SCIENCES ET AVENIR n°907 - Page 1 - 907 N° 907 - Septembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 3 ÉDITORIAL L ’été a été studieux pour nombre de scientifiques. Et pas seulement pour ceux qui se sont efforcés, derniers rapports du Giec en main, de signifier aux étourdis (au mieux) et aux climatosceptiques (il en reste) que les experts sur l’évolution du climat avaient su anticiper avec force précisions, canicules, sécheresses et feux de forêts. La marque inquiétante de ces derniers mois. Outre les climatologues, des astronomes, mathématiciens, biologistes… se sont retrouvés en juillet à Leyde, aux Pays-Bas, pour la réunion ESOF (EuroScience Open Forum), qui se déroule tous les deux ans dans une grande ville européenne. Auparavant, ce fut à Trieste (Italie), il y a quatre ans à Toulouse. Qui sait? Entretemps, la pandémie, les fake news et les « bulles informationnelles » dans lesquelles certains citoyens s’enferment, sont passées par là, insiste notre confrère britannique New Scientist, partenaire de la manifestation. Au point que Meta Knol et Lucien Geelhoed, les deux pilotes du programme de « Leyde, ville européenne de la science », ont tenu à choisir le titre provocateur : Who knows. Qui sait… Imagination. Qui décide de ce qui est vrai? Qui sait de quoi l’avenir sera fait? L’important est de continuer à poser des questions. Ce que pratique tout(e) vrai(e) scientifique, animé(e) d’une réelle curiosité pour le monde qui nous entoure. On ne doute pas que vous, lectrices et lecteurs de Sciences et Avenir-La Recherche, ayez cette même passion pour la connaissance. Mais comme l’avait fait remarquer Albert Einstein, « l’imagination est plus importante que la connaissance, car la connaissance est limitée ». Jeunes cerveaux. Aussi, en ce mois de septembre, Leyde mettra-t-elle à l’honneur celles et ceux doué(e)s d’une telle imagination, que Meta Knol appelle avec tendresse les « Einstein du futur ». Dans la ville néerlandaise à l’université de renommée internationale, doivent se retrouver les meilleurs des jeunes cerveaux (entre 14 et 24 ans) ayant participé à la compétition European Union Contest for Young Scientists, organisée dans plus de 40 pays. Botanique artificielle. Un exemple de curiosité? Celle de trois doctorants dont l’étude intrigante a été exposée dans l’imposante église Saint-Pierre. On y voit le nid d’une foulque macroule trônant sur une belle feuille brillante. Une imitation de la plante ornementale Strelitzia. Fantastique plastique, écrivent les jeunes biologistes avec ironie, rappelant l’histoire selon laquelle en 1775, Marie-Antoinette se serait évanouie à la vue d’une rose artificielle… trop parfaite! Aujourd’hui, ont-ils constaté, « pour améliorer la ressemblance avec les vraies plantes, on y incorpore des imperfections » et de plus en plus d’oiseaux s’y laissent prendre. Au point qu’une science nouvelle en émerge, la botanique artificielle, et que l’herbier national néerlandais accueille des imitations de plantes dans ses tiroirs. ½ @dominiqueleglu Les Einstein du futur Dominique Leglu Directrice éditoriale BERNARDMARTINEZ Courriels à: courrier-lecteurs@sciencesetavenir.fr J’aiachetéSciencesetAvenir-LaRecherche parhasardcetétéetj’aiétéconquis.Merci pour votre dossier « Pourquoi ? », que j’ai dévoré du début à la fin. Merci aussi pour votre article sur la reconquête de la nature sur le territoire français. Et bravo pour votre enquête sur le déchiffrement des premières écritures. La science qui explique, qui explore, qui donne espoir, c’est passionnant. J’espère que les prochains numéros seront aussi variés et documentés! Emmanuel Grusza S. et A.: Merci à vous très cher lecteur. Toute la rédaction se mobilise chaque mois pour vous offrir le meilleur de l’actualité scientifique avec la plus grande rigueur et les éclairages de ceux qui la font. Vos encouragements nous vont droit au cœur, et pensez à vous abonner pour ne rater aucun numéro! Force de gravitation Lectrice assidue de votre magazine et de votredossiersurles« Pourquoi? »,jesouhaitevousfairepartd’uneincompréhensionquimetarabuste.Jepenseavoiràpeu près assimilé la notion d’espace-temps déformépartoutcorps:« Tout corps passant à proximité de la Terre sera attiré par elle mais pas sous l’effet d’une force agissant à distance comme le décrivait Isaac Newton » (p. 40). Alors pourquoi continue-t-on de parler de la force de gravitation, voire d’une particule hypothétique, le graviton, qui serait responsable de cette force? Et pas seulement dans votre magazine! « Selon la loi de la gravitation universelle d’Isaac Newton, deux particules matérielles sont attirées l’une vers l’autre par une force dont l’intensité est proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au carré de leur distance » (p. 48). Catherine Laugel de Lignerolles S. et A.: En réalité, si l’on continue d’utiliser la force de gravitation de Newton, c’est parce que la formule (F=mMG/r2) fonctionne très bien pour décrire par exemple le mouvement de la Terre autour du Soleil. C’est l’interprétation physique que l’on en fait qui est aujourd’hui caduque. Il n’y a pas de « force » s’exerçant comme par magie, à distance, sans lien physique entre deux corps. D’ailleurs, Newton lui-même reconnaissait que c’était étrange. La « bonne » interprétation physique (jusqu’à preuve du contraire) est celle d’Albert Einstein, une modification de la géométrie de l’espace-temps sous l’effet d’une masse ou de l’énergie. Par ailleurs, les équations d’Einstein permettent de calculer des trajectoires dans des configurations inaccessibles aux équations de Newton. Par exemple, pour des objets allant à des vitesses proches de celle de la lumière. Champignons mortels Dans le numéro de juillet-août, page 16, dans le court article consacré à la toxine commune des champignons mortels, vous dites que ces derniers génèrent tous (a priori sans exception) la même toxine, qu’un ensemble de quatre gènes estresponsabledelaproductiondecette toxine,etdoncquetousleschampignons mortelsabritentcesmêmesquatregènes dans leur ADN. Vous concluez ensuite quetousceschampignonsontunancêtre commun. Est-ce votre conclusion ou celle de l’étude ? Pourquoi des mutations (et donc l’apparition de nouveaux gènes) ne pourraient-elles pas se produire spontanément plusieurs fois au cours de l’évolution, que ce soit dans l’espace (plusieurs régions) ou dans le temps(plusieurspériodesdel’histoire)? Michaël Zanon S. et A.: Dans l’exemple des champignons, ce sont les analyses génétiques qui ont permis de conclure que les toxines n’étaient pas héritées d’un ancêtre commun. Ces trois champignons produisaient en effet la même toxine, l’amanitine, à l’aide des mêmes quatre gènes, alors qu’ils sont issus de trois familles de champignons très différentes, et dont les autres membres ne possèdent pas l’amanitine (ce qui serait le cas s’il y avait eu un ancêtre commun). Il ne s’agit même pas de convergence évolutive mais de « transfert horizontal ». C’est la capacité de certains organismes, comme les bactéries, de transférer physiquement son matériel génétique à une autre cellule, qui pourra l’intégrer dans son propre génome. En l’occurrence, un quatrième champignon encore non identifié aurait transféré les gènes de l’amanitine aux trois espèces étudiées, tout simplement parce qu’elles vivaient à proximité sur le sol forestier. Comme la production d’amanitine permettait d’éviter à ces quatre d’être consommés par des prédateurs, rongeurs ou insectes, elle a finalement été adoptée par toutes les espèces toxiques au fil des générations. C’est un mécanisme d’évolution plus opportuniste que la convergence évolutive, qui suppose souvent que des espèces différentes mais soumises à des contraintes similaires fortes (nager, respirer dans l’eau, par exemple) ont été forcées de sélectionner des traits similaires pour mieux survivre. COURRIER 4 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - N° 907 inaccessibles aux équations de Newton. Par exemple, pour des objets allant à des vitesses proches de celle de la lumière. Champignons mortels Dans le numéro de juillet-août, page 16, dans le court article consacré à la toxine commune des champignons mortels, vous dites que ces derniers génèrent tous ( toxine, qu’un ensemble de quatre gènes estresponsabledelaproductiondecette toxine,etdoncquetousleschampignons mortelsabritentcesmêmesquatregènes dans leur ADN. Vous concluez ensuite quetousceschampignonsontunancêtre commun. Est-ce votre conclusion ou celle de l’étude ? Pourquoi des mutations (et donc l’apparition de nouveaux gènes) ne pourraient-elles pas se produire spontanément plusieurs fois au cours de l’évolution, que ce soit dans l’espace (plusieurs régions) ou dans le ̆̆ Pourquoi? 25 grandes questions qui mettent la science au défi (Sciences et Avenir-La Recherche n° 905-906, juillet-août 2022) N° 907 - Septembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 5 ÉDITO M i-juin, l’annonce fit grand bruit. Un article paru dans le journal du ministère chinois des Sciences rapportait la détection de « possibles traces technologiques et de civilisations extraterrestres ». L’information n’a cependant pas été confirmée par la suite. Le rapport des astronomes de l’université de Pékin a même rapidement disparu de la toile. Les annonces de ce type se produisent régulièrement. L’une des plus célèbres est celle de l’énigmatique signal «Wow » en 1977. En analysant les données recueillies par le radiotélescope de l’université d’État de l’Ohio, aux États-Unis, l’astronome Jerry Ehman découvre un signal étrange d’une durée de 72 secondes. Sur le relevé, il écrit à la main un «Wow! » devenu célèbre. Un temps évoquée, l’hypothèse extraterrestre est aujourd’hui largement délaissée au profit du passage d’une comète, même si l’explication définitive reste à apporter. D’autres signaux étranges ont en revanche fini par livrer leurs mystères et révélé de nouvelles classes d’objets célestes. C’est l’exemple des pulsars, des étoiles à neutrons en rotation rapide, qui émettent un signal par périodes de 1,3 seconde exactement. De leur première attribution à une intelligence extraterrestre subsiste leur très officielle dénomination : LGM pour « little green man » (« petit homme vert ») suivi d’un numéro (p. 42). Des signaux mystérieux venus de l’Univers lointain, les plus puissants radiotélescopes terrestres continuent à en enregistrer tous les jours. Ceux qui intriguent aujourd’hui le plus les astronomes sont les « sursauts radio rapides », mieux connus sous leur sigle anglais, les FRB (pour « fast radio bursts »). Des impulsions qui jaillissent de façon imprévisible, durent à peine une milliseconde mais sont incroyablement puissantes : à leur source, c’est davantage d’énergie émise que n’en relâche une étoile massive en fin de vie (p. 34) ! Mais qui les envoie? C’est la passionnante enquête que nous avons menée ce mois-ci. Toujours en cours, elle a déjà permis de découvrir des astres jusqu’alors inconnus. Quant aux zones d’ombre, elles demeurent nombreuses. Aussi intrigantes que stimulantes pour poursuivre les recherches. Sans jamais écarter aucune hypothèse. ½ @ mathieu_nowak Des signaux mystérieux venus de l’Univers lointain, incroyablement puissants, intriguent aujourd’hui les astronomes ‘‘ ‘‘ À l’écoute de l’inconnu Les noms et adresses de nos abonnés seront communiqués aux organismes liés contractuellement avec Sciences et Avenir, sauf opposition. Dans ce cas, la communication sera limitée au service de l’abonnement. Ce numéro comporte un encart « Montre Chronographe Vuillemin Regnier - Sophia Boutique » sur toute la diffusion abonnés ; un message « Challenges » et une lettre de « bienvenue aux abonnés » jetés sur couverture sur une partie de la diffusion abonnés. Commission paritaire n° 0625 K 79712. ISSN 00368636. Distribué par MLP. Directrice éditoriale Dominique LEGLU - 01.55.35.56.02 Directrice de la rédaction Carole CHATELAIN - 01.55.35.56.57 assistée de Valérie PELLETIER - 01.55.35.56.01 Rédacteurs en chef Mathieu NOWAK (mensuel) - 01.55.35.56.38 Philippe PAJOT (La Recherche) - 01.70.98.19.29 Vincent REA (hors-série) - 01.55.35.56.35 avec Florence LEROY - 01. 55.35.56.36 Olivier LASCAR (digital) - 01.55.35.56.15 Adjoint à la rédaction en chef Laurent PERICONE (édition) - 01.55.35.56.10 Rédacteur(trice)s en chef adjoint(e)s Vincent GLAVIEUX (La Recherche) - 01.70.98.19.32 Andreina DE BEI (photo) - 01.55.35.56.31 Lise LOUMÉ (digital) - 01.55.35.56.39 Directeur(trice)s artistiques Dominique PASQUET (couverture) - 01.55.35.56.59 Jean-Louis GILABERT - 01.55.35.56.28 Thalia STANLEY (adjointe) - 01.55.35.56.21 Secrétaire générale de la rédaction Véronique MESSAGER - 01.55.35.56.18 Conseillère auprès de la direction de la rédaction Rachel MULOT (cheffe de service enquêtes) - 01.55.35.56.07 Chef de service Fabrice NICOT (fondamental) - 01.55.35.56.46 Chef de service adjoint Hervé RATEL (actualités) - 01.55.35.56.45 Chef(fe)s de rubrique Mathias GERMAIN (biologie, médecine, santé) - 01.70.98.19.33 Sylvie RIOU-MILLIOT (médecine, santé) - 01.55.35.56.54 Hugo JALINIÈRE (actualités, médecine) - 01.55.35.56.52 Rédaction Bernadette ARNAUD (archéologie, histoire) - 01.55.35.56.44 - Franck DANINOS (fondamental) - 01.55.35.56.78 Arnaud DEVILLARD (numérique, expositions) - 01.55.35.56.27 Sylvie ROUAT (grand reporteure, espace, océanologie) - 01.55.35.56.40 Collaborateurs(trices) Sylvie BOISTARD, Loïc CHAUVEAU, Johan KIEKEN Chroniqueurs Christophe CASSOU, Jean-Gabriel GANASCIA, Céline GUIVARCH, CLAIRE MATHIEU Ont participé à ce numéro P. BERLOQUIN, A. CARRÉ, N. GUTIERREZ C., P. KALDY, E. LECOMTE, C. MAUGER, M. PARRA, E. PROUST, A. SABOUHI, S. VANEL Secrétaire de rédaction Sandrine HAGÈGE - 01.55.35.56.17 Maquette Horia BAHRI - 01.55.35.56.19 Photo-iconographie Isabelle TIRANT - 01.55.35.56.32 Claire BALLADUR - 01.70.98.19.41 Pôle digital Marine BENOIT (fondamental, archéologie) - 01.55.35.56.23 - Valentin COLLIAT-DANGUS (community manager) - 01.55.35.56.70 - Camille GAUBERT (santé) - 01.55.35.56.24 - Joël IGNASSE (espace, paléontologie) - 01.55.35.56.15 - Coralie LEMKE (santé) - 01.55.35.56.56 Anne-Sophie TASSART (cheffe de rubrique) - 01.55.35.56.41 Clémence BAUDOIN - responsable projets digitaux Jessica RIOS - cheffe de projet digital Documentation Isabelle DO O’GOMES (cheffe de service) - 01.55.35.56.49 - Astrid SAINT AUGUSTE - 01.55.35.56.48 Courrier des lecteurs Sara DE LACERDA - courrier-lecteurs@sciencesetavenir.fr Informatique Daniel DE LA REBERDIÈRE - 01.55.35.56.06 Directeur général Philippe MENAT Responsable administrative et financière Jaye REIG - jreig@challenges.fr Comptabilité - compta@challenges.fr Responsable ressources humaines Sandrine MARTIN - smartin@challenges.fr Fabrication Christophe PERRUSSON Publicité MediaObs. 44, rue Notre-Dame-des-Victoires 75002 Paris Tél. : 01.44.88.97.70. 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Abonnements Belgique : Edigroup : tél. 00.32.70.233. 304 Abonnements Suisse : Edigroup : tél. 00.41.22.860.84.01 FR FR Mathieu Nowak Rédacteur en chef BERNARDMARTINEZ SOMMAIRESciences et Avenir - La Recherche / N° 907 / Septembre 2022 N° 907 - Septembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 7 SANDERMEERTINS/GETTYIMAGES/D.NUNUK/SPL/SUCRÉSALÉ-ALE+ALEPOURSCIENCESETAVENIRFRANÇOISGUENET/DIVERGENCE-RICARDOMORAES/REUTERS 3 Éditorial par Dominique Leglu 4 Courrier 5 Édito par Mathieu Nowak ÉVÉNEMENT 8 Yves Coppens : l’élégance scientifique en héritage SCIENCES FONDAMENTALES 12 ACTUALITÉSJames-Webb : les premières images d’une nouvelle ère / Voici d’où vient la météorite martienne Black Beauty 44 Web3 : enquête sur l’Internet du futur NATURE 18 ACTUALITÉSLa « pollinisation » existe dans l’eau / Les coraux chimères au secours des récifs 52 Le retour du chat sauvage 57 Un humanoïde dans les abysses 60 Les algues, une « révolution civilisationnelle » SANTÉ 22 ACTUALITÉSSoupçons de fraudes dans la recherche sur Alzheimer / Des corps de porcs « ressuscités » 62 Soigner par la lumière : une nouvelle médecine 70 L’impossible quête du sang artificiel 74 Nutrition : les fruits, ces délicieux alliés de notre santé 84 Dossier spécial audition HISTOIRE 28 ACTUALITÉSUn bébé mammouth incroyablement conservé / « Madame Ples », la cousine sud-africaine de Lucy 76 Le musée de Rio va renaître de ses cendres 82 Entretien avec Barbara Huber, archéologue à l’Institut Max-Planck de la science de l’histoire humaine TRANSVERSALES 88 Sélection livres 92 Expositions 93 Le ciel de septembre 94 Chroniques Climat par Christophe Cassou et Céline Guivarch et / Mathématiques par Claire Mathieu / Éthique par Jean-Gabriel Ganascia / L’œil d’Olivier Lascar 96 Questions de lecteurs 97 Jeux P. 44 P. 62 P. 76 D’étranges flashs nous parviennent depuis les profondeurs du cosmos. Certains jaillissent dans le domaine radio, d’autres dans celui du visible. Sont-ils émis par des astres inconnus ou signalentils une présence extraterrestre ? Les astronomes mènent l’enquête. DOSSIER P. 32 Les mystérieux signaux venus de l’Univers Web3 : enquête sur l’Internet du futur Métavers, infrastructure décentralisée ou bien espace fracturé…, l’avenir d’Internet pourrait prendre diverses formes. Plongée dans le futur virtuel. Soigner par la lumière : une nouvelle médecine Les bienfaits de la lumière sur la santé se déclinent dans des technologies multiples. La neuro-illumination permettrait même de ralentir la progression de la maladie de Parkinson. Le musée de Rio va renaître de ses cendres Un appel à une aide internationale a été lancé par le directeur de cette institution culturelle détruite par un incendie en 2018 et dont la rénovation est en cours. 8 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - N° 907 ÉVÉNEMENT témoigneainsiBrigitteSenut,paléontologue,professeureauMuséumnational d’histoire naturelle (MNHN), à Paris. Il amislepiedàl’étrieràdetrèsnombreux chercheurs, et encouragé les vocations deschercheuseségalement,cequin’était pas fréquent dans les années 1970. » « Au-delà du savant et du personnage médiatique que tout le monde connaît, nousperdonsunêtrepleind’humourqui faisait véritablement rayonner sa joie de vivre autour de lui. Il aimait les gens et les gens l’aimaient, renchérit JeanJacques Hublin, paléoanthropologue qui lui a succédé au Collège de France. A vec la découverte du régime locomoteur de Lucy l’australopithèque etlaformulationdel’East Side Story, qui théorise l’apparitiondespremiers préhumainsbipèdesàl’estdel’Afrique, Yves Coppens a indubitablement écrit unebellepagedel’histoiredessciences. Mais lorsqu’on l’évoque avec ses pairs, il semble que l’empreinte que laissera sagénérositésoitplusprofondeencore. « C’était une personne d’une grande humanité et d’une merveilleuse élégance, dans la vie comme en science, Yves Coppens Yves Coppens est décédé le 22 juin. Chasseur d’os et d’idées, le chercheur a marqué son époque par son esprit de synthèse, son ouverture, comme par sa bienveillance dans un milieu, la paléoanthropologie, traversé par de vives rivalités. Témoignages. Par Rachel Mulot @RachelFleaux L’élégance scientifique en héritage Surtout, il a toujours fait preuve d’une très grande générosité, dans un milieu qui ne l’est que rarement. » La paléoanthropologie est en effet traverséepardesérieusesrivalités.«Lesterrains fossiles dont les âges sont proches de ceux de l’origine de l’humain sont rares et aussi convoités que les mines d’or, sinon plus », reconnaissait Yves Coppens. En 2000, après la découverte au Kenya d’Orrorin tugenensis, un bipède fossile de -6 millions d’années, paruneéquipefranco-kényanedirigée par Brigitte Senut, du MNHN, et Martin Pickford, du Collège de France, les Ī ERICGARAULT/PASCO&CO-ROCHEPATRICK/SIPA-YVESCOPPENS-COLLECTIONPERSONNELLE-KENNIS&KENNISMOESGAARD N° 907 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - 9 ÉVÉNEMENT Énergie BIO EXPRESS 1934 Naissance à Vannes. 1953 Découverte de la chambre sépulcrale d’un dolmen inviolée depuis 7000 ans, sur l’île de Carn (Finistère). 1956 Entrée au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle. 1960 Première mission au Tchad, qui livrera le crâne de Tchadanthropus uxoris, un hominidé inconnu. 1969 Entrée au musée de l’Homme comme sous-directeur du laboratoire d’anthropologie et d’ethnologie. 1974 Découverte de Lucy (Australopithecus afarensis, 3 millions d’années), dans l’Afar (Éthiopie) par l’International Afar Research Expedition (IARE) fondée avec un Français et deux Américains. 2003 Rédaction de la Charte de l’environnement, adossée à la Constitution française. 2018 Publication de ses mémoires Origines de l’homme, origines d’un homme (Odile Jacob). 22 juin 2022 Décès à Paris. ̆ Grande figure de la paléontologie française et internationale, Yves Coppens était estimé du grand public comme de ses pairs. Publication de ses mémoires 10 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - N° 90710 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - N° 907 deuxfouilleurss’étaientainsivureprocher d’avoir mené leurs recherches sur un terrain considéré comme la chasse gardée de la puissante famille Leakey, dynastie de paléontologues mondialement connue. Yves Coppens, qui avait soutenul’expédition,avaitcalmélefeu, avec discrétion. « C’est un monde rude que celui de la paléoanthropologie, les sentiments nationalistes peuvent s’en mêler, je l’ai vu en Afrique comme en Asie, expliquait-il. Dans certains cas, graves, j’ai vu des coups fourrés et de la surenchère ! Être celui qui trouve l’ancêtre de l’humain, c’est extraordinaire sur le plan de la renommée, de la réputation,del’argent,delagloire.Celapeut faire tourner bien des têtes, gonfler des ego. » Lui n’avait eu aucune hésitation à expliquer sitôt après la découverte de Lucy l’australopithèque, en 1974, quecettedernière,quisetenaitdebout mais grimpait encore aux arbres, ne devait être au plus qu’une arrière-cousine, à la grande contrariété des codécouvreurs américains. Il soutient celui qui bouscule sa théorie de l’« East Side Story » Yves Coppens fera également preuve d’élégance lorsqu’il abandonnera promptement sa théorie de l’East Side Story après la découverte au Tchad de Toumaï, possible ancêtre de l’humain. « C’est ainsi que la science avance : quelques ossements peuvent ficher par terretoutunéchafaudagederéflexions», estimait-il avec philosophie peu après la publication du fossile dans Nature, en janvier 2001. Pourtant, certains ne considèrentpascecrânevieuxde7millions d’années comme celui de notre ancêtre, mais plutôt comme celui des gorilles. Ce qui laisserait intacte l’idée selon laquelle les préhumains sont nés à l’est du Rift africain, dans un environnement de savane asséché, tandis que les ancêtres de nos cousins grands singes se déployaient dans des milieux forestiersalorshumides.MaisYvesCoppens refuse de s’accrocher : l’heure de gloireestcelledesonvieuxcomplice,le ̇ ̆ En haut : en 1999, Yves Coppens (debout) part en Sibérie expertiser les défenses de mammouth découvertes par le nomade Kostia Jarkov. Au centre : à gauche, en 1972, devant un tibia d’éléphant de 3,5 millions d’années trouvé dans la vallée de l’Omo (Éthiopie) ; à droite, avec deux « Homo sapiens » reconstitués. Ci-contre : en 1983, l’année où il obtient la chaire de paléoanthropologie et préhistoire au Collège de France. ÉVÉNEMENT Hommage Ī YVESCOPPENS-COLLECTIONPERSONNELLE JEAN-PIERRECOUDERC/ROGER-VIOLLET G.GERSTER/GAMMA-RAPHO SYLVAINENTRESSANGLE,RECONSTITUTIONELISABETHDAYNES/LOOKATSCIENCES paléontologueMichelBrunetqu’ilavait envoyéfouilleràl’Ouestpourtrouver— au départ — de quoi justifier sa théorie. Jamais il ne démentira son soutien àceluiquiafaitchuterl’EastSideStory, même lorsque Michel Brunet est critiquéfauted’avoirjamaispubliéd’étude sur le fémur de Toumaï qui prouverait que ce dernier est bipède. Un ardent défenseur du musée de l’Homme C’est aussi avec bonne grâce qu’il se lance dans le projet de renouveau du musée de l’Homme, une fois patent que l’établissement perdra une bonne partie de ses collections d’ethnologie historiquesauprofitdumuséeduQuaiBranly-Jacques-Chirac. « Il l’a défendu avec enthousiasme et détermination auprès des nombreuses personnalités auxquelles il avait accès », estime la généticienne Évelyne Heyer. Il se sentait plus utile de la sorte.Yves Coppens n’était pas homme à s’épuiser dans des combats inutiles, préférant évoluer en gardant l’esprit ouvert et curieux. Déplorant les esprits de chapelle ou les théories dominantes qui étouffent les débats et la créativité, il n’hésitait pas non plus à s’intéresser publiquement à des projets étonnants. Comme les recherches sur l’Almasty, le « yéti du Caucase », de l’Homo pongoïdes ou du bar-manu d’Asie centrale, autres humains sauvages. Les férus de cryptozoologie lui en sont toujours reconnaissants. Il s’est joint aussi à l’une des expéditions de Bernard Buigues qui a mis au jour des mammouths congelés dans le pergélisol de Sibérie depuis des millénaires.Radical,lepaléoanthropologuenevoyaitaucunproblèmeéthique à ce que des scientifiques tentent de ressusciter un jour certains de ces proboscidienslaineuxpréhistoriques.Très scientiste, il estimait par ailleurs que les humains parviendraient à régler les problèmes climatiques ou à anticiper la destruction de la Terre grâce à leurs technologies. « Ce point est très disputé », reconnaissait, à la fin de sa vie, celui qui avait présidé à la naissance de la charte de l’environnement en 2003, un peu dépité peut-être de ne pas parvenir à insuffler davantage de l’optimisme inébranlable et de la foi en l’humanité qui l’habitaient. Une question de génération ? Il aura tout de même tracé la voie à une pléthore de jeunes chercheurs, en inscrivant sa visiondel’évolutionhumainedansune perspective fondamentalement environnementale. « Sa présence, toujours réconfortante, était le gage d’échanges scientifiques de haut niveau, conclut Stéphanie Thiébault, qui a dirigé l’Institut écologie et environnement (Inee) du CNRS entre 2013 et 2021. Jusqu’au bout, il est resté accueillant et disponible pour alimenter les débats et fournir bien souvent de nouvelles idées. » ½ N° 907 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - 11 ÉVÉNEMENT Hommage 3,90 € En vente en kiosque ou par correspondance en appelant le 01.55.56.71.48 N° 907 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - 11 SCACoppens.indd 1SCACoppens.indd 1 30/06/2022 13:1730/06/2022 13:17 Retrouvez l’épopée d’Yves Coppens dans notre numéro spécial Sciences et Avenir - La Recherche Yves Coppens 1934 - 2022 12 - Sciences et Avenir - La Recherche - Septembre 2022 - N° 907 ACTUALITÉSACTUALITÉS L e 12 juillet 2022 restera comme un Noël avant l’heure pour les astrophysiciens du monde entier. Ce jour-là, les agences spatiales américaine (Nasa), européenne (ESA) et canadienne (ASC) ont diffusé les cinqpremièresimagesprises parletélescopespatialJamesWebb(JWST)depuislepoint de Lagrange L2, son poste James-Webb : les premières images d’une nouvelle ère Installé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, le télescope spatial a livré ses premiers clichés. D’une extraordinaire qualité, ils mettent déjà le monde de l’astrophysique en ébullition. d’observationsituéàenviron 1,5 milliondekilomètresdela Terre.Pouponnièresd’étoiles, « champ profond » contenant des milliers de galaxies, ouencoreétoilemoribonde : chaque cliché a permis de démontrerlesperformances remarquables du télescope. « Tous les instruments fonctionnent au mieux de ce que l’onpouvaitespérer »,résume Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA (Saclay, Essonne), et coresponsable de l’instrument MIRI (MidInfraRed Instrument). Ce spécialiste de l’atmosphère des exoplanètes a été particulièrement sensible au spectre dans l’infrarouge de la géante gazeuse WASP96b. Il révèle la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère surchauffée à plus de 1000 °C de la planète. Obtenir ce spectre n’a demandé auJames-Webbquequelques heures…« C’estextraordinairement rapide ! Avec Spitzer [télescope spatial spécialisé dans l’infrarouge désormais horsservice]ouHubble,ilfallait “gratter et gratter” pour trouver un signal parmi les données. Tandis que là, sans G La nébuleuse de la Carène, vaste pouponnière d’étoiles de la Voie lactée, saisie par le nouveau télescope. NASA,ESA,CSA,ANDSTSCI N° 907 - Septembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 13 ACTUALITÉS Sciences fondamentales NASA,ESA,CSA,ANDB.HOLLER,J.STANSBERRY(STSCI) effort, on voit le transit [passage de la planète devant son étoile] à un niveau très détaillé.Celadémontreàquel point le télescope est stable. » Le champ profond a suscité d’embléebeaucoupd’espoir parmi les spécialistes de la formationdesgalaxies.« Dans l’équipe, nous ne savons plus oùdonnerdelatête,confirme Hakim Atek, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP). Avec cette seule imagej’aiunedizainedeprojetsd’étudeenvue. »Etdefait, plusieurséquipesannoncent déjà des résultats. Le groupe « Origine et évolution des galaxies »del’IAPpenseainsi avoir repéré « une galaxie à seulement 250 millions d’années après le Big Bang ». Si ce résultat était confirmé, ce serait 150 millions d’années demoinsqueGn-z11,laplus jeune connue à ce jour. J F. N. L’œil braqué sur Jupiter PLANÉTOLOGIE L’extraordinaire résolution du JWST a aussi été testée sur une proche voisine de la Terre. Jupiter se dévoile ici avec sa lune Europe (à gauche sur l’image) dont on perçoit même l’ombre projetée à côté de la Grande Tache rouge apparaissant comme un halo lumineux dans l’hémisphère sud. Preuve que le télescope est tout aussi efficace pour scruter l’espace profond que pour révéler des phénomènes plus proches dans le Système solaire. Lavuelaplusprofondedel’Univers COSMOLOGIE Cette image est la plus nette et la plus profonde de l’Univers lointain jamais réalisée. Il s’agit de l’amas galactique SMACS 0723, à 4,6 milliards d’annéeslumière. On y distingue aussi des galaxies situées derrière l’amas, dont l’image est agrandie et déformée par l’attraction gravitationnelle. Sur le ciel, la taille de ce champ correspond à un grain de sable tenu à bout de bras. C’est une infime partie de l’Univers. NASA,ESA,CSA,ANDSTSCI
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