ANIMELAND n°251 - Page 1 - 251 Dans tous les points de vente dès le 25 juin La gamme de produits dérivés officiels. Ces produits se distinguent par leur qualité, une fabrication soignée, et des illustrations directement issues des œuvres originales. Nous veillons à respecter l’intégrité des créations des auteurs en collaborant étroitement avec les ayants droit japonais, afin de garantir le caractère authentique et officiel de chaque produit. Nous sommes ravis d’annoncer que la première collection de cette nouvelle gamme sera disponible dès le 25 juin 2025, avec notre série phare du moment : Blue Lock. Cettecollectioncomprendradestote bagsentissu,dessetsdepins exclusifs et des reproductions de pages intérieures emblématiques. Reproductions de pages Tote bags Pins exclusifs ©Muneyuki Kaneshiro, Yusuke Nomura/Kodansha Ltd. Une nouvelle épopée fantastique signée Oh!great ! Tome 1 en librairie le 4 juin. Série en cours. Plus d’informations sur notre site. Flasher ce QRCode pour lire un extrait du tome 1. © Oh!great / Kodansha Ltd. アニメランド WWW.ANIMELAND.FR Retrouvez toute l’actualité anime, manga et les chroniques d’AnimeLand sur notre site internet. Également disponible sur smartphone ! AnimeLand n°251 • Juillet - Septembre 2025 • 14,95 € Publication trimestrielle d’Ynnis Editions, S.A.S. au capital de 10.000 € ■ SIRET 79325950800026 ■ Siège social : 38, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris ■ Directeur de publication : Cedric Littardi ■ Directeur artistique et éditorial d’Ynnis : Sébastien Rost ■ Directeur éditorial d’AnimeLand : Bruno de la Cruz ■ Assistant éditorial d’AnimeLand : Nicolas Chazan ■ Contact rédaction : brunodelacruz@animeland.com ■ Publicité : florian@feelgoodmedia.fr ■ Communication : Brunodelacruz@animeland.com ■ Abonnements et anciens numéros : serv-abo@animeland.com ■ Logo : Élise Godmuse ■ Conception graphique et mise en page : Wilfrid Desachy ■ Corrections : Joséphine Lemercier ■ Fabrication : centSucres ■ Ont collaboré à ce numéro : Paul Gaussem, Guillaume Lopez, Elliot Têtedoie, Jules Seigneur, Jérémie Bluteau, Valentin Costes, Philippe Bunel, Méko, Nicolas Chazan, Emmanuel Bochew, Nathan Souris, Jonathan Cordier de Mello, Nicolas Gouraud, Stéphanie Chaptal, et Bruno de la Cruz ■ Pour toute correspondance, adressez votre courrier (accompagné d’une enveloppe timbrée libellée à votre adresse pour la réponse) à : AnimeLand - 38, rue Notre-Dame de Nazareth - 75003 Paris contact@animeland.com Les opinions exprimées dans les colonnes de ce journal n’engagent que leurs auteurs. La reproduction des textes, dessins et graphiques est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur et de l’éditeur. Les images sont © 2024 par leurs auteurs. ■ Couverture : Hokuto no Ken: Seiki Matsukyu Seishi Densetsu © BANDAI 2000 MADE IN JAPAN © Buronson, Tetsuo Hara / Toei Animation Hokuto no Ken © Buronson, Tetsuo Hara / Coamix 1983 ■ Remerciements à Kôdansha, Coamix, Glénat, Pika, Camille Hospital, Ki-oon, Victoire de Montalivet, Kana, Oscar Deveughele, Delcourt/ Tonkam, Solene Ubino, Gwladys Bourget, Lumen, Emily Vaquié-Costecalde, Mangetsu, Netflix, Le Lézard Noir, Stéphane Duval, Kurokawa, Laure Peduzzi, Akata, Isalyne Avenel, Panini, Sophie Cony, Teddy Maladri, Doki Doki, Pierre Giner, Ilyes Rahmani Martinez et toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce numéro et qu’on oublierait involontairement. Le rédacteur fou : « Ça peut être dangereux, il faut faire gaffe à Hara qui rit ! » ■ Première impression ■ Achevé d’imprimer en France par Aubin Imprimeur en mai 2025 ■ Diffusion MLP ■ Dépôt légal à parution ■ Commission paritaire 0228 K 82755 Toute reproduction, même partielle, des textes est strictement interdite. À la mort d’un monde, la naissance d’un nouveau Hokuto no Ken, ou Ken le Survivant comme elle fut longtemps appelée chez nous, est une œuvre profondément rattachée à l‘histoire de l‘animation japonaise en France. Incomprise et maltraitée dans son adaptation réalisée par AB Productions, érigée en symbole par les autorités françaises bien pensantes dans leur croisade contre l‘animation japonaise, l‘histoire en retient souvent sa VF farfelue ou son hyperviolence visuelle. Nous sommes pourtant face à l‘une des séries les plus marquantes d‘une époque et d‘un genre, peu égalée depuis. Hokuto no Ken est plus qu‘une fresque insensée dont les délires graphiques sont d‘une violence inouïe. C‘est l’épopée de plusieurs héros exceptionnels dont le grand destin promis s‘est retrouvé contrarié par un holocauste nucléaire qui les a poussés vers les extrêmes de leurs personnalités, parfois dans la folie, parfois dans des visions contradictoires mais tout aussi défendables du monde. Ken fut mis en valeur dès le numéro 10 d‘AnimeLand, puis 14 et 16 où un grand dossier lui fut consacré pour la première fois (merci à son co-auteur Pierre Giner). Pourtant, malgré plusieurs rééditions du manga, peu nombreuses sont les démarches journalistiques profondes cherchant à décortiquer et comprendre cette série TV de près de 200 épisodes… Comment fut-elle produite ? Quels artistes se cachent derrière l’écran ? Quelle a été sa réception au Japon ? Finalement, qu‘est-ce qu‘elle raconte vraiment ? AnimeLand a eu la chance et le privilège, au milieu des années 1990, de rencontrer des artistes clés de cette œuvre, depuis son dessinateur Tetsuo Hara à son regretté chara-designer Masami Suda. Et c‘est non sans une certaine fierté qu‘en tant que co-auteur du premier dossier sur Hokuto no Ken dans AnimeLand (et jadis éditeur de son manga chez Kazé), je signe plus de 30 ans après cet édito dans un magazine toujours vivant, où vous serez, je l‘espère, surpris en découvrant des témoignages totalement inédits sur les réalités de la production de la série.. Cedric Littardi É D i T O É D i T O MAGAZINE #251 4 Hokuto no Ken le manga 14 Portrait de Tetsuo Hara 20 Portrait de Buronson 30 L’éditeur Coamix 34 Rencontre avec Tsukasa Hôjô 40 L’anime Hokuto no Ken 50 La VF de Hokuto no Ken 52 Rencontre avec l’animateur Jun’ichi Hayama 58 Rencontre avec l’animateur Takuya Wada 68 Rencontre avec l’assistant producteur Yoshitomo Yonetani 76 Origine et définition 82 La fin du monde dans les mangas 88 Interview : A Journey Beyond Heaven 94 Interview : Kaijin Fugeki - Kindled Spirits 106 Interview : Gachiakuta 116 Wishlist 126 Rencontre avec You Chiba 130 Asie : Interviews Les Carnets de l’Apothicaire et Baby 140 Hommage à Kazuo Umezu 144 Préface : Sakae Saito (Les Promeneuses de l’apocalypse) Sommaire Sommaire animeland 251 animeland 251 DOSSIER POST-APO DOSSIER HOKUTO NO KEN MAIS AUSSI © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew EN CADEAU OFFERTS PAR 75€ NE RATEZ PLUS UN SEUL NUMÉRO D’ANiMELAND PAIEMENTS SÉCURISÉS Par carte bancaire ABONNEZ-VOUS ET DÉCOUVREZ NOS OFFRES EN VOUS CONNECTANT SUR Abonnez-vous en quelques clics ! BOUTIQUE.ANIMELAND.FR 2 HORS-SÉRIES 4 NUMÉROS AU LIEU DE 90 € DOM-TOM ET ÉTRANGER 87 € 2 2tickets d’or AL250 - Le présent tarif annule et remplace, à sa date de parution, tous les tarifs publiés précédemment. Offre valable dans la limite des stocks disponibles, jusqu’au 31/06/2025. Conformément à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d'un droit d'accès et de rectification des informations vous concernant, et dont nous sommes les seuls destinataires. Délai d’envoi : prévoir entre 1 et 2 mois. DOSSIER HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE 1 983. Le tantô du Weekly Shônen Jump, magazine de prépublication de la Shûeisha, Nobuhiko Horie, s’échine à trouver le concept qui remettra son jeune poulain Tetsuo Hara, alors âgé de 22 ans, en selle après une série d’échecs l’année précédente. Il avait déjà pourtant imposé à sa recrue le visionnage du film Mad Max 2 : Le Défi (George Miller, 1982), dont l’esthétique post-apocalyptique l’avait fortement impressionné. Ce dernier s’était d’ailleurs exécuté au sein de créations telles que Mad Fighters ou Iron Don Quixote mais le succès ne fut pas au rendez-vous. Horie en est certain : si le post-apo n’est pas à délaisser, il faut toutefois trouver l’idée faisant de la prochaine – et sûrement dernière - chance de Hara au sein du Jump une réussite commerciale. Comme un signe, c’est dans le 777e numéro du Weekly Shônen Jump que Hokuto no Ken fait ses débuts. Les poings fracassants de Kenshirô s’immiscent alors entre les exploits des voleuses Cat’s Eye, les muscles de Kinnikuman et le cigare de Cobra. Paul Gaussem C’est en chinant chez les bouquinistes de Tokyo que notre responsable éditorial trouve la solution au cœur d’un vieux manuel d’acupuncture chinoise. Il soumet à Hara le concept suivant : un combattant expert en arts martiaux détruit ses adversaires grâce à la pression de leurs points vitaux. Hara, fan de Bruce Lee depuis sa tendre enfance et très affecté par sa subite disparition en 1973, est emballé. C’est en effet selon lui une magnifique occasion de poursuivre l’héritage laissé par le « Petit Dragon », comme il le dira lui-même : « J’ai toujours été très fan des arts martiaux et des personnages classes comme Bruce Lee. Étant donné que je n’étais pas très satisfait de mon manga en cours (Iron Don Qixote, NDLR), j’ai sauté sur cette occasion, en lançant ce nouveau projet en parallèle de la conclusion du précédent. C’est donc ainsi qu’a démarré Hokuto No Ken »1 . Tetsuo Hara (à gauche) et Buronson (à droite) prennent la pause à l’occasion de l’inauguration de l’exposition dédiée aux 40 ans de Hokuto no Ken. 1 Propos issus d’une interview publiée dans l’édition spéciale du Jump Hokuto no Ken: All About The Man en 1986. 5 4 DOSSIER HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE En avril et juin 1983 paraissent donc au sein du magazine les deux one shot, respectivement composés de 51 et 49 pages, constituant les prémices de Hokuto No Ken. Nous y est présenté un Kenshirô étudiant – donc plus jeune – évoluant avec son père dans un monde contemporain. Le concept de Hokuto Shinken est en cours d’élaboration, ses origines chinoises, bouddhistes et antiques sont déjà quelque peu mises en place. C’est par un legs paternel que Kenshirô, d’abord assez indifférent, est malgré lui l’héritier de cette école. Il en saisit toute la valeur lorsqu’il doit voler au secours de son géniteur, venger sa petite amie et déjouer les complots fomentés contre lui. C’est un succès immédiat. La « dernière chance » de Hara, fruit d’un travail harassant qui durera par la suite et sans pause jusqu’en 1988, est plébiscité par les lecteurs du Jump. « Je ne pouvais même pas imaginer faire une pause. Mon éditeur Nobuhiko Horie était strict. Il voulait du travail bien fait et m’a vraiment poussé jusqu’à mes dernières limites. C’était éreintant. Par exemple, j’avais terminé le deuxième chapitre de Hokuto no Ken juste dans les temps et il m’a fait refaire sept pages complètes »2 Tetsuo Hara a réalisé une illustration exclusive pour cette exposition. Si Hara est un dessinateur hors pair, il n’en demeure pas moins, à cette époque, un scénariste laborieux. © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew avouera même le mangaka. Seulement, le succès aidant, Hokuto no Ken s’annonce comme une série au long cours. Et si Hara est un dessinateur hors pair, il n’en demeure pas moins, à cette époque, un scénariste laborieux. C’est alors que Horie a une idée : pourquoi ne pas placer ce succès annoncé sous le contrôle d’un vieux briscard du scénario comme Yoshiyuki Okamura alias Buronson ? Partie à trois Bien que Hara ait depuis longtemps usé des motifs du genre dans ses œuvres (Crash Hero, Iron Don Qixote...), l’histoire officielle veut que le tournant post-apocalyptique de Hokuto no Ken soit le fait de son scénariste. Si Buronson est impressionné par le trait du jeune mangaka et intéressé par le concept de base, la trame des premiers chapitres ne lui convient pas. Toutefois, il accepte le défi : « Quand j’ai lu les one-shot, j’ai été séduit d’une part par le Hokuton Shinken, d’autre part par la réplique « Tu es déjà mort ». Cette phrase s’est immédiatement inscrite dans mon esprit »3 se souvient le scénariste. De même, Hara n’est pas plus enthousiaste que cela de voir débarquer un ancien routard du scénario, de plus de dix ans son aîné, n’ayant pas connu de véritables succès depuis Doberman Deka (1975). Les deux sont toutefois contraints de collaborer, bon gré mal gré. Tout du long de la prépublication, ils ne se croisèrent pas plus d’une dizaine de fois, Horie faisant tampon et veillant au grain pour que les collaborateurs ne s’influencent 2 Propos issus d’une interview publiée dans les numéros 37 et 38 de l’anthologie Raijin Comics en 2003. 3 Propos issus d’une interview tirée de l’ouvrage Hokuto no Ken 2000 Kyukyoku Kaisetsusho en 1999. 6 7 DOSSIER HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE pas et se cantonnent à leurs rôles respectifs. Dans cette version définitive du manga, Kenshirô a donc vieilli. Il n’est plus un étudiant mais un homme, viril et ténébreux, errant dans un monde de désolation traumatisé par l’expérience d’une guerre nucléaire. Dans un univers où seule règne la loi du plus fort, l’héritier du Hokuto Shinken, art martial assassin, cherche sa dulcinée, Yuria, enlevée par Shin, un ami d’enfance - mais élève d’une école rivale, le Nanto Seiken - ayant pris soin de le marquer de sept cicatrices sur le torse avant de lui confisquer la prunelle de ses yeux. Pour couronner le tout, il devra aussi faire face à la rancœur de ses frères (d’armes), Jagi et Raoh, n’ayant pas supporter sa nomination au titre d’héritier de l’école. Il ne trouvera appui que sur l’un de ses aînés, Toki, dont la sagesse et l’altruisme le font se démarquer des autres membres de la fratrie. Sur son chemin, Kenshirô sera aussi dans l’obligation d’affronter les combattants les plus aguerris du Nanto Seiken, le plus souvent devenus des autocrates sanguinaires. Pour mettre sur pied un univers cohérent, le duo va donc s’appuyer sur de multiples références. En effet, les grandes lignes conceptuelles et esthétiques du manga sont indéniablement tirées de Mad Max 2 et ce dès les premiers chapitres. Les membres de la bande criminelle de Zed sont affublés des mêmes équipements, armes et coupes de cheveux que celle d’Humungus dans le métrage de George Miller. La rivalité entre les deux écoles martiales du Hokuto Shinken et du Nanto Seiken est quant à elle fortement inspirée des films d’arts martiaux hongkongais de la Shaw Brothers où les écoles de Shaolin et Wudang, entre autres, sont souvent en opposition. De plus, si Shaolin, de tendance bouddhiste, est consacrée aux « arts de l’intérieur », celle du Wudang, plutôt taoïste, se spécialise dans ceux de « l’extérieur ». De quoi reconnaître ici les techniques propres aux deux disciplines martiales du manga (le Hokuto faisant exploser de l’intérieur tandis que le Nanto découpe de l’extérieur), elles aussi originaires C’est en chinant chez les bouquinistes de Tokyo que l’éditeur Horie trouve un vieux manuel d’acupuncture chinoise et soumet à Hara l’idée des points vitaux. plusieurs facilités scénaristiques demeurent, le second volet d’Hokuto no Ken est finalement l’occasion de revenir davantage sur le passé du Hokuto, l’histoire des écoles et de leurs disciples, donnant ainsi profondeur et épaisseur à un lore déjà touffu. Hara et Buronson sont peu prolixes sur cette partie de l’œuvre et semblent parfois ne pas la tenir en haute estime. Pour Buronson, il n’y avait « rien à ajouter ». Quant à Hara, sa mémoire est altérée par les affres d’une prépublication qui s’éternise : « C’était devenu de la folie. Je ne me rappelle même plus de l’histoire ou des personnages après ça »5 . De fait, si cette deuxième partie est davantage le fruit d’une décision éditoriale et commerciale qu’une volonté purement créatrice, elle n’en demeure pas moins d’une richesse graphique exceptionnelle, associée à un propos sur la filiation et le despotisme des plus pertinents. de Chine, dont la rivalité idéologico-religeuse est également inspirée de certains épisodes de l’histoire chinoise (La rébellion des Turbans Jaunes en 184 après J-C). Le nom même de l’art meurtrier dont use Kenshirô pour faire imploser ses opposants dérive du cinéma hongkongais. Comme le confiera Hara, « c’est une combinaison d’arts martiaux chinois, du Jeet Kune Do de Bruce Lee et de techniques d’assassinat. À l’origine, nous allions simplement l’appeler “Hokuto-ken”, mais il y avait un film de Jackie Chan, intitulé Hiryu Shinken (Magnificients Bodyguards, Lo Wei, 1978, NDLR) et nous avons conclu en optant pour Hokuto Shinken »4 . L’amour, la mort, la famille Le premier arc, dont la fin est marquée par le combat entre notre héritier et Raoh, devait être l’aboutissement ultime du manga. Mais les voix du rendement sont impénétrables et la Shûeisha, face au succès, fera pression pour que nos deux artistes poursuivent leur collaboration. Si ces derniers sont pour le moins hésitants et que AnimeLand était convié à l’inauguration où l’on retrouvait de nombreux Weekly Shônen Jump d’époque, bien que le titre soit désormais géré par Coamix. 4 Propos issus d’une interview publiée dans l’artbook Hokuto no Ken Dai Kaibô en 2014. 5 Propos issus de l’ouvrage Dans les Arcanes de Hokuto no Ken de Paul Gaussem et Guillaume Lopez, Third Editions, 2023. © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew 9 8 DOSSIER HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE Travailler, donc. Et le plus vite possible. Ce qui explique les nombreuses références à peine cachées, pouvant même sembler, au premier abord, mal digérées et placées au forceps au sein de l’intrigue. Mais il n’en est rien. Ce patchwork d’influences aurait été des plus indigestes sous la férule d’autres, mais le duo de légende parvient à en faire un ensemble harmonieux, robuste et surtout inédit. Kenshirô lui-même est le résultat d’un croisement d’inspirations et d’influences. Si son parcours solitaire et son conflit avec une école rivale peut rappeler l’œuvre de son maître Kazuo Koike, Lone Wolf and Cub, qui nous narre l’affrontement de Ittô Ogami, bourreau déchu du shogunat, et du clan Yagyu, ses techniques, ses poses et son emblématique « atatatata » renvoient le lectorat à Bruce Lee, icône martiale et cinématographique. Son accoutrement est identiqueàceluideMaxRockatansky,leflicdevenu barge de Mad Max. Ses sourcils épais et son flegme sont quant à eux empruntés à Ken Takakura, star du cinéma nippon, notamment du yakuza eiga (films de gangsters). Au fil des chapitres, et définitivement dans la seconde partie du manga (l’arc de Shura), ses traits seront ceux de Sylvester Stallone, trustant à cette époque les podiums du box-office hollywoodien. Le manga brasse à l’évidence une somme importante du cinéma d’action et de science-fiction américain des 1980. Hormis les emprunts aux films de George Miller et aux actionner bourrins de la période (Arnold Schwarzenegger, Dolph Lundgren, Mister T., Carl Weathers...), les clins d’oeil à des métrages tels que Blade Runner (Ridley Scott, 1982) ou Conan le Barbare (John Milius, 1982) sont évidents. Insufflant de l’universel à son récit, Buronson fera de son héros un personnage typiquement campbellien, se faisant par son statut de Sauveur l’une des figures christiques et tragiques les plus iconiques du siècle dernier. Quand Kenshirô sauve Goku Si les traits et le charisme de Kenshirô évoluent au cours de ses péripéties, il en va de même pour le reste. Décors, chara-design, environnements et mises en image se font de plus en plus précis et rigoureux. Porté par l’influence des travaux de mangakas tels que Katsuhiro Ôtomo et ses œuvres « cinématographiquement » storyboardées et réalistes (voir AnimeLand n°244) et par le souffle épique et torturé des créations © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew 5 Gaussem, Paul, Lopez, Guillaume, Dans les Arcanes de Hokuto no Ken, Third Editions, 2023 6 www. hokutodestiny. com/news/ intervista-haraburonson-e-leaction-figure. html 7 Entretien croisé entre Kazuhiko Torishima et Hiroshi Matsuyama, traduction proposée par Dragon Ball Super - France. d’illustrateurs américains comme Frank Frazetta, Syd Mead ou Boris Vallejo, Hara trouve une symbiose quasi parfaite, et très personnelle, entre recherche de grandeur lyrique, tristesse des visages et fureur des affrontements. Les traits sont épais et réalistes, se démarquant de la production nippone de l’époque en matière de shônen : le découpage est précis, calculé pour obtenir ce sentiment d’urgence et de violence libérée (et parfois libératrice) si particulier. L’un de ses plus grands héritiers, le regretté Kentarô Miura (Berserk), mettra en évidence cet apport en admettant qu’il souhaite « dessiner comme Hara-sensei [...]. Dans ses cases, c’est comme si le poing de Kenshirô ou Raoh volait hors de la page »5 . Fait que ne démentiront pas des mangakas tel que Hirohiko Araki qui, au sein de ses Jojo’s Bizarre Adventures, reprendra telles quelles plusieurs cases du manga ou encore Masanori Morita (Rokudenashi Blues), pilier du furyô et ancien assistant de Hara, dont le sens du découpage et l’esthétique de la violence naissent de la fréquentation de son maître. Mentionnons encore Keisuke Itagaki, lui aussi disciple de Kazuo Koike, dont les relations familiales « extrêmes », les corps sur-musclés et les combats dantesques peuplent les planches de son Baki. Enfin, on n’oubliera pas de rappeler que Kazuhiko Torishima a profondément été impacté par Hokuto no Ken : « J’ai étudié Hokuto no Ken. Dragon Ball était en baisse de popularité, je n’avais d’autre choix que de faire de l’analyse. Et comme Hokuto no Ken était extrêmement populaire à cette même période... Donc j’ai lu les trois premiers tomes. Vous n’avez pas besoin d’en lire davantage pour comprendre Hokuto no Ken. Je n’aime pas ce manga mais il était si populaire que j’ai lu avec attention et étudié. Ce que j’ai ressenti quand j’ai lu Hokuto no Ken c’est que “ça puait les sermons“. C’est vrai quoi, toutes les semaines, en quelque sorte, on a le droit à une citation non ? “Tu ne le sais pas encore mais tu es déjà mort”, “Tu ne vivras pas un jour de plus !!”, “Parce que tu es un homme qui a aimé la même femme que moi”, “Je n’ai pas eu un seul regret de toute ma vie”… Ce genre de citation, bien sûr, c’est classe et ça plaît aux enfants, et … Produire une vingtaine de planches d’un tel niveau chaque semaine est un exploit. L’exposition proposait de nombreux originaux, dont des planches du prototype de la série, paru en avril 1983 dans le magazine Fresh Jump. “Dragon Ball était en baisse de popularité, je n’avais d’autre choix que d’étudier Hokuto no Ken, qui était extrêmement populaire à cette même période…” Kazuhiko Torishima 11 10 c’est incroyable oui. Les enfants, les lecteurs, ne lisent pas spécialement un manga parce qu’ils veulent se faire sermonner. S’il est plaisant, cela suffit amplement. En même temps, si pour Hokuto no Ken c’est aussi bien accueilli, moi j’ai décidé de faire le contraire pour Dragon Ball. J’ai réfléchi à ce qu’il soit sincèrement et simplement intéressant, et absolument pas à ce qu’il serve dans la vie. À partir de là, j’ai étudié encore plus Hokuto no Ken et j’ai appris autre chose : il y avait un secret dans les dessins ! Dans les mangas qui ont précédé cette époque, lorsqu’un personnage frappe l’ennemi, il y a beaucoup de plans où il frappe l’ennemi de droite à gauche. Dans Hokuto no Ken, le poing est envoyé en direction du lecteur. »6 Si l’héritage de Hokuto no Ken est aussi important, c’est que les planches de Hara, portées par le récit de Buronson, repoussent à l’époque toutes les limites. Ne se croisant que très peu, Hara, comme le lecteur, découvre au fur et à mesure les personnages et les intrigues forgées par son scénariste. Tour à tour surpris, emballé et meurtri par l’apparition et le destin de ses personnages, le mangaka place toutes ses émotions, ses joies comme ses tristesses, au service de son dessin, donnant à l’œuvre sa spécificité autant technique que violente et tragique. Hara confiera d’ailleurs que « Buronson ne [lui] a jamais rien dit à propos de ses futures décisions », avant de poursuivre : « du coup je laissais paraître toute mon affection pour les personnages dans mon dessin… sans connaître le sort tragique qui les attendait »7 . Buronson luimême ne sait souvent pas ce qui va advenir de tel ou tel protagoniste qu’il vient d’inclure dans son épopée. Il aime à rappeler que Tetsuo Hara lui demandait souvent ce qui allait se passer par la suite de tel ou tel chapitre. Ce dernier ne pouvait que lui répondre qu’il n’en savait rien, ce qui laissait le dessinateur dans une état d’angoisse et d’attente extrême. « Hokuto no Ken est né comme un road movie, donc j’ai d’abord créé l’ennemi, puis les sept cicatrices et finalement, pour trouver un but à Kenshirô, j’ai ajouté l’idée que sa femme a été enlevée. Tout a été créé dans une séquence, une idée à la fois »5 , affirmera-t-il lors d’un entretien. Au fil de ses interrogations et de son travail. Buronson conçoit un récit bien plus profond et mature qu’il n’en paraît à première vue. S’ajoutent à la lutte martiale et fratricide déjà diablement épique et shakespearienne, un discours sur l’amour sous toutes ses formes (filial, conjugal, amical, altruiste) prenant même une dimension mystique et « religieuse » des plus inattendues (les références bibliques ne se comptent plus). En ces temps de Guerre froide, l’opposition entre Kenshirô et Raoh se fait aussi philosophique et politique : comment faire marcher droit une humanité en perdition ? Par la fermeté et la peur ou par le dialogue et l’entraide fraternelle ? Tout ceci contribue à faire de Hokuto No Ken une œuvre singulière, haletante dans son récit, marquante dans son approche graphique, profonde dans son sous-texte. Le lectorat ne s’y est pas trompé, faisant du manga l’un des plus gros succès du Weekly Shônen Jump. Après plus de quarante années d’existence, la licence perdure avec ses reboot, suites et multiples spin-offs et un nouveau projet animatique est en cours de production. Imposant la marque réaliste et sombre du gekiga (manga pour adultes) au sein d’un magazine de prépublication de shônen, brassant une flopée de thématiques allant des plus triviales aux plus sérieuses, Hokuto no Ken, arrivé tel un OVNI au sein de l’industrie, est devenu objet de culte et d’inspiration. Gageons que l’étoile de la Grande Ourse n’ait point fini de briller au firmament des réussites les plus insolites. © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew Shin’ichirô Sakamoto (Innocent), Hirohiko Araki (Jojo’s Bizarre Adventure) et Masanori Morita (Rokudenashi Blues, ancien assistant de Tetsuo Hara) signent des hommages à Hokuto no Ken. Mitsuru Adachi (Touch) et bien évidemment Tsukasa Hôjô (City Hunter) contribuent également à l’hommage. “Hokuto no Ken est né comme un road movie, donc j’ai d’abord créé l’ennemi, puis j’ai ajouté l’idée de l’enlèvement de la femme de Kenshirô.” Buronson DOSSIER HOKUTO NO KEN ANATOMIE D’UNE LUTTE 6 Entretien croisé entre Kazuhiko Torishima et Hiroshi Matsuyama, traduction proposée par Dragon Ball Super - France. 7 Propos tirés d’un témoignage relayé par le site Hokuto Destiny 12 13 DOSSIER HOKUTO NO KEN PORTRAIT DE TETSUO HARA PORTRAIT DE TETSUO HARA DESSINATEUR DE HOKUTO NO KEN L e manga Tensai Bakabon (Fujio Akatsuka, 1967-1976), comédie burlesque sur les tribulations d’un jeune garçon simplet, paru au sein des pages du Weekly Shônen Magazine, est des plus importants pour le jeune Tetsuo Hara, né à Saitama en 1961 en période de fort bouillonnement économique et culturel. Lui qui ne jurait que par les anime visionnés sur l’écran du salon familial (notamment Tiger Mask), il comprend tout à coup qu’une planche de manga, par le biais de la composition de ses cases et de leur découpage, peut elle aussi En un peu plus de quarante années de carrière, Tetsuo Hara, s’imposant grâce à une approche graphique détaillée et réaliste dans une proposition shônen parfois conventionnelle, est entré au Panthéon des mangakas qui comptent. Son œuvre, dont Hokuto no Ken est le magnum opus, est artistiquement marquée par cette appétence pour la vitesse, l’impact et la violence. Un manga dont Kenshirô, héros musculeux et charismatique, est la clef de voûte, influençant bien d’autres mangakas qui suivront. Paul Gaussem donner une impression de mouvement et de fluidité. Le jeune écolier qui aimait dessiner de petits personnages sur les coins des pages de son cahier pour parvenir à les faire se mouvoir en les tournant est frappé d’une révélation : il sera mangaka. Les années 1960 sont l’occasion pour le jeune garçon d’appréhender différents médiums qui forgeront son style et définiront ses futurs appétences artistiques : des kung fu pian de la société de production hongkongaise Shaw Brothers ou de Bruce Lee, en passant par les Tetsuo Hara accompagne Nobuhiko Horie dans le lancement de la maison d’édition Coamix et du magazine Comic Bunch qui propose un spin-off de Hokuto no Ken. 1 Interview Planète BD (2013) 2 Interview Comic Zenon (2013) 14 séries tokusatsu (essentiellement le sombre Kamen Rider), jusqu’aux chanbara et yakuza eiga vus avec son père, un homme grand, musclé et bagarreur (ce qui marquera le jeune garçon dans la conception de ses futurs personnages), Tetsuo ingurgite dès l’enfance ce qui fera le sel de sa touche si unique et iconoclaste : muscles, charisme, combats et effusions sanglantes. Il ne cache pas non plus son plaisir à lire les œuvres de Ryôichi Ikegami et Hiroshi Motomiya, notamment pour admirer leurs personnages féminins sexy. À une époque où Internet n’est pas, les mangas sont un moyen accessible, pour les jeunes Japonais, d’avoir accès à un contenu aux accents érotiques. Une autre fascination se révèle pendant ses années collégiennes : la découverte des comics américains, notamment via les travaux d’illustrateurs comme Frank Frazetta ou Boris Vallejo, tous deux pourvoyeurs de dark fantasy et de barbares sanguinaires : « Le personnage de Raoh sur son imposant cheval, c’est effectivement directement inspiré de la célèbre illustration du Death Dealer [de Frazetta]»1 . Ainsi, la vitesse et le mouvement des planches nippones mais aussi le réalisme violent des créations américaines, fusionnent dans l’art de Tetsuo Hara. Un alliage quasiment inédit à l’époque qui va faire de Hara ce qu’il est : un artiste hors norme, puisant dans ces influences, mais aussi dans celle des gekiga, mangas matures, sombres et réalistes, de son sensei Kazuo Koike (Crying Freeman, Lone Wolf and Cub), pour exploser les codes graphiques du shônen du Jump. Certaines influences seront un peu plus tardives. C’est le cas des travaux de Katsuhiro Ôtomo et ce, dès ses premières œuvres dans les années 1970 (Jüsei, Short Piece, Fireball). Mais ce seront Domû et Akira qui marquent durablement Hara : « Quand j’ai découvert Akira j’ai été beaucoup inspiré, en particulier par les décors. Puis aussi par les véhicules et les vues aériennes, où beaucoup de personnages étaient dessinés »2 . Hara admire tant Ôtomo qu’il veut rejoindre le quartier où il réside, Kichijoji (tout comme Shôtarô Ishinomori). La trace artistique d’Ôtomo se retrouve autant dans son dessin réaliste ultra-détaillé que dans cette méthode quasiment cinématographique de découper les cases, concevant l’action tel un storyboard. La spécificité d’Ôtomo de concevoir des décors urbains dans la profondeur, à l’instar d’un Syd Mead, peut d’ailleurs se retrouver au sein de l’urbanité dévastée de l’univers de Hokuto no Ken. Autre référence notable, le cinéma hollywoodien - notamment les filmographies de George Miller (Mad Max), Steven Spielberg (Duel) ou Ridley Scott (Blade Runner), ainsi que les actioners musclés des Il sèche les cours pour tenter de rencontrer Osamu Akimoto et lui demander de devenir son élève. Photo : Japan Expo Photo Emmanuel Bochew L’exposition des 40 ans du manga Hokuto no Ken proposait une photo de l’atelier de Tetsuo Hara. 15 années 1980 (Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger…) - planent de toute leur ombre sur les costumes, les ambiances et les chara-designs de notre mangaka. Je serai mangaka Dès l’âge de neuf ans, Hara connaît donc sa destinée. Malgré une déformation de la cornée, un kératocône, le rendant quasiment aveugle d’un œil et perturbant son sens des perspectives, il s’évertue à progresser et tente de s’introduire comme il le peut dans l‘industrie du manga. Au lycée, il imprimera son premier magazine, Tenshin Ranman (que l’on peut traduire par « Innocent »), au sein duquel il publie Gendai no Jinsei, une histoire criminelle dans laquelle on perçoit encore la forte influence de Ôtomo sur ses dessins. Le club de manga gekiga qu’il rejoint au lycée était fondé par un certain Osamu Akimoto, auteur de l’incontournable Kochikame, qui venait pendant les vacances d’été prodiguer des conseils à ces jeunes artistes en herbe. Il arrivait même que le mangaka professionnel les invite à son atelier ! Impressionné par le talent d’Akimoto, le jeune Tetsuo décide de tenter le tout pour le tout : il sèche les cours pour rencontrer son aîné et lui demander de devenir son élève. La chute est plutôt farfelue : Tetsuo Hara avait oublié l’adresse d’Akimoto et a passé la journée à errer dans les rues du quartier de Kameari ! Il envoie ses travaux à Takao Yaguchi (Paul le Pêcheur, 1974) qui, hélas, les reçoit assez froidement mais aussi à la maison d’édition Shûeisha où un jeune tantô, Nobuhiko Horie, remarque ses talents, frappé par ce style détaillé et réaliste qui sort du lot. Il tente alors de mettre Hara en relation avec Buichi Terasawa (Cobra) mais celui-ci n’a que peu de travail à proposer au jeune génie. Ce sera donc Yoshihiro Takahashi (Boxer, Fang) qui hérite de la mission de le former durant près de 18 mois. En avril 1982, grâce à Super Challenger, manga remportant la 33e édition du concours Fresh Jump et mettant en image les aventures d’un boxeur, Hara obtient sa première publication au sein des pages du Weekly Shônen Jump avec Mad Fighters dans lequel il fait preuve de son amour pour le genre post-apocalyptique. L’aventure se poursuit avec Crash Hero en octobre puis The Iron Don Qixote en 1983, première sérialisation pour le novice, alors logé par sa grand-mère, qui ne dure malheureusement que le temps de dix semaines car peu plébiscitée par le lectorat. Si ces tâtonnements initiaux n’ont pas obtenu le succès escompté, ils sont toutefois l’occasion pour Hara de poser les jalons graphiques et conceptuels de ce que sera Hokuto no Ken. En effet, le postapo’ est déjà prégnant et Gen, le héros de la série, est une sorte de brouillon de Kenshirô, comme son ennemi, Shun’ichi, est un prototype de Shin. Il n’en demeure pas moins que Hara est en danger : « Un artiste qui commence une série dans le Weekly Shônen Jump peut voir son œuvre supprimée à partir de la troisième semaine selon les résultats de l’enquête auprès des lecteurs. Et j’ai été éjecté après dix semaines. Quelle déception ! Une fois qu’un artiste est viré à ses débuts dans le Weekly Shônen Jump, il se voit rarement offrir une seconde chance. J’ai cru que ma carrière était fichue et que je n’aurais jamais la chance de bosser en tant que professionnel »3 . S’il veut être à nouveau publié, il lui faut un succès, chose faite quelques DOSSIER HOKUTO NO KEN PORTRAIT DE TETSUO HARA Il n’oublie pas de rappeler que lorsque son père rentrait à la maison « ses poings étaient couverts de sang ». © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / COAMIX © Buronson, Tetsuo Hara / COAMIX 1983 Photo Emmanuel Bochew En mai 2024, Tetsuo Hara a dessiné Furiosa pour la couverture du magazine de cinéma japonais Eiga Hiho. Le numéro contient une interview croisée du mangaka et du réalisateur George Miller. Après avoir signé plusieurs jidai-geki, Tetsuo Hara sort Takeki Ryûsei (1995), l’un de ses rares mangas prenant place durant notre ère. 16 17
ANIMELAND n°251 - Page 1
ANIMELAND n°251 - Page 2
viapresse
Fnac.com