LES VEILLEES DES CHAUMIERES n°3625 - Page 9 - 3625 2 SOMMAIRE DR PHOTOS COUVERTURE: – KIOSQUE: DARIUS SALIMI-FTVCYRILPROD - CC - DMITRIY KONSTANTINOV - WIKIMEDIA COMMONS - SHUTTERSTOCK (X 2) - AMÉLIE ROCHE/INTERFEL – ABONNÉS: SHUTTERSTOCK (X 2) - DARIUS SALIMI-FTV-CYRILPROD - AMÉLIE ROCHE/INTERFEL 5 Actualité À Tulle, l’accordéon est le roi des flonflons 6 Exposition L’art est (aussi) dans le pré 10 L’almanach de juillet 12 Religion du monde Le sikhisme, cette religion qui célèbre la gentillesse 14 Le monde religieux Gianna Beretta Molla, une sainte très maternelle 16 Bien-être 10 petits bonheurs pour profiter de l’été 18 Santé pratique Bronzer, oui, mais pas sans protection! 20 Toute une vie Cyril Féraud, le petit prince de la télé 22 Métier d’autrefois Le luthier en guitare fait vibrer la corde sensible 24 Il était une fois… Mary Poppins, la dernière bataille de Walt Disney 26 Toute une vie Pierre Perret tire sa révérence 28 Nos jeux de la semaine 30 Télé culte Envoyé spécial… La star, c’est l’info 32 Toutes vos lettres 33 Le coin lecture 34 Nouvelle Au théâtre des sentiments 41 Vos poésies 42 Feuilleton 3 – Les promesses de Venise 48 Nouvelle Dans la compagnie des arbres 54 Feuilleton 14 – De l’eau qui dort 59 Cartes postales 61 La voix du poète Les Solitaires, de Renée Vivien 62 La petite histoire Le visionnaire 64 Nouvelle Roulez jeunesse! 70 Coloriage L’Oiseau, de Jules Michelet 72 Feuilleton De père en fils 78 Le livre à offrir Les Allongés, de Jeanne Galzy Édito La nostalgie n’est jamais triste quand elle convoque de bons et joyeux souvenirs… C’est en partant de cette envie que nous vous avons tricoté ce numéro. Ainsi, quelle chanson populaire allez-vous fredonner après la lecture de nos différents articles? Le Mexicain, de Marcel Amont (p. 96)? La Cage aux oiseaux ou Mon p’tit loup, de Pierre Perret (p. 26)? Et pourquoi ne pas vous réessayer à lancer, à votre entourage ébahi, un tonitruant «Supercalifragilisticexpialidocious» après vous être plongée dans la genèse de Mary Poppins (p. 24)? Ne vous privez d’aucun de ces petits bonheurs qui passeront à votre portée. Et si vous êtes en manque d’inspiration, découvrez, p. 10, des idées pour enchanter votre été. Bonne lecture, et rendezvous le 10 juillet prochain. Bien-être 10 petits bonheurs pour profiter de l’été 16 16 SHUTTERSTOCK 3 Du 26 juin au 9 juillet 2024 80 Clin d’œil Un choix tragique 82 Chers objets Sur la balance 84 Bonheur du jour Aimer sans attendre 86 Vie d’artiste David Hockney, l’héritier de l’impressionnisme 90 Ils ont aussi fait la télé Gérard Majax et Garcimore, deux magiciens du petit écran 92 Nos jeux de la semaine 94 Un lieu et ses secrets Cochem, un village de conte de fées 96 Chansons de légende Le Mexicain, la fantaisie la plus «caliente» de Marcel Amont 98 Illustre inconnu M. de La Palice, évidemment! 99 Solution des jeux 100 La bonne cuisine Régalez-vous avec les fruits jaunes! 106 Nos amis les animaux Observons les oiseaux de nos jardins 108 Nos amis les animaux Pourquoi la France aime tant les lamas? 110 Allons au jardin Groseilles et cassis, délices des beaux jours 112 Allons au jardin Quand la rose nous surprend… 115 Le musée en clair Giverny by DH, de David Hockney 116 Le musée des Veillées Allons au jardin Quand la rose nous surprend… 112 CC - DOMINICUS JOHANNES BERGSMA - WIKIMEDIA COMMONS Une publication du groupe Reworld Media ÉDITEUR REWORLD MEDIA MAGAZINES (SAS) 40, avenue Aristide-Briand – 92220 Bagneux Directeur de la publication: Gautier Normand Actionnaire: Président Reworld Media France (RCS Nanterre 477 494 371) Tél. accueil: 01-41-33-50-00 RÉDACTION redaction.veillees@reworldmedia.com Directrice de la rédaction: Linda Bouras Rédactrice en chef : Annie Viaud Assistante de la rédaction: Patricia Molnar Rédactrice en chef technique : Delphine Brengou Cheffe de service fiction: Valérie Dufils Première secrétaire de rédaction: Annie Touzé Courrier des lecteurs: Ouarda Akdache oakdache@reworldmedia.com Première rédactrice graphiste: Soifia Hanami Rédactrice graphiste: Ouarda Akdache Iconographe: Christian Rousselet DIRECTION-ÉDITION Directeur exécutif: Stéphane Haitaian Directeur d’édition: Tommaso Albinati ABONNEMENT ET DIFFUSION Directrice marketing direct: Catherine Grimaud Cheffe de marché senior: Aurore Dehé Responsable des ventes: Jacky Cabrera Responsable service diffusion: Philippe Merrien SERVICE ABONNEMENT Tél. 01-46-48-48-99 Du lundi au samedi de 8 h à 20 h Mail: formulaire sur www.serviceabomag.fr Courrier : Service abonnement Les Veillées des Chaumières 59898 LILLE Cedex 9 FABRICATION Directeur des opérations industrielles : Bruno Matillat Prépresse/Photogravure : Sylvain Boularand, responsable de service Fabrication : fabcompos@fabricationrm.com Impression : Rotochampagne, 2, rue des Frères-Garnier, 52000 Chaumont AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL Origine du papier Allemagne Taux de fibres recyclées 80% Certification PEFC Impact sur l’eau Ptot 0,006 kg/tonne DÉPÔT LÉGAL: juin 2024 PRIX AU NUMÉRO: 4,95 € N° ISSN: 0750-4039 N° CPPAP: 0228 K 80260 Les manuscrits non insérés dans Les Veillées ne sont pas rendus à leurs auteurs. Dans nos textes de fiction, toute ressemblance avec des situations, des personnes ou des patronymes existant ou ayant existé serait purement fortuite. REJOIGNEZ NOUS DEUX SUR FACEBOOK.COM/NOUSDEUXMAG AVEC Votre romance de la collection by En vente actuellement AVEC AVEC A Vot Vot V re romance de la collection b by Une union de convenance qui pourrait bien révéler de véritables passions… 2.60* € SEULEMENT EN + DE NOUS DEUX *Ce prix est valable uniquement dans le cadre de l’offre promotionnelle proposée chez votre marchand de journaux dans la limite des stocks disponibles : le magazine Nous Deux 2,40 € + le livre 2,60 € = 5 €. Le magazine Nous Deux seul est disponible au prix de 2,40 €. 5 Actualité À Tulle, l’accordéon est le roi des flonflons Gilles Lecouty, dit Gilou, l’accordéoniste du groupe Licence IV, se produira au Dancing des Mélodies. FESTIVALE LES NUITS DE NACRE L a paternité de l’instrument revient, selon les historiens, à un facteur de pianos autrichien nommé Cyrille Demian, qui avait breveté son «accordion» dès 1829. Il s’agissait d’un accordéon jouet, doté d’un clavier unique à cinq touches, fabriqué massivement en Allemagne, en Italie et en France dès les années 1850. La fin du siècle verra l’arrivée de l’accordéon traditionnel avec ses deux claviers différents. Utilisé par les immigrés italiens, il remplace la musette, une sorte de petite cornemuse dont jouent les Auvergnats montés à Paris. C’est l’instrument qui fera danser dans les fameux bals musettesnouvellementnommés, au début du XXe siècle. Des décennies plus tard, la Corrèze demeure une terre d’accordéon.Ledépartementabrite d’ailleurs la manufacture Maugein, reconnue«entrepriseduPatrimoine vivant» créée en 1919 par un accordeur de piano. C’est encore dans ce département, à Tulle, que se tient, chaque année, depuis 1982, une grande fête du «piano du pauvre»: créées en 1982, les Rencontres internationales de l’accordéon sont devenues en 1988 les Nuits de Nacre. Ce festival unique propose sur trois journées des dizaines de concerts, expositions et animations autour du «piano à bretelles». Beaucoup de ces spectacles sont gratuits: rendezvous place Gambetta, place Jean-Tavé, quai Baluze, dans les bars et restaurants, mais aussi dans les rues pour des déambulations musicales. Les concerts payants se tiennent au théâtre (Ablaye Cissoko et Cyrille Brotto, le 29 juin), au cloître (Fred Langlais et Sam Garcia, le 30) juin, à la Cité de l’accordéon et des patrimoines (voir Les Veillées n° 3624), inaugurée en avril dans les anciens bâtiments de la Banque de France (Bernadette chante Barbara, le 29) et au Dancing des Mélodies où est notamment attendu Gilou, de Licence IV. Enfin, le dimanche 30 juin se tiendra le premier concours d’accordéon chromatique ouvert aux élèves des conservatoires et des écoles de musique de tous niveaux. Hugues BERTHON Pendant trois jours, du vendredi 28 au dimanche 30 juin, la préfecture de Corrèze va vivre au son de l’accordéon. Le festival Les Nuits de nacre attire ici rois et princes du «piano à bretelles» et toute une cour prête à célébrer cet instrument patrimonial. 6 Exposition C eci n’est pas un tracteur.» L’œuvre monumentale à l’entrée de l’exposition du musée des Abattoirs de Toulouse évoque la célèbre formule du peintre René Magritte «Ceci n’est pas une pipe.» Réalisée par l’artiste Pascal Rivet, cette reproduction en bois grandeur nature d’un tracteur datant des années 1970 plonge d’emblée le visiteur dans le monde agricole. Plus loin, une vidéo intitulée Jour de fête montre l’artiste mettant le feu à l’une de ses œuvres-tracteurs à l’occasion de la fête de la Saint-Jean. Le rituel séculaire célébrant les moissons devient un moment ambigu, qui interpelle sur les espoirs déçus et les conditions de vie et de travail d’un monde rural en souffrance. L’idée de cette exposition, loin d’être monoculture, a germé bien avant la montée de la colère agricole et que les agriculteurs ne bloquent les routes. À travers près de 150 œuvres, elle explore les relations entre artistes et paysans à l’aune des enjeux auxquels fait face l’agriculture aujourd’hui. Le parcours débute par une première salle autour de la figure du paysan revisitée par les artistes d’aujourd’hui, dont certains se disent «artgriculteurs». Issue d’une famille d’agriculteurs ardéchois, l’artiste Nina Ferrer-Gleize confronte la vie paysanne aux stéréotypes de la représentation du travail agricole dans l’histoire de l’art. Dans la ferme de son oncle, éleveur laitier, l’iconographie paysanne appartient au quotidien depuis des générations: les toiles des Glaneuses et L’Angélus de Jean-François Millet, devenues images d’Épinal, sont brodées, mises sous cadre, voire reproduites sur de la vaisselle. Fils d’agriculteurs, Damien Rouxel se réapproprie la ferme familiale pour en faire un terrain de jeu artistique, un théâtre dans lequel ses parents et sa sœur se prêtent au jeu. À travers sa série photographique Histoires de famille, l’artiste réinterprète des chefs-d’œuvre: la Pietà de Michel-Ange, Le Trois Mai 1808 à Madrid par le peintre Francisco de Goya ou encore Les Glaneuses de Jean-François Millet rebaptisé LesFéeseuses.DamienRouxelsephotographieavec sonpèreetsasœuraffublésd’ailesdeféesaumilieu des bottes de foin. Dans l’œuvre tissée The Total L’art est (aussi) dans le pré Damien Rouxel, Showtime!, de la série Fiertés (2023). Photographie. PHOTO COURTESY DE L’ARTISTE Dans les anciens abattoirs de Toulouse, transformés en musée d’art moderne et contemporain, une exposition retrace les liens entre l’art et le monde agricole à travers les siècles. Une plongée dans un univers rural en constante évolution. « 7 Happiness,HassanMusadétournelecélèbretableau en remplaçant l’avocat par le blé. Le fruit devenant le symbole d’une production mondialisé. Millet, le maître du sujet paysan La figure du peintre-paysan, ancêtre de l’«artgriculteur», naît au milieu du XIXe siècle avec JeanFrançois Millet. Issu du milieu agricole et se définissant comme «paysan, et rien qu’un paysan», ilsepassionnepourlesscènesdegenredelaréalité rurale. La Bergère avec son troupeau reflète le rude travail de la terre dans une campagne préservée de la révolution industrielle. Dans l’iconique Angélus, Millet met en scène un homme et une femme récitant l’Angélus, prière qui rappelle la salutation de l’ange à Marie lors de l’Annonciation. Ils ont interrompu leur récolte de pommes de terre. Tous les outils, la fourche, le panier, les sacs et la brouette sont représentés. Il raconte à l’époque: «L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grandmère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’Angélus pour ces pauvres morts.» C’est donc un souvenir d’enfance qui est à l’origine du tableau et non la volonté d’exalter un quelconque sentiment religieux. Millet souhaite y fixer les rythmes immuables des paysans. Isolé au premier plan, au milieu d’une plaine immense et déserte, le couple de paysans prend des allures monumentales, malgré les dimensions réduites de Jean-François Millet, Bergère avec son troupeau (vers 1863). Huile sur toile. Pierre Toulgouat, Femme fauchant (1938). Photographie. RMN GRAND-PALAIS (MUSÉE D’ORSAY) © PHOTO MICHEL URTADO PHOTO MUCEM 8 Exposition la toile. Leurs visages sont dans l’ombre, tandis que la lumière souligne gestes et attitudes. La toile exprime un profond sentiment de recueillement. Millet dépasse l’anecdote pour tendre vers l’archétype. C’est sans doute ce qui expliquera le succès du tableau: objet d’un incroyable engouement patriotique lors de sa tentative d’achat par le Louvre en 1889, vénéré par Salvador Dalí, lacéré parundéséquilibréen1932,ildevientauXXe siècle mondialement célèbre. Son portrait de vanneur, lui, fit scandale à sa présentation au Salon officiel de 1848. Abandonnant les mythologies et le pittoresque, Millet fait du paysan un héros des temps modernes,saisienpleineffortdanslaréalitédeson travail. Il se cambre, soulève la corbeille en osier de son genou, secoue le grain, faisant voleter des paillettes d’une poussière qui emplit la grange. Si la critique fustige le sujet, Millet va devenir, pour les générations futures, le maître du «sujet paysan». Des glaneuses de Jules Breton à celles d’Agnès Varda Léon Lhermitte, Rosa Bonheur, Jules BastienLepage, Courbet, Van Gogh ancrent, pour quelques décennies encore, ces thématiques dans la modernité artistique. Jules Breton consacre une grande partie de son œuvre au monde agricole et à ses traditions, à commencer par le glanage, qui consiste à ramasser après la moisson les récoltes oubliées au sol. Il idéalise la figure de la glaneuse: l’abondance de la récolte et l’attitude des femmes donnent à la scène une noblesse qui occulte la dureté du labeur. Au tournant du XXIe siècle, la photographe et réalisatrice Agnès Varda propose une relecture de cette pratique héritée du Moyen Âge. Dans un documentaire, elle retrace le quotidien de ceux qui récupèrent, recyclent et redonnent vie aux objets et aliments dont on ne veut plus. À l’occasion de ce tournage, elle se passionne pour la pomme de terre. Le tubercule devient son obsession. Dans sa cave, elle en stocke des tonnes en forme de cœur pour les filmer ou les photographier. À la Biennale de Venise de 2003, habillée d’un costume de patate, elle présente sa nouvelle installation, Patatutopia: un parterre de 700 kg de pommes de terre accompagnées d’images et vidéos à l’honneur du légume. Le champ des beaux-arts Au même titre que les paysans, les animaux sont une source d’inspiration pour les peintres. L’exposition ne fait pas l’impasse sur Rosa Bonheur, qui révolutionna la peinture animalière au milieu du XIXe siècle. Comme en témoigne l’une des œuvres exposées, Trois Bœufs roux au pâturage, elle se passionne pour la représentation des bovidés. Elle peint avec précision les attitudes de chaque animal, en portant une attention particulière à leur regard et à leur expressivité. Le Labourage nivernais, commandé par l’État à la suite de la médaille d’or qu’elle reçut au Salon en 1848, est le tableau qui fit véritablement décoller la carrière de Rosa Bonheur. Cette scène décrit le premier labour, appelé sombrage, que l’on effectue au début de l’automne et qui ouvre la terre afin de l’aérer pendant l’hiver. On y voit, dans une plaine vallonnée et fermée par un coteau boisé, deux attelages de bœufs tirant de lourdes charrues sous la baguette de paysans. La peintre se serait rendue sur place pour observer les différentes races de bovins, notamment les bœufs du CharolaisNivernais, à la robe rousse et blanche. On ressent presque la souffrance dans l’œil effaré que nous Agnès Varda, photographie prise sur le tournage du film Les Glaneurs et la Glaneuse (2000). Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Culte (2017). Tissu, coton, lin, peinture et bois. CINÉ-TAMARIS A. FERRUEL ET F. GUÉDON ; © PHOTO NICOLAS PFEIFFER 9 jette l’un d’entre eux au centre de la scène. Si les animaux sont peints en détail, les paysans qui les conduisent ne sont pas le sujet de la toile. Les techniques agricoles au musée Après la Seconde Guerre mondiale, les outils évoluent, de nouvelles machines toujours plus performantes sont utilisées par les paysans. Alors que l’iconographie les représentait accompagnés d’animaux de trait, le tracteur apparaît et devient le symbole du monde agricole moderne. L’ancien musée national des Arts et Traditions populaires, aujourd’hui musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille, a collecté les outils et instruments de l’agriculture et de l’élevage en France. L’objectif étant de témoigner de techniques révolues pour en conserver la mémoire et rendre compte de l’immense diversité des outils avantleurstandardisationàpartirdesannées1950. Les vitrines présentent faux, charrues, cloches ou sabots. Le musée des Arts et Traditions populaires, créé sous le Front populaire par Georges-Henri Rivière, passera commande à des artistes dans le cadre de «chantiers intellectuels». C’est ainsi que Jean Amblard aura pour mission d’interpréter les aspects intimes de la campagne française durant la Seconde Guerre mondiale. L’artiste se rend en Auvergne et rapporte des dessins au crayon et à la plume témoignant de la vie agricole et attestant de la présence de certaines traditions héritées du XIXe siècle. Un homme semant à Montcheneix n’est pas sans rappeler Le Vanneur de Millet. À raison de vidéos, photographies, peintures ou installations, la cinquantaine d’artistes présents racontent chacun à leur manière l’exode rural, l’industrialisation, la disparition d’une certaine agriculture, de ses traditions, jusqu’à la transformation des paysages. Une invitation à «tous ceux qui n’aiment pas les monocultures, que ce soit en art ou en agriculture», comme l’écrit joliment Myvillages, un collectif d’artistes qui exposent ses œuvres autant dans les musées que dans des granges. Sandrine TOURNIGAND Rosa Bonheur, Trois Bœufs roux au pâturage (1899). Huile sur toile. Thierry Boutonnier, Expliquer les objectifs de la production laitière aux vaches (2005). Photographie. RMN GRAND-PALAIS (CHÂTEAU DE FONTAINEBLEAU) © PHOTO JEAN-PIERRE LAGIEWSKI ADAGP, PARIS, 2024 © PHOTO COURTESY DE L’ARTISTE Exposition Artistes et Paysans, battre la campagne, au musée des Abattoirs, à Toulouse (31300). Jusqu’au 25 août. Renseignements: lesabattoirs.org 10 L’almanach de juillet CC - THÉODORE GÉRICAULT - WIKIMEDIA COMMONS L’été bat son plein! Enfants et parents sont en vacances et, pour la plupart d’entre nous, l’heure est au farniente. Au parc, à la plage, en terrasse ou au jardin… Profitons-en! L e 2 juillet 1816, la frégate La Méduse fait cap vers le Sénégal quand, au large de l’actuelle Mauritanie, suite à une erreur d’estimation de son commandant de bord, le navire est dirigé vers des hautsfonds sur lesquels il s’échoue. Les tentatives pour le renflouer sont vaines et, quand une tempête se lève, les ancres cèdent et le voilier – jeté sur des récifs – brise sa quille et prend l’eau. Il faut évacuer. Comme les six embarcations de sauvetage ne suffisent pas pour les 400 passagers, on construit à la hâte un radeau qui sera remorqué par les canots et 147 marins et soldats s’y entassent. La mer est mauvaise et, très vite, l’amarre reliant le radeau surchargé aux canots se rompt. L’embarcation dérive, s’enfonce sous le poids de ses passagers, qui se disputent le centre du radeau. Les provisions épuisées, les naufragés se rabattent sur les barriques de vin pour étancher leur soif et tromper la faim, et ils s’enivrent: le conflit entre eux vire au pugilat et fait des dizaines de victimes. Douze jours plus tard, lorsque le radeau est enfin secouru, il ne reste que 15 hommes à bord… La tragédie connaît un retentissement immense et, comme la plupart des Français, un jeune peintre de 26 ans a suivi l’affaire avec passion: il s’appelle Théodore Géricault et le drame du radeau de La Méduse lui inspire l’œuvre monumentale que l’on peut voir aujourd’hui au musée du Louvre. Le radeau de La Méduse Une erreur humaine fut la cause du drame qui inspira ce chef-d’œuvre. 11 Un petit gâteau associé pour l’éternité à l’œuvre de Marcel Proust! Une habile botte secrète, aujourd’hui devenue synonyme d’attaque déloyale. Juillet, le soleil, la chaleur, les plantes ont soif et leur arrosage requiert bon sens, temps et connaissances. Du bon sens et du temps: on arrose tard le soir, quand la terre a fraîchi, ou tôt le matin, jamais aux heures chaudes, sauf à voir la majeure partie de l’eau s’évaporer. On arrose lentement et longuement pour que l’eau pénètre en profondeur, et favorise la croissance verticale des racines (un arrosage superficiel les incite à se développer en surface et à souffrir de la chaleur). Plus on s’éloigne du milieu d’origine des plantes, plus elles sont fragilisées. Le sol des hortensias doit être maintenu dans une humidité relative qui serait nuisible aux lavandes. Enfin, tout jardinier sait qu’un binage, grâce auquel l’eau pénètre mieux, vaut deux arrosages et qu’un paillage en vaut dix. La bonne quantité Fils d’un professeur de médecine, Marcel Proust naît à Paris le 10 juillet 1871. Entre 1913 et 1927, il publie À la recherche du temps perdu, romanfleuve composé de sept tomes (les trois derniers parurent après sa mort) où le style est caractérisé par de très longues phrases composées de centaines de mots. Lorsque le romancier écrit le premier tome, Du côté de chez Swann, il ignore sans doute que le souvenir incarné d’une madeleine deviendra l’un des passages les plus célèbres de la littérature française: «Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.» Le goût des madeleines par Sabine Hébert Sur la terrasse du château de Saint-Germain-en-Laye, le 10 juillet 1547, deux hommes se préparent à s’affronter en duel devant Henri II et sa cour. La foule s’agite devant ce qui ressemble à une exécution programmée tant les adversaires sont de force inégale: d’un côté le fragile Guy Charbot, baron de Jarnac, de l’autre François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie, un colosse et l’un des meilleurs duellistes de France. Conscient de son infériorité, Guy Chabot s’est préparé au combat en fréquentant une salle d’armes où le maître d’armes italien lui a enseigné quelques bottes secrètes. Le jour dit, après quelques passes d'armes classiques, Jarnac frappe par surprise son adversaire au jarret. Le colosse, vaincu, tombe à terre. Jarnac a gagné! Synonyme d’habilité, l'expression «coup de Jarnac» entre ainsi dans le langage courant mais sera détournée de son sens à la fin du XVIIIe siècle, devenant synonyme de manœuvre. Le coup de Jarnac PHOTOS SHUTTERSTOCK (X 3) BRIDGEMAN IMAGES BRIDGEMAN IMAGES
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