MAD MOVIES n°381 - Page 5 - 381 U N F I L M D E K I M C H A N G H O O N U N F I L M D E K I M C H A N G H O O N H O N G X A B I N K I M H YO U N G S E O S O N G J O O N G K I ©2023PLUSMENTERTAINMENT,SANAIPICTURES,HISTORYALLRIGHTSRESERVED. « L A C O R É E A T R O U V É S E S A F F R A N C H I S » L E F I G A R O LE17AVRILAUCINÉMA En attendant de découvrir son dernierfilm en salles (L’Ombre du feu, le 1er mai), on vous sert surun plateau – enfin, on vous le propose en DVD Mad – l’excellent Hiruko the Goblin de Shinya Tsukamoto. Un vrai roller coasterhorrifique à réévaluer d’urgence. Rédaction, Administration 51, avenue de Paris 94300 Vincennes Tél.: 01 44 635 635 Directeur de la publication Gérard Cohen g.cohen@custom-publishing.com Directeur de la rédaction et rédacteur en chef Fausto Fasulo fausto@mad-movies.com Secrétaire de rédaction Sacha Rosset Rédacteurs pour ce numéro Sixtine Audebert, François Cau, Cédric Delelée, Gilles Esposito, Fausto Fasulo, Jean-Baptiste Herment, Christophe Lemaire, Vincent Malausa, Alexandre Poncet, Bruno Provezza, Sacha Rosset, Maybelline Skvortzoff. Rédactrice graphique Carla Ferreira/Pondichery Rédacteur iconographe Mathieu Roux Distribution presse MLP Impression Léonce Deprez. Allée de Belgique 62128 Wancourt Remerciements Manuel Attali, Youmaly Ba, Sophie Bataille, Aïda Belloulid, Maya Borreil, Lilou Bottais, Adeline Crespo, Alexis Delage-Toriel, Yasmine El Omari, Alexandra Faussier, Sylvie Forestier, Jean-François Gaye, Giulia Gié, Matilde Incerti, Miah Kaplan, Radia Kerroumi, Lindsey Kiefer, Alexandra Lévy, Boris Lobbrecht, Camille Madelaine, Olivier Margerie, Floriane Mathieu, Alizée Morin, Lucie Mottier, Romane Oddon, Hailey Pryor, Sophie Saleyron, Adèle Schneider, Nino Vella, Alix Vigin, Pauline Vilbert, Claire Vorger et l’équipe du festival Même pas peur. Commission paritaire N°0727 K 81858 ISSN N° 0338-6791 Dépôt légal à parution Editeur délégué Custom Publishing France SAS au capital de 44 000 € RCS Paris 394 412 928 Principal actionnaire G. Cohen Custom Publishing France et MadMovies sont des marques déposées. La publication comporte une édition limitée avec le pack DVD Hiruko the Goblin au prix de 14,99 €. Le DVD ne peut être vendu séparément. Les articles ne peuvent être reproduits sans l’accord écrit de l’éditeur. ©2024 Custom Publishing France. Imprimé en France/Printed in France Publicité MINT (Media Image Nouvelle Tendance) 51 Avenue de Paris 94300 Vincennes www.mint-regie.com Fabrice Régy. fabrice@mint-regie.com Tél.: 01 43 65 19 56 SERVICEABONNEMENTSmadmovies@abomarque.fr Tél.: 05 34 56 35 60. MadMovies/AboMarque. CS 60003 - 31242 L’Union Cedex ABONNEMENTSENLIGNEetVENTED’ANCIENSNUMÉROSsurwww.mad-movies.com ABONNEMENTÀMADMOVIESPOUR1AN97,90 € avant réduction surla France métropolitaine. SERVICEDESVENTESRÉSERVÉAUXPROFESSIONNELSà juste Titres - Diffusion kiosque. Alicia Abadie. Tél.: 04 88 15 12 47. aabadie@ajustetitres.fr BUFFET CHAUD Finies les chouineries, ce mois-ci c’est Byzance : un déluge de sorties comme au temps jadis, un embarras du choix à vous paralyser un sommaire pendant des semaines, des rédacteurs maussades qui reprennent goût à la vie en allant voir de (bons) films en salles… Bref, un printemps plein de ressources, sans projections (trop) tardives et embargos relous. Évidemment, ce « luxe » éditorial ne tient qu’au hasard d’un calendrier parfois bien moins clément, et en irrécupérables fatalistes, on voit déjà poindre la future décrue… En attendant la chute, on se réjouit de pouvoir vous proposer un numéro dans lequel TOUS les réalisateurs des films majeurs du mois ont pu être questionnés. Du cérébral Alex Garland (pour Civil War) au vétéran Robert Harmon (pour la ressortie de Hitcher), en passant par les « nouveaux » Kim Chang-hoon (Hopeless) et Arkasha Stevenson (La Malédiction : l’origine), sans oublier les usuals suspects Julien Maury et Alexandre Bustillo (pour leur délectable Mangeur d’âmes), c’est une bonne demi-douzaine de metteurs en scène qui se répandent dans nos pages d’avril. Une pluralité de visions et de sensibilités qui correspond à cette « matière » vivante que doit être un magazine, et qu’on stimulera vaille que vaille avec le concours si précieux des personnes qui font ce cinéma qu’on défend. I Fausto Fasulo Site Internet & Madshop www.mad-movies.com Twitter@Mad_Movies Instagram @madmovies_officiel Facebookwww.facebook.com/MadMovies YouTube Mad Movies Magazine imprimé sur du papier issu de forêt à renouvellement durable. Ville d’origine de fabrication du papier : Hagen (Allemagne) Taux de fibres recyclés : 0% Taux d’eutrophisation : 0,020 Kg/tonne Certification : PEFC Aveclesoutiendu LE PLUS FORT DU CINÉMA Ciné+ Frisson, notre fidèle compagnon, maintient son haut niveau de programmation. En avril, nous avons retenu ceci de leurjolie grille : Les Nuits de Mashhad (le 03/04 à 20h50), L’Exorciste selon William Friedkin (le 15/04 à 22h56) et Decision to Leave (le 17/04 à 22h39). ÉDITO 6NOTULESVODLUNAIRES 12MADINFRANCE 14AVISCHIFFRÉS 16CINÉPHAGES 87MADGAZINE 92FESTIVAL 94GIVEMEFIVE 97LABÉDÉDUMOIS 98ZONETRÈSLIBRE SOMMAIRE 40 PREVIEW SOUSLASEINE Pource troisième épisode, à mi-parcours, de notre série « making of » consacré au film de squale fluvial de XavierGens, le réal et son chef-op Nicolas Massart expliquent les défis que représente le tournage de scènes aquatiques en plein Paris. 46 ACTUALITÉ LAMALÉDICTION: L’ORIGINE En ce moment, l’horreurest au couvent. Après la belle surprise Immaculée, on s’enthousiasme pour LaMalédiction:l’origine, préquelle de la saga antéchristique initiée par Richard Donneret incarnée parDamien Thorn. La réalisatrice Arkasha Stevenson relate pour nous cette origin story pas très catholique. 54 RENCONTRE GILKENAN Déjà coscénariste de S.O.S Fantômes:l’héritage, Gil Kenan reprend le poste pourla suite LaMenacedeglace et en profite pourpasserderrière la caméra, lui qui avait réalisé le surprenant film d’animation MonsterHouse. Il nous plonge dans les coulisses de ce nouveau Ghostbusters. 60 ACTUALITÉ HOPELESS Si les personnages des thrillers coréens ont largement de quoi se faire du mouron, le genre en lui-même a de beaux jours devant lui. Témoin Hopeless, une plongée âpre et nerveuse dans la Corée des bas-fonds imaginée parKim Chang-hoon, que nous avons rencontré pourl’occasion. 68 ACTUALITÉ LEMANGEUR D’ÂMES Si vous vous demandiez quel sale coup préparaient les zozos Bustillo & Maury avec LeMangeurd’âmes, la réponse est là, et elle est méchante. Le powerduo nous conte cette première expérience en terres polardeuses qui réserve son lot de surprises cradingues. 76 CARRIÈRE ROBERT HARMON LeHitcherdeRobertHarmonrevient enmajesté(etenversionrestaurée) avecuneressortiesallesgrâceà Tamasa,d’abord,puisuneédition Blu-ray4KproposéeparSidonis Calysta,ensuite.Àcetteoccasion,le papadeJohnRydernousdétaillesa carrière,ducourt ChinaLakeautrès sous-estimé Highwaymenenpassant parlemusclé Cavalesansissue. EN COUVERTURE CIVILWAR Deux ans après l’étonnant Men, le Britannique Alex Garland reprend du service avec Civil War, dans lequel il anticipe une guerre made in USA couverte parun quatuorde reporters hardis. Le réalisateur/scénariste nous dit tout de la conception de cette bombe filmique suffisamment armée pourfaire tremblerle pays de l’Oncle Sam. 28 ETAUSSI 6 NOTULES VOD LUNAIRES TOUTE L’ACTUALITÉ DE LA VOD DÉCORTIQUÉE PAR SAN HELVING Tel Sacha Rosset devant un étal de snuff movies scandinaves dans son marché clandestin préféré de Jönköping, il faut parfois laisser parler son cœur, se laisser porter par la poésie du moment. Quand le catalogue d’une plateforme (Canal+, pour ne pas la citer) propose un titre aussi doux et poétique que Crépuscule pour un tueur, l’heure est ainsi venue de se glisserdans la personne de son choix et d’accepter l’inconnu. Coup de bol, signe du mektoub my love, la pioche est plutôt bonne. Raymond St-Jean et son coscénariste Martin Girard nous plongent en 1979, au moment où le tueurà gages canadien Donald Lavoie se retrouve coincé entre ses commanditaires du gang Dubois et les forces de police, à ses basques depuis au moins une grosse vingtaine de cadavres. L’utilisation des décors naturels hivernaux rappelle Pine Barrens (L’enfer blanc, en VF), le fameux épisode de course-poursuite dans la neige des Sopranos réalisé par Steve Buscemi ; la reconstitution de la fin des années 1970 évoque quant à elle les Mesrine de Jean-François Richet. Mais la belle singularité de Crépuscule pour un tueur ne se limite pas à son titre. Sa nervosité, sa rugosité, l’adaptation finement pensée cinématographiquement des événements emportent l’adhésion, et la chose parvient même à faire digérer aux réfractaires les explosions langagières québécoises, ou le caractère beaucoup trop bonhomme de l’adorable Sylvain Marcel (le Guy-Claude du film Aline de Valérie Lemercier) dans le rôle du détective Roger Burns – quel beau nom, là aussi. Au sud de Montréal, à quelques minutes à vol d’oiseaux sous stéroïdes, les US of A n’en finissent plus de nous abreuver de direct-to-VOD à la fraîcheur relative. Les experts sont formels : Code 8 : partie II de Jeff Chan, tombé sur Netflix, fait suite à une première partie en date de 2019 (déjà réalisée par Chan), sympathique production canado-américaine fauchée avec les cousins Robbie (The Witcher) et Stephen Amell (Arrow) en têtes d’affiche, sans grande originalité dans son traitement de la sciencefiction et des superhéros. Les maîtres d’œuvre de cette séquelle parlent d’univers cinématographique à explorer ; c’est sans aucun doute très exagéré pour ce qui reste, d’un bout à l’autre, une redite lo-fi des films X-Men. Il ne suffit pas de tirer la gueule et de froncer les sourcils pour apporter de la gravité, et il faut un peu plus qu’une gamine énervée pour espérer arriver à la cheville du Logan de James Mangold. Une once de vision et de personnalité ne serait pas du luxe, tant qu’on y est. Fear de Deon Taylor (Meet the Blacks), à interpellervigoureusement Code8:partieII. Crépusculepouruntueur. 8 NOTULES VOD LUNAIRES sur Apple TV, tente lui aussi de se la jouer petit malin. Des couples d’amis drôles, cultivés et sexy, comme Gilles Esposito en connaît beaucoup trop pour que ce ne soit pas a minima suspect, passent un week-end dans une belle maison de campagne, mais leur euphorie est de courte durée : un étrange phénomène matérialise leurs pires phobies et semble les pousser à mettre fin à leur jour. Il y a de maigres tentatives d’éleverce postulat vers une forme de commentaire social ; hélas, tout retombe néanmoins à plat, la faute à une absence totale de mise en scène, à un script nul et loin d’être avenu, à des acteurs en mode automatique, à une photo moche, à un montage pas terrible, à des effets spéciaux génériques au dernierdegré. Et franchement, la déco du salon ? Pas dingue non plus. Il y a un peu plus à se mettre sous la dent avec Le Moulin de Sean King O’Grady (We Need to Do Something), sur Disney+, le petit coquin, même s’il va nous incomber, en tant que civilisation, de mettre fin à ce gimmick narratif du quidam se réveillant dans un endroit étrange, glauque et aseptisé. Ici, un cadre très moyen de Mallard, un consortium au logo à tête de canard, émerge dans une vaste pièce avec en son centre une ribe, un moulin à meule verticale. Une voix lui indique que pour sortir de là, il va devoir pousser la machine et atteindre un quota évolutif de rotations complètes par jour. La satire du monde du travail et de son exaltation capitalistomanagériale de ses grands morts avance dotée de sabots titanesques, portée par la performance relativement convaincante de Lil Rel Howery (Get Out). Une révélation sur la nature du geôlier puis un gros retournement de situation, de ses petits morts cette fois-ci, amoindrit considérablement la charge du discours, comme la force d’un script encore moins crédible que dans ses prémices. Théorie du complot 2024 numéro 73 : les films critiques du système économique à destination des plateformes sont volontairement grossiers et mal foutus pour nous enfumer – Alexandre, Poncet de mi corazón, mets-moi vite Juan Branco sur le coup. Au gré d’un hasard qui ne fera releverpersonne de son lit, le décorprincipal d’Il vient la nuit de Misha Kreuz, inédit allemand de 2020 débarqué sur Prime Video pour faire le mal, est justement un moulin abandonné, dont l’héroïne paumée doit s’occuper pour le compte d’une banque. Un point de départ vaguement étrange, auquel vient se greffer une collègue d’infortune louche, une disparition, des rumeurs en lien avec la lycanthropie, le passé du protagoniste, le tout noyé dans une absence intersidérale d’enjeu. Le point rouge d’une visée laser Ilvientlanuit. sur le genou droit (mon préféré, celui qui amortit les chocs lors des bastons avec les critiques du Cercle sur Canal+) empêche actuellement l’auteur de ces lignes de faire des blagues pourtant originales et gouleyantes surles fictions télévisuelles allemandes des années 1980, mais le cœur y est, à l’inverse de ce fond de tiroir mollasson à se pendre à ses propres tripes. Peu d’enthousiasme également du côté du Murder Mubarak de Homi Adajania (Saas, Bahu AurFlamingo) sur Netflix, la réponse hindie que personne n’attendait aux films-enquêtes en milieu bourgeois de Rian Johnson. Dans le rôle du détective pugnace à la Daniel Craig, Pankaj Tripathi amuse la première heure avec son côté Droopy en uniforme défoncé à l’hélium de mauvaise qualité, agace graduellement au fil de la seconde heure, donne envie de s’arracher les ongles en chantant du Aya Nakamura dans le dernier quart d’heure. Ajoutez un non-rythme épuisant, une absence de suspense assez remarquable sur le pot-aux-roses, et vous comprendrez vite pourquoi l’intérêt a été assassiné avec le chandelier dans la bibliothèque. Encore plus curieux qu’une blague sur le jeu Cluedo en 2024, La Légende de Kunlun de Pengfei Qin (As God), visible sur Prime, secoue un tantinet le monde parfois déprimant du blockbuster chinois contemporain en costumes. Un seigneur sous mauvaise influence entre en guerre contre le monde des sirènes, son fils fait sécession, une représentante de l’autre camp à ses côtés. S’ensuivent les habituelles intrigues de cour, déambulations et bastons en rase campagne, et autres effets spéciaux accusant une grosse dizaine d’années de retard. La bonne humeur de l’ensemble et le charme mutin du couple vedette sauvent l’affaire du marasme, l’illusion de passer un bon moment peut même faire son apparition à mi-parcours. LaLégendedeKunlun. MurderMubarak. 10 NOTULES VOD LUNAIRES Un peu plus stimulant que deux films d’affilée avec un moulin : deux films asiatiques sur la même plateforme (Netflix), où un antihéros à qui il reste peu de temps de vivre entreprend de solder ses comptes, et violemment, tant qu’à faire. D’un côté l’indonésien 24 Hours With Gaspar de Yosep Anggi Noen (The Science of Fictions), son détective au cœur défaillant empêtré dans un bourbier à la fois personnel et politico-mafieux, sa tentative attachiante de broder autour des ambiances typiques des polars sud-coréens. Le film s’égare dans un tunnel central longuet, relance l’attention par de nombreux éclairs de beauté dans la crasse, par sa bande-son mélangeant chansonsindonésiennes(allezdoncvous laver les oreilles avec le superbe Firasat de Sundancer, bande de malpropres) et musique classique. Le flegme contrit de Reza Rahadian (Berbalas Kejam) mène, avec une forme de grâce inattendue, vers un final plus amer que doux. Aucun reproche rythmique à adresser à The Pig, The Snake and the Pigeon de Wong Ching-Po (Revenge: A Love Story), spectaculaire passage de relais du polar hongkongais à son camarade taïwanais, tant ses plus de deux heures filent à une vitesse folle, de surprises en refontes radicales de l’intrigue, préludes à des flambées de violence formidablement inappropriées. En cavale depuis une exécution échevelée, Chen Kui-lin (Ethan Juan, Detective Dee : la légende des rois célestes) apprend qu’un cancer avancé ne lui laisse que peu de temps. Il pense d’abord se rendre aux autorités, change d’avis et se met en tête de devenir l’homme le plus recherché de Taïwan. Pour cela, il doit éliminer deux truands, et dynamiter au passage les simulacres de sociétés dans lesquelles ils prospèrent. Comme dans 24 Hours With Gaspar, il y a en creux cette volonté de demander des comptes à la génération précédente, de bousculer son statu quo au risque calculé de tout perdre. Beaucoup plus déroutant qu’un simple « OK Boomer », le film de Wong Ching-Po porte sur son personnage un regard aussi attendri que pétrifié par ses réactions extrêmes. Bouffé par ses contradictions, Chen Kui-lin confond pulsions de vie et de mort dans un vaste bordel, parfois touchant, souvent glaçant, toujours fascinant. I ThePig,TheSnakeandthePigeon. 24HoursWithGaspar. 12 MAD IN FRANCE CATTLE Les frères Leroux (Stéphane et Vincent) ont une petite obsession pour la vie extraterrestre, et plus précisément pour l’influence éventuelle d’une présence alien sur Terre. Ils avaient réalisé La Quatrième Nuit au début des années 2000, l’histoire d’un homme qui rencontre des entités spatiales ; ils récidivent avec Cattle dans lequel ils abordent les supposées mutilations de bétail par des visiteurs lointains. Basés sur de nombreux témoignages de contacts (présumés) du troisième type, les récits des Leroux échappent à la SF d’exploitation lambda pour nous livrer des visions intérieures et sensitives terrifiantes lors des fameux enlèvements, aussi appelés « abductions ». Propos recueillis par Erwan Chaffiot. Plus de vingt ans après La Quatrième Nuit, vous semblez toujours passionné parles extraterrestres… VincentLeroux: Àl’origine,notrepremier court, La Quatrième Nuit, devait faire partie d’un projet de film à sketches. On voulait en profiter pour l’améliorer un peu, mais c’est finalement devenu un tout nouveau film, avec une tout autre ambiance. Le projet de film à sketches est tombé à l’eau après des problèmes personnelsetlacriseCovid,maisonatout de même finalisé Cattle. Stéphane Leroux : Pour ma part, je ne doute pas de l’existence d’autres vies dansl’univers.Maintenant,ilseraamusant d’observer la façon dont on nous l’annoncera, si jamais cela arrive un jour. Et vu quec’estredevenuunsujettrèstendance, surtoutauxÉtatsUnis,onn’estpasàl’abri de révélations fracassantes. Mais sinon, je ne me focalise pas plus que ça sur le phénomène des ovnis. Je suis comme plein de gens : j’attends la suite. V.L. : De mon côté, le fait d’avoir pu rencontrer des personnes directement impliquées dans ce dossier, pas seulement chez les civils, mais surtout au niveau de la défense nationale, je peux vous affirmer que ce sujet est traité avec on ne peut plus de sérieux, contrairement aux apparences. Yavait-il un désirinconscient d’adapterle livre Communion de Whitley Strieber(1) ? S.L. : Pas de l’adapter, mais avec La Quatrième Nuit, il y avait clairement une volonté d’être aussi efficace dans la retranscription de l’expérience, quitte à perdre en route une cible plus large, voire unegrossepartiedupublicSF/fantastique. On s’en est donc plus ou moins inspirés pour l’ambiance. Cattle est plus frontal et rentre-dedans ; il est plus digeste dans sa forme, mais plus sale dans son fond. Qu’entendez-vous par« sale » ? S.L.:Cattleestbiensaleselonnousdans le sens où il n’offre pas d’échappatoire à sonprotagoniste,alorsquedansCommunion et La Quatrième Nuit, le héros est, d’une certaine façon, appelé à l’aventure. Il se pose des questions et cherche plusieurs issues possibles. Dans Cattle, ilsubittout,commedubétail.L’objectifdes entités est identifié, et on sait qu’il n’est pas noble. Comment avez-vous découvert le livre de Strieber ? S.L.:Onad’aborddécouvertlelivregrâce au film homonyme de Philippe Mora. Jemesouviensquequandonétaitenfant, on faisait une fixation sur la scène de l’alien derrière le placard, car elle était dans le documentaire This Is Horror dont la VHS était d’ailleurs distribuée avec un beau livret conçu parJean-Pierre Putters. Pendant longtemps, ce fameux extrait dans la chambre de Christopher Walken est le seul aperçu de l’œuvre de Strieberdont on a eu connaissance. Puis lesannéesontpassé,etonapudécouvrir le film en entier, puis les écrits de Strieber. Il n’est désormais pas facile de les trouver à bon prix, et il me semble que Confirmation n’a pas été traduit en France. C’est tout de même dommage. Les visions montrées dans le court sont-elles issues de témoignages ? V.L. : Certaines visions sont issues de mespropresexpériences,etd’autressont égalementissuesdetémoignagesauthentiques de personnes que j’ai rencontrées. S.L.:Sanscompterlatonnederecherches effectuéesparVincentàpartirdeportraitsrobots,reconstitutionsetautresouvrages spécialisés. Quelle a été ton expérience en résumé ? V.L. : Comme celles de beaucoup de gens, mes expériences se sont caractérisées par des observations de plus en plus rapprochées, et ces contacts ont été complétéspardesphénomènesannexes de type poltergeists, tapages et autres joyeusetés que l’on qualifie de paranormales. Ces différentes aventures m’ont permisderencontreretdecôtoyerdubeau mondedansledomainedel’ufologie:des témoins,desenquêteursmaiségalement despersonneschargéesd’enquêtersurce dossier en France et ailleurs. S.L. : Notre observation de 2008 a aussi été suivie de près par le GEIPAN, notamment(crééen2005etrattachéauCNES, le Centre d’études spatiales, le Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés ou GEIPANestchargéderecueillirdestémoignages relatifs à des phénomènes non identifiésetd’enquêtersurceux-ci–NDR). Ils avaient d’ailleurs eu un certain nombre de témoignages car l’engin avait été vu dans plusieurs villages du secteur. N’aviez-vous pas peurque votre film se transforme en une expérience d’art vidéo ? S.L. : On nous a beaucoup rapporté que La Quatrième Nuit était trop expérimental, avec un scénario limite « autiste ». Le film parlait plus de ressenti que d’impactphysique,etçadevaitêtreunpeu trop abstrait. Selon nous, ce n’est plus le casavecCattle.Lefinal,parexemple,est clair et limpide. L’aspect clinique et froid de La Quatrième Nuit a laissé place à uneambiancemoite,façonTobeHooper. Cattle est résolument plus organique et terre à terre que son grand frère. À notre avis,onatrouvéunmeilleuréquilibreentre efficacité et étrangeté avec Cattle. Comment l’avez-vous rendu plus organique ? S.L. : Esthétiquement déjà, le film utilise des couleurs bien plus chaudes. On tend vers le jaune et l’orange alors que LaQuatrièmeNuitbaignaitpresquedans un noir et blanc abstrait. Il y a des détails nouveauxégalement,commelesmursdu vaisseau : lorsqu’on regarde bien, ils sont veineux, alors qu’ils étaient juste blancs auparavant. On a voulu suggérer que le vaisseauaunepeauquiondule.Ilyaaussi plusdemouvementsdecaméraàl’épaule et le montage est plus sanguin, moins clinique. Ça se sent particulièrement lors de la séquence dans la salle d’opération. La musique et le sound design sont de plus complètement différents. Dans La Quatrième Nuit, la musique illustrait l’inconnu,avecdessonoritésvenuesd’ailleurs, alors que dans Cattle, elle suinte le malaise et contribue à cette nouvelle ambiance plus étouffante. Avez-vous hésité à montrerles extraterrestres, au risque de décevoir ? V.L. : Non, au contraire. Nous sommes vraiment fiers de nos extraterrestres. Ils ont quelque chose d’unique dans leur esthétiqueetleurattitude.Ilsn’ontpasl’air si éloignés de nous. S.L. : Et puis, le public actuel est habitué aux effets spéciaux. Le plus important, maintenant, est de se poser la question : « Servent-ils l’histoire ? » Ou encore : « Apportent-ils quelque chose ? » Je pense que dans notre film, ils sont pertinents, et flippants. Le film comporte beaucoup d’effets numériques. Est-ce que vous avez dû apprendre à les faire seuls ? V.L. : Oui, j’ai appris certaines méthodes de mon côté pour réaliser La Quatrième Nuit et j’en ai amélioré certaines pour Cattle. Dans les deux cas, ça reste du bricolage artisanal avec les moyens du bord. D’ailleurs, le même matos a été utilisé pour Cattle, dix ans après. S.L. : Il faut rappeler qu’on n’a pas fait d’école de cinéma. On a tout appris sur le tas, en pratiquant, que ce soit pour les effets visuels, le montage ou encore la musique. Est-ce que les fans d’ufologie ont vu ce court-métrage ? S.L.:Nonseulementdesamateursd’ufologie, mais surtout beaucoup de témoins contactés. C’était déjà le but premier de La Quatrième Nuit. Ceux-là attendaient Cattle avec impatience. Pascal Fechner, ancien directeur du MUFON France (le Mutual UFO Network ou MUFON est une organisation d’origine américaine, présentée comme le plus grand réseau Ci-dessus : Dans Cattle, l’issue des « abductions » peut être particulièrement funeste. international d’enquêtes relatives aux ovnis– NDR) est également un grand fan de La Quatrième Nuit et de Cattle. Il nous a accordé une interview sur sa chaîneYouTubeMaybePlanet.L’associationOvni-Languedocaaussiorganiséune projectionpubliquedufilm,cequiétaittrès sympa de leurpart. De manière générale, onaétéaccueilliavecbienveillanceparla sphère ufologique. Quel est, selon vous, le film le plus abouti surles « abductions » ? S.L.:Ilyaeupasmaldefilmsintéressants sur le sujet, mais, pour ce qui est de la retranscriptiond’expérience,Communion et Fire in the Sky restent les références. I (1) L’écrivain Whitley Strieber a dépeint dans son livre Communion ses nombreuses « abductions » (selon ses dires) par des entités mystérieuses. Le livre a été adapté en 1989 avec Christopher Walken dans le rôle principal. PEDIGREE STÉPHANE & VINCENT LEROUX 2023 Cattle (court-métrage) 2014 LaQuatrièmenuit (court-métrage) FICHE FILM L’histoire:Alors qu’une vague de mutilations animales se propage, un homme seul se trouve confronté à des créatures extraterrestres hostiles. Il va devoirfaire face et se battre contre cette menace alien. Durée:18min. Format:2.35.
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