Focus magazine 44 - Page 63 - Focus 44 est arrivé ! Pour cette deuxième partie de l’été et la rentrée prochaine, nous vous avons préparé de quoi vous occuper sur la plage ou au bord de la piscine. On commence avec deux personnages du design italien Piero Lissoni et Simone Micheli puis *focus magazine62 *focus magazine 63 Théo Génnitsakis Bonjour Théo, peux-tu te présenter en quelques lignes ? Je suis fondateur et directeur de création de La Surprise, agence de communication de 15 personnes. Je suis aussi graphiste - illustrateur à côté de ça. J’ai 27 ans et j’aime les gens. J’ai lu que tu étais grec et que tu t’étais installé en France à 15 ans… Est-ce que tu aurais pu devenir ce que tu es aujourd’hui en Grèce ? Comment se porte cette culture urbaine, graphique là-bas ? Non je ne pense pas que j’aurais pu devenir ce que je suis sinon je serais resté dans mon pays. C’est très compliqué de vivre de ça en Grèce malheureusement. Il y a beaucoup de gens talentueux que je connais mais ils n’on pas l’opportunité de faire des choses…donc ils deviennent tous dépressifs ou ils partent ailleurs, un peu comme moi. Et puis avec la dernière crise on n’est pas prêts d’évoluer dans ce domaine… on est très en retard, c’est dommage, avec tous ce qu’on a fait avant…en arriver là me dégoûte. Tu peux nous parler un peu de ton parcours une fois installé ici… J’ai eu la chance d’être pris en stage dans une agence d’édition… puis après tout s’est déroulé très rapidement. J’ai enchainé dans des agences web et de pub… J’ai énormément travaillé vu que je n’ai pas fait d’école, j’ai appris sur le tas et surtout chez moi tout seul … je travaillais jour et nuit… ce que je fais encore. Pourquoi y a-t-il marqué « Artist raté » sur la fenêtre de ton site web ? Parce que je ne consacre pas autant de temps qu’il faudrait à mon travail personnel. Mon agence me prend énormément de temps donc j’estime être un artiste raté… Art / Graphisme LA surprise *focus magazine64 Peux-tu nous expliquer un peu ta série intitulée « Elles » ? Est-ce une sorte « d’hommage » aux femmes, à leur beauté, à leur corps… ? « Elles » c’est une série spéciale sur laquelle je travaille depuis un an maintenant. J’ai toujours utilisé des parties féminines dans mes illustrations et « Elles » en est la suite logique. Je peins toutes les filles que je rencontre, avec qui je vie quelque chose de spécial ou quelque chose d’intéressant. J’aime beaucoup la femme, je trouve la femme très belle et elle m’inspire beaucoup. Je pense réaliser une expo bientôt et un bouquin sur « Elles ». Tu collabores régulièrement avec les grosses marques… Arrives-tu à leur « vendre » des créations plus kitsch ? Cet univers kitsch justement est plutôt rare chez les artistes de ta génération, qu’est-ce qui t’as poussé dans cette direction ? Je collabore de moins en moins avec des grosses marques mais de plus en plus sur des projets purement artistiques. J’ai beaucoup collaboré avec des marques sur des sujets commerciaux, vendeurs ce qui m’a un peu fatigué à un moment, mais ça n’a jamais été compliqué pour moi de leur vendre mon univers un peu kitsch parce qu’on m’appelait pour ça. Le plus dur maintenant c’est de collaborer avec des marques qui seraient prêtes à me laisser libre avec mon nouvel univers, ce qui n’arrive presque jamais. En même temps je refuse tout depuis que je travaille ce nouveau style, je n’ai pas envie de l’associer à une marque ou une autre… enfin sauf si on me laisse libre. L’univers kitsch me plait beaucoup, et je fais des choses de plus en plus kitsch. J’aime casser ce coté froid, ce coté soit disant maitrisé qu’ont tous les graphistes… ça ne me représente pas. Moi j’aime les choses naturelles et un peu osées. On se rappelle tous de la campagne publicitaire de Numéricable…Comment s’est déroulé ce gros projet ? J’ai été contacté par une grosse agence de publicité pour réaliser cette campagne. J’ai mis tous ce que j’avais dedans, beaucoup d’heures de travail. Ce fut une très bonne collaboration avec l’équipe qui a géré le projet dans cette agence. Les mecs m’ont laissé faire ce que je voulais et au final tous le monde était content, eux comme moi. Mais on va dire que c’était le projet qui m’a permis de changer de style, j’estimais à l’époque qu’il n’y avait plus rien à sortir après ca. Et ce n’est pas plus mal. Art / Graphisme *focus magazine 65 *focus magazine66 Raconte-nous un peu la naissance de ton agence La Surprise ? Tu avais atteint certaines limites en freelance ? L’agence te permet désormais de répondre aux clients de manière plus globale… Tout a commencé quand je me suis mis en freelance. D’un côté je travaillais beaucoup en tant qu’illustrateur- graphiste sur des projets plutôt cools et de l’autre je collaborais avec de très grosses agences sur des projets énormes et très carrés. J’ai toujours essayé de pousser ces projets artistiquement parlant, mais déjà il fallait passer la barrière de l’agence avec laquelle je collaborais. J’avais de plus en plus de travail, du coup j’ai commencé à en donner à des potes, ça a duré 4/5 mois et je me suis dis un jour que ce serait beaucoup plus cool d’avoir mon studio où je bosserais avec mes potes et que je pourrais gérer mes clients tout seul et leur vendre ce que moi j’estime être le mieux pour eux. Du coup on s’est installés dans des locaux et par hasard on a participé à un appel d’offres qu’on a gagné. Apres il fallait embaucher des gens et mes potes sont partis car ils ne supportaient pas la pression d’agence… moi j’ai continué seul et aujourd’hui j’en suis là. Depuis mon associé m’a rejoint, c’est un mec qui a beaucoup d’expérience dans la gestion d’entreprise et il est très carré. Les clients sont-ils souvent surpris avec toi ? Les clients sont souvent surpris oui. C’est le concept de l’agence, proposer des choses différentes qui donnent un effet de surprise. Même si pour le moment la moitié de mes clients ne sont pas prêts, ça avance petit à petit, ça évolue. Ce qui est bien avec La Surprise c’est qu’elle réfléchit comme une agence d’idées, qu’elle réalise comme un studio et qu’elle gère comme une grosse agence.. La typographie, c’est un univers que tu explores depuis peu de temps ou pas ? J’ai toujours aimé la typographie, j’explore ce domaine depuis très longtemps mais ce n’est pas ce qui m’attire le plus, pour le moment je reste sage là-dessus. Y a-t-il un projet dont tu rêves ? Je rêve de faire une expo sur une île où il fait très beau, perdue au milieu de la mer, remplie de belles femmes que j’aurais peintes sur mes tableaux. Et pour venir voir l’expo il faudrait prendre un bateau. La puissance ! http://la-surprise.com www.theogennitsakis.com Art / Graphisme *focus magazine68 *focus magazine 69 Trbdsgn Bonjour Trbdsgn, pouvez-vous vous présenter à nos chers lecteurs ? Vous êtes trois c’est bien ça ? Parfaitement, on est trois : Onde, Honda, Hobz. Mais vu le temps qu’on passe ensemble et notre haut degré d’af- finité, il y a des jours où on a l’impression d’être une seule et même personne... (rires). Nous sommes trois potes ori- ginaires de Paris et sa proche Banlieue. Issus du mouve- ment graffiti des années 90, on a fondé le collectif en 2001. Puis le TRBDSGN (Turbo Design) est officiellement né en 2006, l’objectif étant de pouvoir pleinement réaliser des projets qui nous tiennent à cœur de façon indépendante. D’où vient ce nom sous lequel vous exercez votre art ? Oulaaa, c’est une longue histoire… mais pour te la faire courte ça s’est passé de la manière suivante : au moment où nous commencions à peindre ensemble, on voulait un nom qui sorte des trois lettres types qui sont habituellement utilisées pour nommer les crew dans le milieu graffiti. De plus, à l’époque Hobz finis- sait ses études de design et Honda était bien branché «muscle cars» des années 70 donc c’est tout naturelle- ment qu’on avait trouvé le nom Turbo Design qui tra- duit bien notre volonté d’aller au delà de ce qui existe déjà. Puis, pour accentuer cet aspect, Onde a eu l’idée de supprimer toutes les voyelles rendant le nom impro- nonçable avec comme effet de nous faire connaitre davantage de la manière suivante : « je ne sais pas pro- nonçer votre nom mais j’adore ce que vous faites ». Du coup, ce n’est pas passé inaperçu, c’est resté dans les es- prits et c’est un peu devenu notre marque de fabrique. Trbdsgn, c’est du plein temps ou vous avez des jobs à côté ? Le TRBDSGN fait partie intégrante de notre vie : on mange, on respire et surtout on pense et on créé Tur- bo Design du matin au soir. (rires) Par contre, on ne peut pas dire qu’on en vit à cent pour cent. Chaque membre du groupe a sa propre activité à côté. Onde est Directeur Artistique dans une agence de communi- cation et d’évènementiel, Hobz est designer free-lance dans tout ce qui touche à la décoration et l’architec- ture d’intérieur ; enfin depuis trois ans Honda est plasti- cien à plein temps et expose régulièrement dans diffé- rentes galeries. Le Studio est aussi pour nous une façon de pouvoir travailler ensemble sur des projets variés. Art / Graphisme passe la vitesse superieurE *focus magazine70 Il y a, si j’ai bien compris, des projets communs et parfois d’autres en solo … Exactement ! C’est selon les périodes. Ça a pour avan- tage de nous renouveler artistiquement parlant. La re- cherche plastique et graphique de chacun apporte forcé- ment de la fraîcheur dans nos prods, ce qui nous permet d’éviter de tourner en rond, c’est à chaque fois comme un challenge. Dernièrement, on a exposé chacun en solo, même si il est vrai que Honda, de par son activité perso, est celui de nous trois qui expose le plus régulièrement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre sphère créative, vos influences, vos sources d’inspiration ? Elles sont très variées. En règle générale on réagit facile- ment à quelque chose qui sort de l’ordinaire que ce soit à travers l’idée qui en découle ou par la manière dont ça a été fait. Cela peut passer par l’architecture, la photo ou l’art contemporain, mais le plus souvent, ce sont des idées qui nous sortent de la tête sans savoir comment. Actuellement, en ce qui concerne nos peintures, on porte un soin particulier au lieu et au support car ils jouent beaucoup sur notre travail. On aime jouer avec l’envi- ronnement du spot, même si cela se vérifie plus souvent en terrain que dans la rue. Comment faites-vous pour collaborer avec des grosses structures comme Kidrobot, Absolut et SNCF ? C’est le bouche à oreille qui fait tout le travail. Les projets aboutissent ou non, mais on n’a jamais eu à chercher ou à démarcher de clients ou d’agences. Nous avons cette chance d’être contactés directe- ment, ce qui est plutôt une bonne chose car la plu- part du temps le client connaît notre travail, l’appré- cie et donc nous laisse carte blanche sur les créas. Parlez-nous un peu de ces nouvelles techniques et ma- tières que vous utilisez… On ne peut pas vraiment dire qu’on cherche à dévelop- per de nouvelles techniques ou à utiliser de nouveaux matériaux, c’est plutôt eux qui viennent aussi vers nous Art / Graphisme *focus magazine 71 et à ce moment-là on va réfléchir à comment les réutili- ser à bon escient. On fait aussi souvent avec ce qu’on a sous la main…de l’acrylique, des bombes, de la ficelle, de l’adhésif… Par exemple quand nous avons créé notre propre ligne de mobilier sous le nom de « projet auto- nome », nous recherchions un matériau léger, facilement usinable et imprimable. De ce fait notre expérience dans l’évènementiel nous a tout simplement conduit vers les fabricants de PLV. Chacun y va de sa découverte, de ses propres petits « tests » ! Il faut toujours aller de l’avant et tester de nouvelles matières, techniques,… Dans nos projets persos, Honda aime le travail du béton sur ses toiles, Onde lui, c’est le papier, les découpes, le travail des ombres. Quel regard portez-vous sur le graphisme français ? Pas des meilleurs....même si beaucoup sont très forts et créatifs, à tel point qu’on peut parler d’artistes pour cer- tains. Malheureusement, il est bien connu qu’en France, la mentalité au niveau du graphisme est assez spéciale et surtout « nombriliste ». Le français est assez frileux et c’est bien dommage. Mais malgré tout, on aime penser que les mentalités changent peu à peu. Pouvez-vous nous parler un peu de vos projets en cours et des prochains ? On n’a pas vraiment de projets en cours. Trouver un atelier (d’ailleurs si vous avez des pistes - rires ), conti- nuer à peindre encore et encore, un long road trip au Canada pour Hobz et Honda, et travailler ensemble sur de belles réalisations, des expos… En tout cas, la rentrée 2010 risque d’être très active pour le Turbo. Pour vos dix ans l’année prochaine, vous avez prévu quelque chose ? Ah ouaiiiiis ... dix ans déjà ... évidemment qu’on a prévu quelque chose et ce sera énorme, du jamais vu, de l’ex- ceptionnel qui fera date dans l’histoire de l’art... (merde, merde, merde, on n’est pas dans la merde) ... vous ver- rez bien ... ça vaudra le déplacement (rires). En tout cas, vous en serez les premiers informés. www.trbdsgn.net www.arnaud-liard.com www.lebureaudeonde.com http://monsieurhobz.tumblr.com Art / Graphisme *focus magazine72
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