TRANSPORT INFO n°694 - Page 1 - 694 LE MAGAZINE DES PROFESSIONNELS DU TRANSPORT ROUTIER N° 694 Mensuel - juin 2025 - 16 € SPÉCIAL ÉLECTRIQUE +Zoom sur les bornes de recharge en dépôt © DR RENAULT T HIGH TURBO COMPOUND Essai conso d’un bel étalon TRANSPORTS ALLAN (62) Deux frères au taquet DOSSIER CONCURRENCE DÉLOYALE Le TRM français encore lésé © DR © WAD © DR CATALOGUE 2025: TOUS LES MODÈLES DE 3,5 À 44 T Espace Clichy 9, allée Jean-Prouvé 92587 CLICHY CEDEX Vous pouvez joindre votre correspondant en composant le 01 41 40 suivi du numéro indiqué entre parenthèses Président du conseil de surveillance Patrick Casasnovas Présidente du directoire Sophie Casasnovas Directeur général Frédéric de Watrigant Éditeur: Karim Khaldi (33 11) RÉDACTION Contact : prénom.nom@editions-lariviere.com Rédacteur en chef Bertrand Euloge (56 52) Secrétaire de rédaction Gilles Wullus Rédacteur graphiste Richard Gillouin (56 55) Ont collaboré à ce numéro: R. Chasle, V. Chrzavzez, B. Dutilloy, J-L Foucret, M. Fressoz, G. Geneste, A. Ilié. PUBLICITÉ et ANNONCES Chef de publicité Eric Pellerin (56 65) Assistantedepublicitéet petitesannonces Manon Dimanche (56 51) Responsable administrative Catherine Caulle (34 35) Promotion des abonnements Kahina Houist 01 47 56 54 43 ABONNEMENTS ET VENTE PAR CORRESPONDANCE Tél.: 03 44 62 43 79 e-mail: abo.lariviere@ediis.fr TARIFS ABONNEMENTS France: 1 an 183 € TTC (TVA 2,1 %) Étranger: nous contacter au (+33) 03 44 62 43 79 CORRESPONDANCE ABONNEMENT TRANSPORT INFO - SERVICE ABONNEMENT 43, avenue Général Leclerc 60643 Chantilly Cedex Directeur de la publication et responsable de la rédaction Patrick Casasnovas Impression: Imprimerie de Compiègne, Compiègne (60) « Papier issu de forêts gérées durablement » Origine du papier: Belgique Taux de fibres recyclées: 0 % Certification: PEFC / EU ECO LABEL Eutrophisation: 0,01 kg/tonne LE MAGAZINE DES PROFESSIONNELS DU TRANSPORT ROUTIER Espace Clichy Immeuble Agena 12, rue Mozart 92587 CLICHY CEDEX Tél.: 01 41 40 32 32 Fax : 01 41 40 32 50 Transport Info est une publication des ÉDITIONS LARIVIÈRE, SAS au capital de 3200000 euros Dépôt légal: 2e trimestre 2025 Commission paritaire: 1025 T 84699 ISSN: 1774-8917 Numéro de TVA intracommunautaire: FR 96 572 071 884 RCS Nanterre: B 572 071 884 CCP 115 915 A Paris Derrière les ors… BERTRAND EULOGE RÉDACTEUR EN CHEF SOMMAIRE Édito © WAD Fort d’une année 2024 réussie et d’une montée dans le club des ETI, le groupe MTA, codirigé par Jean-Marc et Éric Tison, travaille à finaliser sa couverture nationale en continuant à s’appuyer sur des promotions internes. MTA : Tous les compteurs sont au vert 14 PROCHAINE PARUTION le 24 mai Cocorico. Avec 40,8 milliards d’euros prévus dans l’escarcelle de Bercy, le 8e sommet «Choose France», raout annuel destiné à attirer les investissements étrangers dans l’Hexagone, couronne de succès son instigateur Emmanuel Macron, transformé en VRP de luxe pour l’occasion. Mais ce 19 mai, à l’heure où se tenait cet évènement savamment orchestré sous les ors de Versailles, Bruxelles publiait des prévisions économiques sans appel pour 2025 et 2026. Selon les experts de la Commission européenne, la France devrait à nouveau afficher le plus mauvais résultat de la zone euro, avec un déficit au-dessus de 5,5 % de PIB, soit près du double du plafond des 3%. Un chiffre implacable qui devrait rapidement avoir un effet boomerang sur l’attractivité de notre pays. Alors que le président rabâche en permanence l’impérieuse nécessité de retrouver de la souveraineté économique et un savoir-faire français, l’autosatisfaction du chef de l’État affichée à Versailles sonne faux. Petit rappel, l’investissement des entreprises françaises (non financières) a baissé de 1,6 % en 2024. Autre chiffre de l’Insee, le volume de la production manufacturière au premier trimestre 2025 est inférieure de 3% comparé à 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. À la lecture de ces données, il n’y a pas de quoi coqueliner. 5 TRANSPORT INFO JUIN 2025 - N°694 ❚ZOOM Scania agrandit sa famille Super 6 ❚ACTUALITÉS Goodyear mis en examen en France 8 ❚STRATÉGIES & MARCHÉS DOSSIER Concurrence déloyale: pourquoi les transporteurs français sont encore pénalisés 10 À LA UNE MTA, tous les compteurs sont au vert 14 Transports Allan: l’évolution permanente 16 ENTRETIEN Mathieu Mandico, dirigeant des Transports Mandico 18 Stéphan Zivic, dirigeant des Transports Durand 20 PORTRAIT DE DIRIGEANTE Estelle Gillois, dirigeante des Transports Gillois 22 Repères 24 ❚POLITIQUES & RÉGLEMENTATION Thomas Dupuy d’Angeac, président de Cinérites Transport & Logistique 26 ❚GESTION & MANAGEMENT Fiche pratique : la consécration du harcèlement moral institutionnel 28 Repères 29 ❚DIGITAL & TRANSPORT Dashdoc place l’IA au cœur de son logiciel 30 ❚LOGISTIQUE URBAINE William Gaillard, président du groupe Senges 31 CARTE BLANCHE Charles-Édouard Pineau, Sales Director d’Alpega 32 ❚PRODUITS & SERVICES SPÉCIAL VÉHICULES ÉLECTRIQUES • PL: une offre qui n’attend que la demande 34 • Entretien : Aymeric Larcher, directeur commercial grands comptes Renault Trucks France 39 • Entretien: Ovarith Troeung, DG d’Hyliko 40 • Quelles bornes pour la recharge en dépôt? 41 • VUL: le catalogue 2025 42 ESSAI : Renault T High 480 Turbo Compound, un bel étalon 46 Repères 49 ❚PETITES ANNONCES 50 Jean-Marc Tison 6 ZOOM SCANIA AGRANDIT SA FAMILLE SUPER N°694 - JUIN 2025 TRANSPORT INFO 7 ZOOM Un moteur de 11 litres de cylindrée vient s’intercaler entre ceux de 9 et 13 litres dans la gamme des moteurs diesel de Scania. Ce Super 11, commercialisé en juin aux puissances de 350, 390 et 430 ch, vise tous les marchés à l’international, puisqu’il respecte les normes d’émissions à partir d’Euro IV. Il est également compatible avec tous les principaux biocarburants. Si, techniquement, toute cabine peut surplomber le Super 11, c’est plutôt avec celles des séries P et G que le nouveau venu exprimera au mieux ses qualités. TRANSPORT INFO JUIN 2025 - N°694 © Photos DR C oup de chaud pour le géant américain Goodyear. Soupçonnées d’avoir produit les pneus à l’origine d’accidents de camion mortels en France, ses filiales Operations SA (productrice) et la SAS Goodyear France (distributrice) ont été mises en examen, mi-mai, par un juge d’instruction de Besançon. L’enquête porte sur trois collisions dans la Somme, le Doubs et les Yvelines, en 2014 et 2016, ayant provoqué la mort de quatre personnes. D’après l’enquête, les conducteurs ont à chaque fois perdu le contrôle de leur véhicule après l’éclatement du pneu avant gauche. Pour chacun de ces dossiers, les experts ont conclu que l’éclatement de ces pneus (Marathon LHS II ou Marathon LHS II+) n’était pas dû à une cause extérieure, mais à un défaut de fabrication. Selon le procureur, Goodyear aurait eu connaissance de ce défaut sur ces deux modèles sans organiser de campagne de rappel des pneus concernés. C’est Sophie Rollet, l’épouse de Jean-Paul Rollet, conducteur routier de 53 ans, décédé en juillet 2014 dans un accident sur l’A36, qui a porté l’affaire en justice après le décès de son mari.■ 8 Le groupe Prismeo poursuit son développement avec l’acquisition de la société CFC Transports, basée à Saint-Martinde-Crau (13) et dirigée par Philippe Curel. Fort d’une flotte d’une quinzaine de salariés, autant de tracteurs et d’une trentaine de semi-remorques, CFC a réalisé 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, notamment avec la collecte de palettes pour la grande distribution et l’industrie. En cédant son affaire fondée à Frontignan (34) en 2007, dont il avait déménagé le siège social dans les Bouches-du-Rhône en 2017 afin de se rapprocher de ses principaux clients, Philippe Curel va pouvoir anticiper son départ en retraite, tout en confiant son entreprise à un groupe qui devrait garantir sa pérennité. Le dirigeant du groupe Prismeo, Alain Dondainas, qui a déjà repris Catroux (41) et TBI (77) cette année, annonce vouloir faire une pause, le temps de digérer ces acquisitions. Basée à Houplines (59), son entreprise compte 850 collaborateurs, répartis sur 10 sites, et exploite une flotte de 600 moteurs. VC Le groupe Prismeo signe un nouveau rachat avec CFC Transports (13) Acquisition Pneus PL ACTUALITÉS © Photos DR …C’est dans l air Dans le cadre de la conférence «Ambition FranceTransports»,qui se déroulera jusqu’en juillet,l’UnionTLF a publié un document qui résume bien l’état d’esprit de la profession.Voici la synthèse de l’organisation patronale:redonner de la compétitivité au transport de marchandises français en réduisant les charges pesant sur les entreprises; lever les freins à la massification des flux de marchandises sur l’ensemble de la chaine logistiqueet définir un cadre clair et stable pour le développement du mix énergétique du transport de marchandises. ZOOM VolvoTrucksFranceaofficiellementlivré,le16maidernier,onzecamionsélectriques à Malherbe.Cette flotte comprend neuf modèles FHAero Electric et deux porteurs FL Electric (carrossés en fourgons).Une belle prise pour le groupe caennais. N°694 - JUIN 2025 TRANSPORT INFO C’est le nombre de camions de plus de 5 t immatriculés en France au mois d’avril, ce qui correspond à une baisse de 18,2% par rapport à la même période en 2024. Sur les quatre premiers mois de l’année, le marché accuse une chute de 17,9%,à 14977 unités. 3635 GOODYEAR MIS EN EXAMEN EN FRANCE Une figure du transport combiné rail-route s’en est allée. JeanClaude Brunier, patron du groupe Open Modal, est décédé le 4 mai à l’âge de 80 ans. Véritable croisé du report modal, cet entrepreneur chaleureux personnifiait depuis la création de l’opérateur T3M en 1990 la ténacité, mue par la conviction qu’un jour les circonstances permettraient à cette technique de décoller. «Peutêtre faut-il être un peu masochiste pour rester dans ce secteur», admettait-il dans les périodes difficiles, avec cette propension à râler qui constituait aussi le charme de ce visionnaire, deux fois président du GNTC. Sur son chemin, les obstacles pour permettre au pays de combler son retard par rapport aux voisins n’ont pas manqué: le monopole écrasant de la SNCF, les grèves des cheminots, les sillons de mauvaise qualité non compensés… Cependant, quand plusieurs opérateurs de transport combiné ont disparu ou changé de main, ce «pionnier du transport combiné rail-route en France», comme beaucoup de témoignages le qualifient sur les réseaux sociaux, s’est employé à bâtir, avec Open Modal, un groupe familial intégré, à l’image de certains transporteurs italiens ou allemands du secteur. Avec lui, la société Transport Auto Brunier (TAB), héritée de son père qui l’avait fondée en 1943, est devenue un maillon de cet ensemble, au même titre que T3M, BTM et Combirail. Le tout pèse près de 135 millions d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui. Synonyme de bond en avant technologique, le nouveau terminal Ouest Provence constituait sa dernière grande fierté. À sa famille, ses proches et ses collaborateurs, Transport Info adresse toutes ses condoléances. MF 9 L e projet d’électrification de la station AS24 du Plessis-Pâté (91), ouverte depuis juillet 2024, se concrétise avec la mise en service le 14 mai dernier de 3 bornes de recharge rapide d’une puissance de 400 kW. Cette station multiénergie, qui proposait déjà du gazole, du GNR, de l’AdBlue, du biocarburant HVO100 et du bioGNC, devient ainsi la première du réseau d’AS24 à offrir aux transporteurs routiers une solution de recharge de leurs camions électriques jusqu’à 44 tonnes. Dans la foulée, TotalEnergies et AS24 s’apprêtent à inaugurer des installations de recharge électrique dans cinq stations: Reims (51), Phalsbourg (57), Bussy-Saint-Georges (77), Rungis (94) et la station du relai des Palombières sur l’A89. Au total, AS24 a planifié, à court terme, d’équiper en bornes haute puissance 20 stations afin de développer son réseau de sites multiénergies dans l’Hexagone. RC AS24 ouvre plusieurs stations en France Camions électriques ACTUALITÉS Pour le tribunal administratif de Toulouse, gagner 25 minutes de trajet et sécuriser une route accidentogène entre Castres et Toulouse, ce n’est pas si important que cela […] Ce n’est pas un lobby, ce n’est pas le laboratoire Pierre Fabre qui pousse, c’est tout un territoire […] Le texte doit arriver à l’Assemblée le 2 juin pour permettre une validation définitive de cette loi et une reprise des travaux dans quelques mois. Extraits d’un entretien accordé par le député Renaissance JEAN TERLIER à Transportinfo.fr » « Il a dit… TRANSPORT INFO JUIN 2025 - N°694 Carnet noir J-C Brunier: pionnier du rail-route prix au rabais. Autre sujet récurrent en matière de concurrence déloyale : les 3,5 tonnes. Les conducteurs de VUL venus des pays de l’Est ciblent toujours les lots d’une à huit palettes en proposant des prix hyper compétitifs. «Ils passent encore sous les radars », déplore Jacques Portal, pour qui ce phénomène représente un fléau économique pour les transporteurs français et une aberration sur le plan écologique. «Ils consomment 14 litres aux 100 km avec une charge utile de moins d’une tonne, alors qu’un semi a une charge de 28 tonnes, pour une consommation de moins de 30 litres, explique-t-il. Vivement que le N°694 - JUIN 2025 TRANSPORT INFO 10 En défrayant la chronique, l’affaire Torello est venue rappeler que la concurrence déloyale était une tentation à laquelle succombaient des dirigeants pour répondre aux attentes de chargeurs peu scrupuleux. État des lieux. DOSSIER R évélée en février dernier par le journal Le Monde, l’affaire Torello a ému le microcosme du TRM, indigné par ces pratiques de concurrence déloyale. Si la Dreal s’en est mêlée en dressant quelques contraventions – sept au total, pour un montant de 17 405 € –, les dossiers se multiplient. Récemment, la Dreal Centre-Val de Loire a ainsi épinglé deux sociétés lituaniennes, UAB Petva et UAB Transalda. En contrôlant leurs camions, les contrôleurs ont, là aussi, mis en évidence le non-respect des règles relatives au temps de conduite et de repos. Et encore, ces exemples ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, car les 530 contrôleurs routiers des Dreal ne sont pas assez nombreux pour mener tous les combats nécessaires. Comme le rappelle Jacques Portal, président des Transports Georges Portal, la concurrence déloyale est « un serpent de mer toujours actif». Il y a quelques semaines, il a constaté qu’un affréteur basé dans le sud de la France réalisait des appels d’offres en sélectionnant uniquement des sociétés employant des étrangers. « Je ne saurais dire si ces entreprises sont en règle ou pas. C’est le travail de la Dreal, mais, même légale, la concurrence de ces étrangers est déloyale», assuret-il, avant d’en faire la démonstration : « Dans le droit social de notre pays, un conducteur français qui travaille 200 heures revient, avec les charges et les congés payés, à environ 5000€ par mois à son employeur, soit 25 € de l’heure. Tandis qu’un conducteur étranger, qui peut faire jusqu’à 250 heures, coute en moyenne 2 000 € par mois, soit huit euros de l’heure, en respectant les règles européennes», détaille le dirigeant. CES TRANSPORTEURS FRANÇAIS QUI FONT BOSSER DES ÉTRANGERS De gros transporteurs français n’auraient aucun scrupule à profiter de cette situation. «Lors des appels d’offres, ils demandent un prix pour une relation. Pour un Marseille-Bordeaux, un Français a besoin de 900€. Un étranger, qui économise 20 % sur le social, peut se permettre de proposer 720€, ce qui permettra à l’affréteur d’enregistrer une marge de 140 €. Ce sont des transporteurs français qui font bosser ces étrangers », souligne Jacques Portal. Quant aux chargeurs, ils sont complices, dans la mesure où ils ferment les yeux dès l’instant où ils ont des tarifs moins chers sur la table. Et en ce moment, en raison de la situation dégradée de l’économie, ils sont nombreux à succomber à la tentation des TEXTE : VALÉRIE CHRZAVZEZ - PHOTOS : DR POURQUOI LES TRANSPORTEURS FRANÇAIS SONT ENCORE PÉNALISÉS Concurrence déloyale STRATÉGIE & MARCHÉS 11 Jacques Portal et ses enfants Carole et Paul. TRANSPORT INFO JUIN 2025 - N°694 Le combat quotidien d’Isabelle Maître (FNTR) Veiller à une concurrence loyale au niveau européen est le combat quotidien d’Isabelle Maître, déléguée permanente de la FNTR à Bruxelles. «Des affaires comme Torello ou comme l’entreprise slovaque Global Transporte, sous-traitante du groupe allemand Hegelmann, qui faisait travailler à bas prix des conducteurs venus d’Afrique, ne sont pasdescasisolés»,reconnait-elle.Mais Isabelle Maître préfère mettre en avant le travail réalisé pour obtenir les règles européennes du paquet Mobilité et miser sur l’arrivée du nouveau chronotachygraphe pour cibler les entreprises en infraction lors des contrôles. Car les moyens humains pour veiller à l’application des textes en vigueur font défaut. «Les contrôles visant à vérifier que les conducteurs étrangers sont bien payés au salaire minimum français lorsqu’ils effectuent des livraisons dans le cadre ducabotagerestentencorerares»,citet-elle en exemple. La concurrence des VUL venus de l’Est demeure un sujet préoccupant, mais la représentante de la FNTR espère que l’obligation d’installer un chronotachygraphe dans ces véhicules, à compter du 1er juillet 2026, porterasesfruits.IsabelleMaître,quiregrettequelaCourdejusticeeuropéenne ait annulé l’obligation de retour des véhicules toutes les huit semaines dans le pays d’établissement, n’entend pas en rester là.«Cette mesure a été abandonnée faute d’étude d’impact. Nous allons nous battre pour la réintroduire.» Autre combat: «Informer les conducteurs de pays tiers de leurs droits dans les pays où ils travaillent; car cela doit s’effectuer dans les mêmes conditions que les nationaux.» Une déclaration commune de l’IRU et de l’ETF (fédération syndicale des travailleurs du transport) sur ce thème des conducteurs tiers est d’ailleurs en préparation, nous a confié Isabelle Maître. nouveau chronotachygraphe puisse vérifier que les règles européennes sont appliquées également par ces véhicules!» DES ROUTIERS TURCS AU PORT DE SÈTE « Ces VUL, on en voit quand même moins qu’il y a dix ans, parce que les Ukrainiens ne sont plus là et que l’interdiction du repos hebdomadaire, valable aussi pour ces véhicules, a joué un rôle», assure de son côté Frédéric Domenge, secrétaire général de l’Otre Aveyron. Il regrette en revanche que les autorités n’aient pas eu la volonté de régler le problème des routiers turcs, qui attendent les remorques arrivant au port de Sète. « Depuis que nous avons dénoncé cette pratique illégale, ils se sont juste déplacés du port de Toulon vers celui de Sète, sans être inquiétés. Ils sont toujours dans l’illégalité par rapport aux règles de cabotage», avance-t-il. L’Otre pointe un manque de volonté des autorités pour stopper cette pratique. « Nous avons eu des réunions Frédéric Domenge. © WAD © VP LE NOUVEAU CHRONOTACHYGRAPHE 1C-V2 ATTENDU COMME LE MESSIE. « » Les VUL venus des pays de l’Est proposent toujours des prix hyper compétitifs. 12 avec le préfet et le directeur de la CCI, mais on nous a répondu qu’intervenir nuirait à l’industrie automobile française, déjà en difficulté», s’indigne Frédéric Domenge. Pour rester positif, il mise sur l’arrivée du nouveau chronotachygraphe 1C-V2, qui devrait permettre d’assainir la situation en facilitant les contrôles. «Il suffira aux contrôleurs d’utiliser une scanette pour repérer les camions en infraction, sans avoir à les arrêter. Ils pourront ainsi prévenir leurs collègues en N°694 - JUIN 2025 TRANSPORT INFO DOSSIER Transport Info: L’Affaire Torello aura-t-elle un impact durable? Jean-Marc Rivera: Cette affaire a mis en évidence l’impact du cabotage et les dérives associées. Le contrôle coup de poing a été efficace, avec des sanctions importantes à la clé. Cela motive notre combat pour renforcer les contrôles. TI: Pensez-vous que les nouvelles technologies vont permettre de veiller au respect des règlementations? J-M R: Nous ne pourrons pas être efficaces avec les seules forces de la Dreal. Il est primordial d’effectuer des contrôles réguliers, afin que ceux qui ne respectent pas les règles se sentent en insécurité. Nous nous sommes battus pour la mise en place du nouveau tachygraphe. Son installation a couté cher aux entreprises françaises et il est essentiel d’assurer son efficacité. Cet outil va grandement faciliter les contrôles, mais il faut une réelle volonté politique pour les mener. Je sais que la gendarmerie met en place des formations pour pouvoir intervenir. Ce nouveau chronotachygraphe, qui permet de suivre la géolocalisation des véhicules, mettra en évidence le respect – ou non – des règles de cabotage et permettra de vérifier plus facilement si les travailleurs détachés sont en règle. Si ces contrôles deviennent plus fréquents, nous pourrons enfin lutter contre la concurrence déloyale, qui contribue à la baisse des prix. En creusant, on découvrira certainement d’autres affaires, car, si Torello est un cas extrême de transport à bas cout, il existe aussi ici et là des pratiques similaires pour de petits chargements. C’est pourquoi il est crucial de renforcer les contrôles, tant sur les lieux de déchargement que sur les routes au quotidien. TI: Le fait que les VUL doivent aussi être équipés de ces chronos va aussi dans le bon sens… J-M R: À partir du 1er juillet 2026, le chronotachygraphe devient en effet obligatoire pour les VUL effectuant du transport international, ce qui permettra de mieux les contrôler. Mais il faut aussi agir vis-à-vis des chargeurs. Dans l’affaire Torello, comment croire que le chargeur n’était pas au courant, alors que les chauffeurs dormaient sur son parking? Il a simplement fermé les yeux. Appliquer la coresponsabilité est indispensable, car sans donneurs d’ordre encourageant ces pratiques, il n’y aurait pas de cabotage illégal. L’affaire Torello a permis une prise de conscience au niveau national. Il faut surfer sur cette dynamique et démontrer que ce que nous dénonçons est une réalité: le cabotage illégal existe, et certains en profitent pour capter des marchés. Il faut multiplier les contrôles pour traquer ces infractions. C’est essentiel, car il en va de la sécurité de nos routes et de l’avenir de nos entreprises. ■ «SANS CHARGEURS ENCOURAGEANT CES PRATIQUES, IL N’Y AURAIT PAS DE CABOTAGE ILLÉGAL» JEAN-MARC RIVERA, délégué général de l’Otre 3 QUESTIONS À… Nouveau chronotachygraphe: le calendrier jusqu’en 2026 Avec l’introduction en aout 2023 de la deuxième génération du chronotachygraphe 1C, issu du paquet Mobilité entré en vigueur en 2022, un calendrier avec plusieurs échéances de déploiement a été mis en place par la Commission européenne. Ainsi, tous les véhicules immatriculés à partir du 21 aout 2023 doivent être équipés de ce nouveau tachygraphe 1C-V2. La seconde échéance, arrivée à terme le 28 février 2025, concerne le rétrofit obligatoire des appareils analogiques (les plus anciens installés à bord des camions avant 2006) et ceux de génération 1B (tachygraphe numérique mis en circulation entre 2006 et 2019). Rappelons que cette obligation ne concerne que les camions de transport international qui traversent les frontières de l’UE. Les deux prochaines échéances du calendrier de déploiement du tachygraphe 1C-V2 arriveront à l’été 2025, puis en 2026. D’abord avec le rétrofit obligatoire des versions 1C-V1 (en circulation depuis 2019) au plus tard le 21 aout 2025. Puis, à partir du 1er juillet 2026, ce sont les véhicules à partir de 2,5 tonnes qui devront être équipés de l’appareil de contrôle des temps d’activité. amont pour effectuer des contrôles ciblés.» Si certains des adhérents de l’Otre se plaignent de devoir dépenser 1200 euros pour changer de chronotachygraphe, il leur assure: «C’est de l’argent bien placé pour résoudre certains problèmes et dissuader les pratiques illégales des entreprises qui abusent, qu’elles soient françaises ou étrangères. Il faudra sans doute attendre un an ou deux pour en voir les effets, mais je reste convaincu que cela va dans le bon sens.» ■ © WAD 14 N°694 - JUIN 2025 TRANSPORT INFO S pécialisé en m e s s a g e r i e i n d u s t r i e l l e , MTA a été créé en 1972 à Couëron (44) par Jean-Luc Tison. L’entreprise est désormais codirigée par ses fils, Jean-Marc et Éric. Le premier assure les TOUS LES COMPTEURS SONT AU VERT Fort d’une année 2024 réussie et d’une montée dans le club des ETI, le groupe MTA, codirigé par Jean-Marc et Éric Tison, travaille à finaliser sa couverture nationale en continuant à s’appuyer sur des promotions internes. Zoom sur un transporteur qui ne connait pas la crise. À LAUNE MTA (44) fonctions régaliennes (comptabilité, management, ressources humaines, informatique, achats) et suit quelques clients, tout en coordonnant l’orientation RSE de l’entreprise. Son frère Éric gère le gros de la clientèle. Il est aussi chargé du développement du réseau et de l’animation des sites. Et en la matière, il a été actif, puisque le groupe a connu une importante croissance organique. « Nous étions sur un site supplémentaire par année. Nous en sommes désormais à 27 et nous en avons 3 autres en cours de réalisation, dont l’un devrait être finalisé fin 2025, les deux autres d’ici trois ans », avance Éric Tison. Le dirigeant reconnait qu’il aurait même pu aller plus vite en opérant des acquisitions. «Mais nous avons préféré prendre le temps de choisir avec soin les lieux où nous implanter pour compléter notre réseau. Et cette approche nous permet de rester fidèles à notre stratégie en méritocratie. Lorsque nous avons un besoin de recrutement, notre premier réflexe est de proposer le poste en interne, en offrant à certains candidats, parfois autodidactes, de les accompagner par des formations », tient-il à préciser. Toujours dans le but de fidéliser ses équipes, les deux frères ont ouvert le capital de MTA à une dizaine de cadres et envisagent un nouveau tour de table pour y intégrer de nouveaux collaborateurs méritants. En attendant, c’est l’allemand Rhenus qui est rentré dans le capital, il y a deux ans, en prenant 5%. Rhenus, qui est sous-représenté en France, avait identifié MTA comme une cible potentielle pour s’implanter dans l’Hexagone. © Photos DR
TRANSPORT INFO n°694 - Page 1
TRANSPORT INFO n°694 - Page 2
viapresse