MAD MOVIES n°391 - Page 3 - 391 Rédaction, Administration 51, avenue de Paris 94300 Vincennes Tél.: 01 44 635 635 Directeur de la publication Gérard Cohen g.cohen@custom-publishing.com Directeur de la rédaction et rédacteur en chef Fausto Fasulo fausto@mad-movies.com Secrétaires de rédaction Sacha Rosset Rédacteurs pour ce numéro François Angelier, Sixtine Audebert, François Cau, Cédric Delelée, Gilles Esposito, Pascal Françaix, Jean-Baptiste Herment, Fabien Mauro, Romain Nigita, Alexandre Poncet, Bruno Provezza, Sacha Rosset, Maybelline Skvortzoff, San Helving, Bernard le Fourmilier. Rédactrice graphique Carla Ferreira/Pondichery Rédacteur iconographe Mathieu Roux Distribution presse MLP Impression Léonce Deprez Allée de Belgique 62128 Wancourt Remerciements Maya Borreil, Nicolas Brogniart, Adeline Crespo, Mylène Da Silva, Matthieu de Faucal, Monique Diouf, Yasmine El Omari, Marion Eschard, Maellysse Ferreira, Sylvie Forestier, Thomas Gallon, Giulia Gié, Delphine Huchet, Matilde Incerti, Jovita Maeder, Noémie Michaud, Rafaël Montfort, Lucie Mottier, Nino Vella, Elsa Verrimst, l’équipe du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Commission paritaire N°0727 K 81858 ISSN N° 0338-6791 Dépôt légal à parution Editeur délégué Custom Publishing France SAS au capital de 44 000 € RCS Paris 394 412 928 Principal actionnaire G. Cohen Custom Publishing France et MadMovies sont des marques déposées. La publication comporte une édition limitée avec le pack DVD Dar l’invincible au prix de 14,99 €. Le DVD ne peut être vendu séparément. Les articles ne peuvent être reproduits sans l’accord écrit de l’éditeur. ©2024 Custom Publishing France. Imprimé en France/ Printed in France Publicité MINT (Media Image Nouvelle Tendance) 51 Avenue de Paris 94300 Vincennes www.mint-regie.com Fabrice Régy. fabrice@mint-regie.com Tél.: 01 43 65 19 56 LE DVD MAD Madeleine de Proust pour certains, plaisirsemicoupable pourd’autres, Dar l’invincible de Don Coscarelli est le DVD Mad du mois. Un Conan le barbare-like réalisé parle créateurde Phantasm et éclairé parle chef-op préféré de Stanley Kubrick ; si ça ne vous fait pas envie, on ne peut plus rien pourvous… SERVICEABONNEMENTSmadmovies@abomarque.fr -Tél.:+33(0)534563560. MadMovies/Abonn’escient – Opper : 53, route de Lavaur31240 L’Union Abonnementsenligneetvented’anciensnumérossurwww.mad-movies.com - AbonnementàMadMoviespour1an97,90 € avant réduction surla France métropolitaine. SERVICEDESVENTESRÉSERVÉAUXPROFESSIONNELSOpperDiffusion kiosque. Sarah Mordjane. Tél.:0140942221. smordjane@opper.io VALEUR REFUGE Ses plus farouches détracteurs ont beau brocarder sa supposée indigence artistique (avec un invariable argumentaire : vacuité et redondance des dispositifs, prévisibilité frustrante des intrigues…), le slasher demeure ce sous-genre inépuisable, passionnant car encore capable de méchanceté (cf. la franchise Terrifier) et surtout malléable à l’envi parce que modeste par essence. C’est cette simplicité que le public aime ainsi retrouver, cette confortable efficacité qui procède par accumulation et répétition certes, mais qui garde intacte cette « mystique du choc » qui définit si bien le cinéma d’horreur. Ce mois-ci, on s’est donc tournés vers cette valeur refuge afin de bâtir un sommaire presque entièrement dédié à l’équarrissage et ses symphonies des chairs. Plaisir élémentaire de l’éclaboussure, mais avec un peu de réflexion quand même. « Splash ! Splosh ! » Oui, mais pourquoi ? I Fausto Fasulo Site Internet & Madshop www.mad-movies.com X @Mad_Movies TikTok@madmovies_magazine Instagram @madmovies_officiel FacebookMadMovies YouTube Mad Movies Magazine imprimé sur du papier issu de forêt à renouvellement durable. Ville d’origine de fabrication du papier : Hagen (Allemagne) Taux de fibres recyclés : 0% Taux d’eutrophisation : 0,020 Kg/tonne Certification : PEFC Aveclesoutiendu En mars, Ciné+ Frisson nous gâte. Mais comme on ne peut pas tout choisir, on vous recommande de goûter au Règne animal (le 03/03 à 20 h 50), à La Montagne (le 03/03 à 22 h 53) et au DernierRempart (14/03 à 20 h 50). Un menu francocoréen avec une note (peu) subtile de terroiraméricain. édito Et aussi… 6VODBORDELLO 14POURQUOIILFAUT(RE)VOIR… 16AVISCHIFFRÉS 18CINÉPHAGES 85MADGAZINE 90MESSALAUDS! 92ONESHOT! 95LABÉDÉDUMOIS 96ZONETRÈSLIBRE 98LECHOIXDUDRANGELIER Sommaire EN COUVERTURE SLASHER: UNÉTATDESLIEUX InaViolentNature de Chris Nash, interviewé pourl’occasion, n’est pas seulement le Grand Prix du Festival de Gérardmer 2025 ; c’est aussi et surtout un slasher(forestier) qui réussit le tour de force de révolutionnerle sous-genre dans une épure formelle radicale. Cette réussite totale était donc la porte d’entrée idéale pourun état des lieux du slasher contemporain, auquel nous vous invitons dans un copieux dossiercomplémentaire. 44 36 60 72 PREVIEW LESSENTINELLES Tournée à l’ouest de Paris, la série fantastico-superhéroïco-steampunkLes Sentinelles en pleine Première Guerre mondiale s’annonce comme un rendez-vous à ne pas manquer. En attendant de la voirdébarquersur Canal+, prise de température directement surles lieux du tournage du bestiau, aux côtés de l’équipe – dont le cocréateurGuillaume Lemans. DOSSIER GÉRARDMER2025 Pournotre nouvelle expédition dans les Vosges, nous vous avons concocté un compte-rendu maous de cette 32e édition du festival gérômois, qui a eu le bon goût d’honorerInaViolentNature. Au menu, parmi les nombreux mets délicats (mais roboratifs) : des mutations cocasses, un curieux sommet du G7 et de l’ésotérisme à la coréenne. CARRIÈRE TIWEST Autre preuve du bon goût de Gérardmer : l’hommage rendu en grande pompe à notre Ti West chéri. Nous en avons bien évidemment profité pournous entretenirune fois n’est pas coutume avec le grand homme derrière TheHouseoftheDevil, TheInnkeepers, et la trilogie X/Pearl/MaXXXine, et reveniren sa compagnie sur l’intégralité de sa carrière. 6 The Order Les défenseurs de The Order de Justin Kurzel, acheminé sur Prime Video par des gnomes voleurs de slips pendant que le monde regardait ailleurs, soutiennent mordicus l’importance du film dans notre Zeitgeist. Cette traque d’une confrérie criminelle d’extrême droite dans l’Amérique des eighties a le mérite de mettre en lumière l’ignoble roman Les Carnets de Turner de William Luther Pierce, biblounette des nazis US depuis sa première parution en 1978, et de rappeler ce faisant que les fantasmes de guerre civile et d’exécutions purificatrices de masse ne datent pas d’avant-hier. Pour le reste, l’atonie contre-productive de ce thriller mou du cul entérine la perte de puissance du cinéma de Justin Kurzel, auteur en des temps immémoriaux du putride Les Crimes de Snowtown et d’un Macbeth pas dégueu, juste avant que l’adaptation d’Assassin’s Creed ne viennent l’amputer de tous ses sens esthétiques. Warhorse One Vous avez peut-être vu Johnny Strong dans le tout premier Fast & Furious ou dans La Chute du faucon noir. Enfin, sans doute pas. En tout cas, il apparaît sur des photos IMDb des deux films, donc c’est qu’il y était, non ? À en juger par la gueule de Warhorse One, son projet passion tombé dans les tréfonds de la VOD, notre homme n’a pas l’air d’avoirassez d’argent pourse permettre d’hacker ces deux grosses machines hollywoodiennes – ni même IMDb. Ce VODBORDELLO GUIDE DE SURVIE DANS LA JUNGLE DU STREAMING, PAR SAN HELVING Warhorse One. n’est pas faute d’économiser sur le petit personnel : Johnny Boy coréalise, coscénarise, il assure le montage, la musique, la postproduction, le sound design, une partie des effets spéciaux et assume une demi-douzaine d’autres crédits. Il n’est pas abusif de lui imputer une part non négligeable de responsabilité dans l’échec cataclysmique de ce navet de plus de deux heures, chasse à l’homme impitoyable sur le papier, devenue à l’écran une interminable partie de paintball en forêt contre des talibans de carnaval, avec la Californie dans le rôle de l’Afghanistan. Sniper: The Last Stand La guerre, toujours la guerre avec Sniper: The Last Stand (sur AppleTV et en VOD), déjà le onzième volet de cette franchise commencée avec Tom Berenger, poursuivie contre vents, tempêtes et tractopelles jansénistes avec Chad Michael Collins, encore un acteuraméricain à ce point indéfini qu’il n’existe peutêtre que dans les rêves fiévreux de l’alligator de compagnie de Sacha Rosset. Notre tireur d’élite échoue cette fois-ci sur la Costa Verde pour contrecarrer les plans d’un vendeur d’armes joué par cette bonne vieille ganache d’Arnold Vosloo. Ses jours en tant qu’Imhotep dans LaMomie et LeRetourdelaMomie appartiennent désormais à une autre époque, que les premiers podcasteurs ciné racontent, des trémolos dans la voix, à des tiktokeurs qui n’en ont strictement rien à foutre. Le film de la réalisatrice canadienne Danishka Esterhazy, bien plus à l’aise dans l’horreur, n’a tellement rien à dire que la réal choisit de commencer par son climax, avant de remonter péniblement sa mise en place par des dialogues rejouant tous les poncifs du film de commando. L’ennui détruit tout. Sniper: The Last Stand. 8 VOD BORDELLO nuit en enfer avec des acteurs sans charisme, aucun sens du rythme, néanmoins persuadée que la postérité lui donnera les deniers du culte ? Ne bougez plus, adorables chenapans : voilà le cadeau rêvé à offrir aux cousins que vous détestez le plus. The Darkside of Society Dans le documentaire (?) The Darkside of Society de Larry Wade Carrell, le scénariste Zeph E. Daniel nous explique que le script du film Society, réalisé par Brian Yuzna en 1989, lui serait venu de son passé refoulé d’enfant de la haute bourgeoisie de Los Angeles – témoin trop précoce de rituels satanistes, victime d’abus en tous genres et de lavages de cerveau. Yuzna vient faire un coucou vaguement embarrassé, Julian Sands signe là son ultime « apparition » à l’écran avant sa disparition, en voix off compad’une faille temporelle pour ne pas faire grand-chose ; Mark Strong cachetonne si fort que les draps et les murs s’en souviennent. Silent Bite Tout bien réfléchi depuis sa vision deux douloureuses journées en arrière, le plus grand intérêt de Silent Bite de Taylor Martin (chiné par Prime Video en descente de Jupiler dans une brocante de teknival) réside dans la consonance de son titre en français : comment lutter, en sus, face à l’imminence d’un projet de séquelle intitulée Saturday Bite Fever ? Parfaitement, c’est impossible. Des braqueurs affublés de pseudonymes en lien avec le folklore de Noël (« The Boys », annonce un carton coolos) affrontent des vampires affriolantes (« The Girls », annonce un autre carton coolos) dans un motel enneigé. Vous rêviez d’une version cheap d’Une The Silent Hour Mel Gibson aime se faire torturer à l’écran, Brad Pitt grignote souvent des trucs, Tom Hardy parle dans sa barbe imaginaire, François Cluzet joue le même personnage depuis trente ans sans que personne ne s’en soit jamais aperçu. Joel Kinnaman, lui, son kink, c’est de perdre tout ou partie de son corps ou de ses facultés. Parti de trop loin dans le remake de RoboCop, il se limite à abandonner l’usage de la parole dans Silent Night de John Woo, puis celui de l’audition dans The Silent Hour de Brad Anderson (topable sur MyCanal). Oui, LE Brad Anderson de Session 9 et The Machinist, désormais occupé le plus clair de son temps à enchaîner les épisodes de séries oubliées l’année suivant leurdiffusion. Il ne reste guère plus ici qu’un petit savoir-faire à même de réveiller l’attention dans les scènes d’action, avant de sombrer dans cette même léthargie où s’enferme Jojo le kouign-amann quand il s’emmerde. Mekhi Phifer débarque Silent Bite. The Darkside of Society. tissante de la douleur du protagoniste. L’articulation narrative très relâchée fait vite douter de la fiabilité du récit, jamais étayé autrement que par la parole de l’intéressé et beaucoup trop proche des délires à la QAnon pourne pas, a minima, alimenter la suspicion. Girl Next Ces élucubrations éclairent Girl Next, réalisé par ce même Larry Wade Carrell, écrit par ce même Zeph E. Daniel et visible sur Insomnia, sous un jour relativement sinistre. Des jeunes filles y sont kidnappées par un couple de camés machiavéliques, adeptes de la torture psychologique pour transformer leurs proies en esclaves dociles. Le plus dingue dans ce nanar d’outre-espace n’est pas le jeu des comédiens, la laideur repoussoir de l’ensemble ou la débilité insultante des dialogues, mais bien les soubassements conspirationnistes de l’intrigue, à la fois puérils et crapoteux au dernier degré. Cassandra Vous aimez BlackMirror ? Eh bien déjà, vous êtes coincés dix ans en arrière et c’est tout de même un peu triste, et d’autre part, vous n’êtes pas assurés à 100 % d’apprécier la mini-série allemande Cassandra, en dépit de ce que prétend son marketing légèrement putassier sur les bords. Une famille emménage dans une maison connectée rétrofuturiste, sous la coupe d’une intelligence artificielle dont seule la matriarche arrive à percevoir le caractère profondément inquiétant. Le scénario va dès lors user et abuser du ressort habituel de l’hystérisation féminine : l’antagoniste enchaîne les répliques fielleuses et accidents louches, l’héroïne le remarque, les autres personnages trouvent qu’elle exagère et l’enjoignent à se calmer. Sur ses six épisodes d’une grosse quarantaine de minutes, la série de Benjamin Gutsche pousse le procédé dans des extrêmes grotesques, à la lisière des limites du foutage de gueule. Histoire de vous achever un peu plus, de tirer au bazooka psychologique sur votre ambulance mentale, la répétition de la version allemande du Quand tu chantes de Nana Mouskouri vous imprime le morceau dans la tête pour au moins une bonne semaine. Sans la respiration pleine de nicotine et d’informatique vintage des flashbacks des années 1970, ça relevait de la torture en bonne et due forme. Dexter : les origines L’épilogue nul de la série Dexter, achevée en 2013, fut à peu près rattrapé par la conclusion définitive de Dexter: New Blood en 2022, où le fameux tueur en série « justicier » finissait abattu par son propre fils – oui, spoiler, bien sûr, évidemment. C’était compter sans ce goût on ne peut plus américain de l’essorage de Girl Next. Cassandra. 10 VOD BORDELLO propriété intellectuelle jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que des cendres froides. En attendant Dexter: Resurrection en juin (incroyable, Dexter ne serait pas mort !) et un spin-off préquelle sur le Tueur de la Trinité, voici donc Dexter : les origines, appréhendable sur Canal+ pour tout savoir sur les débuts du bonhomme. Le premier épisode plonge tête la première dans la vallée dérangeante avec son alliage de cosplays rajeunis du casting originel et de gloires déchues. Sarah Michelle Gellaret Patrick Dempsey passent d’un bureau à l’autre d’un air à peine concerné ; Christian Slater n’essaie même pas un tout petit peu de coller à l’interprétation de James Remar dans la série d’origine. Le reste de cette dizaine d’épisodes se charge d’assurer le fan service avec l’omniprésente voix off de Michael C. Hall pour faire passer la pilule. Patrick Gibson parvient bon an mal an à s’extirper de tous les pièges dressés devant lui, en vain, tant cette saison n’arrive jamais, au grand jamais à justifier une quelconque utilité. Tristesse et renoncement ultimes, les deux tiers des épisodes sont réalisés par Michael Lehmann, metteur en scène dans un autre espace-temps des fabuleux Heathers (Fatal Games en « français ») et Hudson Hawk, gentleman et cambrioleur. Énième signe, si besoin en était, que nous nous trouvons dans un mauvais univers parallèle. Tenement Pour en finir momentanément avec l’hégémonie des États-Unis sur nos vies, direction Shadowz avec Tenement de Sokyou Chea et Inrasothythep Neth. Une dessinatrice de mangas installée au Japon s’en retourne au Cambodge après la mort de sa mère, dans son appartement d’un ensemble immobilier à la réputation bien, bien glauque. Messe noire, cauchemars, résurgence d’un passé historique chargé… Les figures imposées dansent la farandole avec une efficacité louable, sans atteindre le niveau anxiogène et traumatique du récent Satan’s Slaves 2: Communion de Joko Anwar, auquel le film fait parfois penser. À l’exception de son final abrupt, Tenement ne fait pas vraiment dans le tonitruant, mais plutôt dans le maintien d’une tension et d’un malaise à se gratter des croûtes inexistantes jusqu’au sang. L’équivalent cinématographique de la proverbiale grenouille dans sa casserole en train de bouillir, en plus goûtu, nonobstant. V/H/S/Beyond Pas le temps de digérer la petite déception de la dernière fournée qu’une septième anthologie V/H/S déboule déjà sur Insomnia, avec un semblant d’unité thématique, qui pis est. V/H/S/Beyond change de format avec des inserts d’un faux documentaire incluant des témoignages d’ufologistes et de spécialistes des effets spéciaux venus débunker les K7 trouvées çà et là. Plus nerveux et plus tenu que V/H/S 85, cet opus frôle parfois la cacophonie pure et simple, en particulierdans le segment central Live and Let Dive, avec ses aliens arachnoïdes pas franchement réussis. Ensuite, le sketch bollywoodien fait mine de tomberdans le cliché avant de l’éparpiller façon puzzle, et celui de Kate Siegel scénarisé parson Mike Flanagan d’époux vient calmer le jeu avant un épilogue sauvage. Inégal, foutraque, trop long, cette sortie des rails de la franchise donne furieusement envie de s’envoyerle prochain derrière la cravatedèsquepossible,endépitdetous ses défauts. Bien joué, tout le monde. Stockholm Bloodbath Le suédois Mikael Håfström a connu une carrière hollywoodienne typique de réalisateur de films de genre européens, à enquiller les projets foireux dont personne ne veut vraiment, en espérant vaguement que la sauce prenne. Pour une adaptation presque décente de Stephen King avec le bizarrement surestimé Chambre 1408, le mercenaire se compromet avec Dérapage, et son Vincent Cassel tellement forceur dans sa volonté de bouffer le cul du marché américain, ou avec Le Rite, film d’horreur soporifique sur son lit d’Anthony Hopkins fatigué de tout, de toi, de nous. Sans y prendre garde, Mikael a 60 balais, et ses dernières tentatives américaines (Évasion et Zone hostile) lui enlèvent un peu plus de niaque là où il lui en restait encore. Il donne le tout pour le tout dans Stockholm Bloodbath, coprod suédo-danoise exhibée sur MyCanal, s’accommodant du conflit entre les couronnes danoise et suédoise du début du XVIe siècle à la mode postmoderne. Les différents protagonistes sont présentés comme dans un Guy Ritchie Tenement. V/H/S/Beyond. 12 VOD BORDELLO des années 2000 ; les dialogues tentent de claquer dans un anglais manié pour racoler autant que faire se peut à l’international. Le sort des héroïnes badass prises dans le flot de l’Histoire importe peu : l’intérêt se ravive à l’apparition des toujours gouleyants Claes Bang et Ulrich Thomsen, pour s’éteindre à feu doux. Le bain de sang promis ne satisfait guère que les viandards impénitents, refroidis parune durée trop étirée. So long, Mikael, au moins, tu auras essayé. Falling Stars Falling Stars de Gabriel Bienczycki et Richard Karpala, récupéré à la reprise de volée par Shadowz, rappelle ce petit phénomène science-fictionnel échoué en pleine crise Covid, The Vast of Night d’Andrew Patterson. Pas tant dans son sujet ou même sa mise en scène que dans cette façon singulière de créer un univers de toutes pièces, dont les codes se révèlent petit à petit au gré des réactions des protagonistes. En l’occurrence, trois frères partis dans le désert trouver un cadavre de sorcière, sans vraiment se douter des conséquences. Un présentateur de radio cynique scande l’action de ses échanges avec des auditeurs aux abois. L’économie de moyens est encore plus patente que dans The Vast of Night. Tout repose sur des dialogues tendus, sur le vide nocturne étouffant des décors naturels. La suggestion carbure à plein régime. Le mouvement final, à défaut de résoudre réellement les enjeux, amène une forme de satisfaction étrange, à l’image de ce tout petit film capable de communiquer avec le cosmos, s’il le voulait. Paradise Paradise, la nouvelle série tant attendue de Dan Fogelman après le carton planétaire de This Is Us, se dévoile enfin sur Disney+. Le showrunner garde de sa grosse choucroute mélodramatique le gigantesque Sterling K. Brown, mais aussiseslongsdéchirementsfamiliauxet sentimentaux au vent mauvais. Dans un futur proche où la surface de la Terre est devenue invivable, des Américains triés sur le volet subsistent dans une grotte souterraine aménagée en petit village idyllique. L’assassinat du président des États-Unis (James Marsden, plus James Marsden que jamais avec son fucking sourire ultra-bright) lance une intrigue d’espionnage à laquelle viennent donc se greffer des parcours intimes un peu marqués par la fin des temps, mais pas tant que ça, finalement. Un épisode installe brillamment des pistes dramatiques abandonnées dans le suivant. De longues stases introspectives cèdent place à des cliffhangers de bâtard, pour en fin de compte s’attarder sur une digression mélancolique en flashback. Ce tempo en dent de scie incite dans l’absolu à enchaîner les épisodes plutôt qu’à respecter le rythme de diffusion hebdomadaire, mais pour avoir essayé les deux, ça ne change rien, en réalité. Le charme ou non de l’entreprise dépend beaucoup de sa tolérance à l’acception contemporaine du mélo télévisuel à l’américaine, entre une sincérité désarmante et une naïveté confinant à la niaiserie dans ses moments creux. I Stockholm Bloodbath. Falling Stars. « Quand j’ai rencontré Nicole Kidman pour Calme blanc, c’était un petit chiot ! » nous déclarait le réalisateur Phillip Noyce il y a quelques années. Il ne croyait pas si bien dire : dans Babygirl, la comédienne lapedu lait dans une écuelle. Rien n’achangé donc, mais venons-en au film qui nous occupe : mariée à un metteuren scène de théâtre (il porte des lunettes et une écharpe) joué par Antonio Banderas, Nicole est une femme de pouvoir au bureau mais elle s’ennuie au lit ; en effet, Zorro n’arrive pas à la faire jouir. Ducoup,unefoisqu’ilsontfaitl’amour,ellepartsetripoterdevant des vidéos porno. Passé cette entame quelque peu osée, les chosessegâtent:agresséeparunechienneenpleinerue,Nicole est secourue parun jeune homme qui se révèle être son nouveau stagiaire. Dès qu’il l’approche, elle se sent toute chose, surtout quand il la couve d’un regard bovin en lui chuchotant des mots crus, le tout sur une musique faite de soupirs et de halètements féminins histoire qu’on comprenne bien que Nicole commence à avoir chaud. « C’est inacceptable, jeune homme ! » lance-t-elle à son stagiaire lorsqu’il lui vole un baiser. Encouragé par cette réaction pas très vigoureuse, le drôle s’enhardit et ordonne à sa proie de se mettre à genoux, puis à quatre pattes. « Mais pourquoi ? » lui dit-elle avant d’obéir et d’ajouter : « Je ne peux pas faire pipi », tandis que résonne le saxophone de NeverTears Us Apart d’INXS et que George Michael chante Father Figure. Oui,Babygirlestunfilmsubtil,etonauradèslorssaisileparallèle entrelachiennedudébutetcelledubureauquisemetenlevrette pourboire du lait concentré sucré. N’empêche que Nicole trouve beaucoupdeplaisiràcetterelationSMincroyablementtransgressive et qu’elle peut enfin vivre son fantasme, à savoir jouer dans un remake inversé de Cinquante Nuances de Grey qu’on aurait pu intituler Cinquante Nuances plus molles tellement le film est aussi érotique que du Robert Guédiguian. L’affaire se corse lorsqu’Antonio se rend compte qu’il est cocu : se souvenant qu’il a joué dans Expendables, il se jette surson rival avant de tomber danslespommes–ilestmetteurenscènedethéâtre,c’estunpeu trop d’émotion pour lui, tout ça. Heureusement, il est ranimé par le stagiaire, qui est également secouriste. La réalisatrice dit avoir été influencée par Paul Verhoeven ; il faudra lui signaler que ce n’est pas lui qui a réalisé Body avec Madonna. I Fan de Nicole Kidman depuis qu’il s’est fait refaire la trompe par le chirurgien des frères Bogdanoff, Bernard s’est précipité ventre à terre sur son nouveau thriller érotique, mais il est reparti la queue entre les jambes. Babygirl 2024. New York. Réalisation Paul Verho… euh, non. Interprétation Nicole Kidman, une endive et Zorro. Production Madmoizelle.com. Sorti le 15 janvier 2025 (SM-D) et recommandé par Allociné. BERNARD LE FOURMILIER LE COUP DE CŒUR DE
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