QUE CHOISIR PRATIQUE n°144 - Page 3 - 144 Édito JEMESOUVIENS,DONCJESUIS « U ne mémoire qui fonctionne bien, c’est une mémoire qui fait le tri», écrit Francis Eustache, neuropsychologue, spécialiste de cette fonction et de ses troubles. Ce que j’ai appris en réalisant ce numéro, c’est qu’il n’existe pas une, mais des mémoires. Avec, pour chacune, un rôle particulier. On parle ainsi de mémoire de «travail» pour évoquer ce que l’on retient à court terme, mais aussi de mémoire épisodique, et notamment de mémoire perceptive, celle liée aux sens dont Marcel Proust témoignait si bien dans Du côté de chez Swann, avec sa fameuse madeleine trempée dans le thé. C’est dans l’enfance qu’elle s’élabore, avec en particulier la conscience de soi et l’apprentissage du langage. On peut donc dire qu’elle représente une faculté indispensable à la constitution de notre identité. Si nos souvenirs creusent le sillon de notre mémoire individuelle, ils font également le lit de la mémoire collective: par exemple, nous partageons tous l’expérience du confinement lors de l’épidémie de Covid-19. Au quotidien, les sciences nous indiquent qu’une certaine hygiène de vie entretient nos fonctions cognitives. Cela passe par le sommeil, l’alimentation, les activités physiques, etc. Concernant les troubles ou les pathologies comme la maladie d’Alzheimer, des progrès scientifiques et technologiques, telle l’imagerie, ont permis une réelle avancée. Sans mémoire, nous serions dépourvus d’identité, d’expression, de réflexion et même de projets d’avenir. En comprendre les mécanismes est un premier pas indispensable pour pouvoir la travailler. Pascale Barlet QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 3 4 QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS – QUE CHOISIR Association à but non lucratif - 233, boulevard Voltaire - 75555 Paris CEDEX 11 - Tél.: 0143485548 Quechoisir.org Service abonnements: 0155567109 Tarifs: 1 an, soit 11 numéros: 49 € • 1 an + 4 hors-séries: 67 € 1 an + 4 hors-séries + 4 numéros Que Choisir Pratique: 94 € PRÉSIDENTE ET DIRECTRICE DES PUBLICATIONS Marie-Amandine Stévenin DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ Jérôme Franck RÉDACTRICE EN CHEF Pascale Barlet SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉDACTION Laurent Suchowiecki CONCEPTION GRAPHIQUE Les 5 sur 5 DIRECTEUR ARTISTIQUE Ludovic Wyart RÉDACTION Valérie Bouvart, Hélène Bour, Séverine Charon, Lise Gougis, Adèle Hospital, Isabelle Verbaere SECRÉTAIRES DE RÉDACTION Valérie Barrès-Jacobs, Marie Bourdellès, Gaëlle Desportes-Maillet RÉDACTRICES-GRAPHISTES Sandrine Barbier, Clotilde Gadesaude, Capucine Ragot ILLUSTRATRICE Sandrine Fellay INFOGRAPHISTES David Barreto, Carla Félix-Dejeufosse, Laurent Lammens ICONOGRAPHIE Catherine Métayer ODLC Grégory Caret (directeur) ESSAIS COMPARATIFS Éric Bonneff (directeur) ASSISTANTE DE LA RÉDACTION Chloé Carré DOCUMENTATION Frédérique Vidal (responsable), Audrey Berbach, Véronique Le Verge, Stéphanie Renaudin DIFFUSION/MARKETING Laurence Rossilhol (directrice), Delphine Blanc-Rouchosse, Justine Boduch, Jean-Louis Bourghol, Marie-Noëlle Decaulne, Jean-Philippe Machanovitch, Francine Manguelle, Steven Phommarinh, Nicolas Schaller, Ibrahim Sissoko JURIDIQUE Magali Buttard (responsable), Brune Blanc-Durand, Gwenaëlle Le Jeune, Véronique Louis-Arcène, Candice Méric, Mélanie Saldanha INSPECTION DES VENTES/ RÉASSORTS MP Conseil IMPRESSION / COUVERTURE BLG Toul, 2780, route de Villey-St -Étienne 54200 TOUL DISTRIBUTION MLP COMMISSION PARITAIRE n° 0727 G82318 Imprimé sur papier Perlen Value (Suisse) ISSN 2646-9189. 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QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 5 Sommaire COMMENT MARCHE LA MÉMOIRE?. . . . . . . . . . . . . . . . . 8 SON ÉVOLUTION À TOUS LES ÂGES. . . . . . . . . . . . . . . . 36 QUAND ELLE FLANCHE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 SES ENNEMIS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 SES AMIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 DES ASTUCES À RETENIR. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Jurisprudence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 Infos conso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122 Associations locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 IMAGE POINT FR/SHUTTERSTOCK HÉMISPHÈRE GAUCHE LOBES OCCIPITAUX SCIENCE PHOTO LIBRARY 6 QUECHOISIRPRATIQUE • juin 2025 LOBES FRONTAUX HÉMISPHÈRE DROIT L’ATLAS DES CONNEXIONS CÉRÉBRALES Cette coupe du cerveau illustre le nombre de fonctions cérébrales que l’équipe de Michel Thiebaut de Schotten, responsable du groupe d’imagerie neurofonctionnelle à l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux, a associées à des connexions cérébrales. Plus les couleurs sont froides, moins il y a de fonctions qui ont été identifiées. La cartographie de ces dernières sera un outil précieuxpourdiagnostiquer des lésions d’AVC et des interruptions des circuits qu’elles entraînent. QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 7 Si l’on veut stimuler sa mémoire et connaître les bonnes habitudes à prendre afin d’éviter de la perdre, il faut savoir de quoi l’on parle. Car en réalité, il n’y en a pas une, mais plusieurs: sémantique, épisodique, de travail, procédurale… Découvrez ici les grands types de mémoire, les zones cérébrales associées, les processus de mémorisation, les expériences scientifiques menées dans ce domaine ainsi que les idées reçues que l’on cultive parfois. De quoi débroussailler le sujet, qui comporte encore des zones obscures pour la science. SOMMAIRE Les différents types de mémoire 10 Le corps aussi se souvient 14 Des progrès grâce à l’imagerie 18 Une mécanique des plus subtiles 20 À chacun ses connexions neuronales 24 Oublions nos préjugés! 26 Commentmarche lamémoire? ELNUR/ADOBE STOCK lamémoire? QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 9 L es tables de multiplication,une chorégraphie, les règles du tennis, le visage de quelqu’un…Notremémoirenouspermet d’enregistrer des informations aussi diversesquecelles-ci,maiségalementdelesstocker et de les restituer chaque fois que nous en avons besoin. Ce qui en fait notre meilleure alliée au quotidien, tant à la maison qu’à l’école ou au travail. «Le principe, c’est qu’elle évolue sans arrêt en fonction du temps qui passe, des interlocuteurs, des circonstances,des projets…Elle nous accompagne toutaulongdenotrevie,dansdemultiplessituations», souligne Francis Eustache, chercheur en neuropsychologie et imagerie cérébrale (EPHE/Inserm/ université de Caen) et président du conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires(1) . Maiscettecapacitéestbeaucoupplusqu’unefonction cognitive: «Elle forge notre identité,constitue la source de nos pensées intimes, permet des va-et-vient avecdesreprésentationsissuesdenotrepassépersonnel etcollectif,lesprojetteversunfuturimaginéetparticipe largement à notre trajectoire de vie,à la régulation de nos relations sociales et à nos prises de décision. C’est en cela qu’elle est si exceptionnelle et merveilleuse», poursuitlespécialiste.Etqu’elleconstitueunobjet d’étude fascinant depuis… l’Antiquité. Ces dernières décennies, ce sont essentiellement les travaux du neuropsychologue canadien Endel Tulving (1927-2023) qui nous ont éclairés sur le fonctionnementdelamémoire,enétablissantqu’il n’en existe pas une,mais plusieurs,et qu’elles sont en relation constante, ce qui nous permet d’interagir au mieux avec notre environnement. En étudiant les victimes de lésions cérébrales présentantdesperformancesnormalesdanslaréalisation decertainestâchesmnésiquesetdestroublessévères dans d’autres, ce scientifique a décrit, en 1972, cinq grands sous-systèmes: la mémoire de travail d’unepart,etlesmémoiresépisodique,sémantique, procéduraleetperceptived’autrepart,quiforment ensemble la mémoire à long terme. MÉMOIRE DE TRAVAIL Ils’agitdenotremémoireàcourtterme.«Elle appréhende un nombre d’éléments relativement restreint,au sein d’une situation en cours,pour une durée brève,allant de quelques secondes à quelques dizaines desecondes»,préciselechercheurFrancisEustache. Cette mémoire du moment présent est sollicitée en permanence: lorsque nous sommes en train de parler ou d’écouter quelqu’un,pour retenir le débutd’une phrase le tempsqu’elle soitterminée, quandnouslisons,prenonsdesnotesourésolvons unproblème.«Typiquement,c’estellequinouspermet de retenir un numéro de téléphone le temps de le composer», illustre l’expert. Pour cela, elle repose sur 10 QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 Bon à savoir Comment se souvient-on d’un numéro de téléphone? Notre mémoire à court terme est capable de restituer en moyenne sept éléments dans l’ordre, qu’il s’agisse de chiffres, de lettres ou de mots, immédiatement après les avoir vus ou entendus: c’est la loi de Miller, du nom du psychologue américain qui l’a théorisée, en 1956, dans Psychological Review. Cette capacité peut être augmentée en groupant les données, comme dans le cas d’un numéro de téléphone que l’on retient plus facilement par tronçons de deux chiffres. LES DIFFÉRENTS TYPES DE MÉMOIRE On parle souvent de «la» mémoire au singulier. Mais elle se compose en réalité de cinq systèmes interconnectés, dont certains fonctionnent de manière intentionnelle et d’autres, plus automatique. deuxsystèmesdestockage:labouclephonologique et le calepin visuo-spatial. La première a pour fonction de retenir les informations entendues en les répétant mentalement – par exemple, un serveur qui a pris une commande sans la noter va se la repasser encore et encore dans sa tête jusqu’à ce qu’il la restitue en cuisine. Le second remplit un rôle similaire, mais pour les informations visuelles. Nous mobilisons ce calepin mental notamment lors d’une partie de Memory, ce jeu qui consiste à retrouver des paires de cartes aux illustrationsidentiques.Enfonctiondeleurimportance,les informations traitées brièvement par la mémoiredetravailseront,ensuite,effacéesoubien transférées vers celle à long terme. MÉMOIRE À LONG TERME Au-delà des quelques secondes passées en mémoire de travail,si elle est encore utile,l’information est transférée dans un deuxième cadre, >> Comment marche la mémoire? QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 11 DAN RACE/ADOBESTOCK PourjouerauMemory, nousmobilisonsnotre calepinvisuo-spatial, quienregistrelaplace descartes. S’ENREMETTRE ÀDESOUTILSEXTERNES Pour stocker des connaissances hors de la mémoire interne, et ainsi la soulager, mais aussi afin d’accroître la mémoire collective, les humains se servent des ressources externes. Celles-ci existent depuis très longtemps; au départ, il s’agissait de personnes spécifiquement chargées de la perpétuer. Puis, après l’apparition de l’écriture, il y a environ 6000 ans, ont été utilisés des tablettes d’argile, des papyrus – et, plus récemment, des livres et des films. Aujourd’hui, avec Internet et lesnouvelles technologies, les outils externes sont devenus essentiellement numériques (smartphones, GPS…); on parle d’ailleurs à présent de mémoire digitale. celui de la mémoire à long terme, pour y être stockée etconsolidée.Commesonnoml’indique, cet «espace» dispose d’une capacité de stockage immense et quasi illimitée dans le temps. Ellesediviseendeuxsous-catégories,lesmémoires explicite et implicite. La première, appelée aussi déclarative,est celle que l’on mobilise consciemment à travers le langage,qui nécessite un effort mental de récupération. Elle regroupe les mémoires épisodique et sémantique. > Épisodique C’est la mémoire des expériences et des événements personnellement vécus, que nous sommes capables de situer dans le temps et l’espace:notremariage,celuid’unami,lanaissance denosenfants,ledécèsd’unproche…«Lamémoire épisodique permet de voyager mentalement dans le temps,et donne l’impression de se réinstaller au cœur del’événementvécu,toutensachantquecelui-ciappartientaupassé:parexemple,jemesouviensdemasoirée au restaurant de samedi dernier, j’ai l’impression de revivre certains éléments de la scène…», détaille le neuropsychologue Francis Eustache.On se remémore également nos émotions, nos réactions et nos réflexions associées à ce souvenir. >> 12 QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 BGWALKER/ISTOCK CONSTRUIREUNEMÉMOIRECOLLECTIVE Si la recherche s’est longtemps focalisée sur la mémoire individuelle, elle s’intéresse de plus en plus aujourd’hui à la notion de mémoire collective. Il s’agit de celle partagée par une communauté ou un peuple autour d’événements historiques ou contemporains relayés dans les médias. Constituée de multiples récits et images, cette mémoire en commun peut prendre la forme d’un mémorial ou d’un musée. Si elle n’est pas la somme de diverses mémoires individuelles, elle peut influer sur la construction des souvenirs personnels, comme l’a révélé une équipe de l’Inserm en 2019. À l’époque, le chercheur en neurosciences Pierre Gagnepain et ses collègues demandent à des volontaires de visiter le Mémorial de Caen sur la Seconde Guerre mondiale, puis de passer un examen IRM le lendemain tout en se remémorant au même moment les photos vues la veille. Quand ces dernières étaient associées à la même thématique de mémoire collective – le Débarquement, par exemple –, elles déclenchaient une activité cérébrale similaire chez les participants, signe qu’elles modifiaient de la même manière leurs représentations neuro-cognitives. Regarderdevieilles photosprovoque unrappeldumoment vécu,desémotionset réactionsassociées. grande aide dans la vie quotidienne: grâce à elle, nous réalisons des tâches sans effort cognitif, ce qui favorise la réalisation simultanée de tâches plus complexes: discuter avec mon passager pendant que je conduis, réfléchir à un problème difficile ou, simplement,vagabonder dans mes pensées», souligne Francis Eustache. Ainsi, toutes les formes de mémoire,même les moins complexes de prime abord, ont leur rôle à jouer. (1) Et coauteur de l’ouvrage Les nouveaux chemins de la mémoire (éd. Le Pommier/Inserm, 2020). > Sémantique Cette mémoire sert à stocker les connaissances générales sur le monde et sur soimême. Nous savons, par exemple, que Paris est la capitale de la France, mais aussi que nous sommes nés à tel endroit, et que nous exerçons telle profession… Il peut également s’agir de concepts génériques,comme le sens des mots ou le savoir concernant les objets, tel que l’utilité d’une éponge.«La mémoire sémantique permet de se représenter une chose absente sans l’impression de reviviscence qui caractérise la mémoire épisodique», précise Francis Eustache. D’ailleurs, on ne se souvient pas précisément des conditions d’acquisition de ces informations. La seconde sous-catégorie du cadre de long terme est la mémoire implicite. Elle désigne tout ce que nous faisons automatiquement et inconsciemment. Fonctionnant la plupart du temps à notre insu,elle ne nous demande aucun effort mental.Elle rassemble les mémoires procédurale et perceptive. > Procédurale C’est la mémoire qui contient les habitudes et des savoir-faire acquis au fil du temps.C’est elle dont on se«sert»pour marcher, faire du vélo,du ski ou encore jouer d’un instrument de musique,sans avoir besoin de tout réapprendre à chaque fois.Nous ne sommes d’ailleurs pas vraiment en mesure d’expliquer comment nous faisons,puisque les mouvements sont automatisés.«La mémoire procédurale est indissociable de l’action, ce qui la distingue des autres sortes de mémoires,qui sont considérées comme des systèmes de représentation», pointe le chercheur. Autre particularité: elle n’est que très peu altérée par le temps.Une fois intégrées,ces compétences ne se perdent généralement plus. > Perceptive Cette mémoire s’appuie sur nos sens pour nous permettre de retenir des images ou des bruits sans nous en rendre compte. Ce phénomène a lieu avant même que ces images aient une signification, ce qui facilite leur traitement ultérieur par la mémoire sémantique, qui leur donne un sens. Par exemple, c’est elle qui nous permet de faire chaque jour le même trajetenvoiturepourallerautravailsansrecourir au GPS, à l’aide de repères visuels. «Cette forme de mémoire,bien qu’assez rudimentaire,s’avère d’une Comment marche la mémoire? QUECHOISIRPRATIQUE • juin2025 13 PROJECTIONDANSL’AVENIR Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la mémoire n’est pas une fonction tournée uniquement vers le passé: elle nous projette aussi dans l’avenir, «en faisant appel aux mémoires épisodique et sémantique pour simuler des situations plus ou moins plausibles dans le futur, en fonction denosaspirations», résume Francis Eustache. Comme lorsqu’on se remémore nos dernières vacances et que l’on se projette dans les prochaines… C’est également elle qui nous permet de mémoriser une information ponctuelle renvoyant à une action à faire plus tard – par exemple, penser à sortir le gâteau que l’on vient de mettre au four dans une demi-heure. Ou encore poster une lettre ou aller à son rendez-vous chez le dentiste. «C’est une mémoire d’un souvenir, en quelque sorte: il faut que je me souvienne que je me suis donné cette intention», poursuit le spécialiste. Ce concept de mémoire du futur a émergé dans les années 1980, quand le neuropsychologue canadien Endel Tulving a constaté qu’un patient devenu amnésique à la suite d’un accident était incapable de se forger de nouveaux souvenirs et ne parvenait pas non plus à se projeter dans le futur. À la fin des années 2000, la neuro-imagerie cérébrale a confirmé que les circuits activés lors des processus de rappel de souvenirs et d’anticipation d’expériences personnelles étaient les mêmes.
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