59 Metamorphose - Page 33 - étoiles d'encre 59-60 : Métamorphose marie goyon 31 NOTES 1. Les Statistiques canadiennes sur la violence faite aux femmes autochtones sont effroyables: La violence, y compris l’agression sexuelle, qu’elle soit le fait d’un conjoint ou d’un étranger, est l’une des principales transgressions des droits des femmes autochtones. Par exemple, comparativement aux autres Canadiennes, les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles de déclarer qu’elles ont subi une forme quelconque de violence de la part de leur conjoint et elles courent huit fois plus de risques d’être tuées par lui après une séparation. http://www.ainc-inac.gc.ca 2. Après deux amendements en 1927 et 1951, ce n’est finalement qu’en 1985 que les clauses discriminatoires concernant les femmes autochtones furent supprimées de la loi. Cet amendement (Bill C-31) permit à celles qui avaient été spoliées et à leurs descendants de retrouver leur statut et droit d’appartenance à la tribu. Cependant les traces de cette loi demeurent. 3. Le travail aux piquants ou quillwork est une technique qui consiste en la broderie de piquants de porc-épic teints. Ce savoir-faire très élaboré recoupe différentes techniques : l’enroulement, le tressage, le pliage, la broderie, l’applique sur peau ou écorce de bouleau (Orchard 1916). Art endogène au continent américain, on trouve également de rares exemples en Amérique du Sud, chez les Bororos du Brésil par exemple (LéviStrauss 1989). Avant 1840 environ, on pense qu’il était un des principaux modes de décoration parmi les peuples d’Amérique du Nord. 4. L’adoption dans les sociétés amérindiennes est en effet d’usage fréquent, j’ai moi-même été « adoptée » lors de mon terrain par une famille, ce qui a constitué une porte d’entrée majeure de mon acceptation. L’adoption revêt une signification spirituelle et sociale, qui permet la circulation et le partage des responsabilités et connaissances, notamment dans le domaine rituel. 5. pensionnats indiens ou residential schools au Canada: écoles tenues par les missionnaires où tous les enfants indiens de 1880 à 1980 environ ont été envoyés dès l’âge de 4 ans. Coupés de leurs familles, forcés à « se conduire comme des blancs », c’est une entreprise de déculturation métamorphoses 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page31 systématique qui s’est mise en place, souvent dans la violence physique et psychologique. Il existe même un « residential school syndrom » reconnu par les psychologues nord-américains. Récemment, un travail de mémoire a été entamé au Canada avec la « Commission vérité et réconciliation » au Québec sur la mémoire des pensionnats: on y parle de « survivants » qu’on auditionne… 6. J’ai eu le plaisir de rédiger pour le Dictionnaire universel des créatrices (2013) une notice biographique sur Sheila. 7. Est-ce parce que ce modèle ne correspondait pas aux catégories pensables en occident? Est-ce parce qu’elles étaient rares? ou encore trop marginales pour que les « informateurs » jugent cette information digne d’intérêt pour les anthropologues occidentaux?… Toutes les conjectures sont possibles, mais il est flagrant que les « trans » ont été « invisibilisés » voire effacés de façon récurrente comme l’a souligné par exemple NAMASTE K, 2000. 8. Devenue depuis l’International Two-Spirit Gathering. Voir à ce sujet l’article de Thomas et Jacobs (1999) 9. Selon le Littré, il s’agit d’un terme péjoratif et obscène qui désigne « le mignon ou le giton ». Avec ses variantes bardash et berdash, il a été introduit par les premiers explorateurs et voyageurs français et canadiens pour désigner des personnes autochtones, jugées « hors normes », aux comportements identifiés comme homosexuels. Dans ces premières descriptions, réalisées uniquement par des hommes puisqu’à l’époque pas de femme écrivant parmi les premiers voyageurs, les berdaches sont décrits comme des hommes « efféminés », « invertis » selon les valeurs de l’époque. L’exemple le plus célèbre, vu au cinéma dans le film Little Big Man (1970) d’Arthur Penn, est le personnage de Petit Cheval, homme cheyenne se conduisant et s’habillant comme une femme, un « hee-man-eh ». 10. Exemple de site d’association TWS: http://www.ne2ss.org/about 32 carte blanche étoiles d’encre 59-60 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page32 marie goyon 33 BIBLIOGRAPHIE DE MALLIE, R., 1983, “Male and Female in traditional Lakota Culture” in P. Albers, A. Kehoe et B. 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De la sorte, Conchita Wurst, ou plus précisément sa réception, tend à éclairer les relations qu’entretiennent les frontières du genre2 : frontières tout aussi conceptuelles que géographiques. L’histoire de Conchita Wurst est inaugurée, comme souvent dans celle de minorités, par l’insulte. « Au début était l’insulte », note d’ailleurs Didier Eribon dans sa « réflexions sur la question gay »3. métamorphoses 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page35 C’est cette situation d’opprobre qui pousse Thomas Neuwirth, ancien étudiant en mode, à se présenter à une émission de télécrochet autrichienne, sous les traits de ce personnage à la fois drôle (« Wurst » en allemand signifie saucisse) et dérangeant (une autre traduction de Wurst pouvant être « Qu’est-ce que j’en ai à faire? »). Thomas et Conchita portent un discours: « Il y a deux personnages distincts, avec leurs propres histoires personnelles, mais un message essentiel en faveur de la tolérance et contre les discriminations »4. La cible des injures devient progressivement ce sujet qui lutte contre les discriminations. Son angle d’attaque: la visibilité. Son arme: le genre. Le genre: voilà sûrement ce qui est au cœur des polémiques, en France comme ailleurs. Tom est ouvertement homosexuel, mais ce qui dérange bel et bien, au-delà de son orientation sexuelle, c’est son expression de genre (on ne saurait dire ici son « identité de genre »5). Les médias en sont la preuve: ils ne savent pas comment nommer ce qui ne relève pas des standards du genre. Ainsi Conchita est « une chanteuse barbue » pour l’Express, une « femme à barbe » pour BFMtv et Le Point, un « travesti » pour RTL et enfin une « drag queen » pour le Huffington Post qui semble le plus proche des revendications de Conchita6. Conchita est un travesti scénique, burlesque, qui joue avec les codes du genre c’est-à-dire à l’endroit même de l’opprobre inaugural de son personnage7. Conchita Wurst: figure de l’altérité. Qui est Conchita Wurst? Une femme simple diront les uns, ou femme fatale répondront les autres! Conchita est un prénom courant en Colombie où Thomas Neuwirth fait naître le personnage. Et Wurst peut être interprété comme le signe du retournement de la honte en fierté, mouvement bien connu des minorités: certes le substantif seul signifie ‘saucisse’ ; mais dans une formule comme « Das ist mir doch alles Wurst ! » il prend le sens de l’indifférence interjectée, ou de l’abandon des règles du jeu traditionnel: Qu’estce que j’en ai à faire de tout cela ! 36 carte blanche étoiles d’encre 59-60 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page36 Ainsi construit, le nom de Conchita Wurst devient un signe – celui de l’ouverture à l’altérité en tant qu’elle est étrangeté de la cohabitation de deux termes si mal appariés selon les règles du bien nommer – accord d’un prénom et d’un nom dans un registre culturel précis. Cependant que cet ensemble prénom + nom est également un symbole – celui du même et de l’autre réunis – celui de l’union possible des cultures dans une création originale tenant de l’odradek8 comme du phénix9 en la circonstance ! Odradek nous ramène à l’énigme et au mystère des associations libres comme des productions de l’imaginaire. Le phénix, être mythique, nous rappelle qu’il est possible de mourir à une certaine identité, comme on meurt socialement quand personne ne nous regarde ou ne nous pleure, et de renaître sous les traits d’un autre, comme c’est le cas lorsque sur scène on endosse un personnage que l’on fait vivre pour quelques heures. Se dresser comme un phénix, c’est alors oser montrer qu’une renaissance est non seulement possible, mais bel et bien réalisée par la performance qu’autorise la scène et qui déjoue les codes du genre en vigueur dans un concours aussi classique que l’Eurovision. Dans De quoi Sarkozy est-il le nom ? A. Badiou écrit: « Proposons un théorème: toute chaîne de peurs conduit au néant, dont le vote est l’opération ». Si une élection présidentielle a pu avoir lieu avec la peur de l’autre en toile de fond, ici, dans le cas d’un vote aux conséquences bien moindres, mais à l’impact médiatique certain, on a assisté à l’élection de celui dont on ne doit pas prononcer le nom10, celui qui fait peur et que l’on ne sait pas nommer ou que l’on n’ose pas nommer. En clin d’œil à Alain Badiou11, nous répondrons donc à la question initiale en disant que Conchita Wurst est le nom de l’altérité conçue comme une chance, doublement référée à la différence: différence dans l’assujettissement aux normes sexuelles qui gouvernent le paraître et participent à ordonner la vie sociale et différence également métamorphoses B. Esteve-Bellebeau et A. Alessandrin 37 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page37 dans la posture incarnée pour revendiquer le droit imprescriptible d’être soi. L’altérité c’est la figure de ce qui est autre et auquel je ne m’identifie jamais complètement. C’est pourquoi d’ailleurs, même s’il y a dans la figure de l’autre-personne l’idée de son égale appartenance à l’humanité comme moi, encore faut-il que cette figure ait authentiquement figure humaine, qu’elle soit visible dans l’espace humain, et qu’ainsi elle en soit devenue pensable comme vie humaine. C’est bien à cet endroit que les préjugés peuvent faire leur apparition en cortège en suivant la question: mais qui donc est pleinement humain si ce n’est celui ou celle qui endosse le vêtement, l’attitude et l’éthique liés à son sexe? Qui donc a contrario sème le trouble et le désordre en se mettant en scène pour déjouer les codes de la féminité comme de la masculinité? Conchita Wurst: est-ce un homme, est-ce une femme? Une femme à barbe alors ou un drag-queen, un homosexuel travesti ou un thuriféraire du queer? Devenir sujet c’est en passer par un assujettissement qui contraint tout autant qu’il forme par l’imposition des cadres auquel il soumet tout individu social. Dans le cas des normes sexuelles, le marquage du genre dans sa binarité s’opère dès la naissance, par une énonciation qui a valeur d’assignation: « c’est une fille ! ». Être ce nom ou tenter de l’être conduit à reproduire des attitudes, des rites, des postures sculptés génération après génération, et qui semblent avoir formé le moule (en l’occurrence ici) de la féminité. Plus ou moins, avec aisance ou non, sans questionnement sur soi ou au contraire avec moult retours à ce soi qui ne se satisfait pas de ce que le miroir et le regard d’autrui lui renvoient, l’être humain en devenir cherche à être quelqu’un, se cherche à travers des identifications multiples et parvient le plus souvent à consentir à se faire féminin ou masculin. Se pressentir en marge peut impliquer de tenter de se dégager des identifications les plus fortement marquées que sont le féminin et le masculin, et d’esquisser un pas de côté pour tenter de trouver l’espace où laisser vivre son désir. Mais cela ne va pas de soi, et bien 38 carte blanche étoiles d’encre 59-60 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page38 des obstacles jonchent un tel parcours vers un hors de soi, susceptible d’étayer la construction du sujet social - bien que souvent socialement à part. De la famille au travail, en passant par l’école et la justice, rien n’est épargné à celle-celui qui ne parvient pas à se ranger dans les cases F/M. C’est sans doute l’effort à rendre visible cette différence qui peut être pensé comme une forme du courage chez Conchita Wurst. Loin des paillettes de l’Eurovision, et de l’héroïsme conçu comme « figure subjective du faire face à l’impossible »12 dans l’instant, Thomas Neuwirth incarne davantage le courage – soit, toujours selon la définition de Badiou, « la vertu d’endurance dans l’impossible », laquelle se construit à l’aune de la volonté de se soucier de soi pour devenir ce que l’on a à être. Pas de militance affichée comme étendard, pas de discours des minorités à endosser, mais une posture qui dessine une figure – celle d’une liberté en marche vers une création de soi au-delà des restrictions culturelles, politiques et sociales. Telle est la figure de l’altérité doublement référée à la différence que que nous donne à voir Conchita Wurst. L’expression de genre: une arme à double tranchant De cet événement médiatique ressort surtout la difficulté de la presse à traiter des questions transidentitaires. Conchita Wurt est un personnage de scène, une performance, une drag queen, qu’il s’agit de ne pas confondre avec les « transsexuel.le.s » (cette invention psychiatrique pathologisante13) ou de rabattre sur l’appellation de « femme à barbe ». Cette dernière doit nous interroger sur le statut de Conchita. En effet, si l’appellation de « femme à barbe » est historiquement située du côté de la monstruosité, la présence de Conchita signe au contraire un espace de fierté14. Aussi, dans les freak-show, la « femme à barbe » était montrée (toujours par autrui qui la révélait puis l’enfermait de nouveau). Ici c’est Conchita qui, seule, est en mesure de se montrer, de se rendre visible. Le cas « Conchita » n’est pourtant pas le premier: Dana International, finaliste de l’Eurovision, rassemblait autour d’elle autant d’admirateurs métamorphoses B. Esteve-Bellebeau et A. Alessandrin 39 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page39 que d’opposants. Toutefois, comme l’a bien montré Karine Espineira, les relations entre les médias et les transidentités ont toujours été conflictuelles15. Dans l’immédiateté de l’actualité, le premier mot trouvé est celui qu’on utilise. Selon la chercheuse: « La médiatisation de Conchita Wurst illustre le reflux entre la figure du travesti et du transsexuel. Entre les deux, un point « aveugle au genre ». On parle de l’artiste au masculin ou au féminin et on le décrit comme travesti, homosexuel ou encore Drag-Queen. Pour exemple, le journal du soir de France 3, du 11 mai, assimilait la victoire de Dana International à celle de Conchita en décrivant Dana comme « le travesti israélien » confondant ainsi deux expériences de vie et deux façons de se définir très différentes mais toutes deux assumées. »16 Mais cette approximation dans les termes n’est pas sans conséquences. Pour la spécialiste des représentations transidentitaires dans les médias, il s’agit bien là de « violences » du fait des « réductions » à l’œuvre mais plus généralement de « l’ignorance » des médias sur ce sujet. « On sent bien que le vocabulaire approprié fait défaut », conclut-elle17. Fierté nationale: no point ! À quelques jours de la cérémonie, un groupe Facebook qui en appelle au boycott de la chanteuse comptait déjà plus de 38000 inscrits. Une pétition, emboîtant le pas sur le groupe Facebook, compte quant à elle près de 5000 signatures. D’autres pays participant à l’Eurovision suggèrent plus ou moins explicitement de ne pas voter pour la candidate. L’Autriche se trouve alors bien embarrassée avec cette représentante polémique, alors même que Conchita promettait de casser l’image conservatrice du pays. Pour comprendre ce qui se joue dans ces propos haineux à son encontre, il faut poser notre regard du côté de ce concours, comme on le ferait pour d’autres compétitions (notamment sportives), et saisir la manière dont les catégories de « genre » et de « sexualité » participent de la construction d’une fierté nationale. Il faut alors s’interroger sur ces figures qui, ne respectant pas les gages à la normalité du genre, ne 40 carte blanche étoiles d’encre 59-60 59 carte blanche.qxp_Mise en page 1 28/04/16 15:17 Page40
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