Premieres pages de EE 57 Humour - Page 5 - revue étoiles d'encre n° 57 58 sur l'humour étoiles d’encre revuethématiquetrimestrielleà nos doubles ISSN:1620-5022 Éditions Chèvre-feuille étoilée LeclosdelaFontaineBatB 65,courLibéralBruant r ueJacquesLemercier 3 4 0 8 0 M o n t p e l l i e r Tél/fax:0467737545 contact@chevre-feuille.fr Comité de lecture : Behja Traversac, Maïssa Bey, Marie-NoëlArras Directice de la rédaction : BehjaTraversac Directrice artistique : Marie-NoëlArras Directrice de la Communication : EdithHadri Collaboratrices : Aldona Januszewski, Carole Menahem-Lilin,DanièleMaffray, Dominique Godfard, Isabelle Marsala,IsabelleBlondie,Janine Teisson,Marie-LydieJoffre,Marie Bueno,MarieMalaspina,Michèle Wilisch,MitaVostok,NicSirkis, NicoleBuresi,PeggyInèsSultan, RosaCortes,RoseMarie-Naime, SamiraNegrouche,ValérieMeynadier. Abonnement en France :58€ pour2ans/4numéros ISBN:978-2-36795-017-4 Diffusion:LaDifférence Marraines : AliceCherki,ArletteWelty-Domon, Cécile Oumhani, Claude Ber, ChristianeChauletAchour,Esther Fouchier,FannyColonna,Ghania Hammadou, Hélène Cixous, Jocelyne Carmichael, Karima Berger, Laurence Farès, Leïla Sebbar, MalikaMokeddem,MarieFrançoiseChitour,SophieBessis, WassylaTamzali,ZinebLabidi. ReprésentéeenAlgériepar Maïssa Bey avec l’assoc. Paroles et Ecritures 10, impasse Poincaré 22000 Sidi-Bel-Abbès Tél/fax : 48 54 65 11 parole_ecriture@yahoo.fr ISSN:1112-3311 impression:PulsioàSofia 57 edito avec logo_Mise en page 1 19/02/2014 15:24 Page 2 Peut-onparlerdel’humourdansl’éditod’unnumérodecette revueconsacréàl’humour ?That is the question quejemepose depuisledébutdeceslignes.Pourquoiavons-nousproposéce thème me dis-je ? Parce que nous aimons tous et toutes l’humour.Nousaimonslerireetleplaisirqu’ilestcensénous octroyer.Maisplusencorepeut-êtreladécouvertedecequiest caché,masquéennousetquecesinstantsderireetdeplaisir nous permettent d’explorer. Bien sûr me direz-vous, il y a humourethumour.Ilyamêmeuncertainhumourquinefait pas rire du tout. Passons. Entre tragique et parodie, entre burlesqueetgrave,entreréeletimaginaire,l’humourrevêttous leshabitsqueluioffrentleséglises denotrechèrehumanité.Il traquenostravers,semoquedenospseudo-vertus,nousprend enflagrantdélit,s’indigne,enriant,denospenséesinavouables etmetàbasnosdogmesetnoshypocrisies.Cocasse,railleur, décalé, il nous convie, par sa tonalité moqueuse à prendre consciencedenosexcès,denosmensonges,denosaliénations etdeceuxdenossociétés. L’humour peut n’être que ces mots menus, volatils, oubliés aussitôtqu’entendus.Alors,iln’ad’autreshistoires quecellede l’instant.Maisaprèstout,l’humourdoit-iltoujoursavoirunsens grave,profond,sousseshabitsrieurs?Peut-être,maisl’essentiel n’est-ilpasqu’ilsoitcemessageconstruitautourdelavie,desa fugacité comme de sa pérennité ? De son ridicule ou de sa bienséance? De ses fenêtres et de ses cadenas? Celui-là qui di é to 57 edito avec logo_Mise en page 1 19/02/2014 15:24 Page 3 s’apparenteàl’universdechacundenousetlaissesatracedans nosmémoires.Celui-làparlequelchacunpeutrireetréfléchirsur soietsurlesautres. Ainsi les caricatures de notre illustratrice, Doaa Eladl, et le dialoguequ’engageavecellesacompatriote,FawziaAssaad,sont l’expressionmêmedecethumourmagistral,révélateurdeson ancrage dans sa société et dans son époque. Le politique, les mœurssociales,lereligieux,l’Histoire…rienn’échappeàDoaa Eladl et à son intervieweuse. Ces quelques réponses de Doaa sontéloquentes: – Le temps où les femmes nous gouverneront n’est pas loin… disent les barbus – On colle à l’actualité. On lit les journaux. On suit les nouvelles sans répit. – Dans notre métier on est systématiquement contre le pouvoir. Contre Moubarak, contre les militaires, contre Morsi. Nous avons pris l’habitude d’être contre. Voilà que nous nous trouvons « pour » l’armée. Ce n’est pas une situation confortable. Évidemment, l’humour ne s’exerce pas uniquement dans les sociétésenpaixoudanslessociétésriches.Ilpeutmêmeêtre plusincisif,plusacéré,pluscruelparfois,plussignifiantquandles sociétéssontenpannedequiétudeetdebien-être.L’imagination humoristiquepopulaireestunhavrepourfairecontrepoidsau désespoir.Etmêmesil’humouramilleformes,millepays,mille figures,milleépoques,millecontextes,ilest,depuislanuitdes temps,cetarrêt sur rire quinoussauvegarde,noussauve,comme lefontparler,troisauteures,parmid’autres,danscenuméro : Cestraitsintimistes : deSabahSellah àproposdesonchatquivientdemourir : 4 étoiles d’encre 57 edito avec logo_Mise en page 1 19/02/2014 15:24 Page 4 Quand j’y pense, il aurait mérité un nom plus noble ! Aristote, Freud ou Platon ! Pourquoi pas ! Quand il me regardait, j’avais l’impression qu’il était en pleine réflexion métaphysique. oud’AnitaFernandezàproposd’Héraclès : [elledisait] tu vois mon Hercule, tu es un héros et si on enlève le H du héros il devient Éros, l’amour… Elle disait que si je n’avais pas de sentiments c’est qu’on m’avait mis un H devant le cœur. Mais franchement l’orthographe et moi ça fait deux. Etcecidansletextetrèspolitiqued’AldonaJanuszewski Ça sent mauvais, vous ne trouvez pas ? Je tourne autour, allersretours, la ritournelle revient. On n’y peut rien ? Vraiment ? Ça grince, ça coince, ça ne veut pas sortir ? Comment en rire ? Ah !L’humour....iladecesallures ! Behja Traversac humour 5 57 edito avec logo_Mise en page 1 19/02/2014 15:24 Page 5 Billet d’humeur : Vendredi 7 février 2014, je sors de l’ambiance chaleureuse du Maghrebdeslivres,placedel’hôteldeville,etmedirigeversle métro.BoulevarddeRivoli,cœurdeParis…desmatelasdisposésçà et là sur le trottoir, et dessus de jeunes femmes.Choquée, je m’approchepourparleràl’uned’ellesetj’aperçoisavecstupeurla têted’unjolipoupond’environ3mois! Nousvivonsunedrôled’époquedécidément,uneépoqueoùl’écart se creuse de plus en plus entre les riches et les pauvres, où les discourslesplusrégressifsfleurissent,oùlesfemmessontencoreet toujoursviolentées,oùleshommesetlesfemmesdespaysopprimés serévoltentquitteàmourirparmilliers… Uneépoque,cependantoùinternetnousapermisjusteentapant surunécran« femmescaricaturistes »detrouverau-delàdesmers DoaaEladlquimaniel’humourcommepersonnedansuneÉgypte qui ne cesse de se battre contre toutes les oppressions. Et cette femmequineconnaissaitriend’Étoiles d’encre apudécouvrirla revuesurlenetetacceptercetterencontre! L’humourfranchitlesfrontièresetleseffacelorsquel’onvoitdans unmêmerecueilledessindu8 mars2013deDoaaEladl:« Une femme fauteuil » et le texte de Mahia Alonso dont l’héroïne est « Unefemmechaussure ». Tantquel’humourexiste,jemedisquerienn’estperdu! Marie-Noël Arras 57 edito avec logo_Mise en page 1 19/02/2014 15:24 Page 6 rum f0 © Hermine Laurent-Saïn, Dernières nouvelles (burin, 1989) Doris et Madiba Nic Sirkis Deux grandes personnes aimées, d’Afrique australe, disparues l’une après l’autre… Une grande femme, prix Nobel de Littérature… Un grand homme, prix Nobel de la Paix… Deux êtres humains et solitaires qui se sont battus toute leur vie pour l’Afrique, pour l’égalité arc-en-ciel, pour la paix, et pour libérer les enfants de la violence. Deux géants d’humanité qui à eux Deux additionnent 189 ans de lutte. Lui né le 18 juillet 1918, elle le 22 avril 1919, quelques mois après… Elle morte le 17 novembre 2013, lui le 4 décembre 2013, 17 jours après… Doris Lessing et Nelson Mandela, aux biographies en miroir… Un homme et une femme dont l’empreinte et la force sont ancrées dans nos mémoires. Ça grince, ça coince, ça a du mal à sortir, ça se constipe, ça fait des nœuds dans tous les sens, c’est noir, c’est lourd, c’est dur. Réduite à ses tripes, coincée dans les toilettes depuis des jours, les boyaux à l’envers, réduite à sa plus simple expression, une vie de chiottes… La rage qui ne sort pas, la nausée qui envahit. Garder la tête haute, survivre à tout ce qui engloutit, surnager dans ce cloaque nauséabond qui se faufile à l’intérieur. Les fils du vent Aldona Januszewski ©HermineLaurentSaïn,Labora(burin,1190) En rire ? Lâcher tout ça ? Désengorger ? Évacuer ce qui obstrue ? Danser sur le volcan à gorge déployée ? Ça fait des jours que je campe à côté des toilettes, que j’avale des tonnes de flotte, de tisanes de décoctions, de liquides divers et variés, et toujours rien à l’horizon, l’espace de mon cerveau réduit à une attente, les tripes nouées sur l’impossible issue, le blocage intégral, l’overdose de tout, le ménage en stand-by, les jambes repliées, la démarche incertaine autour de la chambre, le gaz qui fuit, la cuisinière qu’on éteint, Shoah sur l’écran, ça défile, pour solde de tout compte, chiens de l’Europe venus d’ailleurs, Roms venus de l’Est, gens du voyage, pourtant d’ici, tous ces humains des quatre coins, si différents vraiment ? Et ces singeries prémonitoires, ces bruits de bottes qui se rapprochent, ces relents d’hier aujourd’hui, le large sourire Banania, la peste brune à bonnets rouges… Ça sent mauvais, vous ne trouvez pas ? Je tourne autour, allers-retours, la ritournelle revient. On n’y peut rien ? Vraiment ? Ça grince, ça coince, ça ne veut pas sortir ? Comment en rire ? T’en a qui étaient au bord du gouffre et qui ont fait un grand pas en avant… Y’en a d’autres qui tournent et se retournent, et voient tout en noir et blanc, Y’en a encore qui divaguent et veulent se faire martyrs pour que maman les reconnaisse sur les affiches, Y’en a qui sortent seuls avec leur canon scié, pour se faire peur ou faire peur, on ne sait plus vraiment... 10 humour
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