MAD MOVIES n°389 - Page 1 - 389 Rédaction, Administration 51, avenue de Paris 94300 Vincennes Tél.: 01 44 635 635 Directeur de la publication Gérard Cohen g.cohen@custom-publishing.com Directeur de la rédaction et rédacteur en chef Fausto Fasulo fausto@mad-movies.com Secrétaires de rédaction Sacha Rosset Rédacteurs pour ce numéro François Angelier, Sixtine Audebert, François Cau, Erwan Chaffiot, Cédric Delelée, Gilles Esposito, Fausto Fasulo, Pascal Françaix, Alexandre Poncet, Bruno Provezza, Sacha Rosset, Maybelline Skvortzoff, San Helving, Bernard le Fourmilier. Rédactrice graphique Carla Ferreira/Pondichery Rédacteur iconographe Mathieu Roux Distribution presse MLP Impression Léonce Deprez Allée de Belgique 62128 Wancourt Remerciements Clarisse André, Stanislas Baudry, Carole Chomand, Audrey de La Rocque, Alexis Delage-Toriel, Monique Diouf, Marion Eschard, Aurélie Lebrun, Étienne Lerbret, William Marcault, Bich-Quân Tran, Pauline Vilbert. Commission paritaire N°0727 K 81858 ISSN N° 0338-6791 Dépôt légal à parution Editeur délégué Custom Publishing France SAS au capital de 44 000 € RCS Paris 394 412 928 Principal actionnaire G. Cohen Custom Publishing France et MadMovies sont des marques déposées. La publication comporte une édition limitée avec le pack DVD The Boxer’s Omen au prix de 14,99 €. Le DVD ne peut être vendu séparément. Les articles ne peuvent être reproduits sans l’accord écrit de l’éditeur. ©2024 Custom Publishing France. Imprimé en France/ Printed in France Publicité MINT (Media Image Nouvelle Tendance) 51 Avenue de Paris 94300 Vincennes www.mint-regie.com Fabrice Régy. fabrice@mint-regie.com Tél.: 01 43 65 19 56 LE DVD MAD Plus fou, tu meurs. C’est en substance ainsi qu’on pourrait qualifier The Boxer’s Omen de Kuei Chih-Hung, DVD Mad du mois qu’on est extrêmement fiers de vous proposeren cette nouvelle année. SERVICEABONNEMENTSmadmovies@abomarque.fr -Tél.:+33(0)534563560. MadMovies/Abonn’escient – Opper : 53, route de Lavaur31240 L’Union Abonnementsenligneetvented’anciensnumérossurwww.mad-movies.com - AbonnementàMadMoviespour1an97,90 € avant réduction surla France métropolitaine. SERVICEDESVENTESRÉSERVÉAUXPROFESSIONNELSOpperDiffusion kiosque. Sarah Mordjane. Tél.:0140942221. smordjane@opper.io LA MORT LEUR VA SI BIEN Il est des échecs réjouissants. Des fins de cycle salutaires. L’année 2025 sera-t-elle enfin débarrassée – ou presque – de ces franchises super-héroïques rances dont Hollywood nous perfuse depuis bien trop longtemps ? Peut-on espérer un vrai retour des « Monstres », ceux-là mêmes que nous mettions récemment à l’honneur dans un Classic dédié ? Les sorties du très beau Nosferatu de Robert Eggers en décembre dernier, du Wolf Man de Leigh Whannell ce mois-ci et, prochainement, du Frankenstein de Guillermo del Toro indiquent une tendance qu’on aimerait voir se confirmer : celle d’un retour des grands mythes fantastiques fondateurs, revisités sans cynisme par de profonds « croyants » capables d’en saisir la portée universelle tout en s’épanouissant artistiquement. Commençons ainsi cette nouvelle année par une prière. Ave Satani, les ami(e)s. I Fausto Fasulo Site Internet & Madshop www.mad-movies.com X @Mad_Movies TikTok@madmovies_magazine Instagram @madmovies_officiel FacebookMadMovies YouTube Mad Movies Magazine imprimé sur du papier issu de forêt à renouvellement durable. Ville d’origine de fabrication du papier : Hagen (Allemagne) Taux de fibres recyclés : 0% Taux d’eutrophisation : 0,020 Kg/tonne Certification : PEFC Aveclesoutiendu Cine+ Frisson garde le cap de la qualité et nous propose en janvierquelques productions fort recommandables. Parmi celles-ci, une triplette coréenne « Mad approved » : Remember(le 15/01 à 20 h 50), Hopeless (le 29/01 à 20 h 50) et Sauvetage à haut risque (le 29/01 à 22 h 51). édito Et aussi… 6VODBORDELLO 14POURQUOIILFAUT(RE)VOIR… 16AVISCHIFFRÉS 18CINÉPHAGES 83MADGAZINE 88MADINFRANCE 90MESSALAUDS! 92ONESHOT! 95LABÉDÉDUMOIS 96ZONETRÈSLIBRE 98LECHOIXDUDRANGELIER Sommaire EN COUVERTURE WOLFMAN Après Nosferatu le mois dernier, vous nous voyiez sans doute veniravec nos gros sabots (mais à pas de loup) : nous rempilons donc ce mois-ci avec un nouvel Universal Monster (ici, le Loup-Garou) revisité à la sauce Leigh Whannell dans WolfMan. Le réalisateurdes estimés Upgradeet InvisibleMan nous explique sa démarche. 36 56 62 70 76 44 26 ACTUALITÉ LEDOSSIERMALDOROR L’affaire Dutroux vue parFabrice du Welz, qu’est-ce que ça donne ? Ça donne… ça donne… ça donne un polarpoisseux à souhait et le meilleurdu Welz depuis fort longtemps. Nous avons profité de ce coup d’éclat traumatisant pournous entreteniravec le réal belge. MÉMOIRESD’UNESCARGOT Connu et reconnu pourson triste et splendide MaryetMax., Adam Elliot est de retourquinze ans plus tard avec le triste et splendide Mémoiresd’un escargot. Le prodige australien du stop motion, qui a toujours de l’ordans les doigts, revient en détail surle façonnage de cette nouvelle perle de spleen bourrée de trouvailles drolatiques. ACTUALITÉ ODDITY AvecOddity, attendu surla plate-forme SVOD Insomnia le 3 févrieret appartenant au sous-genre sous-coté du « film avec un mannequin en bois flippant dedans », Damian CaveatMc Carthy signe ici un nouveau long aussi minimaliste qu’efficace, dont il retrace la genèse. DOSSIER ÀLADÉCOUVERTEDELA V-HORROR Vous connaissez peut-être la J-Horroret la K-Horror, mais connaissez-vous la V-Horror ? À l’occasion des projections prochaines à Gérardmerde KFC, CrimsonSnout et VietnameseHorrorStory, nous en profitons pourvous raconterla belle histoire du cinéma fantastique vietnamien. DOSSIER LESOUBLIÉSDE2024 … Et qui dit bilan dit aussi non-dits. Pourla première fois dans notre histoire, nous vous proposons un petit tourd’horizon des rendez-vous manqués, de l’anime Look Back à la série CreatureCommandos en passant parl’indien Bramaguyam. BILAN2024 Vous commencez à connaître la chanson : des classements, des mots plus hauts que les autres, des échauffourées, des batailles rangées… Bref, une escalade de la violence. Petite nouveauté cette année : cet hurluberlu de Bernard le Fourmiliera pointé le bout de sa trompe, comme si ce n’était déjà pas assez le bor… 6 Red One En 2007, il y a donc quatre-vingt-un ans en années chien et trois siècles et demi en années hollywoodiennes, Jake Kasdan coscénarisait et réalisait Walk Hard: The Dewey Cox Story, le dernier film parodique américain digne de ce nom avant que ces sinistres ordures d’Aaron Seltzer et Jason Friedberg ne viennent noyer le genre dans la cuvette des chiottes avec leurs Big Movie, Spartatouille et autre Disaster Movie. Depuis, le fiston de Lawrence Kasdan a enquillé le passable Bad Teacher, la pub géante honteuse pour iPad Sex Tape, et les nouveaux Jumanji, regardables un soir d’orage sur Rennes. Son dernier forfait, Red One, est l’une de ces vastes entreprises de détournement d’argent scénarisées parle responsable du virage trépané de la saga Fast & Furious à compter de Tokyo Drift. Avec un budget de 250 millions de dollars au service d’une histoire nulle tournant autour de l’enlèvement d’un Père Noël bodybuilder joué par J.K. Simmons. Chris Evans et Dwayne Johnson incarnent leurrôle avec la conviction de robots sexuels réaffectés à la compta d’une école de poterie, le vide dans le regard de Lucy Liu nous renvoie autant à la froideur de l’immensité galactique qu’à la disparition de notre âme d’enfant devant tant de cynisme mercatique chimiquement impur. Après son spectaculaire gadin en salles obscures US, le film a fini par rencontrer son public de cerveaux disponibles lors de son arrivée prématurée sur Prime Video. Jusqu’au bout, 2024 aura cherché de nouveaux moyens de nous souiller. Dear Santa Dans un autre espace-temps, quasiment sur une autre planète, Bobby et Peter Farrelly secouèrent une comédie américaine des années 1990 engluée dans une constipation sans fin, que les salutaires flatulences de leur Dumb & Dumber vinrent décoincer. Après des années 2000 en demi-teinte et une première moitié d’années 2010 infâme, les frangins volèrent chacun de leur côté. Peter ne se sent plus flatuler depuis le plébiscite indigne de Green Book : sur les routes du sud ; Bobby rate quant à lui le remake américain de la comédie espagnole Champions. Le voilà néanmoins aux commandes de Dear Santa, exclusivité Paramount+ de Noël loin d’être folichonne, mais toujours plus recommandable que Green Book. Un gamin dyslexique écrit une lettre à Satan en lieu et place de Santa, et voilà un diablotin joué par JackBlackdisposé à lui accorder troix vœux en échange de son âme. Le plus triste là-dedans n’est pas l’effroyable gentillesse d’un film pétrifié à l’idée d’être aussi malpoli que les productions Farrelly des années 1990, la présence de Peter au scénario ou même les caméos de Post Malone ou Ben Stiller, mais bien l’apparition de Kyle Gass, compère historique de JackBlack au sein du groupe Tenacious D, ostracisé depuis une blague sur la tentative d’assassinat de Donald Trump en juillet dernier. Pourmémoire, JackBlacks’était désolidarisé de son camarade, quitte à annuler leur tournée dans la foulée. Que pèse une amitié de plusieurs décennies face au risque de ne plus pouvoirtourner des machins comme celui-là ou le futur film Minecraft ? Black Doves Pour en finir définitivement avec Noël, 2024 et peut-être même avec l’Angleterre, la série britannique Black Doves tente de faire passer des vessies pour des lanternes avec son intrigue d’espionnage à la mords-moi-le-nœud surune plage de Guernesey. Son intrigue pourrait, devrait être réglée en une heure VODBORDELLO GUIDE DE SURVIE DANS LA JUNGLE DU STREAMING, PAR SAN HELVING Red One. DearSanta. 8 VOD BORDELLO show sur la foi de son mouvement final, où un patron félon se fait dégommer en pleine rue par un Luigi Mangione avant l’heure. En réalité, bien que son scénario se donne de grands airs dénonciateurs, TheMadness se mouille aussi peu politiquement que le Civil Ward’Alex Garland (voirbilan plus loin) pourarriverau même constat. La situation est merdique, personne n’y comprend vraiment quoi que ce soit et il n’y a strictement rien à faire.Etunejoyeuseannée2025,biensûr. Sympathy for the Devil Ce qu’il faut bien que vous compreniez, c’est qu’il n’y aura jamais de mauvais film de Nicolas Cage de trop, il n’y en aura guère qu’un de plus. Même une abomination persuadée de son audace et de son intelligence comme Sympathy for the Devil de Yuval Adler (The Operative), chinable sur Canal+, n’y pourra rien, alors que bordel à queue, le bousin ne se contente pas d’être indéfendable. Il vise clairement les tréfonds du bas de classement avec son Nic Furie décoloré en rouge sur la verge de l’intelligibilité dans ses intonations forcées, sa réalisation m’as-tu-vu et son twist interdit parau bas mot 340 résolutions de l’ONU, que même ton plan cul honteux fan de tuning de Twingo et de Patrick Fiori a vu venir à 14 kilomètres. Jolie photo, cela dit. The Madness Sur Netflix toujours, la mini-série The Madness tente quant à elle de transformer en matière narrative feuilletonnante la confusion idéologique et la guerre culturelle dans laquelle les ÉtatsUnis s’enfoncent chaque jour un peu plus. Un éditorialiste de CNN (Colman Domingo, effarant de coolitude inappropriée dans ce contexte) se retrouve impliqué dans un complot où viennent partouzer des nazis, des antifas fanas d’armes, des milliardaires, la police, le FBI, ma tante, l’opposition de François Bayrou au conseil municipal de Pau et Aya Nakamura en cosplay de Shinji dans Evangelion. Les sémiologues défoncés à la tisane pomme/cannelle chanteront sans doute les capacités visionnaires du maximum, mais s’étend sursix épisodes truffés de digressions sur le crime organisélondonien,lesfossettesdeKeira Knightley, la vie sociale et amoureuse d’un Ben Whishaw venu financer sa vraie carrière dans le cinéma d’auteur que beaucoup trop de détentrices et détenteurs de la carte cinéphile font mine d’aimer. Il faut passerun premierépisode beaucoup trop sérieux pour laisser un vague charme agir, et attendre le tout dernier pour enfin revoir baby Andrew Koji dans des flashbacks nuls avant l’épilogue autour du sapin et des cadeaux. Pourreprendre une éloquente expression anglophone, BlackDoves te pisse surla jambe et te dit qu’il pleut. À l’orée d’une nouvelle année merdique, toute forme de chaleurest néanmoins bonne à prendre. The Madness. BlackDoves. Absolution Après une carrière somme toute plus qu’honorable, Liam Neeson a été brusquement promu au rang de star du cinéma d’action avec le premier Taken, à l’âge de 55 ans. Et depuis un quart de siècle, il subit ce nouveau statut avec professionnalisme, dans des films dont l’intérêt et les mérites s’amenuisent comme autant de générations de copies de couches daubesques successives. De temps en temps, un produit correctement troussé tire son épingle de ce jeu de fils de dupes, comme Sang froid (2019) du Norvégien Hans Petter Moland, remake pimpé et joliment sanglant de son Refroidis (2014). Hansou Pettou fait de Liam Neeson le pivot d’Absolution, en gangster rattrapé par son âge, ses pertes de mémoire et de réflexe. Faute de trouver l’inspiration visuelle ad hoc de ce film échoué sur Prime comme une baleine surle phare de Saint-Malo, Molandounet se repose entièrement surson interprète, censé faire sens d’un drame d’action mollasson où tout le monde a quelque chose à lui redire. À force, la mise en abyme se mue en appel à l’aide. Arrêtez de demander à Liamichou de tuer des gens et de courir, il n’aime pas ça, ça lui fait mal à la tête. Carry-On Mieux que quiconque, l’Espagnol Jaume Collet-Serra a su exploiterle potentiel de Liam Neeson comme star d’action dont la retraite se voit sans cesse décalée par un gouvernement d’extrême centre, et ce dans pas moins de trois films. Les sympathiques Sans identité, Non-Stop et Night Run, au-delà de leurs limites existentielles criardes (façon polie de dire qu’ils ne servent à rien), démontrent en outre le savoir-faire pas dégueu de ce petit maître de la série B, aussi à l’aise dans l’action que dans l’horreur couillonne mais rentre-dedans (La Maison de cire, Esther). Ce qui devait arriver arriva, et notre homme de se voir confier deux blockbusters indigestes avec un Dwayne Johnson au jeu plus minéral que jamais. Rien ne sert de diluer la dextérité de Jaume dans des Jungle Cruise du désespoir ou du Black Adam Sympathy forthe Devil. Carry-On. 10 VOD BORDELLO du déshonneur ; ce qui lui faut, c’est du petit high concept bisseux et justement, c’est exactement le menu de Carry-On, exclusivité Netflix un rien survendue par des illuminés apparemment ignorants du fait que les réseaux sociaux sont les temples modernes de la nuance et de la maîtrise de soi. Un employé d’aéroport (Taron Egerton, à grand-peine égal à lui-même) enfile une oreillette tendue parune passagère. La voix d’un TERRORISSE (Jason Bateman, sosie passable de Plastic Bertrand) lui intime l’ordre de laisser passer un bagage sans rien dire, à moins d’en payer des conséquences pas très sympas. Leur jeu du chat et de la souris n’a franchement rien d’enthousiasmant, il s’en faut une nouvelle fois de la motivation indéfectible de Jaume Collet-Serra pourreleverla sauce d’idées engageantes, telle cette belle empoignade dans une voiture en pleine course. The Collective Dans The Collective de Tom DeNucci, appréhendé sur AppleTV par une milice de voisinage tout à fait légale ma bonne dame, Lucas Till, à peine connu des fans de série pour avoir repris le rôle de MacGyver dans le reboot de 2016, joue la nouvelle recrue d’une organisation de tueurs à gages. Ses N+1, joués par des animatroniques de Don Johnson et Tyrese Gibson, semblent animés d’une forme d’éthique toujours appréciable dans ce corps de métier mis à rude épreuve parl’ubérisation à marche forcée de nos vies. Ils le laissent néanmoins affronter quasi seul une organisation de trafic d’êtres humains gérée par des incompétents arrogants, dans un dernier acte censé briller par son ambiance glauque et sa violence impitoyable, qu’un manque d’argent et d’investissement professionnel condamne non seulement à l’indigence, mais aussi au ridicule. Quelle indignité. H4z4rd Formé à la dure école Troma en même temps que James Gunn, c’est peu dire que Trent Haaga est encore loin d’obtenir la reconnaissance de son camarade, alors qu’il le mérite, putain. Ressersmoi un Lagavulin, Gilou, et masse-moi les omoplates. Réalisateur des excellents polars ultra-violents Chop (2011) et 68 Kill (2017), cousins rednecks et mal fagotés des frères Coen des années 1980, Trent prête surtout ses talents de scénariste à des commandes plus ou bien exécutées. H4z4rd de Jonas Govaerts et Crystal Lopez (atterri en douceur ouatée sur Filmo) se situe plutôt dans le haut du panier, et assaisonne ses histoires habituelles de losers flamboyants d’un regard purement flamand avec de généreux zestes de mauvais goût. La rencontre entre le meilleur du polar ironique US et des personnages de Dikkenek : comment refuser ? The Last Video Store L’autre inédit vidéo Shadowz du mois, The Last Video Store de Cody Kennedy et Tim Rutherford, donne a priori le bâton pour se faire battre avec sa nostalgie de l’âge des VHS, ses dialogues connivents et surtout, SURTOUT, ce personnage de patron de vidéoclub geek, le cheveu filasse, binouze à la main, à donner envie à tout cinéphile de se cacher dans un placard beaucoup trop petit pour le restant de ses jours. Une jeune fille ramène une vidéo maudite à son magasin de quartier, des forces occultes ne demandent qu’à se libérer entre deux considérations nerd. Lorsque la routine référentielle semble s’être installée, l’esthétique déraille, le gore éclabousse. L’écriture des personnages s’affine, le film se construit une identité autre que celle du simple sketch recalé de l’anthologie V/H/S et étiré jusqu’au point de rupture. Faute de convaincre totalement, Kennedy et Rutherford bouclent leur hommage sans sombrer dans le passéisme. C’est déjà pas mal. The Collective. H4z4rd. The Last Video Store. 12 VOD BORDELLO 1992 La dernière création d’Álex de la Iglesia a débarqué sur Netflix à la mi-décembre, sanstambournitrompette,encoremoins de cornemuse ni même de xylophone. Tristesse de voir cet auteur tant aimé s’éloigner de plus en plus de nos écrans, ses films et séries arriver en retard ou sans promotion, quand quelqu’un daigne encoreleurfairepasserlafrontière.Petite déception face à ce murder mystery au déroulé poussif et à la résolution frustrante, où même les résonances avecl’Histoireespagnolerécente,grande spécialité de notre Alexandre de l’Église, ne se justifient qu’avec la plus grande légèreté.Frustrationdevoirunemini-série aussi bien réalisée, avec un couple de personnages tabassés parla vie et formidablementincarnésparMarianÁlvarezet cet immense dadais de Fernando Valdivielso,auserviced’unetoutepetitechose prévisible. What We Do in the Shadows La série What We Do in the Shadows, disponible dans l’intégralité totale et absolue de ses six saisons sur Canal+, reste à ce jourl’une des rares adaptations sérielles au moins égale et parfois même supérieure à son matériau de base, le documenteur Vampires en toute intimité de Taika Waititi et Jemaine Clement – ne serait-ce que parl’ajout du fabuleux personnage de Colin Robinson, vampire psychique se nourrissant de l’énergie vitale de ses proies, impeccablement interprété par Mark Proksch dans le rôle de sa vie. Comme les précédentes, cette sixième et dernière saison crée des fugues vaseuses, des digressions illusoires autour de l’ennui immémorial de ses personnages immortels, blasés, revenus de tout et soudainement capables d’un ravissement adolescent devant n’importe quelle nouveauté. Ici, le gang infiltre une société financière par amusement, avant de tout envoyer balader. Ils se rappellent subitement avoir oublié l’un de leurs collègues vampires plongés en hibernation, avant de l’évacuer. Un monstre de Frankenstein rejoint la troupe, s’intègre tant bien que mal au décor. Comme d’habitude, certains épisodes traînent un peu la patte, avant de repartir sur une situation glorieusement absurde et d’enchaîner les gags irrésistibles. L’ultime épisode le suggère non sans une certaine amertume : tout cela aurait pu durer éternellement, mais toute bonne chose doit savoir s’arrêter. So long merveilleuse Nadja, viril Laszlo, intrépide Nandor et adorable Guillermo, vous nous manquez déjà. Exhibit #8 Le found-footage néerlandais Exhibit #8 de Ruben Broekhuis, attrapé au vol par Shadowz dans son filet à papillons magiques, bénéficie d’un budget inférieur ou égal à celui d’un repas de Laurent Wauquiez aux frais de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Son postulat n’a rien de transcendant (une réfugiée tente de remonter la trace de son frère disparu plusieurs années en arrière), la brutalité de son climax est en partie gâchée par le jeu d’acteurs limité des antagonistes, mais foutredieu de la pampa, les artisans de cette série B s’en tirent avec infiniment plus d’honneurs que 90 % de la production horrifique des trois derniers exercices fiscaux. A contrario de bon nombre de gros malins, le film sait jouer intelligemment de sa forme chaotique pour créer de la tension dans un cadrage, un enchaînement de plans tirés de caméras de sécurité, dans une émotion saisie à la volée à l’un des deux interprètes principaux. Sa façon d’imbriquer Histoire récente et actualité immédiate semble servir d’alibi à une enquête classique, avant de faire sens dans un épilogue glaçant. Pas le film de l’année, ni du mois, peut-être même pas de la semaine ; une bonne surprise néanmoins. I 1992. « J’aimerais toujours être accompagnée parune armée de libellules » déclarait récemment Mylène Farmer dans Paris Match. Quant à moi, c’est escorté par une légion de punaises de lit que je suis allé voir Conclave, vendu par son distributeur comme le thriller de l’année. Le film commence alors que le pape vient de mourir d’ennui, ce qui provoque un certain émoi dans les couloirs du Vatican car il faut rapidement lui trouver un successeur. Plusieurs cardinaux sont en lice, dont un Anglais joué par Ralph « M » Finesse, le supérieur de James Bond, qui s’est reconverti dans les ordres depuis que son meilleuragent est mort à cause d’un doudou. Chargé de superviserle bon déroulement du conclave, Ralph, pétri de doutes, décide d’enquêter sur les autres candidats. Au bout de trois quarts d’heure de conciliabules entre deux portes effectués la tête baissée et les mains jointes, la violence éclate : une religieuse fait tomber un plateau par terre. À partir de là, Ralph déterre des secrets terrifiants : un cardinal africain a mis enceinte une nonne trente ans plus tôt, un autre a sodo… pardon, soudoyé ses camarades pour qu’ils votent pour lui, un troisième est abonné à La Septième Obsession… Bref, on nage dans le stupre, la débauche et la corruption des âmes. Mais ce n’est rien à côté du twist final : Benitez, le curé mexicain qui vient d’être élu nouveau pape, prend Ralph à part et lui confesse : « Yé soui né avec oune pénisse, mais yé ossi oune outérousse. » Interloqué, Ralph ne sait pas trop quoi lui répondre et s’en va méditerdevant Emilia Pérez. Signalons pour finirqu’Isabella Rossellini, qu’on aperçoit trois minutes et qui doit avoir une réplique et demie, est nommée aux Golden Globes dans la catégorie meilleur second rôle féminin. Alors que bon, allez savoir, peut-être qu’elle a oune pénisse, elle aussi. Bref, Conclave, c’est du caviar pour un tamanoir ! I Présent à toutes les messes dominicales de sa paroisse, Bernard le Fourmilier a couru ventre à terre et trompe en l’air pour aller voir Conclave, un thriller clérical qui cache bien des choses sous sa soutane. Conclave 2024. Vatican. Réalisation Édouard le Berger. Interprétation Ralph Finesse, Stanley Tootsie, John Lissego… Sorti le 4 décembre 2024 (Les Films de l’Ostie). BERNARD LE FOURMILIER LE COUP DE CŒUR DE
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