Premieres pages de divisionnaire vallandra - Page 3 - Premieres pages des Dotes du divisionnaire Vallandra de Victoria Thérame Victoria Thérame Les doutes du divisionnaire Vallandra divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page5 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page6 A ma sœur Annie qui écope quand je rame divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page7 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page8 Camille, la patronne du bistrot, derrière sa vitrine, voit arriver Sauveur Labornette, 36 ans, trapu, antipathique et classe. Il grimpe au second, au-dessus du bar, chez sa grand-mère, Gaby Labornette, 76 ans qui les a élevés, lui et ses deux frères, Grégoire et Norbert, dit Nono, à la mort accidentelle de leurs parents. Il fait son devoir de lui rendre visite, une fois par mois, et lui apporter une mensualité pour le jeune frère, Nono, 21 ans, un peu simplet. ― Sauveur, ton frère veut un scooter, dit Gaby. ― On va pas acheter un scooter à un débile mental pour qu’il nous tue un piéton par jour ! répond Sauveur, finissant sa tarte, avalant son Porto, enfournant les 600 € dans la potiche bleue et se préparant à quitter la vieille dame. Il n’aime pas traîner dans ce modeste et minuscule appartement qui lui rappelle son enfance pauvre. ― Si t’as besoin, t’appelle Clotilde ! Clotilde, sa femme, une dépensière absurde, pense Gaby. 9 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page9 ― On pourrait lui faire prendre des cours de conduite ? Il le veut ce scooter ! Il lui faut 1800 € ! ― Pas question ! Dissuade-le ! Ça va être une source d’emmerdements ! ― Le pauvre garçon, il a tellement rien, pas d’école, pas de filles, pas de copain, pas de travail, tout seul… C’est pas une vie ! ― C’est un anormal ! Il n’a pas nos besoins. Mais ces anormaux vivent pas vieux… Tu verras, on en sera débarrassé bientôt ! Camille, derrière sa vitrine et dans le brouhaha de son bar d’habitués, où plaisanteries et rires fusent, orchestrés par Giordan, son garçon, infatigable animateur, voit Sauveur Labornette s’en aller. Un moment plus tard, Nono Labornette arrive, avec sa petite taille, son front bas, cette allure simiesque, ce dos voûté de vieux, et ses bras ballants, terminés par ces mains immenses, un peu inquiétantes. « Pauvre gosse ! pense Camille, quelle saloperie la nature ! » Au deuxième, Nono court se laver les mains, comme Gaby le lui a enseigné, puis revient à la salle à manger pour se jeter sur le gâteau, fou de sucrerie qu’il est. ― C’est bon ? demande Gaby, j’ai bien sucré pour toi ! ― Bon ! Bon ! Doux, doux ! ― Tu t’es bien baladé ? 10 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page10 ― J’ai vu le Booster ! Quand même pense Gaby, on aurait pu s’arranger pour qu’il suive une scolarité hors de l’école, intenable avec ces salopiauds de gosses qui le battaient… Et moi qui travaillais comme un âne, à vendre mon prêt-à-porter sur les marchés… Mais pourquoi cet accident d’auto qui a tué mon fils et sa femme… Tous les deux à la fois. Tous les deux ! Je suis bien arrivée à lui apprendre un peu à lire, à Nono… Mme Camille doit bien connaître une moto-école. Mais le fric pour le scooter ? Sauveur et Grégoire, avec leur import-export asiatique, qui marche plein tube, pourraient donner plus ! D’accord, ils ont acheté le petit appart où nous vivons depuis quarante ans… Mais pour Nono, ils pourraient faire plus. N’ont pas de cœur. Tandis que Gaby réfléchit, Nono a fini toute la tarte. ― Quel appétit, mon chéri ! ― Toujours faim ! ― C’est que tu es en bonne santé, va ! Nono se lève, se dirige vers la potiche bleue et prend les 600 € qu’il partage entre les deux poches de son survêt blanc, serré aux chevilles, acheté chez Courir, qu’il porte toujours. ― C’est l’argent pour ton mois, chéri ! dit Mme Labornette en se levant, tu peux pas tout prendre, sinon tu vas vivre comment ? 11 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page11 ― Ta retraite. ― Mais ça ne suffit pas, Nono ! Nous allons au cinéma le dimanche, au café ! Il faut t’acheter des vêtements , tu te balades, tu fais de petits achats. Nono tu ne peux pas tout dépenser d’un coup ! ― Pour le Booster ! ― Je comprends bien. Réserve 100 € par mois dans le pot vert, et à la fin de l’année, tu l’auras, ton Booster ! ― Non. Je veux tout de suite ! ― Mais avec 600 €, tu ne l’auras pas ! ― Si ! Avec 1000, d’occasion ! ― Les occasions, c’est pas sérieux. Tu vas te tuer, avec une occasion ! Nono ouvre un tiroir et fouille pour prendre l’argent personnel de sa grand-mère. ― Mais qu’est-ce que tu fais, Nono ? Tu ne vas pas prendre l’argent de la nourriture ! Il reste encore quinze jours au mois, là, tu exagères, mon chéri ! Sois raisonnable, tu fais jamais ça, d’habitude ! ― Faut 1000 € tout de suite, pour l’occasion ! ― Nono, je t’en prie, laisse l’argent de mon tiroir ! Prends le tien si tu veux, mais ne touche pas à l’argent de la nourriture ! ― Tu demandes à Sauveur ! ― Non, je ne suis pas une mendiante. Je me suis toujours débrouillée seule, même avec trois ados sur les bras. Je demanderai rien à Sauveur et encore 12 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page12 moins à Grégoire ! Tu laisses cet argent… Lâche ces billets, Nono, lâche ces billets ! Gaby a saisi Nono par l’épaule, il se retourne et la repousse de ses larges battoirs. Gaby parvient, à la volée, à récupérer la liasse de 500 € et l’enfonce dans sa blouse. ― Donne ! crie Nono, donne les billets ! ― Nono, calme-toi ! Nous allons réfléchir pour ton Booster ! Nous allons trouver l’argent. Mais pas une occasion, c’est trop dangereux ! S’ensuit une bousculade, Nono secoue sa grandmère, mais n’ose pas envoyer la main dans sa blouse pour récupérer le fric. ― Nous allons prendre un crédit, Nono ! s’égosille Gaby, blessée au plus profond d’elle-même devant un tel comportement, absolument inhabituel, je vais aller avec toi, et tu auras ton Booster neuf tout de suite ! Nono ne veut rien entendre. Il ne supporte pas qu’on l’empêche de chevaucher ce scooter, qu’il peut obtenir là, dans une heure, s’il ramène les 1000 €. Comme sa grand-mère reste agrippée à lui, pour le retenir et le calmer, soudain, sa main libre saisit le cou fragile de la vieille dame et serre. Une seule de ses mains immenses suffit à faire le tour du pauvre cou ridé. ― Qu’est-ce que tu fais, Nono, tu vas me faire mal… 11 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page13 Nono n’a pas l’impression de serrer fort. ― Donne les billets ! ― Lâche-moi, Nono, lâche… Il ne lui veut pas de mal, lui, il veut seulement les billets. Mais il serre de plus en plus fort pour qu’elle cède. Elle se met bientôt à se débattre, à étouffer, essayant de dénouer l’étau qui lui coupe la respiration. Lui, la secoue en même temps pour accélérer les choses. Soudain, elle devient molle et lourde, il la lâche brusquement, surpris de la voir s’effondrer sur le carrelage. ― Pourquoi tu fais ça ? Relève-toi, Mamie ! Elle ne se relève pas. Alors, il s’accroupit, hésite un peu, puis passe la main sous la blouse et en sort rapidement la liasse, se remet debout, enfourne l’argent dans sa poche de survêt. Il attend un peu, croyant que sa grand-mère va rouvrir les yeux, se redresser, l’engueuler. Comme elle ne bouge pas, reste muette, il proteste : ― Reste pas comme ça ! Tu peux pas rester par terre, Mamie ! Après l’avoir observée un instant, il l’admoneste : ― C’est pas bien de faire ça ! Relève-toi ! Alors, il la traîne jusqu’à son fauteuil devant la télé, la hisse sans trop de mal, l’installe le plus confortablement possible sur sa cretonne rayée blanche et rouge, mais, elle retombe… 14 divisionnaire vallandra CT ok.qxp_divisionnaire vallandra 26/02/15 08:47 Page14
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