L'HISTOIRE n°528 - Page 3 - 528 M O I S E U L D É C I D E D E L A V É R I T É PHOTO : STEPHAN PICK • CRÉATION : X © 2025 CONDOR DISTRIBUTION SAS. TOUS DROITS RÉSERVÉS © 2023 ZEITSPRUNG PICTURES GMBH U N F I L M D E J O A C H I M A . L A N G Pourquoi la Crimée ? O n s’est souvenu de la Crimée lorsque, en 2014, elle fut brutalement annexée par Poutine, qui n’avait jamais admis qu’elle ait échappé à la Russie, en même temps que l’Ukraine, dans le grand effondrement de l’URSS. Dans la guerre qui fait rage depuis trois ans, elle est un enjeu de taille. C’est que la péninsuleestlasentinelledelamerNoire,longtemps leseulaccèsdelaRussieaux«eauxchaudes»,c’est-àdire jamais gelées et donc navigables toute l’année. C’est pour cela que Catherine II y fit construire un port moderne, à la hauteur de sa puissance, qu’elle inaugura en 1783 : Sébastopol. En passant les Détroits (le Bosphore et les Dardanelles), ses bateaux accédaient à la Méditerranée. C’est aussi là que, pendant trois ans, au milieu du xixe siècle (1853-1856), se déroulèrent, sur terre et sur mer, les plus violents combats d’unconflitqu’on finit par appeler « guerre de Crimée ». Tout commença par une obscure querelle de clés d’Église et de gardiennage des Lieux saints en Palestine. C’est que, depuis 1453 et la chute de Byzance, ce sont les Ottomans qui tiennent les Détroits, et, jusqu’au delta du Danube, la rive sud de la mer Noire. Le duel au sommet entre Russes et Ottomans a duré quatre cents ans. La « guerre de Crimée », qui éclate en 1853, ne fut, à sondébut,quela«dixièmeguerrerusso-ottomane». La nouveauté, c’est que, cette fois, les Européens s’en mêlent, donnant au conflit une autre dimension. Puisque « L’Orient s’écroule » (Lamartine), il s’agit de contrer les ambitions russes, aiguisées par l’affaiblissement manifeste d’un Empire ottoman que le très arrogant tsar Nicolas Ier n’appelle plus que « l’homme malade de l’Europe ». Les premiers engagements, en 1853, de fait, sont désastreux pour les Turcs. C’est alors que Napoléon III, frais empereur à la recherche de la gloire militaire, et Palmerston, au nom de la reine Victoria, entrent dans le jeu. Au printemps 1854 (mars), ils se portent à la rescousse du sultan, avec l’espoir de maintenir, bien au-delà desLieuxsaints,leurprésenceetleurinfluencedans un empire qui, au Proche-Orient, a encore de beaux restes. Cavour, espérant trouver là un soutien pour la cause de l’unité italienne, envoie 15000 hommes. Il n’allait encore pas de soi que la Crimée fût l’épicentre du conflit. Mais les offensives alliées en Baltique ou en mer Blanche se heurtèrent vite à la puissance de la défense russe – et les fronts du Danube et du Caucase demeurèrent secondaires. Restait Sébastopol qui, dès octobre 1854, concentra les attaques, et résista, pendant onze mois, dans un brouillard de sang et de neige qui inspira à Tolstoï, jeune officier de 26 ans, ses sublimes et tragiques Récits de Sébastopol. C’estdoncenCriméequesedéchaînalaviolencedes combats.Lespertesfurenténormes:700000mortsau moins. Les trois quarts moururent de maladies, dans des hôpitaux de campagne, où les médecins firent l’apprentissage de la gestion d’une crise sanitaire. Autour de Sébastopol, les populations vivent un autre martyre. La péninsule, majoritairement peuplée de Tatars, Turco-Mongols installés là depuis la conquête mongole du xiiie siècle, est déclarée suspecte et livrée aux représailles des cosaques. Par dizaines de milliers, les réfugiés fuient vers le sud. En attendantlesdéportations.LaCriméedoitêtrerusse et chrétienne. La Russie saura transformer la défaite en sacrifice patriotique. La guerre au loin a passionné les populations. A Paris, Napoléon III savoure sa victoire et émaille sa capitale de souvenirs glorieux : Zouave du pont de l’Alma, fort de Malakoff, boulevard Sébastopol, la République décidera d’en conserver les traces. Mais on a un peu oublié la Crimée. On a tort. Depuis la Peste noire, c’est par là, plusieurs fois, que nous sont arrivées de grandes catastrophes. n L’Histoire @ Retrouvez toute l’actualité de L’Histoire sur www.lhistoire.fr Depuis la Peste noire, c’est par là, plusieurs fois, que nous sont arrivées de grandes catastrophes / 3 L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 ÉDITO 4 / Forum VOUS NOUS ÉCRIVEZ L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 @ En vous inscrivant à l’adresse privilege-abonnes@histoire.presse.fr vous pourrez recevoir la newsletter et les informations de L’Histoire. Notre dossier sur « Ces paysans qui ont fait la France » (L’Histoire n° 526) fait encore couler beaucoup d’encre. « Je suis fort surpris que vous repreniez, en page 53 du numéro de décembre 2024 sur les paysans, la photographie “Des paysannes tirant une herse”, typique du “bourrage de crâne” de la guerre 14-18. Cette photographie du commandant Tournassoud est totalement irréaliste. Une herse n’est efficace que si elle est tirée à une certaine vitesse pour casser les mottes de terre ; d’où l’utilisation d’un cheval et non de bœufs. Quand bien même des femmes remplaceraient un cheval, les liens de traction ne seraient pas des chaînes métalliques, d’un poids inutile, mais des sangles de cuir, celles-là mêmes utilisées pour tout attelage. Et quelle image de la condition féminine renvoie cette photographie ! Ma grand-mère et les femmes ont suppléé à l’absence des hommes durant la Grande Guerre, mais pas au point de remplacer la traction animale ! » nous écrit Rémi Riche. A la page 46 de ce même numéro sur les paysans, il est question de « ranches de charrette ». « De quoi s’agit-il ? Est-ce une faute de frappe ? » demande Michel Mellet. La réponse de la rédaction Vous avez raison. Certes, du fait de la réquisition des chevaux pour l’armée, les femmes ont souvent labouré les champs à la seule force de leurs bras. Mais cetteimagede1917,quiaétéreproduite sur des cartes postales et des affiches américaines, est posée : il s’agit d’une photographie de propagande. En légende,il est indiqué : « Plus de chevaux pour tirer la herse. N’importe ! Trois robustes paysannes s’attellent à l’outil,peinent si bien que le permissionnaire,à sa prochaine venue, retrouvera son champ en pleine prospérité. » Elle fait partie des clichés du commandant Tournassoud, qui a savamment mis en scène différents aspects de la Grande Guerre pour l’Armée. Quant aux ranches,ce sont des traverses de bois qui assurent la fermeture du devant ou de l’arrière d’une charrette. Trois femmes et une herse La rédaction de L’Histoire est responsable des titres,intertitres, textes de présentation,encadrés, notes,illustrations et légendes.La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle,faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause,est illicite (article L.122-4 du Code de propriété intellectuelle). Toute copie doit avoir l’accord du Centre français de droit de copie (CFC,20,rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.Tél.: 01 44 07 47 70.Fax : 01 46 34 67 19). L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication.Les nom,prénom(s) et adresse de nos abonnés sont communiqués à notre service interne et aux organismes liés contractuellement avec L’Histoire,sauf opposition motivée.Dans ce cas,la communication sera limitée au service de l’abonnement.Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal. Commission paritaire n° 0428 K 83242.ISSN 0182-2411. L’Histoire est publiée par les Éditions L’Histoire Président et directeur de la publication : Claude Perdriel Dépôt légal janvier 2025 © 2025 Éditions L’Histoire Sauf mention contraire de son auteur,toute lettre parvenue à la rédaction de L’Histoireest susceptible d’être publiée dans le magazine.Par souci de brièveté et de clarté,la rédaction se réserve le droit de ne publier que des extraits des lettres sélectionnées Origine du papier :Autriche Eutrophisation (Ptot) : 0,018 kg/tonne Taux de fibres recyclées : 33 %. Imprimé par BLG,Toul (54),France Certifié PEFC Notre-Dame, ruine austère « Notre-Dame est bien vieille : on la verra peutêtre/ Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;/ Mais, dans quelque mille ans,le Temps fera broncher/ Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,/ Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde/ Rongera tristement ses vieux os de rocher !/ Bien des hommes, de tous les pays de la Terre/ Viendront, pour contempler cette ruine austère,/ Rêveurs, et relisant le livre de Victor :/ — Alors ils croiront voir la vieille basilique,/ Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,/ Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort ! » Ce magnifique poème de 1834 n’est pas de Charles Baudelaire mais de Gérard de Nerval, tiré de ses Odelettes (L’Histoire Collection n° 105). Leni Riefenstahl Dans votre article sur « Leni Riefenstahl. La Lumière et les ombres » (n° 526, p. 94) et dans le film d’Andres Veiel lui-même, il n’est pas question de la réalisation par la cinéaste dès août 1933, quelques mois après la prise de pouvoir de Hitler, d’un film sur le congrès du parti nazi, La Victoire de la foi. Annonçant à bien des égards Le Triomphe de la volonté réalisé en 1934 pour le congrès suivant, cette œuvre, moins réussie, a une grande valeur historique car elle montre fréquemment Hitler au côté de son premier lieutenant Ernst Röhm, qui devait être assassiné peu après, ce qui explique que toutes les copies du film aient été détruites, sauf une, retrouvée après la guerre en Grande-Bretagne et diffusée depuis lors. Patrick Gautrat ADOC-PHOTOS FR FR FR FR L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 6 / On va en parler HUGO LEBRUN/HANS LUCAS/AFP – PHOTO PERSONNELLE – LUDOVIC MARIN/AFP – RUSSIAN FOREIGN INTELLIGENCE SERVICE BUREAU/TASS/SIPA USA/SIPA – ANGELOS TZORTZINIS/AFP EXCLUSIF Musée-mémorial du Terrorisme Finalement, il ouvrira bien ! La création du musée-mémorial du Terrorisme, le MMT, avait été annoncée par Emmanuel Macron en septembre 2018, lors d’une commémoration pour les victimes d’attentats, promesse renouvelée tous les ans depuis. Le jugeant trop coûteux – un prétexte cachant une hostilité politique au projet –, le gouvernement Barnier avait décidé l’abandon du musée en décembre 2024 au profit du seul mémorial, dénaturant le concept initial. Le 6 janvier 2025, Emmanuel Macron a réaffirmé à Henry Rousso, président de la Mission de préfiguration du MMT, nommé en 2019, et à Elisabeth Pelsez, sa directrice générale, sa volonté de voir le musée ouvrir, pour partie en 2027 et en 2028. Le lieu choisi est l’ancienne école de plein air de Suresnes, un bâtiment historique construit en 1935 sur le mont Valérien, aujourd’hui à proximité du mémorial de la France combattante et de la clairière des Fusillés. Le MMT a deux composantes qui forment un tout : le mémorial, qui rend hommage à toutes les victimes décédées d’actes terroristes commis en France depuis 1974, quelle que soit leur nationalité, et à toutes les victimes françaises à l’étranger ; le musée, qui expose la complexité du phénomène terroriste et sa réalité multiforme depuis la fin des années 1960, avec une rétrospective remontant à la Révolution, met l’accent sur les aspects pédagogique et scientifique. Les collections rassemblent déjà plus de 2000 objets, dont les scellés judiciaires. Utilisés par la police et la justice pour leur enquête (comme les armes ou les outils de propagande des terroristes), ils sont détruits une fois la procédure close. L’objectif était d’en récupérer une quantité suffisante pour raconter une histoire à partir de chacun. Ainsi, une simple poubelle retrouvée dans la forêt de Fontainebleau permet de comprendre comment le Hezbollah a préparé les attentats de 1985-1986 à Paris. Sur le plan international, la mission de préfiguration a noué des liens avec cinq grands musées-mémoriaux consacrés au terrorisme : le Mémorial national d’Oklahoma City, le MémorialMusée national du 11-Septembre de New York, le 22 July Centre d’Oslo, le centre-mémorial des Victimes du terrorisme de Vitoria-Gasteiz, au Pays basque espagnol, et le musée-lieu de Mémoire (LUM), au Pérou. n Russie NOUVELLE ÈRE GLACIAIRE En lutte contre les « nazis et traîtres à la patrie », les autorités russes ont décidé de « déréhabiliter » des victimes de la terreur stalinienne. Le musée moscovite de l’histoire du Goulag, ouvert en 2001, a « temporairement » fermé « pour des raisons de sécurité incendie » le 14 novembre 2024. On y trouve des archives officielles et familiales, dont celles d’Alexandre Soljenitsyne et de Varlam Chalamov. Et une exposition permanente sur les camps soviétiques, de 1918 à 1956. Des statues de Staline ont réapparu dans certaines communes, à Volgograd (ex-Stalingrad) ou près de Pskov (8 mètres de haut), ainsi que d’autres personnages sombres, tel Félix Dzerjinski (photo), créateur de la Tcheka, l’ancêtre du KGB et du FSB d’aujourd’hui. Grèce-Turquie RÉCHAUFFEMENT ? La Grèce a restitué un millier de monnaies antiques volées à la Turquie. Une première CommémorationEmmanuel Macron se recueille devant l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, le 7 janvier 2025, dix ans après la prise d’otages qui s’y est déroulée et a coûté la vie à quatre personnes. HENRY ROUSSO ELISABETH PELSEZ L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 / 7 GIACOMO BALL A, BAMBINA CHE CORRE SUL BALCONE (L’ENFANT QUI COURT SUR LE BALCON), 1912. MIL AN, GALLERIA D’ARTE MODERNA ; © ARTOTHEK / L A COLLECTION ; © ADAGP, PARIS 2025 SAINT-GERMAIN-EN-L AYE, MUSÉE D’ARCHÉOLOGIE NATIONALE/GIANNI DAGLI ORTI/AURIMAGES entre ces voisins aux relations difficiles, peutêtre en remerciement du soutien turc à la demande grecque de restitution des marbres du Parthénon, toujours à Londres. Rome FUTURISME ÉDULCORÉ La Galerie nationale d’art moderne et contemporain de Rome abrite, jusqu’à la fin février 2025, « Le temps du futurisme », une grande rétrospective organisée avec le soutien du ministère de la Culture. Elle célèbre le 80e anniversaire de la mort de Filippo Tommaso Marinetti, fondateur du mouvement futuriste, dont l’un des slogans était « Oublions l’histoire ». Tel est bien le fil conducteur d’une exposition où la dimension politique du futurisme est soigneusement évitée, ainsi que ses liens avec le fascisme. Pristina MUSÉE DES VICTIMES Un musée dédié aux survivants des violences sexuelles durant la guerre de 1998-1999 a ouvert à Pristina, au Kosovo. Environ 20000 personnes auraient alors été violées. Relations internationales PRIX DE THÈSE L’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines (Ihric) offre deux prix Jean-Baptiste-Duroselle pour aider à la publication d’une thèse et d’un mémoire de master. Les dossiers sont à envoyer, sous format imprimé, avant le 15 février, à Laurence Badel et Nicolas Badalassi, Institut PierreRenouvin, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris et par mail à secretariat.ipr @univ-paris1.fr Archéologie ÉCHOS DU TEMPS Le musée d’Archéologie nationale, le MAN, de Saint-Germain-enLaye propose, en huit épisodes d’une vingtaine de minutes, de plonger dans les coulisses du musée, avec des objets emblématiques aux histoires étonnantes, ainsi la Dame de Brassempouy (photo) ou la tombe viking de l’île de Groix (musee -archeologienationale.fr /actualite/podcast-echos -du-temps). Retrouvez l’article de Marie-Anne MatardBonucci sur www.lhistoire.fr @ L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 8 / On va en parler SERGE JOLIVEL/FASTIMAGE – DR – PHOTO PERSONNELLE – DOMENJOD/CC-BY-SA-4.0 – PHOTO PERSONNELLE @ NOUVEAU Charles-Éloi Vial Prix Chateaubriand Il est revenu à Charles-Éloi Vial, conservateur de bibliothèque et secrétaire général de l’Institut Napoléon, pour Marie-Antoinette, Perrin, 2024. Guillaume Blanchet Prix de l’Ateg Le prix de thèse de l’Antiquité tardive en Gaule (Ateg) récompense Guillaume Blanchet pour « De la fabrication à la circulation des monnaies d’argent frappées aux ve et vie siècles dans les provinces occidentales de l’Empire romain ». Adrien de Jarmy Prix Mohammed-Arkoun Décerné par le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur, ce prix récompense sa thèse sur la construction de la figure du Prophète aux premiers siècles de l’Islam. LES GENS La cartothèque de « L’Histoire » @ Retrouvez l’intégralité des hommages sur www.lhistoire.fr Rendez-vous sur www.lhistoire.fr/atlas En 2019, en s’appuyant sur les cartes réalisées par Légendes Cartographie, L’Histoire et Les Arènes se sont associées pour publier, sous la direction de Christian Grataloup, un Atlas historique mondial. Pour prolonger cette aventure, environ 2000 cartes sont désormais accessibles aux abonnés de L’Histoire sur le site internet du magazine. Grâce à son moteur de recherche, ce nouvel outil permet de consulter les versions numériques des cartes publiées dans les atlas historiques, mais également de les retrouver plus facilement. Conservation ARCHIVES POUR TOUS Les chiffres sont impressionnants : 464 km d’archives papier conservées, 472096770 pages et images numérisées au profit de publics fort différents, étudiants, généalogistes, curieux de tous ordres. Désormais, l’usager est au cœur des archives, comme l’illustre aussi la plate-forme collaborative Girophares, ouverte à tous, sur des thèmes variés : fichier des émigrés de la Révolution française, état civil de la Marine marchande, réfugiés espagnols ou clercs de notaire. Une politique dynamique et inclusive, dont on peut lire les résultats sur https:/ /francearchives.gouv.fr INA ÉCOUTER LES FEMMES L’INA lance, à l’occasion des 50 ans de la loi Veil, Il suffit d’écouter les femmes, des témoignages inédits de femmes ayant avorté clandestinement, de proches et de personnes les ayant aidées, d’avocats et de juges, au total 79. Trois créations sont disponibles : un documentaire produit par France Télévisions, un podcast et un livre coédité avec Flammarion. HOMMAGES André Zysberg Auteur d’une thèse sur les galériens de Louis XIV, il était l’un de nos grands historiens de la mer. Avec son aide s’était élaboré, en 1981, le premier numéro spécial de l’été de L’Histoire : « 2000 ans sur la mer ». Professeur à l’université de Caen, il est l’auteur de nombreux ouvrages. Le dernier est Le Corsaire, l’Astronome et l’Armateur (Cerf, 2025), avec Claudine Zysberg, Danielle et Gilbert Buti. A travers le périple d’un navire dans les mers du Sud au xviiie siècle, micro-histoire et histoire globale s’entremêlent. Paul Benoit Médiéviste, professeur d’histoire des techniques, il associait analyse des textes et travail archéologique. Il est mort le 18 décembre 2024. 10 / Revue mensuelle créée en 1978, éditée par les Éditions L’Histoire 41 bis, avenue Bosquet, 75007 Paris Président et directeur de la publication : Claude Perdriel Directeur général : Philippe Menat Directeur éditorial : Maurice Szafran Directeur éditorial adjoint : Guillaume Malaurie Directeur délégué : Jean-Claude Rossignol Conception graphique : Dominique Pasquet Pour toute question concernant votre abonnement Tél. : 01 55 56 71 19 Courriel : abo.histoire@groupe-gli.com L’Histoire, service abonnements 45,avenueduGénéral-Leclerc,60643ChantillyCedex Belgique : Édigroup Belgique, tél. : 070 233 304 Suisse : Édigroup SA, tél. : 022 860 84 01 Tarif France : 1 an, 12 nos : 67 € 1 an, 12 nos + 4 nos Hors-série.Collections : 89 € Tarif autres pays : nous consulter Achat de revues et d’écrins L’Histoire, 45,avenueduGénéral-Leclerc, 60643ChantillyCedex Tél. : 01 55 56 71 19 RÉDACTION, DOCUMENTATION, RÉALISATION Tél. : 01 70 98 suivi des 4 chiffres Courriel rédaction : courrier@histoire.presse.fr Directrice de la rédaction : Valérie Hannin (19 49) Assistante de rédaction : Lise Renimel (19 51) Conseillers de la direction : Michel Winock, Jean-Noël Jeanneney Rédactrice en chef : Héloïse Kolebka (19 50) Rédacteur(rice)s en chef adjoint(e)s : Géraldine Soudri (19 52), Olivier Thomas (19 54) Secrétaire général de rédaction: Raymond Lévêque (19 55) Chef de rubrique : Ariane Mathieu (19 53) Rédaction : Julia Bellot (19 60), Lucas Chabalier, Domitille de Gavriloff, François Mathou, Huguette Meunier, Nina Tapie Rédaction-révision-correction : Hélène Valay Directrice artistique : Marie Toulouze (19 57) Service photo : Jérémy Suarez-Lalouni (19 58) COMITÉ SCIENTIFIQUE Pierre Assouline, Jacques Berlioz, Patrick Boucheron, Catherine Brice, Bruno Cabanes, Johann Chapoutot, JoëlCornette,Clément Fabre, Anaïs Fléchet, Jean-NoëlJeanneney,PhilippeJoutard, Emmanuel Laurentin, Julien Loiseau, Pap Ndiaye, Fabien Paquet, Olivier Postel-Vinay, Yann Potin, Yves Saint-Geours, MauriceSartre,ClaireSotinel, Pierre-FrançoisSouyri,Laurent Theis, Annette Wieviorka, Olivier Wieviorka, Michel Winock CORRESPONDANTS Dominique Alibert, Claude Aziza, Vincent Azoulay, Antoine de Baecque, Esther Benbassa, Françoise Briquel-Chatonnet, Guillaume Calafat, Jacques Chiffoleau, Alain Dieckhoff, Jean-Luc Domenach, Hervé Duchêne, Olivier Faron, Marie Favereau, Christopher Goscha, Christian Grataloup, Isabelle Heullant-Donat, Gilles Kepel, Matthieu Lahaye, Marc Lazar, Olivier Loubes, Gabriel Martinez-Gros, Marie-Anne Matard-Bonucci, Guillaume Mazeau, Nicolas Offenstadt, Pascal Ory, Michel Porret, Yann Rivière, Isabelle Surun, Boris Valentin, Sylvain Venayre, Catherine Virlouvet, Nicolas Werth Ont collaboré à ce numéro : SteveFopa-Simo,EmmaGendre,LucileJuteau (partenariats), Sophie Le Gallo (secrétariat de rédaction), Julia Valere Louwagie FABRICATION Responsable de fabrication : Sarah Rabbah (19 21) ACTIVITÉS NUMÉRIQUES Erwan Treyz (19 08) PARTENARIATS ET ÉVÉNEMENTS Alain Scemama (06 60 49 12 34) SERVICES ADMINISTRATIFS ET FINANCIERS Directrice administrative et financière : Jaye Reig MARKETING DIRECT ET ABONNEMENTS Directeur : Luc Bonardi Responsable du marketing direct : Magali Viette (19 12) VENTES ET PROMOTION Directeur : Valéry-Sébastien Sourieau (19 11) Ventes messageries : Mercuri Presse Conseil, Frédéric Vinot (01 42 36 80 52) Diffusion librairies Pollen/Dif’pop’ Tél. : 01 43 62 08 07, fax : 01 72 71 84 51 RÉGIE PUBLICITAIRE Mediaobs 44, rue Notre-Dame-des-Victoires, 75002 Paris Tél. : 01 44 88 suivi des 4 chiffres Courriel : pnom@mediaobs.com Directeur général : Corinne Rougé (93 70) Directeur de publicité : Romain Provost (89 27) Directeur de clientèle : Antoine Kodio (97 79) Studio : Vincent Curet (89 26) Gestion : Catherine Fernandes (89 20) mediaobs.com 3 L’édito 4 Forum 6 On va en parler Événement 12 Sorcellerie et désorcèlement dans le Bocage entretien avec Jeanne Favret-Saada • Le retour des sorcières entretien avec Michelle Zancarini-Fournel Actualité 22 Jean-Pierre Rioux : enseigner la France par Michel Winock 24 D’un Clisthène l’autre par Maurice Sartre 26 La Suisse examine son passé colonial par Daphné Budasz 28 Confessions d’un monstre par Huguette Meunier Dossier La guerre de Crimée 32 Carte : la mer Noire au cœur des combats 34 1853-1856. La dixième guerre russo-ottomane, ou le martyre de la Crimée par Masha Cerovic •Rostopchine père ? par Laurent Theis • Demidoff : une ONG pour les prisonniers par Marie-Pierre Rey • Les protagonistes de la « guerre d’Orient » • La Crimée, péninsule tatare • La première guerre moderne • Infographie : les forces en présence •Les clauses du traité de paix •Chronologie L AURENT GRANDGUILLOT/RÉA – WASHINGTON, LIBRARY OF CONGRESS, PRINTS & PHOTOGRAPH DIVISIONS, ROGER FENTON CRIMEAN WAR PHOTOGRAPH COLLECTION, LC-USZC4-9316 P. 12 P. 30 / 11 Sommaire L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 COUVERTURE : Le capitaine Brown, du 4e régiment de dragons légers, et son aide de camp en tenue d’hiver dans un camp militaire, pendant la guerre de Crimée, photographiés par Roger Fenton en 1855 (GrandPalaisRMN – Paris, musée d’Orsay/ image GrandPalaisRMN). FRANCE CULTURE Le jeudi 30 janvier à 9h05, retrouvez L’Histoire dans l’émission de Xavier Mauduit « Le Cours de l’histoire » L’Atelier des chercheurs 66 PRÉHISTOIRE. L’ARCHÉOLOGIE FACE AU HANDICAP par Valérie Delattre 72 RENOMMER LES RUES DE PARIS par Florence Bourillon 78 Décryptage d’image LE TRIOMPHE DE SAINT THOMAS D’AQUIN par Giulia Puma 48 Sébastopol à tout prix par Masha Cerovic • Carte : un siège de onze mois 50 Un désastre sanitaire par Claire Fredj •Florence Nightingale, héroïne britannique par Bruno Cabanes • Infographie : au moins 700000 morts 56 La « guerre d’Orient » si loin, si proche par Sylvain Venayre • Le « Zouave du pont de l’Alma » 62 Les vagues de la mémoire russe par Marie-Pierre Rey Pour en savoir plus Guide 80 LIVRES Le livre du mois par Ana Struillou La sélection de « L’Histoire » Les revues La bande dessinée par Sylvain Venayre Le classique de James C. Scott par Jean-Paul Demoule 90 SORTIES Expositions par Nina Tapie, Huguette Meunier et Bruno Calvès Cinéma par Antoine de Baecque et Olivier Thomas 98 CARTE BLANCHE de Pierre Assouline HALLE (SAALE), L ANDESMUSEUM FÜR VORGESCHICHTE – KEYSTONE-FRANCE/GAMMA-RAPHO UFFICIO BENI CULTURALI DELL A DIOCESI DI PISA ; © STUDIO LUCA LUPI P. 72 P. 66 P. 78 L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 Événement 12 / Sorcellerie et désorcèlement dans le Bocage Le livre de Jeanne Favret-Saada nous fait entrer dans l’atelier d’une désorceleuse, madame Flora, que l’ethnologue a fréquentée dans les années 1970. La réédition de ce classique chez Gallimard nous replonge dans une enquête exceptionnelle, menée il y a un demi-siècle, ainsi que dans les croyances, soucis et thérapies du monde agricole d’alors. Entretien avec Jeanne Favret-Saada L’AUTEURE Ethnologue, agrégée de philosophie,Jeanne Favret-Saada est reconnue pour ses ouvrages sur la sorcellerie rurale en France. Son livre Désorceler est réédité en poche chez Gallimard (2024). s’était avéré quasi impossible. Mai 68 m’a donné envie de travailler, désormais, parmi la paysannerie française. A la rentrée universitaire de 1968, l’un de mes étudiants, surveillant dans un collège de Mayenne, m’a rapporté des allusions de certains de ses élèves, des enfants d’agriculteurs laissant entendre que leurs familles avaient recours à un désorceleur. A la Toussaint, j’ai visité la région, et j’ai été saisie par l’intensité avec laquelle on y célébrait lesmorts:danstouslescimetières,des gensennoir,trèsgraves,parmiuneprofusion de fleurs éclatantes. Personne ne m’y a parlé de la sorcellerie (quand on y recourt, c’est un secret de famille), mais la force extrême du sentimentdelamortm’aengagéeàrevenir. J’ai donc loué une maison de village, où je me suis installée à la fin de l’année scolaire avec mes jeunes enfants. A l’été 1969 vous emménagez donc en Mayenne pour cette enquête. Comment celle-ci s’est-elle déroulée ? L’Histoire : Vous publiez chez Gallimard une réédition de votre ouvrage Désorceler (2009), qui venait après le grand succès de Les Mots, la Mort, les Sorts (1977). Comment en êtes-vous venue à l’étude de la sorcellerie ? Jeanne Favret-Saada : Née en Tunisie, dans une famille juive sans tradition, j’avais étudié la philosophie à la Sorbonne et l’anthropologie à Londres, auprès d’Ernest Gellner. Une agrégation de philosophie m’a propulsée à l’université d’Alger, pendant les toutes dernières années de la domination coloniale. J’y ai attendu l’Indépendance en étudiant et en enseignant l’anthropologie, que j’ai pratiquée ensuite dans des villages. Ma nouvelle discipline n’avait, toutefois, pas envisagé le cas des pays en révolution : après deux ans de travail, j’ai dû décamper sans préavis, mes protecteurs algériens étant tombés en disgrâce. Venue à Paris, j’ai rédigé quelques articles sur l’Algérie, qu’un éditeur algérien de France, Bouchène, a ensuite publiés en un volume, et je suis entrée au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, à l’université Paris-X-Nanterre (à présent ParisNanterre). Les chercheurs y étaient aussi chargés d’enseigner leur spécialité au département d’ethnologie : c’est ainsi que j’ai pris part aux événementsdeMai68,dansunpetitgroupe qui rendait visite, à travers la France, aux militants des Paysans travailleurs. Peu auparavant, j’étais retournée en Algérie, avec le projet d’y organiser un long séjour en Kabylie, mais cela PHOTO PERSONNELLE – JEROME CHABANNE/HANS LUCAS – L AURENT GRANDGUILLOT/RÉA L’HISTOIREN°528 - FÉVRIER 2025 / 13 Des Français comme les autres On a longtemps vu la sorcellerie comme la survivance d’une pensée primitive, de croyances étranges et de pratiques cruelles (telle la statuette d’envoûtement auvergnate, non datée, ci-dessus, à gauche). Pourtant, les ensorcelés du bocage normand (ci-dessus, à droite) étaient, dans les années 1970, des Français aussi modernes que leurs contemporains.
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