SCIENCES ET AVENIR n°925 - Page 4 - 925 Changez votre regard sur le monde. ©ELIA LOCARDI/DIETMAR DENGER Offre soumise à conditions, non rétroactive, valable pour toute nouvelle réservation simultanée d’une croisière d’expédition et d’un forfait acheminement aérien du 28.12.23 au 31.03.24. La réduction « Vols offerts » s’applique sur le prix du forfait acheminement aérien vendu séparément de la croisière et uniquement sur les vols en classe économique au départ de Paris (en fonction des disponibilités). Ne s’applique pas sur les vols inclus dans l’itinéraire de la croisière. Cette offre est valable sur une sélection de départs et un nombre limité de cabines. Le prix de la croisière reste modulable et évolutif en fonction du remplissage du navire comme indiqué dans les conditions particulières de ventes. Non combinable avec les autres offres en cours (Réservation anticipée, tarif Groupes ou autre tarif spécifique) sauf la remise 1893 Ambassador. 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OFFRE EXCLUSIVE N° 925 - Mars 2024 - Sciences et Avenir - La Recherche - 3 ÉDITORIAL C e n’est pas nier l’importance de l’économie et de l’innovation que de rappeler qu’il ne peut y avoir d’innovation sans invention, cette capacité à inventer étant incompatible avec une science à la chaîne. » Pour le neurobiologiste et professeur au Collège de France Alain Prochiantz, l’occasion était belle d’entrer en résonance avec la pensée du philosophe Dominique Lecourt, disparu il y a deux ans, lors de l’hommage qui lui a été rendu début février à l’université Paris Cité. Pensée nécessaire, à l’heure où s’accélèrent les interrogations autour de l’intelligence artificielle, de la bombe atomique — et pas seulement au cinéma avec Oppenheimer —, de l’augmentation de l’humain par des puces dans le cerveau… Repousser les frontières du connu. L’importance de la « pensée scientifique », rappelée durant le colloque organisé par Céline Lefève et Claude-Olivier Doron, du centre Canguilhem? Pour la mesurer, il faut (re)lire l’essai Contre la peur du philosophe, qui permet en particulier de saisir le risque de ne pas connaître la différence entre recherche fondamentale et recherche finalisée. Quand la première « s’applique à repousser toujours les frontières du connu [et n’a] d’autre fin que son propre progrès », la seconde n’est « rationnelle [que] par rapport à une fin ». Deux rationalités à distinguer. Pensée technologique. La science, pour inventer, nécessite hardiesse et énergie. Des « coups d’audace ‘’férocement spéculatifs’’, selon le mot d’Einstein » cité par Dominique Lecourt. Et, à ne pas distinguer le fondamental de l’appliqué, on se priverait encore d’autre chose, comprendre « le régime propre de la pensée technologique ». Car il faut faire preuve de beaucoup d’ingéniosité, ce qui prend du temps (et de l'argent), pour transformer les connaissances, prendre des brevets, élaborer des produits. À preuve, se sont écoulées plusieurs décennies entre la découverte de l’ARN et le développement des vaccins y faisant appel, non seulement contre le Covid-19, mais bientôt contre d’autres maladies infectieuses et certains cancers. Super-intelligence. Quant à l’IA, dont les débuts remontent aux années 1950, il aura fallu attendre des calculateurs ultrapuissants, avec leurs processeurs GPU capables d’ingurgiter des trillions de données, pour la voir finalement surgir dans le domaine public avec ChatGPT. On peut se demander qui, de la peur de l’IA ou de la fascination pour une super-intelligence, finira par l’emporter? En espérant qu’au mieux, ce ne soit ni l’une ni l’autre… Histoire de ne verser ni dans l’anti-science ni dans le scientisme, cette « religion de la science ». Animaux privés de raison. Dominique Lecourt aimait à citer Pic de la Mirandole et son éthique selon laquelle « il nous appartient, puisque notre condition native nous permet d’être ce que nous voulons, de veiller par-dessus tout à ce qu’on ne nous accuse pas d’avoir ignoré notre haute charge pour devenir semblables aux bêtes de somme et aux animaux privés de raison ». Obligation semble s’imposer ici, cher lecteur, chère lectrice de Sciences et Avenir, de penser par soi-même. J Penser par soi-même Dominique Leglu Directrice éditoriale BERNARD MARTINEZ « Courriels à: courrier-lecteurs@sciencesetavenir.fr Àproposdecellulescérébrales, dans votre n° 921 p. 22, vous dites que le cerveau est composé de 40 % de neurones et 60 %decellulesgliales.Ordans len° 798d’août2013p. 59,vous parlez de 10 % de neurones et 90 % de cellules gliales. J’aimerais que vous m’expliquiez pourquoi ce changement. Jacques Roux S. et A. : Dans l’article de 2013 que vous citez, l’auteur relayait en effet — au conditionnel — l’hypothèse formulée alors par Eric Kandel selon laquelle les cellules gliales pourraient représenter les neuf dixièmes de l’ensemble des cellules cérébrales. En réalité, le comptage de ce côté obscur de notre cerveau — les cellules gliales ne « s’illuminent » pas comme les neurones qui véhiculent un courant électrique — était alors assez balbutiant. Aujourd’hui encore, au regard des quelque 200 milliards de cellules qui constituent le cerveau, il est difficile d’être précis. Mais il existe un consensus sur la répartition citée dans notre dernier article: environ 60 % de cellules gliales (astrocytes, microglie) pour 40 % de neurones. Mutation génétique Dansvotrearticle« Quandl’humanité a failli disparaître » (S. et A. n° 922), vous rappeliez que nos ancêtres avaient 24pairesdechromosomesmais que « deux ont fusionné pour donner naissance à notre chromosome 2 »,desortequenous enavonsaujourd’hui23paires. Quand cette mutation s’est produite, les individus à 24 et 23 chromosomes étaient-ils interféconds ? En termes de sélection,cettemutationreprésentait-elle un avantage pour finir par s’imposer? Hugo Pérez Bercoff S. et A. : Cette question soulève des problématiques sur la spéciation, le moment où se forme une nouvelle espèce. La biologie a longtemps enseigné que les hybrides, animaux résultant de la rencontre de deux espèces, étaient infertiles. Les données plus récentes tendent à montrer que la situation est plus nuancée. Il s’agit de processus progressifs, avec des brassages encore possibles avec la population en cours de spéciation. Mais le succès reproductif devait être meilleur avec deux parents portant le même nombre de chromosomes… On peut penser que ce réarrangement chromosomique a entraîné un avantage sélectif car il a, en effet, donné naissance à la lignée humaine. De quelle nature ? Nous ne pensons pas que les scientifiques l’aient déjà établi. Qui dort dîne Dans votre article sur « Les bienfaits d’un long jeûne nocturne » (S. et A. n° 924), vous écrivez qu’il est préférable de petit-déjeunerà8heuresplutôt qu’à9heures,etdedîneravant 21 heures… Mais peu importe l’heuredurepas:l’essentielest de jeûner le plus longtemps possible, il me semble… Elise Esquerre S. et A. : Effectivement, il peut sembler étonnant que déjeuner tôt soit aussi important que la durée du jeûne nocturne. C’est pourtant ce qu’a confirmé le chercheur. Attention, toutefois, ce n’est qu’une association statistique et cela ne concerne que le risque de certains troubles cardio-vasculaires. Précision Dans l’article sur la pêche durable (S. et A. n° 923, p. 58), il fallait lire que « les 90 kg d’hydrogène utilisés pendant la saison de pêche ont bien permis d’éviter la combustion de 500 litres de gazole, épargnant ainsi 1,75 tonne de CO2 » et non 75 tonnes. COURRIER 4 - Sciences et Avenir - La Recherche - mars 2024 - N° 925 L'esprit d'ouverture © Radio France/Ch. Abramowitz La science, CQFD. Natacha Triou En partenariat avec > Disponible sur le site et l’appli Radio France. DU LUNDI AU JEUDI 16H - 17H FC_ScienceCQFD_EncartPress_168x75.indd 2 FC_ScienceCQFD_EncartPress_168x75.indd 2 10/10/2023 11:16 10/10/2023 11:16 « Des cellules cérébrales d’un nouveau type » (Sciences et Avenir–La Recherche n° 921, novembre 2023) mosome 2 enavonsaujourd’hui23paires. Quand cette mutation s’est produite, les individus à 24 et 23 chromosomes étaient-ils « Des cellules cérébrales d’un nouveau type » n° 921, novembre 2023) N° 925 - Mars 2025 - Sciences et Avenir - La Recherche - 5 Mathieu Nowak Rédacteur en chef BERNARD MARTINEZ ÉDITO V oilà un peu plus d’un quart de siècle que notre connaissance de la nature de l’Univers a radicalement changé. Le constat, fait à la fin des années 1990, que son expansion ne ralentit pas comme on le pensait mais au contraire accélère, impliquait l’existence d’une mystérieuse énergie, moteur de cette accélération. Ignorant tout de sa nature, les chercheurs l’ont nommée énergie noire (ou sombre, traduction littérale de « dark », la dénomination anglo-saxonne). Si l’on y ajoute la matière noire, nécessaire à l’explication du mouvement des galaxies tel qu’on l’observe, et dont on ne connaît pas plus la nature, cela fait rien de moins que 95 % de la composition de l’Univers qui nous échappent totalement. « Scientifiquement embarrassant », convient Giuseppe Racca, de l’Agence spatiale européenne (p. 32). Les cosmologistes sont arrivés à forger quatre hypothèses sur la nature de l’énergie noire (p. 28). Et aujourd’hui, nous sommes peut-être à l’aube de savoir si l’une d’elles est la bonne, car trois instruments spécifiquement conçus pour l’étudier s’apprêtent à livrer leurs premiers résultats. Dans la communauté scientifique, l’excitation est à son comble. « Notre discipline vit une époque formidable! », s’enthousiasme la cosmologiste Nathalie Palanque-Delabrouille (p. 37). L’histoire s’écrit sous nos yeux. À propos d’histoire des sciences, nous sommes très heureux de vous proposer un nouveau rendez-vous : trois pages y seront désormais consacrées tous les mois. Parce que, plus que jamais, nous avons besoin de comprendre le passé pour préparer le futur. Or, cette compréhension ne cesse d’évoluer avec le travail des historiens. C’est donc directement vers eux que nous nous sommes tournés. Chaque mois, un nouvel auteur apportera un éclairage inédit sur une découverte, un personnage, un événement. Nous commençons avec l’avènement des travaux menés pour déterminer l’âge de la Terre. Le mois prochain, nous évoquerons Robert Oppenheimer, le physicien éclipsé par la Bombe. Bonne lecture et n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques. Nous sommes peut-être à l’aube de savoir si l’une des hypothèses sur la nature de l’énergie noire est la bonne ‘‘ ‘‘ L’histoire en marche Les noms et adresses de nos abonnés seront communiqués aux organismes liés contractuellement avec Sciences et Avenir, sauf opposition. Dans ce cas, la communication sera limitée au service de l’abonnement. Ce numéro comporte une lettre de « bienvenue aux abonnés » et un encart « Sophia Boutique - Montre Chronographe Vuillemin Regnier », jetés sur couverture sur une partie de la diffusion abonnés ; ainsi qu’un message « Paris Match » et un encart « Société Française des Monnaies » jetés sur couverture sur la totalité de la diffusion abonnés. Commission paritaire n° 0625 K 79712. ISSN 00368636. Distribué par MLP. Directrice éditoriale Dominique LEGLU - 01.55.35.56.02 Rédacteur en chef Sciences et Avenir Mathieu NOWAK 01.55.35.56.38 Rédacteur en chef La Recherche Philippe PAJOT - 01.70.98.19.29 Rédacteur en chef digital Olivier LASCAR - 01.55.35.56.15 Rédaction en chef hors-série Vincent REA - 01.55.35.56.35 avec Florence LEROY - 01. 55.35.56.36 Adjoint à la rédaction en chef Laurent PERICONE (édition) - 01.55.35.56.10 Rédacteur(trice)s en chef adjoint(e)s Vincent GLAVIEUX (La Recherche) - 01.70.98.19.32 Hugo JALINIÈRE (Sciences et Avenir) - 01.55.35.56.52 Andreina DE BEI (photo) - 01.55.35.56.31 Lise LOUMÉ (digital) - 01.55.35.56.39 Directeur(trice)s artistiques Dominique PASQUET (couverture) - 01.55.35.56.59 Jean-Louis GILABERT - 01.55.35.56.28 Thalia STANLEY (adjointe) - 01.55.35.56.21 Secrétaire générale de la rédaction Véronique MESSAGER - 01.55.35.56.18 Conseillère auprès de la rédaction en chef Rachel MULOT (cheffe de service enquêtes) - 01.55.35.56.07 Chef de service Fabrice NICOT (fondamental) - 01.55.35.56.46 Chef de service adjoint Hervé RATEL (actualités) - 01.55.35.56.45 Chef(fe)s de rubrique Franck DANINOS (fondamental) - 01.55.35.56.78 Mathias GERMAIN (biologie, médecine, santé) - 01.70.98.19.33 Sylvie RIOU-MILLIOT (médecine, santé) - 01.55.35.56.54 Rédaction Marine BENOIT (archéologie, histoire) - 01.55.35.56.23 Arnaud DEVILLARD (numérique, expositions) - 01.55.35.56.27 Sylvie ROUAT (grand reporteure, espace, océanologie) - 01.55.35.56.40 Assistante de direction Valérie PELLETIER - 01.55.35.56.01 Collaborateurs(trices) Sylvie BOISTARD, Loïc CHAUVEAU, Johan KIEKEN Chroniqueurs Sylvie BENZONI, Christophe CASSOU, Jean-Gabriel GANASCIA, Céline GUIVARCH, CLAIRE MATHIEU Ont participé à ce numéro P. BERLOQUIN, S. BRIET, N. GUTIERREZ C., P. KALDY, J.-F. LAGROT, C. LAURENS, E. NICOLAS, A. VERNET, S. VIONNET 1re secrétaire de rédaction Sandrine HAGÈGE - 01.55.35.56.17 Photo-iconographie Isabelle TIRANT - 01.55.35.56.32 Claire BALLADUR - 01.70.98.19.41 Pôle digital Sarah BOULVARD (journaliste vidéaste en alternance) - 01.55.35.56.51, Valentin COLLIAT-DANGUS (community manager) - 01.55.35.56.70, Isabelle DO O’GOMES (cheffe de rubrique, veille) - 01.55.35.56.49, Camille GAUBERT (santé) - 01.55.35.56.24, Joël IGNASSE (espace, paléontologie) - 01.55.35.56.15, Coralie LEMKE (santé) - 01.55.35.56.56, Astrid SAINT AUGUSTE (rédactrice spécialisée) - 01.55.35.56.48, Anne-Sophie TASSART (cheffe de rubrique) - 01.55.35.56.41 Jessica RIOS responsable projets digitaux - Yann BOURDAIS chef de projet junior - Flora ISSINGUI cheffe de projet marketing digital Courrier des lecteurs Sara DE LACERDA - courrier-lecteurs@sciencesetavenir.fr Informatique Daniel DE LA REBERDIÈRE - 01.55.35.56.06 Responsable administrative et financière Jaye REIG - jreig@challenges.fr Comptabilité - compta@challenges.fr Responsable ressources humaines William AFTHONIADES - wafthoniades@challenges.fr Responsable paye Sandrine MARTIN - smartin@challenges.fr Fabrication Sarah RABBAH Publicité MediaObs 44, rue Notre-Dame-des-Victoires 75002 Paris Tél. : 01.44.88.97.70. 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Abonnements Belgique : Edigroup : tél. 00.32.70.233. 304 Abonnements Suisse : Edigroup : tél. 00.41.22.860.84.01 FR FR SOMMAIRE Sciences et Avenir - La Recherche / N° 925 / Mars 2024 N° 925 - Mars 2024 - Sciences et Avenir - La Recherche - 7 MARKGARLICK/SPL/SUCRÉSALÉ-V.JONCHERAY/ANDIA.FR-VOISIN/PHANIE-AFP 3 Éditorial par Dominique Leglu 4 Courrier 5 Édito par Mathieu Nowak SCIENCES FONDAMENTALES 8 ACTUALITÉS Le Japon ouvre la voie à des alunissages de haute précision / L’IA bouleverse l’analyse d’empreintes 40 Maison Poincaré : les mathématiques en partage 46 La course automobile face au virage vert 50 Journal de l’IA : la délicate collaboration humain-machine NATURE 12 ACTUALITÉS Des champignons de mer aiment le plastique / Au Kenya, de petites fourmis font plier les grands lions 52 Éolien en mer : l’aube des géants flottants 58 La révolution du lait de chamelle SANTÉ 16 ACTUALITÉS Comment le stress détraque les intestins / Un test sanguin efficace pour le diagnostic d’Alzheimer 66 Cannabis : ses véritables effets sur le cerveau 72 Comment en finir avec la toux chronique 76 Nutrition : faut-il se laisser tenter par la cuisine coréenne ? HISTOIRE 20 ACTUALITÉS La disparition du géant herbivore élucidée / Le dolmen de Menga, prouesse du néolithique 78 Gaza, le patrimoine anéanti 83 Les poux réécrivent l’histoire de l’humanité 86 Histoire des sciences : la Terre prend de l’âge TRANSVERSALES 90 Sélection livres 93 Expositions 94 Chroniques Climat par Céline Guivarch et Christophe Cassou / Mathématiques par Sylvie BenzoniGavage / Éthique par Jean-Gabriel Ganascia / L’œil d’Olivier Lascar 96 Questions de lecteurs 97 Le ciel de mars 98 Jeux P. 52 P. 66 P. 78 La communauté scientifique se passionne pour cette mystérieuse force qui contrecarre la gravitation. Trois nouveaux instruments d’observation bientôt opérationnels devraient fournir des données essentielles sur la nature de l’énergie noire. Éolien en mer : l’aube des géants flottants L’État a lancé un appel d’offres pour la concession de trois parcs éoliens « offshore » au large de nos côtes. Revue des solutions techniques proposées par les sociétés candidates. Cannabis : ses véritables effets sur le cerveau Les effets toxiques du THC sur l’activité cérébrale sont désormais bien documentés grâce au recul offert par la légalisation dans certains États. Les adolescents sont particulièrement vulnérables. Gaza, le patrimoine anéanti Depuis octobre dernier, le riche patrimoine culturel et archéologique du territoire palestinien disparaît sous les bombardements israéliens. Des archéologues témoignent. DOSSIER P. 26 Énergie noire La force qui déchire l’Univers 8 - Sciences et Avenir - La Recherche - Mars 2024 - N° 925 ACTUALITÉS L atroisièmetentativeaura étélabonne.Aprèsdeux échecs en 2022 et 2023, le Japon a réussi un atterrissage en douceur sur la Lune. Lancéeenseptembredernier, la sonde Slim (Smart Lander for Investigating Moon) s’est poséele19 janvierdanslecratèreShioli—àquelque300 km de la mer de la Tranquillité, site d’alunissage des astronautesd’Apollo11en1969.Le Japondevientainsila5e nation àréussircetexploit,aprèsl’exURSS,lesÉtats-Unis,laChine et,plusrécemment,l’Inde(lire S. et A. n° 920, octobre 2023). Mais la mission surnommée « Moon Sniper »restera aussi dans les annales pour une autre raison. Son objectif principal, en effet, était de tester une technique d’aluLe Japon ouvre la voie à des alunissages de haute précision La sonde Slim s’est posée sur le sol sélène à moins de 100 mètres de l’endroit visé, contre plusieurs kilomètres pour les missions précédentes. nissage de très haute précision: à moins de 100 mètres de l’endroit visé, contre plusieurskilomètrespourlesmissionsprécédentes.Orl’engin de200 kgapuseposerà55m desacible!« Pouryparvenir, uncalculateurdebordultrarapideacomparédesimagesde lasurfacedelaLuneprisespar des orbiteurs avec celles captéesentempsréelparlasonde, les cratères lunaires servant de repères », explique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au Centre national d’études spatiales (Cnes). Cette technique de navigation autonome va être à terme très précieuse. Dans le cadre du programme Artemis de la Nasa, elle pourrait permettre en effet « de déposer du matériel et des capsules habitées à des endroits deplusenplusprocheslesuns desautres »,avancel’astrophysicien.Dessitesd’unegrande importancescientifique,mais exigus, deviendront par ailleurs plus accessibles. Des données précieuses sur la géologie lunaire La mission nippone ne s’est toutefois pas déroulée sans encombre. En raison d’une anomalie survenue lors des dernières dizaines de mètres de sa descente, Slim a fini sa course la tête quasiment à l’envers. « Au dernier moment, l’un des moteurs devait provoquer le pivotement de l’atterrisseur de 90 degrés, précise Francis Rocard. Mais il a tourné de L’atterrisseur Slim photographié le 19 janvier, peu après son alunissage la tête en bas, par le mini-rover LEV-2 de la mission japonaise. JJAXA/TAKARA TOMY/SONY GROUP CORPORATION/DOSHISHA UNIVERSITY/THOMAS APPÉRÉ 180 degrés, se retrouvant au final vers le haut. » Lavitesse verticaleétaitheureusement trèsfaible(moinsde5 km/h), évitant à Slim un crash fatal. Avant d’alunir, la sonde a même largué deux petits robots (LEV-1 et LEV-2) qui ont pu transmettre à la Terre une photo de Slim les quatre fers en l’air. Mal positionnés, les panneaux solaires de la sonde n’ont pu la faire fonctionnerquedeuxjoursaulieu d’une quinzaine prévue. Un délai suffisant pour que l’atterrisseurprennedesdizaines de clichés des terrains alentouretfournisseainsideprécieuses informations sur la géologiedelaLune.L’équipe japonaisedevaittentertoutefoisderallumerlasondeaprès la nuit lunaire. F. D. N° 925 - Mars 2024 - Sciences et Avenir - La Recherche - 9 ACTUALITÉS Sciences fondamentales C ’estl’étonnantedécouverte faite grâce à une intelligence artificielle (IA) développée par une équipe de l’université Columbia (États-Unis). Elle jette un pavé dans la mare de la communauté médicolégalequis’accordaitsurlefait quelesdifférentesempreintes d’unemêmepersonneétaient incomparables.Contretoute attente,lemodèledécritdans la revue Sciences Advances a eneffettrouvédescorrespondances.Carlàoùlaméthode classique d’identification se base sur les croisements et extrémités des crevasses formant le motif sur le bout de nos doigts, l’IA a examiné la courbure et l’angle de ces lignes et, plus précisément, la partie centrale du motif. Desortequeprèsde77 %des paires d’empreintes d’une mêmepersonneontétéidentifiées comme telles. Reste à voir comment les experts médico-légaux se saisiront decefaitnouveaupourleurs enquêtes. S. V. L’IA bouleverse l’analyse d’empreintes Des similitudes existent entre les différents doigts d’une même personne. Recordpourunlaboratoiresouterrain PHYSIQUELe laboratoire souterrain le plus profond et le plus vaste au monde a été inauguré dans le sud-ouest de la Chine. Le CJPL-II (China Jinping Underground Laboratory) offre un volume de 330000 m3 à -2400 m sous les montagnes Jinping. Il servira à traquer la matière noire — hypothétique substance qui constituerait 27 % de l’Univers mais n’interagit que très peu avec la matière ordinaire (lire p. 26). Les signaux, ténus, seraient ainsi plus facilement détectables à très grande profondeur, avec un minimum de bruits de fond. F. D. Le nœud moléculaire le plus serré au monde CHIMIE C’est par hasard qu’une équipe qui voulait entrelacer deux molécules circulaires a synthétisé le « nœud de trèfle », le plus petit jamais répertorié. Il ne possède que 54 atomes (d’or, de phosphore, de carbone et d’hydrogène), soit 15 de moins que le précédent record. Cet heureux autoassemblage pourrait permettre de mieux comprendre comment les protéines et macromolécules d’ADN forment des nœuds et s’enchevêtrent. F. D. SOURCE : LI-LONG DANG, UNIVERSITÉ FUDAN, CHINE. ASTROPHYSIQUE La collaboration Event Horizon Telescope a dévoilé une nouvelle image de M87*, le trou noir supermassif situé au cœur de la galaxie éponyme. Elle montre l’astre situé à 800 millions d’annéeslumière un an après l’image révélée en avril 2019 à partir de données de 2017 — c’était alors la première photo d’un trou noir. Cette nouvelle image repose, elle, sur des données de 2018. La taille de l’anneau n’a pas changé, comme le prédit la relativité générale. Mais le pic d’émission s’est déplacé de 30°, traduisant le chaos qui agite la matière sur le point d’être avalée par le trou noir. F. N. L’algorithme s’appuie sur les motifs de la partie centrale de la pulpe du doigt. Unenouvelleimagedu trounoirdelagalaxieM87 Entrée du complexe destiné à traquer la matière noire. EN DEUX MOTS PREMIÈRE Trois grottes de 20 à 47 m de profondeur ont été décelées sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko, photographiée par la sonde européenne Rosetta en 2014. MISSION Premier engin volant sur une autre planète, l’hélicoptère Ingenuity (Nasa) s’est cassé deux pales et a dû cesser ses activités après trois ans sur Mars.EXOPLANÈTE À 73 années-lumière, dans la constellation de la Grande Ourse, des astronomes ont découvert une planète de la taille de la Terre plus proche et plus jeune que tout autre monde jamais identifié. GABE GUO,/COLUMBIA ENGINEERING EHT COLLABORATION XU BINGJIE / XINHUA / AFP G Le pic lumineux de l’anneau de M87* s’est décalé de 30° en un an. 2017 2018 10 - Sciences et Avenir - La Recherche - Mars 2024 - N° 925 ACTUALITÉS Sciences fondamentales S ’il était hypothétique, le voici confirmé. Mimas, petit satellite deSaturneauxalluresd’étoile de la mort du film StarWars, possèdebeletbienunocéan enfouisousunecouchede20 à 30 km de glace, selon une étude publiée dans Nature. Lacertitudedesastronomes se fonde sur l’observation descaractéristiquesorbitales de la lune de 400 km de diamètre, en l’occurrence le mouvement de rotation de l’ensembledel’orbiteautour de la planète. Grâce à l’analyse des données enregistrées par la sonde Cassini entre 2004 et 2017, les chercheurs ont pu établir que cette vitesse révélait la présence d’un océan, et non d’un noyau de forme allongée entouré d’une couche de glace, l’autre hypothèse pour décrire l’intérieur de Mimas. Le satellite devient ainsi le cinquième du Système solaire, avec Europe et Ganymède (autour de Jupiter), Encelade et Titan (Saturne) à avoir un océan interne, peut-être propice à l’apparition de la vie. F. N. UNIVERSITY OF DELAWARE BOB HUBNER, WSU PHOTO SERVICES Une galaxie sans étoiles découverte par hasard ASTROPHYSIQUE C’est probablement la galaxie la plus sombre observée. À 270 millions d’années-lumière, J0613+52 n’est qu’un amas de gaz d’hydrogène d’une masse équivalent à la moitié de notre Voie lactée. Les nuits y sont sans étoiles, ou presque, sans doute à cause de son isolement relatif: elle ne subit pas l’influence gravitationnelle de voisines pouvant provoquer l’effondrement du gaz en étoiles. Le fait qu’elle ait été découverte par hasard suggère que ce genre de galaxie noire est sans doute assez courant dans l’Univers, mais très difficile à observer. F. N. SOURCE: WIM VAN DRIEL, OBSERVATOIRE DE PARIS, FRANCE. Un nouvel océan dans le Système solaire Mimas, petit satellite de Saturne, posséderait un océan enfoui sous une couche de glace. La petite lune de 400 km de diamètre abriterait un océan 20 à 30 km sous sa surface cabossée. Pas de salade pour les astronautes ESPACE Alors que les passagers de la Station spatiale internationale peuvent occasionnellement grignoter un peu de salade verte cultivée à bord, une étude met en garde: en microgravité, celle-ci est plus sujette à se trouver contaminée par des bactéries pathogènes. En particulier les salmonelles à l’origine d’infections parfois sévères. H. J. SOURCE: NOAH TOTSLINE, UNIVERSITÉ DU DELAWARE, ÉTATS-UNIS. En microgravité, les plantes sont plus sujettes aux infections bactériennes. Des minirobots pollinisateurs ROBOTIQUE Longs respectivement de 8,5 et de 22 mm, le MiniBug et le WaterStrider (photo ci-dessous) prennent pour modèles des insectes. Sans moteur ni batterie, ils se déplacent grâce à un actionneur fait d’un alliage à mémoire de forme, le nitinol. L’élément se contracte sous l’action d’un courant électrique, puis revient à sa position initiale quand le courant est coupé. De tels robots pourraient servir à de la pollinisation artificielle ou à la surveillance d’un environnement. A. D. SOURCE: C. TRYGSTAD, UNIV. D’ÉTAT DE WASHINGTON, ÉTATS-UNIS. INGÉNIERIE La Nasa et l’entreprise américaine Lockheed Martin ont dévoilé le X-59 Quesst (Quiet SuperSonic Technology), un avion supersonique expérimental qui doit effectuer ses essais en vol cette année. Il s’agit d’évaluer l’acceptabilité de ce type de vol, aujourd’hui interdit en raison du bang supersonique. Pour le réduire à 75 décibels, le X-59 est doté d’un long nez de 11,5 mètres sur les 30,4 mètres de long du fuselage et d’un cockpit sans relief, le pilotage se faisant à l’aide d’écrans. S. R. L’avionX-59,unsupersonique silencieux GARRY TICE/ LOCKHEED MARTIN NASA/JPL/SSI/SWRI Un nouvel océan dans DE WASHINGTON, ÉTATS-UNIS. Retrouvez plus d’informations en agence ou sur harmonie-mutuelle.fr PHILIPPE A LES PIEDS SUR TERRE *Exonération à hauteur de 152 500 euros par bénéficiaire. Les montants investis sur des supports en unités de compte sont soumis à des fluctuations à la hausse ou à la baisse suivant l’évolution des marchés financiers et présentent un risque de perte en capital. Ce risque financier est assumé par l’adhérent. Harmonie Mutuelle (distributeur) - Mutuelle soumise aux dispositions du livre II du Code de la mutualité, immatriculée au répertoire Sirène sous le numéro Siren 538 518 473. Numéro LEI 969500JLU5ZH89G4TD57. Siège social : 143, rue Blomet - 75015 Paris. MAIF VIE (assureur Épargne Vie Simplicité) - Société anonyme au capital de 122 000 000 € - RCS Niort 330 432 782 - 50, avenue Salvador-Allende - CS 90000 - 79029 Niort Cedex 9. Entreprise régie par le Code des assurances. Mutex (assureur Epargne Vie Expertise) - Société anonyme au capital de 37 302 300 €. Entreprise régie par le Code des assurances - RCS Nanterre 529 219 040 - 140, avenue de la République - CS 30007 - 92327 Châtillon Cedex. Crédit photo : Getty Images - AVEC SON ASSURANCE VIE, IL A PRÉPARÉ SA SUCCESSION POUR QU’ELLE SOIT MOINS COÛTEUSE POUR SES PROCHES. Aucun droit de succession sur les primes versées avant 70 ans*. 12 - Sciences et Avenir - La Recherche - Mars 2024 - N° 925 ACTUALITÉS Nature ERIK FRANK / UNIVERSITÄT WÜRZBURG PAZ ET AL. D es champignons marins pourraient détruire les microplastiques! C’est la découverte surprenante faite par un océanographe de l’université deVienne (Autriche), Federico Baltar. À partir de prélèvementsd’échantillons d’eau de mer de l’Espagne à la Patagonie et du Groenland à l’Antarctique, ce chercheur s’est focalisé sur ces espèces fongiques vivant en compagnie de bactéries, de microalgues, de zooet phytoplanctons à la surface des océans. Ces champignons pélagiques représenteraient 300 millions de tonnes sur les 6 milliards de l’ensemble desmicro-organismesvivant dans cet écosystème. FedericoBaltaretsonéquipe Des champignons de mer aiment le plastique Les chercheurs doivent vérifier si leur capacité à dégrader les microplastiques constatée en laboratoire se déroule aussi en milieu marin. Les fourmis guerrières soignent leurs infections ENTOMOLOGIELorsqu’elles reviennent blessées de leurs raids contre les termites, les fourmis guerrières Megaponera analis sont triées par leurs congénères pour être soignées. Une étude montre que ces ouvrières peuvent identifier les plaies infectées et sécréter des agents antimicrobiens permettant de réduire la mortalité des blessées de 90 %. H. J. SOURCE : ERIK FRANK, UNIVERSITÉ DE LAUSANNE, SUISSE. ont essayé de déterminer si ces organismes étaient capables de digérer des éléments tels que les phtalates et les organophosphates, les plus enclins à être dégradés par des microbes, ainsi que l’ont démontré d’autres études.Avecenlignedemire l’énorme enjeu écologique que représente la pollution des mers par les plastiques. 15 espèces plastivores parmi les 300 identifiées Le séquençage génomique des échantillons prélevés a permis d’identifier 300 espèces. Parmi cellesci, 15 se sont révélées aptes à dégrader les plastiques. « Nous avons étudié leur génome pour comprendre leur potentiel métabolique qui permet de casser ces composés synthétiques, raconte Federico Baltar dans le résumé publié par le Fonds autrichien pour la science, qui finance ces recherches. Et nous avons déterminé les gènes qui servent à exprimer ces mécanismes et comment ceux-ci fonctionnent. » Les chercheurs veulent non seulementsavoircequirend lesenzymesencauseefficaces pourdégraderlesplastiques, mais également si ceux-ci sont les mêmes pour toutes lesespèces.Illeurfaudraenfin vérifier si cette capacité de dégradation des plastiques constatée en laboratoire se déroule bien dans le milieu naturel. Les premiers résultats sont annoncés pour la fin de l’année. J L. C. 1947 espèces de champignons marins ont été répertoriées dans le monde à ce jour. Cette ouvrière pratique des soins à une congénère blessée. ELLE A DIT « Le chalutage de fond remet en suspension une partie du carbone piégé dans les sédiments du plancher océanique et est une source importante de pollution atmosphérique » Trisha Atwood, de l’université d’État de l’Utah (États-Unis), dont l’étude montre que 55 % du carbone extrait des sédiments par ce mode de pêche rejoindront l’atmosphère en l’espace de sept à neuf ans.
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