LES VEILLEES DES CHAUMIERES n°3643 - Page 6 - 3643 2 SOMMAIRE DR 5 Actualité Le Lac des cygnes, un mythe aux débuts difficiles 6 Exposition Christofle, la haute orfèvrerie à la française 10 L’almanach de mars 12 Le monde religieux Bienvenue à Bénarès, capitale spirituelle de l’Inde 14 Le monde religieux Étienne Douaihy, héros des chrétiens d’Orient 16 Santé pratique Quels aliments privilégier pour prévenir les calculs rénaux? 18 Psycho Mais pourquoi je planifie tout? 20 Toute une vie Flavie Flament, itinéraire d’une femme libre 22 Les grandes séries d’hier Marc et Sophie, la sitcom née dans la tête d’une énarque 24 Nos jeux de la semaine 26 Histoire de la mode La chemise à fleurs, en vacances toute l’année 28 Grands musées du monde L’Ermitage, extraordinaire palais des arts de Saint-Pétersbourg 32 Toutes vos lettres 33 Le coin lecture 34 Nouvelle D’un gardien l’autre 44 Clin d’œil Don Juan, un modèle de séduction? 46 Feuilleton 9 – Sandra et le Tzigane 53 Vos poésies 54 Nouvelle Une salutaire vision 60 Feuilleton 8 – Adieu, Darling 69 Vos poésies 70 Nouvelle Un testament inattendu Édito Nous sommes début mars et la période des vacances est encore loin. Pourtant, vous avez envie de voyages. Ce numéro des Veillées des Chaumières est parfait pour vous. Nous vous proposons de faire un petit tour à Dubrovnik (p. 88) ou de visiter l’un des plus beaux musées du monde, L’Ermitage, à SaintPétersbourg (p. 28). Voire de continuer la lecture de notre feuilleton Adieu, Darling (p. 60) qui se passe au bord de la Méditerranée… Enfin, vous partirez en Polynésie, là où la chemise à fleurs (p. 26) donne l’impression d’être en vacances toute l’année. Et pour que le voyage soit parfait, vous pourrez vous lancer dans les recettes autour de l’œuf (p. 100) avec une chakchouka ou une tortilla… Le dépaysement, toujours. Bonne lecture et rendez-vous le 19 mars! L’Ermitage, extraordinaire palais des arts de Saint-Pétersbourg 28 SHUTTERSTOCK Dominique Chaudey Rédacteur en chef PHOTOS COUVERTURE – EN KIOSQUES: VEEREN/BESTIMAGE - SHUTTERSTOCK (X 3) - BERNARD LOYAU/TÉLÉ POCHE – VERSION ABONNÉS: SHUTTERSTOCK (X 3) - CHRISTOPHE CLOVIS/BESTIMAGE Du 5 au 18 mars 2025 76 Feuilleton 1 – Des fleurs pour Léopold 84 Exposition Suzanne Valadon, la peintre qui réinventa le nu 88 Un lieu et ses secrets Dubrovnik, la perle de l’Adriatique 90 Peuples premiers Les Osages, des Sioux pas comme les autres 92 Il était une fois le cinéma Les Canons de Navarone, la difficile genèse d’un classique du genre 94 Toute une vie Christian Morin, artiste multicarte! 96 Nos jeux de la semaine 98 Chansons de légende Avec Isabelle, je t’aime, la romance adolescente des Poppys 100 La bonne cuisine À l’apéro, en entrée ou en plat, régalez-vous avec les œufs! 106 Nos amis les animaux À Troyes, un collègue un peu particulier au service de la ville! 108 Nos amis les animaux Pas très gracieux, le bilby, mais si utile… 110 Allons au jardin L’élégante simplicité du cosmos 112 Allons au jardin Le pois chiche, la petite graine aux grandes vertus 114 Solution des jeux 115 Le musée en clair Le Lancement de filet, de Suzanne Valadon 116 Le musée des Veillées Régalez-vous avec les œufs! Le cosmos, une élégante simplicité 110 100 SHUTTERSTOCK SOPHIE FRANÇOIS MULHENS / SALMA Les manuscrits non insérés dans Les Veillées ne sont pas rendus à leurs auteurs. Dans nos textes de fiction, toute ressemblance avec des situations, des personnes ou des patronymes existant ou ayant existé serait purement fortuite. Une publication du groupe Reworld Media ÉDITEUR REWORLD MEDIA MAGAZINES (SAS) 40, avenue Aristide-Briand – 92220 Bagneux Directeur de la publication: Gautier Normand Actionnaire: Président Reworld Media France (RCS Nanterre 477 494 371) Tél. accueil: 01-41-33-50-00 RÉDACTION redaction.veillees@reworldmedia.com Directrice de la rédaction: Linda Bouras Rédactrice en chef: Annie Viaud Assistante de la rédaction: Patricia Molnar Rédactrice en chef technique: Delphine Brengou Cheffe de service fiction: Valérie Dufils Première secrétaire de rédaction: Annie Touzé Courrier des lecteurs: Ouarda Akdache oakdache@reworldmedia.com Première rédactrice graphiste: Soifia Hanami Rédactrice graphiste: Ouarda Akdache Iconographe: Christian Rousselet DIRECTION-ÉDITION Directeur exécutif: Stéphane Haitaian Directeur d’édition: Tommaso Albinati ABONNEMENT ET DIFFUSION Directrice marketing direct: Catherine Grimaud Cheffe de marché senior: Rita Da Silva Responsable des ventes: Jacky Cabrera Responsable service diffusion: Philippe Merrien SERVICE ABONNEMENT Tél. 01-46-48-48-99 Du lundi au vendredi de 9 à 19 heures, et le samedi, de 9 à 18 heures, le tout sans interruption. Si vous préférez transmettre votre demande par écrit, vous avez deux possibilités: Depuis notre formulaire de contactsur: www.serviceabomag.fr Par courrier à: Service abonnement Les Veillées des Chaumières 59898 LILLE Cedex 9 Abonnement 1 an (26 numéros): 128,70 € FABRICATION Directeur des opérations industrielles: Bruno Matillat Prépresse/Photogravure: Sylvain Boularand, responsable de service Fabrication: fabcompos@fabricationrm.com Impression: Rotochampagne, 2, rue des Frères-Garnier, 52000 Chaumont DÉPÔT LÉGAL : mars 2025 PRIX AU NUMÉRO : 4,95 € N° ISSN : 0750-4039 N° CPPAP : 0228 K 80260 une rencontre inoubliable avec Nicoletta Venez rencontrer et échanger avec Nicoletta, chanteuse à la voix d’or et aux 20 millions de disques vendus, durant un après-midi exceptionnel, le 26 mars, au théâtre de la Tour Eiffel à Paris. Sur scène et en compagnie d’Annie Viaud, Directrice de la rédaction de Nous Deux, Nicoletta reviendra sur son parcours, ses coups de cœur, ses rencontres. Une opportunité unique de poser vos questions à votre idole. L’événement se finira par l’interprétation en acoustique des plus belles chansons de Nicoletta. Réservez vite Places limitées L’INSTANT CONFIDENCE Dialoguez avec Nicoletta lors d’une rencontre exclusive animée par la Directrice de la rédaction de Nous Deux. Profitez de cette occasion unique pour échanger directement avec Nicoletta et lui poser vos questions grâce aux micros mis à votre disposition dans la salle. MINI-CONCERT PIANO/VOIX Laissez-vous emporter par l’émotion des titres de Nicoletta, comme Mamy Blue ou Il est mort le soleil, lors d’un mini-concert acoustique. SÉANCE DÉDICACE, MIGNARDISES & CIE. Et pour prolonger le plaisir, profitez d’une séance de dédicace en compagnie de Nicoletta, accompagnée d’une dégustation de mignardises et d’une coupe (en supplément). PROGRAMME 14H30 - 17H Crédit photo Eric FOUGERE présente R E N C O N T R E – C O N C E R T P R I V É – C O C K T A I L 1 - Je choisis mon emplacement avec ou sans cocktail & dédicaces Indiquez le nombre de place dans la catégorie de votre choix selon disponibilité -voir le plan de la salle sur theatredelatoureiffel.com/nicolettaCatégorie Or : 42€ place(s) Catégorie Or + cocktail : 60€ place(s) Catégorie 1 : 35€ place(s) Catégorie 1 + cocktail : 53€ place(s) Catégorie 2 : 30€ place(s) Catégorie 2 + cocktail : 48€ place(s) Montant total de ma commande : € Nombre de place au total : 2 - Je note mes coordonnées Nom ................................................................ Prénom ..................................................... Adresse ................................................................................................................................ ............................................................................................................................................. Code Postal Ville ...................................................................................... Tél. (portable de préférence) Mail ...................................................................................................................................... Je ne souhaite pas que mes coordonnées postales et mon téléphone soient communiqués à des partenaires. BON DE RÉSERVATION RENCONTRE NICOLETTA - RÈGLEMENT PAR CHÈQUE ✃ Oui, je réserve ma place pour assister à la rencontre avec Nicoletta, le 26 mars 2025, à partir de 14h30 au théâtre de la Tour Eiffel, à Paris. 3 - Je renvoie le bulletin de participation Merci de renvoyer ce coupon dûment rempli accompagné de votre règlement par chèque à l’ordre de Nous Deux, le tout dans une enveloppe affranchie à Nous Deux Rencontre Nicoletta - 40 avenue Aristide Briand - 92220 Bagneux. Nous vous enverrons par courrier, sous 7 jours vos places attribuées. Dans le cas où il n’y a plus de disponibilités dans la catégorie demandée, nous vous contacterons par téléphone ou par mail ou nous vous renverrons votre chèque. 4 - Je peux aussi réserver par tél auprès du théâtre au 01 40 67 77 77 LVDC/3643 Conformément à la Loi informatique et Libertés du 6-01-78 modifiée, vous pouvez exercervos droits d’opposition, accès, rectification, effacement, portabilité, limitation à l’utilisation de vos données ou donnervos directives surle sort de vos données après décès en écrivant à Reworld Media-DPD, c/o service juridique, 40AvenueAristide Briand 92220 Bagneux, ou parmail à dpd@ reworldmedia.com.Vous pouvez introduire une réclamation auprès de la CNILwww.cnil.fr 5 Actualité CAPTURE D’ÉCRAN - OPÉRA DE PARIS - YOUTUBE CC-BAIN NEWS SERVICE-WIKIMEDIA COMMONS Le Lac des cygnes Un mythe aux débuts difficiles À voir Le Lac des cygnes, sa mélancolie et sa douceur si singulières, aux mystères à foison, narrant les amours contrariées entre le prince Siegfried et la princesse Odette, et repris chaque année par une multitude d’opéras dans le monde entier, on peine à imaginer qu’il a tardé à rencontrer le succès. Et pourtant… D’ailleurs, son compositeur en personne, Piotr Ilitch Tchaïkovski, parle même de « déconvenue humiliante » pour évoquer la toute première représentation du ballet dont il a composé la musique, sur un livret de Vladimir Petrovitch Begitchev, au théâtre impérial Bolchoï le 4 mars 1877. Il est vrai que Julius Reisinger, le chorégraphe probablement dépassé par les ambitions symphoniques de la musique, a alors considérablement modifié la partition. Quelques années plus tard, le maître de ballet Marius Petipa propose à Tchaïkovski d’offrir une nouvelle version largement remaniée de son œuvre. Le compositeur accepte. Décédé le 6 novembre 1893, il ne verra malheureusement jamais le fruit de leur collaboration sur une scène puisque la première représentation n’a lieu que le 12 mars suivant. Dès lors, le succès pour ce ballet ne cesse d’aller crescendo. Au point d’être sans doute aujourd’hui le plus fameux du genre. Au fil du temps, nombre de chorégraphes s’attaquent au monument, livrant parfois une version très personnelle, n’hésitant pas non plus à modifier certaines parties, voire carrément son dénouement. L’une des plus célèbres demeure celle éminemment tragique, aux accents freudiens, de Rudolf Noureev, en 1984, pour l’Opéra de Paris, version que les fidèles de l’Opéra-Bastille ont encore pu applaudir l’été dernier. Ces cygnes sont immortels… Anne LENOIR Si l’œuvre a su s’imposer comme l’un des ballets les plus célèbres, ses premières représentations, données en mars 1877, n’ont guère été couronnées de succès. Loin de là! Piotr Ilitch Tchaïkovski a donné naissance à l’un des ballets les plus joués et les plus appréciés du répertoire classique. 6 Exposition Q uel est le point commun entre les décors ornementaux du toit de l’opéra Garnier et le restaurant de l’hôtel Ritz, place Vendôme? Christofle. Entre les ménagères des listes de mariage et les couverts de la classe affaires d’Air France? Encore Christofle. Depuis près de deux siècles, la maison d’orfèvrerie est l’ambassadrice de l’art de vivre français. Elle ouvre ses portes aux visiteurs, non pas dans sa manufacture normande, mais au musée des Arts décoratifs, à Paris, avec qui elle entretient des liens étroits depuis 1870. En effet, Henry Bouilhet, le successeur de Charles Christofle, était un membre fondateur et le vice-président de l’Union centrale des arts décoratifs. C’est également cette institution parisienne qui détient le monumental surtout de table du service des cent couverts, livré à Napoléon III en 1856 et miraculeusement épargné par l’incendie des Tuileries durant la Commune. Sur 1500 m2 et une douzaine de salles, près de 1000 pièces d’orfèvrerie, tableaux, dessins et affiches retracent, dans une splendide scénographie, le succès de cette maison patrimoniale fondée en 1830. Né dans une famille de fabricants de boutons, Charles Christofle grandit dans le quartier des orfèvres à Paris et évolue dans un univers d’entrepreneurs innovants. À seize ans, il entre Christofle La haute orfèvrerie à la française C H R IS TO P H E D E LL IÈ R E Le musée des Arts décoratifs retrace quelque deux cents ans de création de l’une des plus célèbres maisons spécialisées dans les arts de la table. Sublime! Albert-Ernest Carrier-Belleuse, cafetière L’Union fait le succès (1880). Métal argenté et ivoire. L’opération de gravure du décor d’une matrice de fourchette. M A N U F A C T U R E C H R I STO FLE 7 comme apprenti bijoutier chez son beau-frère avant d’être associé à l’affaire. Talentueux, il exporte sa production vers l’Amérique du Sud et se spécialise dans le tissage des fils métalliques. Rejoint par son neveu Léon Rouvenat, il abandonne progressivement la bijouterie pour se consacrer à l’orfèvrerie. En 1842, l’entrepreneur visionnaire achète des brevets d’argenture et de dorure par électrolyse déposés deux ans auparavant par un certain Henri de Ruolz. Grâce au courant électrique, une pièce de métal non précieux peut être couverte d’une couche d’argent ou d’or. Les bourgeois peuvent briller sans se ruiner. Une première manufacture ouvre ses portes rue de Bondy, près de la place de la République, pour argenter et dorer les pièces réalisées par des orfèvres et des bronziers. Un triomphe! Ce n’est qu’en 1845 que Christofle crée ses propres modèles. Médaillé d’or à l’Exposition des produits de l’industrie de 1849, l’orfèvre publie son premier catalogue illustré. S’ensuivent les expositions universelles auxquelles il participe à plusieurs reprises, depuis la première à Londres, en 1851, à celle de Paris, en 1925. Les millions de visiteurs, les retombées dans la presse et le prestige des prix décernés encouragent Christofle à se dépasser, en présentant des pièces monumentales et de spectaculaires tours de force techniques. Avec une rare constance, la maison réussit à s’imposer en première place des classements, raflant les médailles d’or devant ses concurrents anglais, allemands et américains. En avant-première des expositions universelles, Christofle présente ses nouveautés aux expositions organisées par le futur musée des Arts décoratifs, appelé alors Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, puis l’Union centrale des arts décoratifs. En collaboration avec les plus grands artistes, Christofle transcrit en orfèvrerie les esthétiques à lamode.Dustylenéo-grecaujaponisme,del’orientalismeaurococo,cesmouvementssontdessources d’inspiration fécondes. Prélude à l’Art nouveau, les lignes courbes et foisonnantes des enroulements végétaux empruntées au style rocaille dominent Charles Mewès, fourchette de table du service Régence (1898). Métal argenté. Luc Lanel, table dressée pour la salle à manger de première classe du paquebot Normandie, service de table Transat et couverts. PHOTOS CHRISTOPHE DELLIÈRE (X 3) Pelle à fraises, manche fraisier (1894). Métal argenté. 8 Exposition l’orfèvrerie à l’Exposition universelle de 1889. Pour celle de 1900, Christofle présente un stand dominé par les formes végétales: services à thé adoptant la forme de courges ou de pâtissons, assiettes ornées d’anémones ou de pavots, petits vases transformés en salade romaine ou en botte de carottes, soupières en chou, lampes et jardinières lumineuses décorées de fleurs et de fruits, alors que l’électricité s’est invitée à table. Les nombreux prix agricoles, véritables morceaux de sculpture naturalistes qui lui sontcommandés,participentégalementàsa renommée. Avec l’avènement de l’Art déco, la sobriété des décors et la géométrisation des formes dictent la création. À l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, Christofle partage un pavillon avec Baccarat au Grand Palais. Sous une immense coupole vitrée et un lumineux lustre, le métal et le cristal scintillent, se multipliant à l’infini dans les grands miroirs qui couvrent les murs. Le luxe dans les voyages Au deuxième étage, l’histoire des arts de la table est mise à l’honneur. Dans une évocation de la boutique historique des Grands Boulevards, on découvre ces ustensiles de table conçus pour s’adapter à chaque plat: des pinces à salade à ressort,desciseauxpourcouperlesœufs,descuillères à sauce séparant le gras du maigre, des pinces pour les asperges, des presses à homards ou à canards, des supports pour les grappes de raisins… Grâce à des mécanismes ingénieux, ils permettent d’éviter de toucher les aliments. Dans les milieuxbourgeois,lerepasestunmomentessentiel de la sociabilité et de la représentation. La salle à manger devient la pièce de la demeure où s’expose la réussite. Le service de table à la française qui dresse les mets au centre de la table laisse place au serviceàlarusse,oùlesplatssontservisindividuellement à chaque convive. Cloches, réchauds, soupières et terrines disparaissent des tables au profit descorbeillesjardinièresgarniesdefleurs,auxcandélabres, présentoirs à fruits et groupes sculptés décoratifs.D’imposantesménagèrescomportant près d’une centaine de pièces font le succès de la maison désormais inscrite sur les listes de mariage. La liste est longue des palaces et prestigieux établissements pour lesquels Christofle a dessiné une ligne de ménagère dédiée: le Grand Hôtel du Louvre, le Grand Hôtel de la Paix, l’hôtel Terminus, le Ritz, le Meurice, le Crillon, le Lutetia, à Paris, ou encore le Riviera Palace à Monte-Carlo et le Negresco à Nice. La suite se poursuit dans un espace consacré au voyage avec des reconstitutions d’une cabine du Concorde, d’un wagon de l’Orient-Express, de la salle à manger du Normandie,l’undesplusgrandspaquebotsjamais construits. À partir de 1926, l’orfèvre équipe les premiers vols entre Paris et Londres opérés par Air Union, futur Air France, dont il demeure aujourd’hui le fournisseur privilégié. Orfèvre des rois, des princes et des empereurs, Christofle devient celui des présidents quand la IIIe République est proclamée. Les centres de table ornés de candélabres, les assiettes ainsi que les couverts signés Christofle dominent les dîners de gala et les repas diplomatiques dans les ambassades, les ministères ou au palais de l’Élysée. Du surtout de table commandé par le baron Haussmann en 1861 pour ses dîners de gala à l’Hôtel de Ville, il ne reste que des dessins. Détruit durant les incendies de la Commune, il comprenait un monumental vaisseau voguant sur les eaux, symbole de Paris, des sculptures représentant les saisons, la Seine et la Marne, ainsi que des vases en porcelaine. Innovation et secrets de fabrication Restituant l’atmosphère des manufactures successivement installées à Paris, à Saint-Denis et aujourd’hui à Yainville, en Normandie, l’exposition dévoile les secrets des procédés d’argenture et de dorure. La reconstitution d’un atelier avec ses multiples outils retrace les différentes étapes de fabrication: le planage, la rétreinte, la fonte, le tournage-repoussage, puis le montage des divers éléments pour finir avec le décor par ciselure ou gravure. Rien qu’une fourchette nécessite près d’une centaine d’étapes: découpe du flan, gonflage de la tige, ajourage des dents, matriçage de Émile Reiber, Torchère (1874). Alliage de cuivre doré et patiné, émail cloisonné. CHRISTOPHE DELLIÈRE / LES ARTS DÉCORATIFS 9 préparation,détourage,ébarbage,polissage,poinçonnage,argenture,avivage… Plus loin, un dispositif numérique explique la galvanoplastie, procédé inventé par l’ingénieur chimiste Henri Bouilhet pour la reproduction d’œuvres d’art. Car Christofle, ce n’est pas que l’art de la table. On lui doit les sculptures de L’Harmonie et de La Poésie sur le toit de l’opéra Garnier, le garde-corps des grands magasins rue de Rivoli, la porte de l’église Saint-Augustin, le lustre et la rampe du grand escalier du ministère d’État dans le palais du Louvre. C’est aussi la Maison Christofle qui exécuta le décor extérieurpargalvanoplastied’unwagonchapelle du train pontifical. L’art éternellement réinventé Près de deux siècles plus tard, la maison continue de bousculer les codes en transformant une console de jeux, une tasse à café, une clé USB ou une boîte à chaussures en véritables pièces d’orfèvrerie. Fini les ménagères à tiroirs, écrin de velours de centaines de pièces! Place au Mood by Christofle, créé par le studio de design. Entre objet nomade et centre de table, ce set de couverts arbore 24 pièces pour 6 personnes en métal argenté, présentées à la verticale dans un écrin de forme ovoïde. Le parcours se termine par les nombreuses collaborations de la marque avec des créateurs comme Arman, Christian Lacroix, Karl Lagerfeld ou le rappeur Pharrell Williams. Conclusion spectaculaire de l’exposition, les deux dernières salles offrent une mise en scène féerique de tables dressées confrontant tradition et innovation. Dans l’une d’elles, le centre de table baptisé Ode aux origines réinterprète le faste du XIXe siècle, dans l’autre le service Vertigo dessiné par Andrée Putman. Un ballet aérien composé de beurriers, de pinces à glace, de cloches, de seaux à champagne et d’assiettes célèbre la brillante histoire de cette orfèvre aux doigts d’argent, qui n’a eu de cesse de réinventer l’art de la table. Sandrine TOURNIGAND Marcel Eudes et Claude Leprêtre, fontaine à rafraîchissement (1873). Métal argenté et doré, et ivoire. Luc Lanel, Vase cornet, collection «Dinanderies» (1928). Alliage de cuivre argenté et patiné. Gio Ponti, candélabre Flèche (1928). Métal argenté. PHOTOS CHRISTOPHE DELLIÈRE (X 3) Exposition Christofle, une brillante histoire, au musée des Arts décoratifs, à Paris (75001). Jusqu’au 20 avril. Renseignements: madparis.fr 10 L’almanach de mars CAPTURE D’ÉCRAN-PARC NATUREL RÉGIONAL DU MORVAN-YOUTUBE ‘‘Tandis qu’à leurs œuvres perverses Les hommes courent, haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps ’’ Théophile Gautier En mars, le parc du Morvan organise le «mois de la Pléchie», pour transmettre la technique du plessage de haies: un savoir-faire ancestral consistant à inciser les troncs des jeunes arbustes pour les plier à l’horizontale et les entrelacer dans le même plan avec leurs branches et celles des arbustes voisins. On crée ainsi une pléchie, une haie que sa croissance, ralentie par l’horizontalité, rend quasi infranchissable. Son entretien consiste à la tailler, en particulier sur le dessus, pour éviter que de jeunes rameaux ne partent à la verticale, à sélectionner ceux qui seront tressés ou «plessés» et à ôter le bois mort. Or, depuis soixante ans, en raison du remembrement des terres, le plessage tend à disparaître et, avec lui, ses effets brise-vent, anti-érosion et régulateurs de l’eau, ainsi que sa préservation de la biodiversité, et l’abri qu’il fournit aux oiseaux et aux petits prédateurs des nuisibles. Autant de bénéfices plus que jamais d’actualité et que le mois de la Pléchie vise à réactualiser. CC - CABINET ACADÉMIQUE MICHAELA MICHAELOVICHA SHULSA - WIKIMEDIA COMMONS De l’art de savoir plesser Durant notre parcours scolaire, nous l’avons presque tous croisé du regard. Placardé sur le mur de la classe ou sur celui du laboratoire de chimie, le tableau intitulé «classification périodique des éléments» (il aura plusieurs noms) occupait une place d’honneur. Dmitri Ivanovitch Mendeleïev, professeur renommé de l’université de Saint-Pétersbourg, le présente pour la première fois le 6 mars 1869 devant la Société chimique russe. Son enjeu? Enseigner de façon plus simple la chimie et ses éléments, jusqu’alors présentés sous la forme de longues listes difficiles à mémoriser. Il imagine un tableau où il classe l’ensemble des 63 éléments connus à l’époque, suivant l’ordre de progression de leur numéro atomique, tous les éléments d’une même colonne affichant des propriétés chimiques comparables. Il le modifiera et ajoutera des cases vides, en prévision des éléments encore inconnus. Le temps lui a donné raison, et celui d’aujourd’hui comporte bien 118 éléments, allant de l’hydrogène à l’oganesson. Mendeleïev, l’homme qui a ordonné le chaos des éléments 11 ARCHIVES NATIONALES (FRANCE) / LABEX PATRIMA SHUTTERSTOCK De la chaise volante à l’ascenseur Les marcheurs de Saint-Martin S ans qu’un seul coup de feu ait été tiré, le 23 mars 1648, la France et la Hollande se partagent administrativement l’île de Saint-Martin, dans les Antilles. L’accord sur la ligne frontière fut conclu de manière insolite: deux marcheurs placés dos à dos en un point de la côte ouest de l’île eurent pour consigne d’avancer en suivant le littoral. Le Français partit vers le nord, le Hollandais vers le sud, et ils se retrouvèrent face à face sur la côte est de l’île, à la crique dite Oyster Pond. La ligne (brisée en raison du relief) tracée entre leur lieu de rencontre et leur lieu de départ détermina la frontière… C’est ce que dit l’histoire. Ou la légende, mais quand la légende est plus belle que la réalité, c’est alors celle que l’on préfère imprimer. Le Français était-il meilleur marcheur que le Hollandais? Il couvrit une plus grande distance, et la partie septentrionale attribuée à la France (Saint-Martin) est bien plus vaste que la partie méridionale (Sint-Maarten) qui revint à la Hollande. par Sabine Hébert L’utilisation des ascenseurs a longtemps uniquement été réservée au déplacement des charges lourdes. Le premier usage connu d’un ascenseur conçu spécifiquement pour le transport d’une personne est française et remonte au XVIIIe siècle. À l’époque, Louis XV, souhaitant rencontrer discrètement sa favorite, utilise une «chaise volante» qui relie directement les chambres, situées sur deux étages différents du château de Versailles. Le mécanisme, actionné grâce à un système de poulies et de contrepoids, est loin d’être sûr, mais n’inquiète pas le roi. Un siècle plus tard, l’entrepreneur américain Elisha Graves Otis invente un système de frein de sécurité capable de bloquer la cabine afin d’éviter qu’elle ne s’écrase au sol. Le 23 mars 1857, il inaugure le premier ascenseur au monde pour passagers dans un immeuble de 5 étages à New York. Il peut transporter jusqu’à 450 kg, mais se déplace très lentement, à raison de 0,2 m par seconde. Aujourd’hui, nos ascenseurs à grande vitesse frôlent les 17 m par seconde!
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