Premieres pages de EE 61 Nos revoltes entretien artiste - Page 1 - Premières pages de l'entretien d'Isabelle Blondie avec Anne Cotrel Les éditions Chèvre-feuille étoilée ont publié les encres d’Anne Cotrel dans le recueil de poésie de Fariba Hachtroubi. Isabelle Blondie a réalisé cet entretien essentiellement à partir de ces encres. Nous avons proposé à Anne d’illustrer ce numéro d’étoiles d’encre sur Nos révoltes. Ses encres et aquarelles créées spécialement pour ce thème et à la lecture de certains textes parsèment donc ce numéro. 12 une artiste : anne cotrel étoiles d’encre 61-62 61 une artiste_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:09 Page 12 Entretien avec Anne Cotrel par Isabelle Blondie Si je te demandais d’ébaucher un autoportrait, que me dirais-tu ? Numéro deux d’une fratrie de huit enfants, j’ai, depuis toujours dû m’occuper des « nés après moi ». De ce fait j’ai très vite pris l’habitude de me cacher à la recherche de quelques moments de répit, afin de trouver le silence qui m’était nécessaire pour lire, dessiner. Au fond, je n’ai pas, l’âge venant, changé ma façon de vivre. Je suis soit seule, soit avec les autres et il reste difficile pour moi de concilier les deux. J’ai pourtant besoin à la fois d’être dans le monde parmi ceux que j’aime et seule pour dessiner ou simplement laisser mon esprit vagabonder. Je suis à la fois rêveuse et pragmatique ; les deux intensément mais pas en même temps. Ta formation ? J'ai commencé des études académiques à Paris, modèle vivant, les techniques huiles et acryliques, la gravure, la sculpture, à l'institut Met de Penninghen puis à l'école supérieure des arts décoratifs. Étudiant à Montréal (22 ans) j'étais confrontée à une tout autre approche des arts plastiques, centrée sur l'analyse et la modélisation des concepts. J'ai achevé un B A visual Arts à Concordia University. J'y ai rencontré mon mari Peter. Il était sculpteur et voulait étudier la technique de la cire perdue en fonderie. Il a obtenu une bourse et nous sommes partis en Italie à Pietrasanta. Ces quelques années de Toscane ont été pour moi une rencontre avec la Renaissance, sa 13nos révoltes 61 une artiste_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:09 Page 13 fraîcheur, sa légèreté grave - Giotto a été pour moi une révélation - là, j'ai commencé à participer à des expositions de groupe. Lorsque Peter et moi, nous nous sommes séparés, je suis partie en Suisse. Je vivais dans mon atelier à Luzern. Je peignais toute la journée. J'ai trouvé làbas des amis, des lieux, des galeries prêtes à m'exposer. Huit années plus tard je suis rentrée retrouver mes racines en France Je n'ai jamais cessé de me former au cours de ma vie en effectuant des stages, suivant des cours de calligraphie chinoise, peinture traditionnelle japonaise et différentes techniques de gravure. Quels sont tes outils de travail de prédilection ? J’ai une trousse d’outils « fétiches », dont je connais l’écriture, différents instruments qui vont du rouleau au calame. Il m’est nécessaire de connaître la capacité de l’outil à répondre à mon attente. Ces outils sont ceux que j’utilise depuis toujours. Ils sont mes vrais compagnons de route. Gil Jouanard parle de « l’encre noire et acérée » de tes lavis « dont les corps et les visages esquissés crient la souffrance et le désir, enserrés dans la masse nocturne et menaçante qu’il s’agit de vaincre et d’éradiquer ou de fuir à jamais ». Est-ce que ce commentaire te parle ? Je suis partiellement d’accord avec Gil J. ; en effet, j’ai choisi différents calames comme outils de travail pour réaliser ces dessins à la façon des calligraphes orientaux, c’est-à-dire de façon instantanée 14 une artiste : anne cotrel étoiles d’encre 61-62 61 une artiste_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:09 Page 14 et non préconçue. Quant aux « masses nocturnes » qu’il faudrait « éradiquer ou fuir », elles sont pour moi l’assise même des formes que je dessine, leur inscription. Peut-être pourrait-on dire que c’est le désir obscur qui prend forme avec le jaillissement des corps et des visages - le désir, oui, car c’est bien là le thème central d’Abysses. Je n’ai, à part dans quelques dessins, souhaité induire une quelconque souffrance. Pour moi, cette « masse nocturne » évoque une gangue de pierre, en tout cas quelque chose de minéral dont les formes qui émergent seraient comme des arêtes, d’où tes profils à la Cocteau les plus simples, dis-tu. Cette image a-t-elle un sens pour toi ? Je crée plutôt des volumes par la ligne que des aplats. Quant aux profils à la Cocteau, ils sont là pour indiquer la direction du regard ou l’inclinaison d’une tête afin de donner du sens à la posture des corps sans pour autant donner une réelle identité au visage. Est-ce qu’avec d’autres techniques, tu entreprends comme Pierre Soulages une « œuvre au noir », une exploration de cette non-couleur, ou est-ce conjoncturel ? « Pour moi cette masse obscure… » Non, je n’y avais même pas pensé. Je sais aussi que tous les lavis ne sont pas noirs et que tu as par exemple également utilisé de l’encre violette. Pourquoi ? Je ne voulais pas utiliser le noir sur du blanc, ce qui est l’absolu du contraste. Y insérer parfois cet indigo violet me permettait d’adoucir certains de mes dessins en relation avec les poèmes afférents. isabelle blondie 15nos révoltes 61 une artiste_Etoile d'encre gabarit 25/02/2015 00:09 Page 15
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