MOTO JOURNAL n°2375 - Page 1 - 2375 ÉDITO Essai transformé L a métaphore avec la phase essentielle du rugby est de circonstance. Ce qui n’était qu’une blague balancée devant la machine à café fin 2023 est devenue une réalité. Le samedi 14 septembre à 12 h 50, dans l’écrin du circuit Paul-Ricard, deux heures avant le départ d’une des plus prestigieuses courses d’Endurance qu’est le Bol d’Or, une vingtaine de maxi-trails se sont élancés pour disputer la MJ Sport Adventure Race. La toute première course de maxi-trails organisée dans le monde. OK, ça n’avait pas le prestige du MJ 200 des années 75-80, où se pressaient des pointures du nom d’Agostini, Cecotto, Roberts, Luchinelli et autres pilotes de Grands Prix. Mais le fait est, Moto Journal est à l’origine d’une nouvelle compétition de motos. Peu de temps après l’avènement de la King of the Bagger américaine qui fait rouler des customs préparés façon prototype, une même singularité, une même forme de défi. Le pari n’était pas gagné, loin. de là. Partant du principe que les constructeurs rendent ces motos de plus en plus sophistiquées et performantes, au point de remettre en question la définition du terme trail, l’idée ne sortait pas tout à fait de nulle part. D’autant plus que les spectateurs sont immanquablement curieux de voir les motos qu’ils utilisent au quotidien ou en voyage en découdre dans un cadre qui sort du contexte habituel. Une semaine après l’Alpes Aventure Motofestival, voué aux trails, l’événement faisait d’ailleurs un drôle d’écho... Évidemment, nous n’avons pas échappé aux moqueries au début de l’histoire. C’est peut-être pour ça qu’elle nous a au contraire paru indispensable. Les maxi-trails sont les maîtres du marché en matière de tendance. Puisqu’ils sont réputés savoir tout faire et qu’on les voit partout, les mettre au défi d’une course de 10 tours (8 finalement) sur le 5,8 km du Paul-Ricard n’était pas si crétin que ça. Les machines le plus en vue revendiquent entre 145 et 170 ch, largement plus que la plupart des motos de route engagées dans d’autres formules ou Cups. Quand le trio de tête déboulait dans les derniers lacets avant le virage du Pont, personne ne pensait alors que ces adventures couchées sur l’angle étaient grotesques. Bien au contraire. Sauf peut-être le chef de projet du moteur de l’Africa Twin présent au Paul-Ricard qui ne comprenait pas ce que faisait sa versatile adventure sur un circuit ! Et puis cette toute première grille avait une certaine gueule, avec de belles motos bien préparées (les GS 1300 et 900 de BMW Suttel, notamment) et quelques noms bien connus du milieu de la course, comme Guillaume Dietrich et Fred Bolley. Pour promouvoir leur modèle phare, des importateurs ont même joué le jeu, à l’instar de la Sima, engageant deux QJ Motor SRT 800, et la DIP, qui n’a pas hésité à aligner trois Voge 900 DSX très véloces (photo ci-dessus). Les absents ont eu tort. Mais ils auront certainement l’occasion de se rattraper en 2025 en d’autres occasions tout aussi prestigieuses. Mais ça, c’est une autre histoire… Xavier de Montchenu, rédacteur en chef Moto Journal [3] www.moto-station.com motojournal@editions-lariviere.com Éditions Larivière, Espace Clichy, immeuble Agena, 12, rue Mozart, 92587 Clichy Cedex. Tél: 01.41.40.32.32. Président du conseil de surveillance : Patrick Casasnovas Présidente du directoire : Sophie Casasnovas Directeur général: Frédéric de Watrigant Éditeur: Philippe Budillon Les adresses e-mail personnelles: prenom.nom@editions-lariviere.com RÉDACTION Rédacteur en chef: Xavier de Montchenu Rédacteur en chef adjoint: Aurélien Ranéa Chef de rubrique essais: Matthieu Cayrol Rédacteur : Michael Tora Secrétaire de rédaction : Frédéric Poujouly Ont collaboré à ce numéro Loïc Faujour, Alexis Delisse, Laurent Simon, Jacky Ley, David Dumain, Damien Bullot, Thierry Butzbach MAQUETTE Chef de studio: Ludovic Terreil PUBLICITÉ Directeur de publicité : Emmanuel Nemar (01.41.40.31.11) Chef de publicité : Nicolas Lux (01.41.40.32.11) Assistante : Mai-Ahn Vu (01.41.40.32.16) DIFFUSION ET PROMOTION Anciens numéros et abonnements Service abonnement 45, avenue du Général-Leclerc, 60643 Chantilly Cedex Tél.: 03.44.62.43.79. abo.lariviere@ediis.fr 1 an (12 numéros) version papier + numérique : 62 € Tarif abonnement 2024 en prélèvement : 4,90 €/mois Abonnements pour la Belgique Edigroup Belgique Sprl. 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Sauf accord particulier, les manuscrits, photos et dessins adressés à Moto Journal, publiés ou non, ne sont ni rendus ni renvoyés. 10-31-1668 Certifié PEFC Ce produit est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées www.pefc-france.org Matthieu Cayrol 88 BALADE La Diagonale catalane Moto Journal [4] 6 . Plein phare MJ SA Race, première mondiale réussie ! 10 . Actus Un tour sur la planète moto 20 Nouveautés Triumph 1200 Speed Twin (RS) 25 .Humour Le dessin de Faujour 26 Essai Ducati Panigale V4 34 Essai Yamaha MT-09 Y-AMT 44 Comparatif roadsters velus BMW M 1000 RR, Ducati Streetfighter V4S, Kawasaki Z H2 SE, KTM 1390 Super Duke R 70 Techno 200 ch et comment les obtenir 76 Shopping 78 On a testé pour vous Blouson, pantalon . et gants Bering Austral Gore Tex 80 On a testé pour vous All One Enif Evo, S100 Rim Cleaner 82 . Docteur occaze Yamaha MT-07 84 . Rencontre Pierre-Louis Tebec 88 .Balade La Diagonale catalane Téléchargezl’applicationMotoJournal(MJ) Retrouvez l’édition digitale de MJ sur votre smartphone ou tablette ❯❯ Retrouvez Moto Journal sur Facebook et Twitter Photos de couverture: Jacky Ley, Ducati, Yamaha, Gold and Goose. SOMMAIRE#2375 Prochain numéro jeudi 24 octobre 2024 94 Agenda géo-localisé Normandie 100 Bol d'Or Un Sertain destin 108 MotoGP La résurrection de Marquez à Aragon Yamaha au cœur de la tempête Interview Fabio Quartararo Les infos, les résultats 124 Courrier . C’est vous qui le dites ! 126 Contre-braquage Jusqu'aux boues 128 Flash-back Retour sur les MJ d'octobre 2004 129 Pub d'époque La GSX en super-héros ! 130 Bande dessinée Rossi addict Abonnez-vous en direct avec votre smartphone Etaussi enpage127 6 RENCONTRE Pierre-Louis Tebec MJ SA Race : première mondiale réussie ! 84 70 TECHNO Comment obtenir 200 ch Ce numéro comporte un mailing abonnement Moto Revue Classic sur une partie de la diffusion abonnés. O ui, 14 millièmes de secondes ! C’est l’écart qui séparait Alex Sarrabayrouse, le vainqueur, d’Adrian Parassol, son poursuivant le plus proche (vraiment très, très proche !). Durant toute la course, les deux hommes, qui se connaissent parfaitement, puisqu’ils ont été coéquipiers en championnat du monde d’Endurance, nous ont livré une superbe bataille. Un niveau de pilotage similaire, des motos identiques (KTM 1290 Super Adventure), pour faire la différence il restait deux solutions, l’astuce ou l’engagement total. « Quand je me suis retrouvé derrière lui, nous explique Adrian, j’ai vu le chrono et je savais qu’on ne pourrait pas rouler plus vite. Ça ne servait à rien de doubler, car je n’aurais pas réussi à partir seul, sachant qu’ici, avec les longues lignes droites, tu as vraiment moyen de prendre des aspirations. J’ai remarqué que je pouvais passer dans le Beausset, Une première mondiale réus La première course de la Moto Journal Sport Adventure Race a eu lieu ! En soit, c’est déjà presque un exploit, tant l’idée de départ était farfelue. Mais le plus dingue, c’est qu’une vingtaine de motos étaient engagées et que la victoire s’est jouée pour… 0”014 ! Une première qui en appelle d’autres... Par Aurélien Ranéal, photos Good Shoot MJ Sport Adventure Race Moto Journal [6] PLEIN PHARE sie 19 pilotes ont adhéré à notre concept et pris le départ de la course de maxi-trails. Celle-ci s’est déroulée seulement deux heures avant le lancement du Bol d’Or. Pas mal comme vitrine, n’est-ce pas ? j’ai décidé d’attendre le dernier tour pour doubler. » Une stratégie dont se doutait Alex, à laquelle il a répondu de la plus belle des manières : « Je savais qu’Adrian était derrière moi, j’étais sûr qu’il allait tenter quelque chose. Après son dépassement, il restait peu de virages. Dans ces moments-là, c’est peu la folie qui parle. Quand il faut repasser devant, tu repasses coûte que coûte [rires] ! » « Il est resté collé à moi et il a pris à l’intérieur dans le dernier virage, enchaîne Adrian. J’ai recoupé en sortie et on s’est retrouvé côte à côte, accélérant tous les deux à fond. Ça s’est bagarré jusqu’à la ligne d’arrivée. » Derrière les deux leaders, Marc Rivot et sa BMW R 1300 GS ont connu une course légèrement plus tranquille. Sachant qu’il ne pourrait pas revenir sur les KTM de tête, il a fait en sorte de s’appliquer pour maintenir à distance Fred Bolley (R 1300 GS) et Kevin Cheylan (Ducati Multistrada V4) qui, eux, se chiffonnaient Moto Journal [7] Moto Journal [8] ET LA SUITE? Pourdesraisonsdedatesdebouclage tropprochesdelacourse,nousne consacronsque4pagesàlaMJSARace danscenuméro.Vousentrouverez beaucoupplusdansleprochainMoto Journalquisortirafinoctobre.Cesera lamoindredechosesquedemettreà l’honneurtouslespilotesquinousont faitconfianceetquisontvenus s’inscrireàcetteépreuveloufoque. Enfin,passiloufoquequeça,puisqu’au termeduweek-end,tousavaientle sourireauxlèvres,étonnésautantpar leplaisirprisauguidonqueparles performancessurcircuitdeces machines.Rassuréeetmotivéeparla réussitedecettegrandepremière, l’équipedeMJcogitedéjàà2025. Étofferlecalendrier,peaufinerle règlementtechnique,mettreenplace unecatégorieOpenoùtoutestpermis, installeruntremplinsurlapiste(ouais, ouais!)…Voicilesquelquespistesque nousavonsentête.Onvousdétaillera toutçatrèsbientôt. copieusement. Ravi autant par son podium que par le plaisir pris au guidon, Marc affichait un grand sourire à la fin de la course : « C’est génial de piloter la nouvelle GS sur piste. Même si elle a un peu moins de chevaux que les KTM, elle marche fort, l’efficacité du châssis est juste incroyable. C’est du gros fun, du gros plaisir et, en prime, on arrive à faire des bons chronos. Les carters frottent un peu par terre, mais c’est ça qui est drôle. » Delenne l’extraterrestre Lorsque, au sein de la rédac, nous avons imaginé cette course, nous avons rapidement défini les trails qui devaient logiquement se révéler les plus efficaces sur circuit. KTM 1290 Super Adventure et Ducati Multistrada pour les plus de 1 100 cm3 , Suzuki V-Strom 1050 SE et Honda Africa Twin Adventure Sport pour les moins de 1 100 cm3 . Mais à aucun moment nous n’aurions misé un kopeck sur la BMW F 900 GS chaussée en Continental TrailAttack 3, en particulier à cause de sa roue avant de 21 pouces. Mais ça, c’était avant de voir Jérémy Delenne manier la frêle teutonne et sa jante avant de bicyclette. En plus de ne laisser aucune chance aux autres pilotes de sa catégorie, le gars a même pris le temps de s’arsouiller avec des machines bien plus puissantes : « J’ai vraiment réalisé un bon départ, nous raconte-t-il. Dans la ligne droite, les autres m’ont passé, mais j’ai réussi à garder deux grosses motos derrière moi. C’était ce que j’espérais, car je voulais me servir d’elles pour prendre leur aspi. Je suis resté comme ça pendant presque deux tours, puis elles m’ont distancé. Mais cela avait suffi à creuser un gros écart sur les autres. » À quelques dizaines de mètres derrière Delenne, Khounsith Vongsana réalisé des premiers pas prometteurs en vitesse. En s’alignant à la Sport Adventure Race, cet ancien crossman pro et pilote de supermotard ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. « Je me suis régalé, a réagi l’intéressé. C’est une bonne première pour moi, car je n’avais aucun passé en vitesse. J’avais juste fait les 23 h 60 mais, c’était sur une toute petite moto [une 125]. On pourrait croire qu’on se traîne, mais je peux te dire que pour moi qui vient du cross, ça va déjà bien assez vite [rires]. » La dernière place du podium a été très disputée en moins de 1 100 cm3 . Quatre pilotes étaient en baston, mais c’est le très tenace et expérimenté Guillaume Dietrich (Africa Twin Adventure Sport-Pirelli Scorpion Trail 3) qui a su tirer son épingle du jeu. Multiple champion de France Superbike, vainqueur en Endurance mondiale, l’ancien pilote officiel du SERT a encore de beaux restes, malgré une pause d’une décennie loin des circuits. « Si un jour on m’avait dit que je finirais 3e au Castellet sur une Africa Twin, je ne l’aurais pas cru. C’était une bonne ambiance. On était un bon groupe pendant la course, on s’est bien bagarré ». À la question de savoir s’il reviendra, Guillaume hésite : « Je ne sais pas, mon but n’est pas de reprendre la course. Là, je suis bien, je suis content, on verra pour la suite. » De note côté, on peut vous assurer qu’on va tout faire pour perpétuer et développer cette course de gros trails. Longue vie à la MJ SA Race ! y Alex Sarrabayrouse (96) et Adrian Parassol (183) ne se sont pas quittés de toute la course. Adrian a claqué le meilleur tour en course en 2’18”124. Pour info, il a aussi remporté le Bol d’Argent avec un meilleur tour en 2’17”0 (KTM 890 R). Comme quoi, un gros trail est loin d’être ridicule en piste ! Notre journaliste Rémy Darodes a fini 6e au guidon de la Super Adventure préparée par CTM 83. Beau tirage de bourre entre Kevin Cheylan (11) et Fred Bolley (5) pour la 4e place. Avouez que voir une Ducati Multistrada et une BMW R 1300 coursifiées s’arsouiller sur piste, ça a quand même de la gueule non ? PLEIN PHARE Moto Journal [9] 1.A.Sarrabayrouse(KTM,+1100cm3 );2.A.Parassol(KTM,+1100);3.M.Rivot(BMW,+1100);4.K.Cheylan(Duc,+1100);5.F.Bolley(BMW,+1100); 6.R.Darodes(KTM,+1100);7.J.Quetel(BMW,+1100);8.J.Delenne(BMW,-1100cm3 );9.K.Vongsana(KTM,-1100);10.G.Dietrich(Hon,-1100); 11.C.Eruam(MV,-1100);12.Z.Enault(Voge,-1100);13.M.Borho(Suz,-1100);14.M.Amalric(Hon,-1100);15.C.Brunel(Duc,+1100); 16.A.Barneaud(Voge,-1100);17.R.Montanti(Voge,-1100);18.B.Gold(QJMotor,-1100);19.J.Fourgeaud(QJMotor,-1100). RÉSULTATS Jimmy Quetel, alias Big Jim, stunter officiel BMW, était aussi de la partie. En termes de décos et de préparation, tous les concurrents ont vraiment joué le jeu. À l’image de Marc Bohro (129) sur sa Suzuki ou de notre confrère Zef Enault (7) et de Rémy Montanti (258) en Voge 900 DSX. On n’était pas loin du team d’usine ! Qui aurait pu croire qu’une F 900 GS pourrait rouler aussi vite sur circuit ? Et prendre autant d’angle avec une roue avant de 21 pouces ?! Jérémy Delenne nous a tout simplement bluffés. La palme de la déco la plus clinquante revient sans aucun doute à Marc Rivot, 3e , avec cette superbe R 1300 GS bleu et rouge chromée. La catégorie moins de 1 100 cm3 était la plus fournie, avec onze motos engagées. Des machines variées : KTM 890 Adventure (64, qui finira 23 avec Khounsith Vongsana), MV Agusta Enduro Veloce (27), Honda Africa Twin (45, 3e avec Guillaume Dietrich) et, au fond en jaune, une Voge 900 DRX. Beau podium en plus de 1 100 cm3 avec, de gauche à droite, Adrian Parassol, Alex Sarrabayrouse et Marc Rivot. 2 10 000, c’est le nombre astronomique de motos qui sont déplacées tous les ans par Distribike dans l’Hexagone ! Par conséquent, il est quasiment certain que votre bécane est passée, au moins une fois, dans l’un des trois entrepôts répartis entre Arles, l’Île-de-France et Lyon. En plus de transporter les motos neuves venues d’Asie et d’Inde depuis les ports de Fos-sur-Mer et du Havre, Distribike s’occupe aussi des marques européennes. Les constructeurs du Vieux Continent transportent leurs motos jusqu’à Paris et font ensuite appel à Distribike pour prendre le relais. Une fois les motos rapatriées dans ses locaux, Distribike prend ensuite en charge toute la préparation. En effet, chaque constructeur importe ses motos en France dans des caisses. Et selon les motos, elles sont livrées plus ou moins assemblées. Il manque parfois uniquement la batterie, les rétros ou les clignotants. Mais souvent, c’est une partie de puzzle qui commence. Montage de la roue avant, de la roue arrière, du guidon, serrage des étriers de frein, Grande distribution Distribike, ce nom ne vous dit probablement rien. Pourtant, votre chère moto est sûrement déjà passée entre les mains de cette entreprise. Que ce soit lors de son transport depuis son arrivée en France ou de sa préparation. Par Matthieu Cayrol, photos Bruno Sellier PLEIN PHARE de l’amortisseur arrière et installation d’accessoires, Distribike permet aux concessionnaires de recevoir une moto décaissée prête à rouler. Jacky, le patron, nous en dit un peu plus sur l’organisation : « On va prendre l’exemple de Honda, qui est notre plus gros client. Rien que pour ce constructeur, on déplace et on prépare près de 55 000 motos à l’année. Elles sont lissées sur les douze mois. Par exemple, pour ce mois-ci, on doit transporter et préparer 3 700 unités. On est le 25 du mois [interview réalisée fin juin] et il en reste encore Moto Journal [10] Il y a près de 30 000 motos en stock dans les hangars de Distribike, situés à Arles, et chacune est étiquetée avec un code-barres qui permet de savoir en temps réel où elle se trouve. Distribike Moto Journal [11] Le gravage est aussi effectué directement dans les locaux, en marge de la préparation de la moto. Distribike est un opérateur économique agréé, qui peut faire du stock sous douane. Avantage, cela permet aux constructeurs de payer les frais d’importation ou de TVA au moment de la vente de la moto au concessionnaire et pas avant. 1 600 à faire, sur quelques jours. Mais cette situation est la même chez tous les japonais, qui travaillent surtout la dernière semaine du mois. Donc, il y a un afflux de volume énorme à cette période. Ça fait 20 ans qu’on fait ce boulot et on n’a pas réussi à faire changer les mentalités. Il y a eu des fins de mois durant lesquelles, en deux jours, on a reçu 1 500 commandes, sachant qu’on a une cadence maximale de En chiffres 2000création de Distribike 210000 motos transportées par an 30000motos en stock 75000 m2 de stockage sur Arles 4 lieux de stockage en France 20 camions partent tous les jours de l’entrepôt d’Arles 40 motos maxi par camion 120 employés 60 camions 30 millions de CA 4 bennes de ferraille par jour (à cause des caisses) En plus de déplacer les motos neuves des constructeurs et celles des particuliers, Distribike travaille aussi pour de gros évènements, comme le salon de Lyon ou le Bol d’Or. Distribike garde en stock des motos pour les concessionnaires qui manquent de place. Certaines grosses concessions confient jusqu’à 150 unités à l’opérateur dans les locaux d’Arles. Moto Journal [12] préparation de 250 unités par jour. Donc, on prépare les motos dans l’ordre de la demande. La plus grosse difficulté de ce métier est la gestion du volume car, avec les marques, on travaille au jour le jour. Un jour tu peux avoir trente commandes de préparation, et le lendemain tu en as cinq cents. On a des équipes qui travaillent en 2/8 et on se débrouille pour avoir tous les jours au minimum 200 motos à préparer, afin de conserver un fond de roulement. Généralement on a peu de temps morts dans l’année, et quelques gros pics d’activité, comme en mars où l’on a sorti 16 000 motos, ce qui est énorme. » Toujours dans le but de simplifier la vie du concessionnaire, Distribike gère aussi certaines campagnes de rappel. Il faut savoir que les rappels, initiés par le constructeur, sont parfois lancés avant même la livraison de la moto chez le concessionnaire. 40 motos par camion Pour gagner en efficacité dans le transport avec un maximum de motos par camion, la solution est toute trouvée. « On a développé une remorque pour pouvoir transporter deux étages de moto, nous explique Jacky. On charge d’abord le niveau 1, puis on le remonte pour charger le niveau 0. Cela permet de mettre deux fois plus de motos dans une semi-remorque. Dans les versions de 13 mètres, on peut rentrer jusqu’à 40 motos. Le fait de les transporter sans les caisses permet d’en mettre davantage. En plus de faire du transport pour les marques, on fait aussi du transport inter-concessions ainsi que pour les particuliers. » Par exemple, lors de l’achat d’une machine d’occasion, Distribike s’occupe d’aller chercher la moto chez le vendeur et de l’apporter au nouveau propriétaire, avec prise de photos à l’enlèvement pour le transfert de responsabilité. Plus besoin de faire l’aller-retour avec la remorque et la voiture. Ta moto en vacances Pareil pour les vacances, Distribike s’occupe de récupérer votre moto chez vous et de la déposer sur votre lieu de villégiature. Détail du processus par le boss : « Toutes les démarches se font via notre site internet, il y a juste à renseigner les différents paramètres pour le transport et on s’occupe de tout. Il y a trois tarifs selon les cylindrées, quelle que soit la distance en métropole : 293 € jusqu’à 125 cm3 , 346 € jusqu’à 650 cm3 et 398 € pour les plus de 650 cm3 . Pas besoin de l’emmener chez le concessionnaire, on s’occupe d’aller chercher la moto au domicile. Le chauffeur fait des photos au départ pour valider son état. Et lorsque la moto est enlevée, le propriétaire peut savoir en temps réel où elle se trouve. On déplace près de 2 500 motos de particuliers par an. Généralement ça se passe très bien, les gens sont contents. Mais il faut juste comprendre qu’on a des délais assez importants de transport, de l’ordre de huit jours. Mais ces délais peuvent être plus courts selon les départements. Le problème est que les gens nous comparent à Amazon. Nord-sud, ça fonctionne très bien, on peut réduire quasiment les délais par deux. Mais le transport routier, c’est comme la SNCF, dès que l’on veut faire du est-ouest, c’est plus long. » En plus de tous ces services, Jacky pense que le métier va évoluer pour encore faciliter la vie des concessionnaires. Avec, par exemple, dans un futur plus ou moins proche, des motos neuves livrées chez le particulier après la commande. EN BOÎTE Jacky et ses équipes ont développé une caisse qui permet de transporter, en toute sécurité, n’importe quelle moto de piste ainsi que son matériel. Un transporteur vient chez vous avec la caisse, vous la remplissez, et il l’emmène sur le circuit de votre choix en France. On peut savoir où se trouve la moto en permanence grâce à la géolocalisation. Un confort royal. Distribike s’occupe de tout, même de la distribution et de la recharge des batteries BS. Ils en chargent près de 40 000 par mois avant livraison. En plus de faire de la préparation, Distribike fait aussi de la mécanique légère pour certains constructeurs. Dont Kawasaki, avec le montage d’accessoires sur les motos qui roulent au Tour de France. PLEIN PHARE Il était à la clé de 12 derrière le tout premier titre mondial d’un Français en sport mécanique, celui de Patrick Pons en Formule 750 en 1979. Il était en Floride quand le même Pons a remporté les 200 Miles de Daytona en mars 1980. Et il était chef mécano de Christian Sarron quand il est devenu champion en GP 250, en 1984. À la fin du mois d’août, Jacky Germain nous a quittés à l’âge de 88 ans, le cœur usé d’avoir vécu la vie dont il rêvait, avec Passion. Il a débuté, dès l’âge de 14 ans, dans l’ébénisterie, qu’il pratiquera une décennie durant avant de se lancer dans la mécanique. Au milieu des années 60, il prépare les motos du pilote Alain Barbaroux, avec qui il créera notamment la Burbalton : deux monos Bultaco réunis dans un Delon Le “Guépard” était motard Décédé il y a une quarantaine de jours, Alain Delon – les médias généralistes n’ont guère insisté sur ce point pourtant fondamental –, aimait profondément la moto. Sans atteindre toutefois le niveau d’addiction de ses camarades Jean-Philippe Smet ou Michel Colucci, le beau Samouraï ajoutait à sa panoplie du parfait French lover la pratique de la moto, assez indispensable il est vrai chez les people des années post-68. Parmi ses apparitions à l’écran en compagnie d’un de ces engins rutilants, on retiendra (ou pas…) la Motocyclette, délire érotico-psychédélique valant surtout pour la présence de Marianne Faithfull nue sous sa combinaison de cuir chevauchant une Harley (quoique la scène de la fondue, où un Delon ténébreux fumant la pipe séduit la belle Angloise de ses seuls regards appuyés, vaut aussi son pesant d’emmental), et le Gitan, film d’hommes et de José Giovanni riche en poncifs sur l’honneur des bandits et la perversité fondamentale de la société des manants : parmi les banales scènes de fusillade, se détache celle où notre méga-star (ou sa doublure cascade…) parvient à briser un siège policier en faisant un audacieux wheeling sur une Kawasaki H2… Enfin, si les parfums Alain Delon ont sponsorisé Patrick Fernandez lors de sa saison de GP 1983, on peut supposer que le Beau Gosse Suprême du Cinématographe Français aura délégué cette décision à l’un des cadres d’Alain Delon International Distribution… PLANÈTE MOTO Par la rédaction LÉGENDAIRES 49 LEGENDAIRES MOTOS DEF2.indd 49 10/11/2023 6:47:14 PM Patrick Fernandez au Grand Prix de Belgique 250, à Spa, en 1983, sur sa Yamaha-Bartol estampillée parfums Alain Delon. Archives Moto Revue DR Jacky Germain Le “Sorcier” n’est plus Ce portrait de Jacky Germain et issu, comme la plupart des éléments biographiques ci-dessous, du magnifique livre d’Éric de Seynes Légendaires, paru chez Casa Éditions (62,95 € sur boutiquelariviere.fr).
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