Premieres pages de Clandestines CDeroin chevre feuille etoilee - Page 4 - Premières pages de "Clandestines" Christine Deroin du même auteur Romans : 2011 : Quelques gouttes de valériane, éd. Diabase 2005 : La griffe intérieure, éd. l’Inventaire (A Coldefy) 2002 : Mot à Mot, éd. l’Inventaire (A Coldefy), PRIX MURAT 2003 (un roman pour l’Italie), trad. en italien, aux éd. Besa 1999 : Les chemins détournés, éd. Atout (N Mouska) 1997 : Les Absentes, éd. des Chats Noirs (N Mouska) Romans Jeunesse : 2015 : Création de la collection « Pas de panique » aux éd. Oskar 2015 : La mouche, éd. Oskar 2014 : La résistante, éd. Bayard presse, Je Bouquine, 2012 : La mystérieuse lettre au Père Noël (cinquantenaire du service courrier du PN de la Poste), éd. Oslo 2013 : 36 rue Amelot, la résistance juive, éditions Oskar 2012 : Au secours Awa, éd. Bayard presse, Je Bouquine 2012 : Emilie, fille de Résistants, cheminots, éd. Oskar 2010 : Un facteur dans la résistance, Martial, 20 ans, éd. Oskar 2008 : La mère sans visage, éd. Oskar Théâtre : 2012/2013 : Je vous demande la route, Résidence au 104 (75), mise en scène pour Théâtre Orage, joué au centre Mathis (75019), 2010 : Le musée des fous, mise en scène pour Théâtre Orage, représentations en mars 2011, hôpital Bretonneau, comédie Nation, reprise en 2012 à Villejuif (94) 2005 : Les mots de Florentine, mise en scène pour Théâtre Orage spectacle joué à Montreuil, tournée en 2006 en région Centre et autres... Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page4 Christine Deroin Clandestines roman Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page5 © Éditions Chèvre-feuille étoilée Montpellier bureau@chevre-feuille.fr http://www.chevre-feuille.fr/ octobre 2015 IsBN : 978-2-36795-101-0 Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page6 Aux Sans Papières Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page7 Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page8 9 Un homme qui prive une autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine des préjugés, et de l’étroitesse d’esprit. Aucun de nous en agissant seul, ne peut atteindre le succès. Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. Je ne suis pas libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité. Nelson Mandela Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page9 Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page10 Je suis la dernière vieille de l’immeuble. La dernière. Mon voisin est mort depuis quinze jours. Mort et enterré dans son caveau de famille dans la Nièvre. La dernière au dernier étage. Alors quand je l’ai vue. Assise… Je suis aussi la dernière Blanche de l’immeuble. Les autres propriétaires sont presque tous blancs mais ils n’habitent pas là. Ils se contentent d’empocher les loyers des deux pièces qu’ils louent sans jamais y jeter un coup d’œil. Les familles qui y vivent sont ici depuis longtemps. Toutes des familles africaines. Certaines sont arrivées en même temps que moi. J’ai acheté en 1986, une bouchée de pain, le tiers de ce que vaut mon logement maintenant. Trente-cinq mètres carrés au quatrième étage avec fenêtres sur cour et sur rue. Celle que je préfère c’est celle de la salle à manger sur la rue, j’y monte la garde des journées entières. Il y a du passage dans mon escalier, plein de visages que je croise sans les connaître et ça ne me rassure pas. Les enfants jouent sur les paliers mais ils ne montent pas au quatrième étage. Mon voisin y avait mis le holà. Ils arrêtent leurs jeux quand je passe pour me laisser la place. Je monte les escaliers marche après marche. De plus en plus difficilement. Quatre étages. Ça commence à faire trop pour moi. Avant je m’arrêtais au troisième pour souffler. Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page11 12 Maintenant au deuxième. Et quand j’aurais du mal à arriver jusqu’au premier, qu’est-ce que je deviendrai ? Je ne sais pas. Il y a des jours où je ne crois plus à rien. Mais je me connais. Ils passent ces jours-là. Faut pas en avoir peur. Encore un étage. Je regarde l’escalier et mes pieds. Ça m’aide. C’est à ce moment-là que l’ai vue… Je l’ai pressentie plutôt. Une présence… Un obstacle… Une femme assise. Elle s’est levée pour me laisser passer. Je suis passée. Je me suis demandé si je devais ouvrir ma porte. J’avais peur qu’elle ne m’attaque. Elle n’a pas bougé. La tête baissée. Casser le silence. Je me suis dit qu’il fallait casser le silence. – Bonjour. Elle m’a regardée. Je la connaissais. C’était la Noire du vieux qui habitait à côté. Le mort. C’était son aide ménagère. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? J’ai ouvert ma porte, suis entrée chez moi et ai refermé très vite. À double tour. Je m’ennuie. Je m’ennuie. La vie n’est plus en moi mais autour de moi et ma seule solution pour passer le temps est de rester de longues heures à observer les autres s’agiter. Je dois avouer que je parle souvent toute seule, je me raconte des trucs. Maintenant je range mes courses mais je sais qu’elle est toujours sur le palier. Je guette. Par l’œilleton. Qu’est-ce qu’elle veut ? Elle doit partir. Elle est de trop ici. Comment je vais faire pour préparer mon dîner en sachant qu’elle est assise à même pas trois mètres. Ma vie doit être simple. Je l’ai Clandestines CDeroin©chevre-feuille etoilee_Mise en page 1 11/11/15 14:26 Page12 13 mérité. Et je ne vais pas me laisser perturber par une Noire sur mon palier. Elle attend peut-être les fils du vieux. Pas possible, ils sont loin. Il était seul, le vieux. Moi aussi je suis seule. Ma fille est aux États-Unis. Bon, elle s’en va ? Je me sens comme enfermée chez moi. Nous les personnes âgées, c’est facile de nous attaquer. Je devrais appeler la police. Non, ce n’est pas mon genre. Je le ferai plus tard si elle reste. Je ne vais pas manger tranquille, je ne vais pas dormir. Je ne peux quand même pas aller au lit et éteindre la lumière avec cette intruse qui si ça se trouve me guette pour m’attaquer. Je pourrais ouvrir la porte et essayer de la convaincre de partir. Au moins je saurais pourquoi elle est là. Non, ça ne me concerne pas. Faut pas se mêler de la vie des autres. se méfier, toujours se méfier. Puis je ne sais pas ce que c’est que la vie d’une Noire. Ils le disent bien à la télévision que beaucoup ne devraient pas être chez nous. Avant cette femme venait une ou deux fois par jour chez le vieux. Elle faisait ses courses. À la fin elle s’occupait aussi de sa toilette. Ce ne devait pas être drôle de le laver celui-là. C’était un grincheux. Je la croisais dans l’escalier assez souvent. Un jour elle m’avait proposé de porter mon sac. J’avais refusé. surtout ne pas accepter d’aide. C’est la fin de la vie. Elle ne me fait pas peur mais, là, sur ce palier, elle ne devrait pas y être. Elle est peut-être devenue folle. Pour quelle raison ? Je ne comprends pas. Je n’ose pas mettre le son de la télévision, elle va l’entendre… Ça pourrait lui donner l’idée de frapper à ma porte. Je m’assois au bord de mon canapé et essaie de fixer l’image silencieuse. 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