MOTO REVUE n°4159 - Page 1 - 4159 J e dis bien avec – pas contre – parce que nous sommes naturellement optimistes, et pas des optimistes béats, mais nourris par une industrie moto qui témoigne d’un dynamisme impressionnant, comme nous avons pu le mesurer lors des derniers salons consacrés à notre passion. Des nouveautés dans tous les sens, nous en avons compté presque 150 exposées en novembre au salon italien de l’Eicma, sans oublier toutes celles qui nous ont été présentées depuis et qui feront l’actualité de cette année 2025. Puisqu’on évoque 2025, saisissons l’occasion de vous la souhaiter belle, cette nouvelle année, avec un maximum de jolies choses dedans pour la tapisser de réussite, de plaisir, de bonheur. Et dès les premières semaines, la moto va nous offrir des opportunités d’en profiter un maximum, avec le salon du 2-Roues de Lyon qui, du 13 au 16 février, illuminera notre univers, avec des anciennes, des modernes, du commerce, des démos, des essais, des courses, des équipements, de la bonne bouffe… La capitale des Gaules va nous en mettre une fois encore plein les mirettes. Avec cette opportunité d’échange et de partage, on ne peut d’ailleurs que vous inviter à venir papoter avec nous sur notre stand qui sera niché au cœur de ce grand show. En parlant de show, et même si, potentiellement, il risque d’y faire froid, on ne peut que vous conseiller de vous rendre à cette course inouïe qu’est l’Enduropale du Touquet (du 7 au 9 février). Un moment fort, voire incroyable, surtout quand l’élastique se détendra pour libérer les 1000 pilotes engagés. Un spectacle fort, effrayant aussi parfois. À propos d’effroi, mais pas pour la même raison, comment ne pas être marqué par le tremblement de terre qui a secoué la planète moto suite aux énormes problèmes financiers rencontrés par le groupe KTM. Au moment d’écrire ces lignes (à la mi-décembre), dans un feuilleton où chaque jour apporte son lot d’informations, KTM avouait deux milliards de dettes, des emplois sacrifiés en Autriche, une production européenne a minima réduite voire quasi abandonnée, avec pour conséquence une grande difficulté à lire l’avenir pour une marque qui, il y a encore quelques mois, apparaissait parmi les plus fortes du marché. Contre vents et marées cette fois, et contrairement aux oiseaux de mauvais augure et à tous ceux qui déversent leur fiel pestilentiel sur les réseaux sociaux espérant le pire pour le constructeur autrichien, nous, on souhaite de toutes nos forces au groupe KTM le meilleur pour 2025, et de très vite retrouver sa sérénité et ses capacités pour pouvoir continuer de bousculer et d’animer le marché, avec ses produits détonants comme avec son implication magnifique en compétition. Trac MOTO REVUE - FÉVRIER 2025 / 3 ÉDITO Avec vents et marées Sommaire Retrouvez-nous aussi sur www.moto-station.com et Facebook L’actualité LES ANCIENS NUMÉROS ET L’ÉCRIN MOTO REVUE SONT DISPONIBLES AU 03 44 62 43 79. Essai 70 Comparatif 06 / Nouveautés Ducati nous a présenté avec un peu de retard ses nouvelles Multistrada V2 (en version S) et Streetfighter V4, tandis que KTM a fait de même pour sa Super Adventure 1390 R 12 / Actus Nouveautés/Business/Événements/Culture 26 / Interview Éric de Seynes, président de Yamaha Europe, est aussi un collectionneur passionné. Il nous parle de l’exposition d’une partie de sa collection prévue au prochain salon Rétromobile 32 / Test longue durée Casque HJC RPHA 91 34 / Shopping Thème du mois: protection tous azimuts 36 / Courrier Passion ou consommation, telle est la question que pose un lecteur à propos de l’achat d’une moto 124 / Engagement Thierry Traccan, le rédac’chef de Moto Revue, à l’heure de lire ces lignes, était quelque part en train de rouler sur le parcours de l’Africa Eco Race, un rallye-raid long de 6000 kilomètres étalé sur deux semaines 128 / Prix du neuf Le tarif officiel de nos motos 130 / Cadeau du mois Ce mois-ci, cinq places pour le Bol d’Or 2025 sont proposées au tirage au sort 38 / Honda CB 1000 Hornet SP L’ex-CB 1000 R est devenue Hornet 1000. Essayé ici dans sa version SP, le gros roadster sportif de chez Honda envoie du lourd 46 / Triumph Speed Twin Pour sa troisième génération, les Anglais de Triumph ont décidé de booster un peu ce modèle de leur gamme néo-rétro côté moteur et de le doter d’un afficheur numérique 52 / Ducati Panigale V4S Un essai sur le circuit Paul-Ricard de cette reine des pistes, équipée d’un bras oscillant dit «à double face» plutôt que de son traditionnel monobras, et des dernières évolutions électroniques pour maîtriser son comportement de sportive de haut niveau 58 Essais MOTO REVUE - FÉVRIER 2025 / 5 Notre prochain numéro sortira à partir du 8 février MOTO REVUE N° 4159 Téléchargez l’application Retrouvez l’édition digitale de MR sur votre smartphone ou tablette. ABONNEZVOUS ! Retrouvez nos offres page 127 Essai 38 Mag 58 / Husqvarna 801 Vitpilen Relookée dans une direction (un peu) moins radicale, cette Husqvarna continue sa carrière de moto singulière 64 / Honda NT 1100 DCT EERA Lancée pour satisfaire à la nouvelle norme Euro 5+, la «mise à jour» de la routière japonaise est finalement allée plus loin sur de nombreux détails, à découvrir dans cet essai 70 / Comparatif Un trio de petits roadsters en confrontation: la KTM 390 Duke, la QJMOTOR 550 SRK et la Kawasaki Z 650, dans un concerto mêlant respectivement une autrichienne, une chinoise et une japonaise 84 / Tourisme aux États-Unis C’est au guidon d’une MV Agusta Enduro Veloce que nous avons parcouru les pistes du désert de Californie 92 / Ventoux Classic Reportage sur la 25e édition du Ventoux Trial Classic, un événement dédié à cette discipline et à ses machines des années 70 et 80 100 / Interview Adrien Van Beveren s’est lancé à l’assaut de son dixième Dakar le 3 janvier. Troisième de l’épreuve en 2024 et vice-champion du monde de rallye-raid, le pilote officiel Honda partait pour gagner 106 / Jeux intercontinentaux Calqués sur le schéma du Trophée transatlantique des années 70, les Jeux intercontinentaux, organisés début décembre sur le circuit de Jerez, ont vécu leur première édition 114 / Hommage Directeur de la compétition chez Honda France de 1976 à 1990, Jean-Louis Guillou nous a quittés le 6 décembre dernier. Nous revenons sur sa brillante carrière 122 / Actus sport Les calendriers de la saison 2025 Sport NOUVEAUTÉ 6 / FÉVRIER 2025 - MOTO REVUE Ducati Multistrada V2 / 16 490 € (V2S à partir de 19 590 €) + 210 km/h* • 115 ch – 9,3 mkg • 199 kg à sec (202 kg à sec) Disponibilité : immédiate. * Estimation MR. Ducati Multistrada V2 (S) Revue de fond en comble Nevousfiezpasaulooketauxvaleursmoteurquasimentidentiques àceuxdel’ancienmodèle.SurcettenouvelleMultistradaV2, côtéchangements,Ducatin’yestpasalléavecledosdelacuillère. Par Thomas Loraschi.Photos Ducati. MOTO REVUE - FÉVRIER 2025 / 7 Moteur: bicylindre en V ouvert à 90°, 4T, 8 soupapes, double ACT, refroidissement liquide. Cylindrée (al x c): 890 cm3 (96 x 61,5 mm). Puissance: 115 ch à 10750 tr/min. Couple: 9,3 mkg à 8250 tr/min. Vol./alim.: 13,1 à 1/injection. Boîte: 6 rapports. Transmission finale: par chaîne. Partie-cycle: cadre monocoque en alliage d’aluminium, boucle arrière en treillis tubulaire acier. Susp. AV/AR: fourche inversée Marzocchi de 45 mm de diamètre, réglable en précharge, compression et détente, déb. 170 mm (semi-active pilotée électroniquement sur la S)/monoamortisseur Sachs réglable en précharge, compression et détente, déb. 170 mm (semi-actif piloté électroniquement sur la S). Freins AV/AR: 2 disques ø 320 mm, étriers radiaux Brembo 4 pistons J.Juan/1 disque ø 265 mm, étrier Brembo 2 pistons. Pneus AV/AR: 120-70 x 19/ 170-60 x 17. Réservoir: NC. Hauteur de selle: de 830 à 850 mm. Poids: 199 kg à sec (202 kg à sec pour la S). Fiche technique À la voir comme ça – museau en bec de canard, optiques froncées, bicylindre en V et robe d’un rouge éclatant – on pourrait croire que Ducati s’est contenté – comme tant d’autres constructeurs en ce moment – d’une petite mise à jour moteur, histoire de satisfaire à la nouvelle norme Euro 5+. Détrompez-vous: cette Multistrada V2 garde peut-être le nom de sa devancière, mais techniquement, elle n’a plus grand-chose à voir avec cette dernière. Pas convaincu? Alors essayez juste de lorgner le cadre treillis. Vous ne l’apercevez pas? Normal, il n’est plus là, remplacé par un minimaliste élément monocoque en alliage d’alu assurant la jonction entre la colonne de direction et le V2 désormais porteur. Et ce twin, vous pensez le connaître? Vous imaginez palpiter en lui la fameuse distribution desmodromique maison? Oubliez: dorénavant, le rappel des soupapes recourt à des ressorts, comme sur la plupart des moulins du marché et comme sur le twin de la nouvelle Panigale V2 dont ce bloc est très étroitement dérivé. La cylindrée est la même (890 cm3 ), les valeurs d’alésage et de course également, mais la gestion électronique change et ramène ce bicylindre à 115 ch et 9,3 mkg de couple. Pour rappel, l’ancienne Multi V2 disposait de 113 ch et de 9,6 mkg: en termes de performances, on est au même niveau. Mais visiblement, c’est sur l’agrément que Ducati a voulu se pencher afin de proposer un moteur plus présent à mi-régime (70 % du couple est disponible dès 3500 tr/min) et à basse vitesse (les premier et deuxième rapports ont été raccourcis). La partie-cycle se veut, elle aussi, plus conciliante: la moto est, aux dires de Ducati, plus légère et plus étroite à l’entrejambe. Pour les plus petits gabarits, elle dispose même d’une selle réglable de série et d’un système permettant de réduire la précharge des suspensions (et par conséquent la hauteur de selle), par le biais d’un bouton de commande. Pour profiter de ce dernier raffinement, il faut toutefois opter pour la version S munie de suspensions semi-actives pilotées électroniquement. Équipée de simples éléments Marzocchi à réglages manuels, la version standard n’est cependant pas dépourvue d’assistances électroniques. Elle en intègre de nombreuses, toutes paramétrables: ABS et contrôle de traction «virage», antiwheeling, gestion du frein moteur, régulateur de vitesse, modes de conduite multiples dont un dédié à l’«enduro» (entendez par là aux pistes roulantes). De quoi explorer tous les chemins et routes imaginables, et cela dès l’obtention du permis, cette Multi V2 étant, comme sa devancière, compatible A2. Pour cela, il faudra juste, au préalable, allonger pas mal de monnaie: 16490 € pour la version standard et 19590 € pour la déclinaison S et ses suspensions pilotées. ■ Comme sa devancière, cette Multistrada V2 s’appuie sur des jantes de 17 et 19 pouces, toutes deux moulées en alliage d’aluminium. De quoi autoriser des escapades off-road sur des chemins peu accidentés. Le recours à un treillis tubulaire acier est désormais réservé à la boucle arrière. Le cadre est un élément monobloc en alu boulonné au moteur. NOUVEAUTÉ 8 / FÉVRIER 2025 MOTO REVUE Ducati Streetfighter V4 / à partir de 24 990 € (V4S à 28 490 €) + 280 km/h* • 214 ch – 12,6 mkg • 189 kg à sec Disponibilité : mars 2025. * Estimation MR. Ducati Streetfighter V4 L’épou«vent»taille… Là,vafalloirtravaillervos cervicales…Enfin,disonsles renforcerencoredavantagesi vousconnaissiezla précédenteversion.Parce qu’àlaréserveprèsd’un guidonaucintreplat,onpeut parlerpourcettenouvelle StreetfighterV4d’une ultimehypersportive dépouillée.Poussezles cartons,elledéménage! Par Trac.Photos DR. MOTO REVUE - FÉVRIER 2025 / 9 … la route E t dire que lors des présentations presse, les séances photos organisées par Ducati sont le plus souvent réalisées dans des virages tellement serrés qu’il nous est presque permis de poser le pied à terre pour aider la moto à tourner… Un peu hypocrite comme façon de faire… Hey, les gars, faut assumer d’en mettre toujours plus dans vos modèles, à l’image de cette nouvelle Streetfighter V4 qui avance avec une fiche technique très, très proche de la Panigale V4 2025. Un truc de dingue, avec un guidon plat, pas d’autre protection qu’un petit saute-vent pour détourner du casque l’ouragan qui s’abattra au moment où le pilote tordra généreusement le caoutchouc de la poignée droite pour libérer les 214 chevaux annoncés. Avec un nouveau rapport poids/ puissance de 1,13 ch par kilo (214 ch pour 189 kg), un bloc V4 Desmosedici Stradale (distribution desmodromique, vilebrequin contrarotatif, calage Twin Pulse – ou Big Bang – qui génère des explosions décalées par paire de cylindres) proposé dans une configuration identique à celle de la Panigale V4, à l’instar d’ailleurs de l’électronique ou du châssis qui reprend par exemple le même nouveau bras oscillant symétrique creux, la Streetfighter V4 s’avère la plus puissante de sa catégorie (la BMW M1000R revendique 210 ch pour 199 kg tous pleins faits), d’où la nécessité des ailettes biplan pour stabiliser l’ensemble. C’est clair qu’il y a moyen d’être chahuté, avec un 4-cylindres en V qui gagne 6 chevaux cette année (il reste 2 chevaux moins puissant que celui de la Panigale en raison d’une admission modifiée. À noter que pour la première fois, une Streetfighter est équipée de cornets d’admission à longueur variable – de 25 mm à 80 mm – cela pour augmenter la facilité d’utilisation comme la puissance maximale). Une Panigale mise à nue, voilà ce qu’est cette nouvelle Streetfighter. Ducati la décrit comme le meilleur des deux mondes, celui de la piste et celui de la route. Les dérives du marketing, peut-être? Car si question performance, elle sera là sur circuit, elle y sera moins qu’une Panigale (quasiment) imaginée pour ce seul exercice. Quant à la route, ainsi que nous le soulignons plus haut, attendez-vous à de sévères turbulences… À moins de respecter les limitations de vitesse, mais là, la Streetfighter perd tout son sens. Pour contrecarrer ses excès de fougue, sa partie-cycle reçoit de précieuses modifications: bras oscillant, angle de chasse augmenté de 0,5°, cadre plus léger, suspensions Öhlins NIX/TTX à commande électronique (sur la V4 S), étriers de freins Brembo Hypure (idem Les points forts de la Ducati Streetfighter V4S (V4) •Moteur Desmosedici Stradale de 1103 cm3 . •Puissance maximale de 214 ch à 13500 tr/min. •Couple maximal de 12,2 mkg à 11250 tr/min. •Poids à vide sans carburant: 189 kg (191 kg). •Réservoir en aluminium de 16 litres. •Fourche Öhlins NIX-30 avec système de contrôle Öhlins Smart EC 3.0 (Showa BPF ø 43 mm à triple réglage). •Amortisseur ÖhlinsTTX 36 avec système de contrôle Öhlins Smart EC 3.0 (Sachs à triple réglage). •Amortisseur de direction Öhlins avec système de contrôle Öhlins Smart EC 3.0 (Sachs). •Jantes en aluminium forgé (en alliage à 5 branches). • Batterie au lithium (au plomb). •Système de freinage avec étriers monoblocs Brembo Hypure™. •Pneus Pirelli Diablo Rosso IV Corsa avec 200/60 x 17 à l’arrière. •Ailettes en configuration biplan et design intégré. •Package électronique de dernière génération avec unité de mesure inertielle à 6 axes (IMU6D): Race eCBS avec fonctionnalité de virage; Ducati Traction Control (DTC) DVO; Ducati Slide Control (DSC); Ducati Wheelie Control (DWC) DVO ; Ducati Power Launch (DPL) DVO; Ducati Quick Shift (DQS) 2.0; contrôle du frein moteur (EBC), DucatiVehicle Observer (DVO). •Nouveau tableau de bordTFT 6,9 pouces. •Modes de conduite (course, sport, route, pluie). •Phare full LED avec DRL. Moteur: 4-cylindres en ligne, 4-temps, 8 soupapes. Cylindrée (al x c): 1158 cm3 (83 x 53,3 mm). Puissance: 214 ch à 13500 tr/min Couple: 12,2 mkg à 11250 tr/min. R. vol.: 14 à 1. Alimentation: injection électronique. Boîte: 6 rapports. Transmission finale: par chaîne. Partie-cycle: cadre monocoque en aluminium. Susp. AV/AR: fourche inversée ø 50 mm, réglable électroniquement, déb. 170 mm/monoamortisseur réglable électroniquement, déb. 180 mm. Freins AV/AR: 2 disques ø 330 mm, étriers radiaux 4 pistons/1 disque ø 20 mm, étrier 2 pistons. Pneus AV/AR: 120-70 x 19/ 170-60 x 17. Réservoir: 22 litres. Empattement: 1566 mm. Hauteur de selle: 840 mm. Poids sans essence: 232 kg. Fiche technique Panigale), etc. On apprécie les améliorations esthétiques apportées, l’optique de phare inédite, l’équilibre visuel entre la partie avant et l’arrière, les ailettes qui se fondent dans la partie avant (tout en relevant les performances avec un appui de + 17 kg à 270 km/h), la nouvelle ergonomie offerte par l’ensemble selle-réservoir-guidon (plus près du pilote) retravaillé pour s’adapter à un maximum de morphologies. Une moto passion qui pousse le bouchon toujours plus loin, que ce soit la standard ou la version S… Et dire qu’elle en peut encore plus si on décide de l’équiper du superbe échappement racing (non homologué) Akrapovic, avec une puissance qui passe cette fois à 226 chevaux… N’en jetez plus, j’ai les dents du fond qui commencent à baigner… ■ NOUVEAUTÉ 10 / FÉVRIER 2025 - MOTO REVUE KTM 1390 Super Adventure R / 22 500 €* + 230 km/h* • 173 ch* – 14,6 mkg* • 231 kg à sec* Disponibilité : premier semestre 2025. * Estimations MR. KTM 1390 Super Adventure R Sortir de l’ornière C’estcepourquoiesttailléecettenouvelle 1390SuperAdventureRaumoteursurpuissant maisàlapartie-cycleetàl’électroniqueorientéesTT. Par Thomas Loraschi.Photos KTM. M ais qu’est-ce qui viendra limiter la course à la puissance sur le segment des maxi-trails? Sûrement pas la sévérité croissante des normes antipollution si l’on en croit l’évolution de la famille Super Adventure. L’ancien modèle – la 1290, homologuée Euro 5 – disposait de 160 ch en bout de vilebrequin. Sa descendante, conforme à Euro 5+, en fournit, elle, 173, et en profite pour accroître sa valeur de couple (à 14,6 mkg!), tout cela en n’ayant grappillé que 49 cm3 en cylindrée (mais en bénéficiant d’une admission variable afin d’optimiser le niveau de performance moteur sur toute la plage de régimes). C’est énorme. A-t-on besoin d’autant de puissance pour faire du tourisme routier ou s’aventurer en TT? C’est un autre débat. Cette nouvelle KTM part en tout cas du principe que cette (sur)puissance et ses mensurations XXL ne sont pas un obstacle à ce genre d’exercices. Elle avance, en guise d’argument, une partie-cycle affûtée (et très proche de celle de la 1290, y compris en termes de géométrie): cadre tubulaire acier au chrome molybdène, jantes rayonnées de grand diamètre (18 pouces à l’arrière, 21 à l’avant) et surtout suspensions WP réglables en tous sens et à forts débattements (220 mm à l’avant comme à l’arrière). Des choix opportuns, mais qui ont une conséquence: la hauteur de selle culmine à 880 mm de haut. Oui, on vous le confirme: en TT (et même sur route), la proposition a de quoi intimider. Afin d’aider à la prise en main et au pilotage de l’engin, de nombreuses assistances électroniques sont convoquées à bord (modes moteur multiples dont plusieurs dédiés à l’off-road, contrôle de traction et ABS «virage» renseignés par une centrale inertielle…) comme c’était – cela dit – déjà le cas sur l’ancien modèle. Pas possible de savoir à ce stade dans quelle mesure ces dernières ont progressé. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’interface est inédite, articulée autour d’un grand écran couleur tactile pilotable du bout des doigts et capable d’afficher la navigation par GPS. Au même titre que les performances moteur accrues, ce dispositif constitue le gros plus de cette nouvelle génération. Un raffinement numérique qui ne sera pas de trop face à une concurrence relevée et dans un contexte très compliqué pour KTM, la firme œuvrant elle aussi pour sortir de l’ornière, mais sur le plan financier. Une autre paire de manches… ■ MOTO REVUE - FÉVRIER 2025 / 11 Moteur: bicylindre en V ouvert à 75°, 4T, 8 soupapes, double ACT, refroidissement liquide. Cylindrée (al x c): 1350 cm3 (110 x 71 mm). Puissance: 173 ch à 9500 tr/min. Couple: 14,6 mkg à 8000 tr/min. Vol/alim.: 13 à 1/injection. Boîte: 6 rapports. Transmission finale: par chaîne. Partie-cycle: cadre treillis tubulaire en acier. Susp. AV/AR: fourche inversée WP XPLOR de 48 mm, réglable en précharge, compression et détente, déb. 220 mm/monoamortisseur WP XPLOR PDS, réglable en précharge, compression et détente, déb. 220 mm. Freins AV/AR: 2 disques ø 320 mm, étriers radiaux 4 pistons Brembo/1 disque ø 267 mm, étrier 2 pistons Brembo. Pneus AV/AR: 90-90 x 21/150-60 x 18. Réservoir: 23 litres. Empattement: 1577 mm. Hauteur de selle: 880 mm. Poids: 231 kg à sec. Fiche technique L’écran couleur adopte un format comparable à celui d’une petite tablette numérique. Les réglages de bulle et de fourche restent manuels. La silhouette rappelle celle de la 1290, mais le bloc optique affiche un dessin plus minimaliste. La firme autrichienne, au bord du gouffre, a obtenu de son administrateur judiciaire le droit de poursuivre sa procédure de restructuration mais se voit conseillé de mettre un gros coup de frein sur certaines activités (notamment la production de motos et l’engagement en compétition). Il ne s’agit pour l’instant que de recommandations, mais la direction de KTM a déjà manifesté une partielle réprobation, tout cela sur fond de dette colossale et de machines invendues qui se comptent par dizaines de milliers. Alors KTM probablement pas ready to death, mais toujours ready to race? On fait le point sur ce que l’on sait en ce tout début d’année, sachant qu’une réunion pouvant rebattre les cartes doit se tenir à la fin de ce mois de janvier. Pas de liquidation pour l’instant 20 jours: c’est le temps qui s’est écoulé entre le placement en restructuration judiciaire de KTM et la publication du premier rapport de l’administrateur en charge du dossier. Le temps pour ce dernier de faire un point sur la situation financière de l’entreprise et de se rapprocher de ses nombreux créanciers. Sans surprise, cet administrateur a laissé à KTM une chance de redresser la barre: ce n’est pas au bout de trois semaines qu’on enterre une firme de cette envergure, même si le montant de ses dettes (1,8 milliard d’euros) a quelque chose de stratosphérique. Pour mener à bien son plan de redressement, et sous réserve que les créanciers acceptent un recouvrement seulement partiel de leur dû (30 % à payer sous 24 mois), KTM va cependant devoir faire un certain nombre d’efforts, voire de concessions. Pour l’instant, de simples préconisations, certaines d’ores et déjà suivies par Mattighofen. D’autres, dont la direction ne veut visiblement pas entendre parler… Chaînes d’assemblage au point mort Arrêter temporairement la production jusqu’à ce que la situation de la firme se stabilise: c’est la première des préconisations avancées par l’administrateur judiciaire et celle-ci a été immédiatement adoptée par KTM. Pas étonnant cela dit, lorsque l’on n’a pas de quoi payer les fournisseurs. Depuis mi-décembre, et au moins jusqu’au 25 février, plus aucune moto n’est produite en Autriche. En conséquence, une procédure de mise au chômage partiel a été PAR THOMAS LORASCHI ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// ACTUS S KTM: UN FEU VERT On se doutait que l’onde de choc KTM allait se propager aux autres marques du groupe. La première à être touchée est la dernière à être entrée (partiellement) dans le giron autrichien: il s’agit de MV Agusta dont le groupe Pierer – propriétaire de KTM – est actionnaire majoritaire (à hauteur de 50,1 %) depuis quelques mois seulement. Alors que cet été encore KTM annonçait un futur prometteur pour MV Agusta (investissement accru, lancement de nouvelles plateformes, amélioration du process de production et du contrôle qualité, gestion plus constante du SAV, soutien du réseau de distribution, implication plus ambitieuse en compétition…), début décembre, une réunion à Varèse avec les représentants syndicaux de la firme italienne est venue sévèrement doucher ces espoirs, confirmant une volte-face résumée par cette phrase attribuée aux émissaires de KTM: «MV Agusta n’est plus un atout stratégiquement important.» Ce qu’il faut entendre par là? Un gel immédiat des investissements engagés pour MV Agusta et la suspension de la démarche de synergie initiée depuis quelques mois par les Autrichiens. Dit autrement, la logistique, le marketing, l’achat de composants et le développement du réseau qui étaient assumés par l’Autriche vont revenir à Varèse. Une (re)prise d’autonomie forcée qui ne fait sauter de joie personne chez MV. Car cela signifie qu’il va falloir rapatrier toutes ces fonctions en très peu de temps, sans réels moyens et cela en gérant un surstock important. Selon nos informations, près de 2000 MV Agusta seraient ainsi entreposées en Autriche: un chiffre franchement pas négligeable en regard de la (petite) production annuelle de la marque. Conséquence de cette situation: la fabrication de motos a été considérablement réduite en fin d’année 2024 à Varèse et devrait même être suspendue à partir de janvier. Pour y faire face, les syndicats et la direction de MV ont décidé d’instaurer un chômage partiel pour tous les employés (à peu près 200 personnes) assorti d’une renonciation solidaire aux salaires et aux traitements. Le projet est de relancer véritablement l’activité de la firme au printemps et de viser, pour 2025, une production de 3000 machines. En soi, cet objectif peut sembler modeste (à titre de comparaison, c’est 20 fois moins que ce que réalise Ducati sur une année) mais il risque tout de même de se heurter à plusieurs écueils. On peut ainsi se demander qui va payer les sous-traitants. On peut aussi se demander si, d’ici le printemps, le groupe Pierer sera toujours présent au capital de MV Agusta. À l’heure où nous écrivons, l’administrateur judiciaire préconise que le groupe autrichien revende ses parts. Pierer n’a pas officiellement confirmé souhaiter le faire mais concède que «MV Agusta n’est plus un atout stratégiquement important», c’est déjà fournir un gros indice quant à la réponse… 12 / FÉVRIER 2025 - MOTO REVUE MV Agusta touché par ricochet L’administrateurjudiciairevientderendresonpremierrapport.Lafirmeest,selonlui,capable deseredresser,maisl’arrêtmomentanédeplusieursactivitésestpréconisé. LapetitefirmeitaliennedontKTMestdevenurécemmentactionnairemajoritairefait déjàlesfraisdecetteprocédurederestructuration. L’assemblage des modèles de forte cylindrée se poursuivra-t-il en Autriche? C’est l’une des questions qui vont devoir être tranchées durant cette phase de restructuration judiciaire.
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