IT FOR BUSINESS n°2304 - Page 1 - 2304 3 www.itforbusiness.fr avril2025 éditorial Lalenteur,c’estbien ouc’estnul? C es jours-ci, je me le demande. Parce que les injonctions contradictoires pleuvent de partout. D’un côté, il y a ceux qui préconisent d’y aller franchement sur le front de l’innovation, sans quoi nous serons irrémédiablement décrochés sur le terrain de l’IA, du quantique, des processeurs, du logiciel, etc. Comment leur donner tort ? Même notre point fort, la cybersécurité, nous confine dans un rôle défensif. Bons pour empêcher, d’accord, mais cela ne fait rien gagner sur les autres marchés. La remarque vaut sans doute aussi pour la fièvre régulatrice. De l’autre, il y a ceux qui en appellent aux Lumières, à l’éthique, aux principes de précaution… avant que nous nous précipitions, ce n’est qu’un exemple, pour casser, au nom de l’entraînement des moteurs d’IA, ce que nous avons mis des siècles à construire autour du droit à la propriété et du droit d’auteur. Un droit d’auteur consubstantiel à la liberté d’expression ce qui, si on le bafoue, devrait nous inquiéter pour la démocratie. Oui mais la démocratie, ces temps-ci, est plutôt un sport que l’on combat (pardon Pierre Bourdieu). La voie médiane ? Si juste on réfléchissait, mais vite, mais quand même, avant d’agir ? Pas simple, et le résultat n’est pas garanti. Certains se sont ainsi demandé ce mois-ci si les signataires, au ministère de l’Éducation nationale et à l’École Polytechnique, de contrats qui liaient ces institutions à Microsoft, au mépris flagrant des injonctions du gouvernement pour des choix souverains, avaient pensé à ce qu’ils faisaient. Bien sûr que oui. Ce ne sont pas des imbéciles. Seulement des responsables qui s’affranchissent de ce que les citoyens, qu’ils sont censés servir et sont représentés par le gouvernement justement, préféreraient qu’ils fassent. Les informaticiens sont des citoyens aussi. Ils sont peut-être choqués par cette énième démonstration du «Faites ce que je dis, pas ce que je fais». Mais euxmêmes, dans leur entreprise, n’auraient-ils pas envie de faire valoir leur conscience ou leurs réflexions quand il s’agit d’opérer des choix stratégiques et, osons le mot, politiques. Sont-ils en capacité de faire l’élogedelalenteur,quandl’informatiquedontilssont les représentants, a été le synonyme de l’accélération de toute la société depuis plus de 70 ans. Décidément, nous n’avons pas fini de réfléchir, à cette question et à tant d’autres. Tant mieux ? n François Jeanne Rédacteur enchef 4 avril2025 www.itforbusiness.fr sommaire Président&directeur delapublication,éditeur FrédéricKtorza Directeurdelarédaction ThierryDerouet tderouet@itforbusiness.fr 0622120924 RÉDACTION Rédacteurenchef FrançoisJeanne fjeanne@itforbusiness.fr Rédacteur AlessandroCiolek aciolek@itforbusiness.fr Ontparticipéàcenuméro XavierBiseul,ThierryButzbach, AlainClapaud,JuliaGuinamard, MouradKrim,PierreLandry, Anne-LauredeLaRivière, ThierryLévy-Abégnoli, RémyMarrone,Charlotte Mauger,StéphaneMiekisiak, ThierryParisot,Frédéric Simottel,MarieVarandat RÉDACTION TECHNIQUE Directionartistique BertrandGrousset ÉVÉNEMENTS Responsableéditorial événementsetprogrammes ThomasPagbe tpagbe@itforbusiness.fr ResponsablePartenariats GroupeetMédia VerenaHolder vholder@choyou.fr 0603874578 PUBLICITÉ, OFFRES COMMERCIALES RomainDuran rduran@choyou.fr 0603253727 KarimBaqlou kbaqlou@choyou.fr 0153059379 0609912008 Abonnez-vous simplement enscannant cecodeQR tendances 6 express analyses 12 Lalogistiqueasipeu apprisdelacriseCovid 13 Le«movetocloud»del’État, unedoctrineàfairerespecter 14 Batailleautourdel’empreinte del’IA:unfauxdébat? 16 compte-rendu LestrophéesDSI(N) del’année,26e édition talents 31 mouvementsdumois 32 portrait Anne-Delphine Beaulieu, directricedelatransformation digitale&IAetdirectriceRSE, LISIGroup «Transformer,c’estavant toutunétatd’esprit» 33 ressources 34 décryptage LaDRHs’ouvreenfinàl’IA l’entretien 24 NicolasBeaunieux, vice-présidentIT&digital deManitouGroup «L’ITestundesmoteurs denotretransformation d’industriel» 5 www.itforbusiness.fr avril2025 itforbusiness.fr Lesite desmanagers dunumérique ABONNEMENTS Francemétropolitaine 1an(11nos ):200€HT soit204,20TTC(TVA2,10%) Étudiants(surjustificatif) 1an(11nos ):100€HT soit102,10TTC(TVA2,10%) Outre-mer/Étranger Nousconsulter ServiceAbonnement 6,ruedeLisbonne 75008Paris courrielcontact @itforbusinessabonnement.fr tél.0153059383 webwww.itforbusiness.fr/ abonnes Venteaunuméro (Francemétropolitaine) 25€HT(TVA2,10%) itforbusiness estéditéparITforBusiness, 6,ruedeLisbonne 75008Paris RCSParis440363679 Dépôtlégalàparution No decommissionparitaire 0326T85172 ISSN2258-5117 CodeAPE5814Z Photodecouverture ThierryButzbach ImpriméenFrance parImprimeriedeChampagne, Ruedel’Étoile-de-Langres, ZILesFranchises 52200Langres OriginedupapierItalie. Tauxdefibresrecyclées0%. CertificationPEFC100%. EutrophisationPTot0,036kg/t. 73 postsrestants opinions 74 AntoineGourévitch, GildasBouteiller CIO,devenezlechef d’orchestredelastratégie GenAIdevotreentreprise! 75 KevinBeaugrand Pasd’IAdequalitésans unetransparencedequalité paroledeDSI 76 ThomasChejfec C’étaitmieuxavant 78 libreantenne dossier 56 LeDroitdel’IT, cetautrecodeà connaîtreàlaDSI 58 Quandlejuridiqueenvahit lechampd’actiondelaDSI 61 Litigesinformatiques, l’embarrasduchoix 62 Unprojetàorganiserpour laDSI…maispastouteseule 65 Risquespersonnelsdes DSI,RSSIetDPO:guide desurvieenmilieuhostile 69 Data,IA,etsilaloidevenait unmoteurdel’innovation 72 agenda enquête 46 DXP,headless etmaintenantIA: leCMSn’enfinit pasdegrandir radar 51 Capital-risquefrançais:petites gloires,grandesdésillusions start-up 52 Verteego 53 TraceforGood 54 Teelt 55 r&d L’optiqueco-packagée optimisel’activitédesGPUs usages 35 signaturesdumois solutions 36 FranceTélévisions 38 b.connect 40 LaCanut 42 SDIS16 44 Smartbox 45 Biotrial 6 avril2025 www.itforbusiness.fr tendances express LeslauréatsdesDSINdel’année àlaBibliothèquedeFrance C’est dans la magnifique salle Ovale de la Bibliothèque de France, rue Vivienne à Paris, et sous les applaudissements de plus de 200 convives, que les DSIN 2024 ont pu célébrer leurs trophées, le 13 mars dernier (voir également le compte-rendu de la soirée en p.16). Degaucheàdroite,enhaut:FrédéricSimottel(BFM)etleslauréats,LudovicAlbert(OGF),EmmanuelGachet(Equans),BrunoMarie-Rose (Comitéd’organisationdesJeuxOlympiquesetParalympiquesdeParis2024),AliceGuéhennec(Sodexo),HélèneChaplain-Lambert(Pernod Ricard),SébastienDéon(Conseildépartemental54),Jean-NoëlOlivier(BordeauxMétropole)etHélèneBrisset(Île-de-FranceMobilités). Enbas:EtienneBonhomme(PaloAltoNetwork),FabriceSollami(GoogleCloud),AdrienMolas(HPE), NormannHodara(InetumFrance),SandraTaborin(HPE),ArnaudGuinvarch(EY),CharlyVanhaecke(ChromeOS), MickaelRoyer(PureStorage),DenisHerriau(Datadog),JulienRuiz(PureStorage),NicolasOllier(Outsystems). 30% descoûtsopérationnels desservicesclients serontgagnésd’ici 2029grâceàl’IA agentique,quiprendra totalementencharge 80%desdemandes. SOURCEGARTNER AUTOMATISATION Des entreprises se mobilisent pour la souveraineté numérique européenne Dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne, une centaine d’entreprises en appellent à des engagements forts en faveur d’une infrastructure numérique autonome. Parmi les signataires côté français, des utilisateurs comme Airbus, des institutions comme Bpifrance, des fournisseurs comme OVHcloud. «L’Europe doit reprendre l’initiative et devenir plus indépendante sur le plan technologique à tous les niveaux de son infrastructure numérique critique, écrivent-ils. (Et si elle) ne procède pas à des changements radicaux et urgents, notre dépendance à l’égard des technologies non européennes deviendra presque totale dans moins de trois ans au rythme actuel.» Parmi les solutions proposées pour inverser la tendance, la création d’un fonds – un de plus - pour supporter les investissements publics. Pas très original et surtout, peu efficace à court terme. Pendant ce temps-là, avec le plus souverain (!) mépris des recommandations de son gouvernement, le ministère de l’Éducation nationale en France passe contrat avec Microsoft (voir p.13). Face aux exigences matérielles croissantes de Windows 11, de nombreuses entreprises se retrouvent face à un dilemme : investir massivement dans de nouveaux équipements ou chercher une alternative plus durable. ChromeOS se positionne comme une réponse concrète à ces enjeux. Avec ChromeOS Flex, il est possible de prolonger la durée de vie des PC et Mac existants en remplaçant leur système d’exploitation par une solution plus légère, rapide et sécurisée. Cette approche permet de réduire significativement les déchets électroniques et l’empreinte carbone, tout en optimisant les coûts IT. Par ailleurs, l’architecture cloud-native de ChromeOS simplifie la gestion des postes de travail et renforce la cybersécurité grâce à des mises à jour automatiques et une protection avancée contre les cybermenaces. Moins gourmand en ressources, plus économe en énergie et pensé pour un environnement de travail moderne et flexible, ChromeOS incarne une transition numérique responsable. Pourquoi remplacer quand on peut transformer ? Numérique responsable : quelles alternatives à Windows 11 et au renouvellement de parc à marche forcée ? Plus d’informations sur https://chromeos.google 8 avril2025 www.itforbusiness.fr tendancesexpress Lesrévélationsdel’Anssi surlescybermenacesen2024 Des cybercriminels toujours plus performants, des États voyous, des hacktivistes qui frappent… Le Panorama de la cybermenace 2024 de l’Anssi invite les entreprises à durcir leurs défenses et à ne pas relâcher leurs investissements cyber. Elle analyse ici les incidents les plus marquants pour les infrastructures et l’économie du pays et de ses grandes organisations (4386 traités, +15% sur 2023), ce qui donne un résultat différent de ceux de la plupart des éditeurs de sécurité. On en retiendra • L’exploitation massive des vulnérabilités des équipements de sécurité • Le rançongiciel, une menace persistante qui se réorganise sans cesse • La chaîne d’approvisionnement qui demeure un maillon faible persistant • L’espionnage des secteurs critiques par les États de façon intense, notamment celui des télécommunications • La montée en puissance des attaques à but de déstabilisation Broadcom ne fait pas de cadeaux aux clients de VMware Le nouveau propriétaire est loin de relâcher la pression sur les clients VMware qu’il veut forcer à passer en mode souscription. Le voilà qui leur a réservé deux autres gâteries. D’abord, la facturation des abonnements se fera désormais sur la base d’un minimum de 72 cœurs (contre 16 auparavant). Tant pis pour les petites entreprises qui vont payer le prix fort sans avoir besoin de tant de puissance. Le message est clair, ce sont les grands comptes qui nous intéressent. Autre amabilité envers ceux qui chercheraient à se sortir de la nasse ou à renégocier les contrats : les clients qui n’ont pas renouvelé leur contrat à la date anniversaire se verront infliger des pénalités pouvant représenter 20% du prix de la première année de souscription et qui seront appliquées rétroactivement. À se demander si la violence dans la négociation d’un Donald Trump n’aurait pas fait des émules… 50% des professionnels françaisdansle développement logicieln’ont euaucune augmentation endébut d’année2025 SOURCE:THE PRODUCTCREW SALAIRES GPT-4.5,l’IAqui nebrillepas… Lancésanstambourni trompette,GPT-4.5n’arien derévolutionnaire—OpenAI l’admettaitd’ailleursdans undocumenttechnique… avantdesupprimerle passage.SamAltman, plusfranc,parled’un modèle«gigantesqueet coûteux»quinedominera paslesbenchmarks. Maisl’essentielestailleurs: comblerlevidelaissé parunGPT-5encoreen gestation,rassurerles clientsavecunmodèleplus rapideetstable,etmontrer quelaboutiquetourne. …etMistralSLM3.1, unpetitmodèle auxgrandes ambitions Pendantcetemps,Mistral tracesarouteavecsobriété. SonmodèleSmall3.1, affûtéetopensource, tournelocalement,sans GPUexotiquesnifacture énergétiquesalée.Moins tape-à-l’œil,plusefficace,ce SLMvientrappelerqu’enIA, l’intelligencenesemesure pasàlatailledumodèle. Unealternativesérieuse, agile,etquin’apasbesoin defanfarepourexister. PME/TPE/ETI Établissementdesanté EPA,EPIC Collectivitéterritoriale/locale Association Ministère Entreprisestratégique Établissement d’enseignementsupérieur Autre Répartitiondesvictimesd’attaquesparlebiaisderançongiciels 34% 37% 24% 17% 10% 12% 12% 10% 4% 9% 3% 5% 5% 4% 6% 2% 3% 2% 2023 2024 L'intelligence artificielle révolutionne la cybersécurité. Chez Palo Alto Networks, nous utilisons l'IA pour anticiper et neutraliser les menaces avant qu'elles n'atteignent les systèmes. Avec nos solutions pilotées par Precision AI, nous offrons une protection proactive et adaptative, garantissant la sécurité du réseau et des données de votre entreprise. Bloquez les IA offensives en temps réel. Adaptez vos défenses aux spécificités de l’IA. Optez pour la simplicité des plateformes intuitives. https://www.paloaltonetworks.fr/ 10 avril2025 www.itforbusiness.fr tendancesexpress GooglerachèteWizpour32Md$ Après une première offre à 23Md$ cet été, Google a finalement racheté la start-up israélo-américaine Wiz, spécialiste de la cybersécurité, pour 32Md$. Une dépense – folle ? – qui va lui permettre de prendre pied dans l’univers du CNAPP (CloudNative Application Protection Platform). Pourtant, Google propose déjà un des clouds les mieux sécurisés par design. Son offre regorge d’outils reconnus (Cloud IDS, Cloud Armor, Security Command Center, Google NGFW Enterprise, Google PAM, Google PAB, etc.) et ancrés au cœur même de la plateforme GCP. Derrière cet achat, il faut plutôt voir une volonté de proposer une défense holistique dans le cloud, et d’apparaître comme une référence sur le marché de la sécurisation des services multicloud. Avec Wiz, bien implanté chez AWS et Microsoft Azure, Google veut faire de l’entrisme chez les clients de ses concurrents – lesquels le précèdent toujours - pour mieux, ensuite, les convertir à son propre cloud. AgentsIA,quiva fairelapolice? Lemarchédesagentsest enpleineébullition.Avec AgentXchange,Salesforce lancesapropremarketplace d’agentsIA.Objectif: permettreauxentreprisesde composerleurarméedebots spécialisés,prêtsàinteragir avecdonnées,workflows etutilisateurs.Derrièrel’effet d’annonce,uneévidence: celled’unmarchéenplein boom,surlequelSalesforce n’apasl’intentionderester spectateur.Microsoftnon plus,quidégainesespropres agentsIApourlesforces deventeenattendantceux pourlachaînelogistiqueet lafinance.IntégrésàCopilot forSales,cesassistants sontcensésautomatiser lesrelances,proposer dese-mailsetrésumer lescomptes.Lapromesse estbelle,maispasvraiment neuve:l’IAcommerciale, onnouslasertdepuisdixans. CetteversionCopilot,bardée d’APIetdebonnesintentions, suffira-t-ellepourconvaincre lescommerciaux? 24, 25…, Java tourne encore La version 24 du langage trentenaire, propriété d’Oracle, améliore ses performances dans le développement d’applications d’entreprise, par exemple avec la compilation AOT, l’API Class-File et des optimisations pour le ramasse-miettes Shenandoah. Elle prépare aussi le futur, en intégrant des améliorations pour l’IA et la cybersécurité post-quantique. Oracle veut rendre Java plus attractif pour les nouveaux développeurs avec un portail Learn.java censé les détourner de Python et autres outils de codage à base d’IA. Reste à convaincre les entreprises, qui l’ont largement snobé ces dernières années à cause des politiques de support et de mise en production payantes installées par l’éditeur. L’accueil qu’elles réserveront à Java 25 l’année prochaine, avec son support garanti sur huit ans, nous en dira plus sur l’avenir du langage. 17% PartdesPCvendus danslemondeen2024 quidisposaientde composantsdédiésau traitementdel’IA(PCIA). SOURCE:CANALYS PC tendancesanalyses 12 avril2025 www.itforbusiness.fr C omme dans de nombreux autres domaines, la crise de la Covid-19 a joué un rôle de révélateur pour les responsables des supply chain dans les entreprises, et pour leurs dirigeants. Les difficultés d’approvisionnement pendant la pandémie, puis les ruptures de stocks qui ont accompagné la reprise de l’activité économique avec des répercussions sur les prix et les délais de fabrication, ont fait vaciller bien des certitudes. Ajoutons à cela un porteconteneurs qui bouche le canal de Suez et, quelques mois plus tard, une guerre qui fait s’envoler les prix des carburants, donc ceux du transport de marchandises… On se dit qu’à la lumière de ces multiples événements, le «plus jamais cela» a dû devenir la norme dans les conclaves réunissant logisticiens et membres du Comex. Dire qu’il n’en a rien été serait exagéré. Mais l’inverse aussi. La lecture des résultats de l’étude menée par Sopra Steria Next et l’association professionnelle France Supply Chain, laisse dubitatif sur le fait que toutes les leçons ont été tirées. Ainsi, 19% seulement des entreprises du panel affirment avoir planifié une démarche et des investissements structurés pour renforcer la résilience de leur chaîne logistique. Près de la moitié (42%) se contentent d’investissements localisés ce qui, lorsqu’on parle de chaînes dont la fragilité dépend des maillons les plus faibles, interpelle forcément. Et elles sont tout de même 27% à en rester à des projets d’amélioration à la marge, quand 8% avouent n’avoir rien fait du tout. Uneréaction…etpuis? L’étude, malgré un optimisme de bon aloi qui lui fait préférer voir les progrès accomplis plutôt que le travail qui reste à faire, est amenée à constater que «les investissements en résilience (sont) encore trop réactifs. Après chaque crise, les entreprises investissent massivement, mais réduisent leurs efforts une fois l’urgence passée, selon un schéma “boom and bust”». Il reste quand même des éléments positifs. Ainsi, Yann de Feraudy, président de France Supply Chain, constate «une prise de conscience du senior management Lalogistiqueasipeu apprisdelacriseCovid Les enseignements tirés de la succession des crises – sanitaires, géopolitiques ou encore énergétiques – n’ont pas encore modifié en profondeur l’approche qu’ont les entreprises de la résilience de leur supply chain. Une étude mesure ce retard à l’allumage, mais pointe le rôle positif que pourraient jouer les SI pour le combler. quant à l’importance de la résilience et de la gestion proactive des risques. Certaines entreprises ont mis en place des gouvernances dédiées, incluant des équipes multidisciplinaires (achats, supply chain, risques corporate, etc.).» Toujours dans le registre du verre à moitié plein, Philippe Armandon, directeur de la practice Excellence des Opérations et Supply Chain chez Sopra Steria Next, préfère parler «d’entreprises encore en transition : elles perçoivent la résilience avant tout comme une gestion des risques à court terme, alors qu’elle devrait être envisagée comme une capacité stratégique durable.» Enfin, il y a certainement lieu de se réjouir que les SI et leur capacité à faire communiquer l’entreprise avec son écosystème se voient assignés par les auteurs de l’étude un rôle central dans la résilience de la supply chain. Mais force est de constater, avec eux, qu’avec seulement 15% des entreprises qui disposent de systèmes d’information dits prédictifs et prescriptifs, ce fantastique outil est sousutilisé. Promis, à la prochaine crise, on change tout ? FRANÇOIS JEANNE 2,59 desentreprisesintègrent lasupplychaindansleur planificationstratégique… …lamaintiennentàunniveau hiérarchiqueintermédiaire desrépondantsont moinsdelamoitiédeleurs approvisionnementscritiques sécurisésavecunPCA. desentreprisesontune visionclairesurplusieurs niveauxdeleursupplychain 42%mesurentleurempreinte carboneaprèscoup… …27%seulementintègrent cesdonnéesdansleurs décisionsopérationnelles. 10% 23% 42% 33% 59% mais 42% 27% mais seulement sont audessusde3 l’Indiceglobal dematurité desentreprises entermesde résiliencedeleur supplychain SOURCE : FRANCE SUPPLY CHAIN / SOPRA STERIA NEXT sur4 13 www.itforbusiness.fr avril2025 C haque jour ouvré voit naître un nouveau projet cloud.» La formule entend montrer que le «move to cloud» de l’État est bel et bien lancé. La Dinum a souhaité illustrer cette dynamique à l’occasion de la troisième édition de «L’État dans le nuage», en dressant un bilan de sa stratégie «cloud au centre». Sa directrice Stéphanie Schaer a ainsi souligné les «132M€ dépensés depuis l’ouverture du marché UGAP» et constaté une «croissance de 50% en 2024». Des données livrées avec une précision d’orfèvre, par exemple pour noter que «73 % des commandes ont été orientées vers des prestataires européens et un tiers vers le label SecNumCloud», a-t-elle expliqué, tout en admettant que «la mesure [au sens de l’outil, NDLR] n’est pas parfaite» et que des travaux sont en cours pour «consolider» les données. Pas parfaite ? Un euphémisme, alors que la Cour des comptes a plusieurs fois pointé du doigt une Dinum qui «peine à prendre le rôle effectif de DSI de l’État». Car pour s’affirmer comme pilote de la transformation numérique de l’administration, il faut pouvoir mesurer avec rigueur les dépenses IT de l’État. Et sur ce point, la France accuse un net retard. Là où le Royaume-Uni publie des données détaillées ministère par ministère, offrant une lisibilité précieuse sur ses efforts numériques (*), l’Hexagone continue de se focaliser sur les commandes passées via le marché UGAP – un indicateur partiel, voire trompeur. 132M€vs5Md€ dedépensesIT? Ces 132M€ sous contrôle représentent peu à l’échelle d’un pays comme le nôtre. Le budget informatique de l’État (dépenses IT globales de l’administration centrale) se chiffre plutôt en milliards d’euros, à hauteur d’environ 0,9% du budget général de l’État. Soit, pour l’année 2024, une estimation pour ce budget IT global entre 4 et 5Md€. D’ailleurs, le seul ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche prévoit lui-même une enveloppe de 176M€ pour Le«movetocloud» del’État,unedoctrine àfairerespecter L’État français poursuit son «move to cloud» sous l’impulsion de la Dinum, mais ce chemin vers le numérique souverain reste semé d’embûches. Malgré des chiffres encourageants, de graves incohérences subsistent, notamment dans le suivi des dépenses IT. ses systèmes d’information, outils numériques et grands projets informatiques. Il reconduit au passage un contrat de quatre ans avec Microsoft (voir encadré). Ce qui constitue une drôle d’écoute de la plaidoirie que Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, est venue faire devant la Dinum, en faveur d’infrastructures souveraines, performantes et sécurisées, avec une gouvernance interministérielle renforcée. «Les solutions non européennes n’aident en rien à développer notre activité économique, a-t-elle expliqué. Nous pouvons emmener notre pays vers toujours plus de transformation numérique, à condition de rompre avec certaines naïvetés passées et de privilégier une logique de long terme au sein d’un cadre véritablement européen.» Et d’affirmer que les opérateurs français ne réclament pas de subventions, mais plutôt des contrats. En attendant, si chaque ministère engage des dépenses informatiques dans son propre budget, reste à savoir quand la Dinum cessera de survoler ces données pour enfin les piloter ? Sans une vision globale et un alignement stratégique clair, on peine à distinguer un véritable chef d’orchestre aux commandes. Et à force de brandir des chiffres parcellaires, on finit par se demander si cette symphonie numérique n’est pas, pour l’essentiel, jouée à l’oreille – avec le risque de fausses notes ! THIERRY DEROUET (*) https://www.gov.uk/ government/collections/ cabinet-office-spend-data Uncontratquifâcheetquifaittache Malgréunedoctrinetechniquedu numériquepourl’éducationquiprône l’utilisationprioritairedesolutionslibres etsouveraines,leministèreconcerné adenouveauattribué,le14mars2025, unmarchépublicàMicrosoft,d’un montantmaximalde152M€surquatre ans,quiconcerneaussibienlespostes clientsquelesdatacenters.Parmi lesprotestations,nombreuses,notons celledudéputéPhilippeLatombequia demandé«siunetelledécisionpeutêtre justifiée,surtoutdanslecontexteactueldes relationstransatlantiques».Etsilaministre (ElisabethBorne)envisagede«revenir surcecontratafind’alignerlespratiques aveclapolitiquedesoutienauxsolutions souverainesaffichéedanslecourrierde ladirectiondunumériquepourl’éducation adresséauxrecteursle28février2025». StéphanieSchaer, directricedelaDinum
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