ce village pour qu’il soit prêt pour les Jeux paralympiques. Le village est à 100 % adapté aux fauteuils roulants. Les appartements ont déjà des salles de bains accessibles aux personnes à mobilité réduite. Nous ferons seulement quelques aménagements, notamment sur la gare routière, qui permet de se rendre aux sites d’entraînement et de compétition. Il faudra créer quelques rampes d’accès pour les bus. Et puis on changera les logos, c’est-à-dire qu’on passera des anneaux olympiques aux « agitos », qui sont l’emblème des Jeux paralympiques. g PROPOS RECUEILLIS PAR AXEL MAY « Une phrase revient souvent : ‘‘Onsesentcomme à la maison’’ » SANDRINE GLUCK/PARIS 2024 LE JOURNAL DU DIMANCHE 10 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 L’événement Fabien Canu « On peut atteindre l’objectif du Top 5 des nations » CHAMPIONS C’est là où se préparent de nombreuses médailles : l’Insep, en lisière de Paris. Son directeur général nous en dévoile les passionnantes coulisses À l’orée du bois de Vincennes, dans l’est de la capitale, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) a été fondé en 1975. Ancien double champion du monde de judo en 1987 et 1989, formé sur place, Fabien Canu (64 ans) est ici chez lui. Directeur général de l’Insep depuis septembre 2021 après avoir notamment occupé le poste de directeur technique (DTN) de la Fédération française de judo, le Normand déploie une dynamique d’excellence pour optimiser les chances de médailles des équipes de France olympiques et paralympiques cet été. Ce temple du sport de haut niveau, créé en 1975, accueille chaque année 600 sportifs dans 28 disciplines olympiques et paralympiques. Un laboratoire – certains disent même une usine – à champions, toujours en mouvement pour coller aux évolutions, dans tous les domaines de la performance. Vous avez pris vos fonctions juste après les Jeux de Tokyo, qui avaient été décalés d’un an à cause de la pandémie de Covid. Comment avez-vous traversé cette olympiade resserrée ? Intensément et passionnément. Trois ans, c’est court, et c’est vrai que nous n’avons pas chômé, d’autant qu’il a fallu lancer le chantier colossal de modernisation de l’Insep début 2022. Avec un budget de 11 millions d’euros financé par l’État, nous avons, en partenariat avec l’Agence nationale du sport (ANS) et la Direction des sports, profondément modifié le campus et nos équipements. En quoi cela a-t-il consisté ? L’un des plus gros chantiers fut la rénovation de l’emblématique stade couvert d’athlétisme [une salle de 9 100 m² inaugurée par le général de Gaulle en 1965, NDLR]. La piste est désormais équipée de capteurs de haute technologie qui permettent de collecter des données pointues et de personnaliser les séances d’entraînement. À l’extérieur, le stade Marie-José Pérec est désormais lui aussi équipé d’un revêtement connecté, avec en plus une vague lumineuse installée autour de la piste qui permet d’impulser des allures de course différentes. Quelles sont les autres chantiers que vous avez enclenchés ? Nous avons changé les tapis de lutte qui étaient là depuis plus de seize ans, créé un vrai terrain de basket 3x3, installé 40 caméras de surveillance sur tout le campus, climatisé les chambres, aménagé davantage de chambres pour les para-athlètes et mis en service quatre véhicules électriques très spacieux pour ces derniers. Il y a eu un très gros investissement dans le pôle médical : 4,7 millions d’euros. Cet espace a été totalement repensé pour faciliter la récupération et le retour de blessure de nos athlètes. L’Insep a aujourd’hui l’un des centres d’imagerie les plus pointus d’Îlede-France, avec notamment un scanner et un EOS [système qui permet de faire une radiographie du corps debout pour mesurer la densité osseuse]. Cette « remise en forme » était-elle indispensable après Tokyo ? Oui, car nous devons réussir ces Jeux à Paris. C’est un travail de longue haleine, et nous devons résister à la pression d’un événementdececalibreàdomicile. Chaque fédération a un objectif, mais la pression a également été mise en haut lieu par le président de la République, qui attend de la France qu’elle soit à la cinquième place au classement des médailles. Je suis sincèrement confiant. On peut atteindre l’objectif du Top 5 des nations si on table sur une cinquantaine de médailles. Une belle dynamique est en place. Les infrastructures ont été soignées pour optimiser les performances. Quid de la préparation des équipes de France sur le plan émotionnel ? On s’est inspiré de ce qu’avaient développélesAnglaisen2012pour les Jeux de Londres, la méthode «replica»(méthodedesrépliques). On a recréé le plus précisément possible les conditions que les athlètes retrouveront aux JO sur le plan technique ; 18 fédérations ont pu bénéficier de ce dispositif. Comment se concrétise-t-il pour les sportifs ? Nous avons mis à leur disposition tout le matériel avec lequel ils vont tenterdedécrocherdesmédailles: lesbarresd’haltérophilie,letapisde taekwondo,lespaniersdebasket3x3, le revêtementdes pistes d’escrime, des plongeoirs, le ring de boxe, et j’en oublie. Ils se sont familiarisés avec l’équipement exact des JO. Onaaussiproposéuneexpérience immersiveinédite.Pourletiràl’arc, les archers ont pu se projeter sur le pas de tir des Invalides, où aura lieu le tournoi olympique. On a fait venir 200 personnes, des scolaires pour jouer le rôle des spectateurs bruyants,unspeaker,descaméras… Cette expérience a également été déclinée pour le pentathlon et la natation synchronisée. Les athlètes ont donc été placés dans les meilleures conditions pour performer… Vous ne croyez pas si bien dire : on a aussi renouvelé la literie de nos 503 couchages. Le sommeil des sportifs de haut niveau est primordial pour la performance. On a réalisé une étude et, grâce à une opération de mécénat, on a pu équiper nos lits de matelas à thermorégulation. Il y a même des lits longs de 2,50 mètres pour les basketteurs ! On est prêt à accueillir Victor Wembanyama et ses 2,24 mètres (rires). Ils sont tellement confortables que certains athlètes en stage nous demandent les références pour en avoir un chez eux ! Quel sera le rôle de l’Insep durant les Jeux ? Depuis le 8 juillet, l’institut est passé en mode « camp de base ». Lesdisciplinesquientrentencompétition la seconde semaine des JO vont pouvoir séjourner sur le campus.C’estlecasdel’athlétisme, du breakdance et du taekwondo. Il y a aussi des athlètes installés au village olympique qui vont revenir ici pour bénéficier des installations, du pôle médical, car ils y ont leurs repères. Les équipes de France de badminton et de basket masculin vont se « poser » ici pendant leurs épreuves. Et dès le 9 août, la délégation paralympique arrivera à son tour pour peaufiner sa préparation avant le début des compétitions le 28 août. Les Jeux sont aussi une grande fête, qu’avez-vous prévu ? On a créé un lieu de convivialité avec un grand écran qui va vibrer au rythme des Jeux. On l’a appelé « La Place du Village ». Les athlètes pourront s’y retrouver pour suivre les compétitions et se détendre. On a ouvert un salon de coiffure et réaménagé la cafétéria. Enfin, c’est un élément essentiel, les athlètes vont pouvoir profiter d’un service de restauration sur mesure, avec des plats et des collations réalisés par un chef étoilé, mais aussi des produits spécifiques adaptés à l’effort physique ou aux régimes, déterminants pour les judokas, les lutteurs ou les boxeurs. Dans un contexte sécuritaire tendu, quelles mesures spécifiques ont été prises pour l’Insep ? Desforcesdepolicesontdéployées poursécuriserlesite.L’accèsàl’Insep est autorisé uniquement aux équipesdeFranceetauxpersonnes dotées d’un badge spécifique qui a fait l’objet d’une enquête administrativedesécuritépréalable.Ànotre niveau,nousessayonsderesteraudessusdetoutcela.Lapriorité,c’est larecherchedelaperformanceetle bien-êtredenoséquipesdeFrance. Je suis confiant, je veux croire que la magie des Jeux va très vite reprendre le dessus. g PROPOS RECUEILLIS PAR CÉLINE GÉRAUD « On a recréé précisément les conditions des JO » INTERVIEW Fabien Canu a pris les rênes de l’INSEP après les Jeux de Tokyo, en septembre 2021. OLIVIER CORSAN/LE PARISIEN/MAXPPP LE JOURNAL DU DIMANCHE DIMANCHE 21 JUILLET 2024 11 Les indiscrets OLIVIER LEJEUNE/LE PARISIEN/MAXPPP ; ANTHONY QUITTOT/JDD ; BERTRAND GUAY/AFP ; FRANCK CASTEL/MPP/SIPA ; TIM NWACHUKWU/GETTY IMAGES/AFP ; NICOLAS GUYONNET/HANS LUCAS/AFP Les indiscrets Le nouveau Laurent Wauquiez De l’aveu de plusieurs députés de la Droite républicaine (DR), leur nouveau président, Laurent Wauquiez,n’est plus le même homme. Naguère autoritaire, désormais « il s’exprime peu, il prend des notes et donne le sentiment d’être réellement à l’écoute »,témoigne le député Vincent Jeanbrun.Comme si sa longue retraite à la région Rhône-Alpes l’avait changé.Pour accompagner sa mue, Laurent Wauquiez a échangé plusieurs fois au téléphone avec Nicolas Sarkozy depuis son retour à l’Assemblée.g L’amertume de Patrice Vergriete Sonnés par la progression du RN dans tout le pays, y compris dans le Grand Ouest, jusqu’ici hors d’atteinte du parti de Jordan Bardella, les ministres se sont émus du climat de violence dans lequel se sont déroulées les législatives. Hervé Berville, réélu dans les Côtes-d’Armor, rapporte qu’il n’avait jamais essuyé autant d’attaques racistes. Quant à l’élu de Dunkerque, Patrice Vergriete, ministre des Transports, il s’inquiète du climat de violence décomplexée sur fond de progression du RN : « La nuit, discrètement et sans alerter les médias, on efface de plus en plus de croix gammées sur les murs de la ville. » Son intervention a été saluée par la plupart de ses collègues. g Borne règle ses comptes Débarquée sans préavis de Matignon en janvier après le fiasco et le traumatisme de la loi Immigration, l’exPremier ministre devenue députée compte revenir sur son expérience du pouvoir dans un livre à paraître cet automne. « Macron se fait rhabiller pour l’hiver », se délecte une source renseignée sur le projet, qui a déjà pu lire quelques bribes de ce brûlot. g Le bon coup de Le Maire Ungouvernementdémissionnaire,cen’estpas unemauvaiseaffairepourlescomptespublics. Bercyprofitedelaparalysiedesministres pourreprendrelesenveloppespromises auxunsetauxautresavantl’été,enprévision dubudget.Exemple:les800millionsd’euros pourvaloriserauméritelesalaire desfonctionnaires…Retouraucoffre!Toutes lespetiteshaussesouindexationsd’aides, deniches,ourevalorisations«automatiques», sontannulées…Sansquelessyndicats s’enrendentcompte,leministredel’Économie estentraindefairepasser«uneannée blanche»,levierleplusefficace pourenrayerlesdépenses.g ÀSUIVRECETTESEMAINE BONNESEMAINE• BENOÎT MAGIMEL L’acteur français Benoît Magimel aura l’honneur de présider la 50e édition du prestigieux Festival du cinéma américain de Deauville, qui se tiendra du 6 au 15 septembre 2024, ont annoncé ses organisateurs.Ilserachargéd’animerles débats des membres du jury pour attribuer les récompenses de cette édition anniversaire.Révéléàl’âgede13ansdans lacomédied’ÉtienneChatiliez,LaVieest unlongfleuvetranquille,BenoîtMagimel estleseulcomédiendel’histoiredu7e art àavoirremportéconsécutivementdeux César du meilleur acteur. LECOMTE DE MONTE-CRISTO Sorti dans les salles françaises fin juin, le film réalisé par AlexandredeLaPatellièreetMatthieuDelaporte,avecPierreNiney entêted’affiche,adéjàséduit3,5millions despectateurs.LeComtedeMonte-Cristo aégalementbeaucoupplu auxcritiques de cinéma. Ce succès a notablement stimulé les ventes du roman classique de 1844, avec 180 000 exemplaires vendus en France depuis la sortie du film. Faceàcettedemandeaccrue,Gallimarda annoncélaréimpressiondesdeuxtomes du chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas. MAUVAISESEMAINE• ENZO FERNANDEZ Après la victoire de l’Argentine contre la Colombie (1-0, a.p.) en Copa America, le joueur argentin a diffusésurlesréseauxsociauxunevidéodanslaquelleilentonne avec ses coéquipiers un chant raciste visantl’équipedeFrance.Dansleviseur de plusieurs acteurs du football, Enzo Fernandez s’est confondu en excuses, mais il risque une lourde sanction de la partdeChelsea,sonclubanglais.Etpeut se préparer à un accueil chaleureux en cas de rencontre européenne avec un club français. CADDIE L’entreprise a connu son apogée avec l’essor de la société des hypers, avant d’accumuler les difficultés, liées notamment aux nouveaux modes de consommation. Après une lente agonie, le fabricant de chariots de supermarché Caddie est mis en liquidation par le tribunal de Saverne (Bas-Rhin) en raison de l’absence de solution de reprise viable. Un chocpourl’entrepriseetses110salariés, ainsi que pour toute l’Alsace, berceau de la marque emblématique. g Lundi22 > Finducouvre-feu enNouvelle-Calédonie. g Audition deladirectrice duSecretService KimberlyCheatleparle Comitédesurveillance delaChambre desreprésentants aprèslatentative d’assassinatdeTrump. g Ordonnancedu tribunaladministratif deLillesuiteaurecours dulycéemusulman Averroèscontrel’arrêt desessubventions. g20e anniversairedu décèsdeSachaDistel. Mardi23 > Audiencesurla demandedeplacement enrésidencesurveillée, déposéeparladéfense d’OscarJégouet HugoAuradou,deux joueursduXVdeFrance inculpéspourviol aggravé.g142e session duComitéinternational olympiqueàParisavec levotesurl’attribution desJOd’hiverde2030 auxAlpesfrançaises. Mercredi24 > Allocution du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors d’une session conjointe de la Chambre des représentants et du Sénat, à Washington. g Sortie dans les salles du film Deadpool & Wolverine de Shawn Levy. Jeudi25 > Dînerdegalaorchestré parleséquipesduchef AlainDucasseauLouvre, àParis,réunissant unecentainedechefs d’Étatetpersonnalités, laveilledelacérémonie d’ouverturedesJOde Paris.g25e éditiondu festivalNavaàLimoux dansl’Aude. Vendredi26 > Les33es Jeux olympiquesdeParis sedéroulentsous leslogan«Ouvrons grandlesJeux». gLesporte-drapeauxde ladélégationfrançaise sontlalanceusede disqueMélinaRobertMichonetlenageur FlorentManaudou. g Franceinfobascule en«chaîneolympique» letempsdesJOde Paris2024.gPrime exceptionnellepouvant allerjusqu’à1900euros verséeauxpolicierset gendarmestravaillant enÎle-de-France,en compensationdeleur mobilisationpendant lesJO.g75e Foirede ColmaravecPatrick Bruel,CalogeroetGrand CorpsMalade. Samedi27 > Annonce de la liste des candidats retenus pour l’élection présidentielle algérienne anticipée du 7 septembre. g Le navirelaboratoire Energy Observer est amarré entre le pont de l’Alma et le pont Alexandre III à Paris après plus de 68 000 milles nautiques parcourus. Dimanche28 > Élection présidentielle au Venezuela avec le président sortant Nicolás Maduro, candidat pour un troisième mandat de six ans, face à Edmundo González Urrutia, ancien ambassadeur et politologue. g Grand Prix de Belgique, à Spa-Francorchamps. Renaissance : la bataille du parti Jeudi prochain, le bureau exécutif de Renaissance se réunit pour préparer la « suite». Selon nos informations, Stéphane Séjourné va convoquer une élection en septembre pour désigner son successeur, lui n’étant pas candidat. Élisabeth Borne se dit intéressée, Gabriel Attal, soucieux d’harmoniser le fonctionnement entre le groupe à l’Assemblée et le parti, n’exclut pas de cumuler les deux présidences. g LAPHOTODELASEMAINE Gérald Darmanin remet la médaille de la sécurité intérieure à l’un des policiers qui ont neutralisé l’assaillant lors de l’attaque au couteau survenue jeudi dernier près des ChampsÉlysées. Ciotti/Wauquiez, c’est bien fini Bien que quatrième force politique de l’Assemblée nationale, les troupes de Laurent Wauquiez ont obtenu plusieurs postes stratégiques dévolus à la majorité présidentielle. Cela résulte d’intenses tractations entre le député de Haute-Loire et Gabriel Attal. « C’est une déception, je me suis lourdement trompé sur lui », déplore Éric Ciotti, qui avait fait de Wauquiez le candidat de la droite pour 2027. « On ne négocie pas le destin de la France pour des places et des postes. » Abandonnant l’espoir que les LR hostiles à l’alliance avec le RN se rallient à lui, Ciotti rompt définitivement avec ses anciens alliés. Il ne cessera de le répéter, notamment lors de sa rentrée politique le 31 août, à Levens, dans les Alpes-Maritimes. g LE JOURNAL DU DIMANCHE 12 DIMANCHE 21 JUILLET 2024 Actualité S ousunsoleildeplomb,entredeux allers-retours à l’Assemblée où la bataillefaitragepourlesélections auxpostesclés,leministredel’Intérieur, chemise ouverte et sans cravate–undétailquin’enestpas un–,reçoitleJDDpourrevenirsurundébut d’été surchargé. Alors que le gouvernement démissionnaireexpédielesaffairescourantes, Gérald Darmanin, en alerte, suit à la minute le déploiement de ses services pour assurer laprotectiondesJeuxolympiques.Danscinq jours, 45 000 membres des forces de l’ordre seront sur le(s) pont(s), non pour admirer la parade sur la Seine, mais pour sécuriser une cérémonied’ouvertured’uneampleurinédite dans l’histoire des Jeux. Jamais un événement n’aura exigé un niveau d’investigation ciblantceuxquiyparticipent–organisation, journalistes, équipes sportives – de manière aussi poussée. Des porteurs d’eau des athlètes aux invités officiels en passant par les bénévolesassurantlefiltragedesentréessur les lieux de compétition, ce sont près d’un million de profils qui ont été décortiqués. Il en ressort un descriptif précis et exhaustif du type de menaces qui visent la France. On pense immédiatement au risque d’attentats pardesmilitantsdel’islamismeradical,mais leministredétailleégalementleschiffresdes profilsàrisqueissusdel’ultragaucheetdel’ultradroite. Moins visibles encore, les services ontdémasquéetécartélesagentsinfiltrésde puissancesétrangères,profitantdel’ampleur de l’événement pour passer inaperçus. Droit d’inventaire du macronisme Concentrésurl’enjeuolympique,GéraldDarmanin prépare aussi « la suite ». Après avoir perdusonduelavecGabrielAttalpourmettre la main sur le contrôle du groupe Ensemble pourlaRépublique(EPR,ex-Renaissance)à l’Assemblée,lefuturex-ministredel’Intérieur roule désormais pour lui-même. Sa rentrée politique à Tourcoing, en septembre, marquera le début d’un travail de réflexion sans écarterunnécessaire«droitd’inventaire»du macronisme.Seul,maislibre,etsurtouttoujoursaussiambitieux,Darmaninl’affirmeau JDD : si, en 2027, personne n’incarne mieux queluileprojetauquelilvatravailleraucours des deux prochaines années, il le défendra à la présidentielle. g ANTONINANDRÉ Gérald Darmanin « L’élite a fait sécession DÉFI Le ministre de l’Intérieur détaille l’ampleur du criblage réalisé par ses services pour garantir la protection des JO PROJETS Gérald Darmanin fera sa rentrée politique le 15 septembre à Tourcoing, et assume ses ambitions pour 2027 ANTHONY QUITTOT/JDD
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