TÉLÉRAMA n°3923 - Page 1 - 3923 3 Télérama 3923 19/03/25 STÉPHANE LAGOUTTE/MYOP PREMIER PLAN Enfin! Passée à la trappe dans la dissolution en juin dernier, la résolution demandant la publicisation des cahiers de doléances ouverts lors de la crise des Gilets jaunes a été votée àl’unanimitémardi11marsàl’Assembléenationale.Cetexte transpartisan porté par l’écologiste Marie Pochon vient rappeler à Emmanuel Macron sa promesse non tenue de publier ces presque vingt mille recueils contenant environ deux cent mille contributions. «Une grande satisfaction», confie la réalisatrice Hélène Desplanques. Son documentaire Les Doléances, diffusé sur France 3 l’an dernier et toujours visible sur France.tv, a largement participé à la mobilisation de députés, d’élus locaux, de collectifs de citoyens, dechercheurs,afinque«laplusgrande expression libre de notre histoire», aujourd’hui en majeure partie conservée dans les archives départementales, soit numérisée et anonymisée. Et ainsi plus facilement accessible à tous. Si ce récit documentaire était une nécessité de citoyenne pour la réalisatrice, il a rencontré celle de milliers d’autres citoyens. Au point de devenir performatif, trois ans après sa fabrication. Outre la diffusion télé, de nombreuses projections publiques ont permisdefédérerdesgensvenusd’univers différentsautourdececombat.«Çame rassure sur l’exercice de mon métier», sourit Hélène Desplanques. Qui souligne cependant que cette victoire n’est qu’une première étape. L’accès aux textes pour tout un chacun est désormais garanti, a promis le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, et un décret gouvernemental viendra le confirmer. Mais les modalités de cette mise à disposition pour le public requièrent le maintien d’une vigilance, voire d’un rapport de force, estime Hélène Desplanques : pas question de confier cette tâche à un cabinet de conseil ne jurant que par l’IA, le comité de pilotage annoncé par le ministre doit rassembler élus, universitaires et associations… Ces cahiers, dans lesquels sont remis en cause «l’injustice fiscale, sociale, environnementale, l’oubli de territoires entiers, les logiques de marché […], contiennent sans nul doute une part de notre avenir», espère la députée Marie Pochon. À l’heure où s’exacerbe la défiance des citoyens envers les politiques, la mise en valeur de ce trésor national, dont Les Doléances a donné un aperçu de l’incroyable richesse, est plus que jamais essentielle • En 2024 sortait Les Doléances, le documentaire d’Hélène Desplanques. Ici, à la mairie d’Auger-SaintVincent (Oise) avec le maire Fabrice Dalongeville. Les doléances sortent de l’ombre Par Samuel Gontier Télérama 3923 19/03/25 4 HECTOR DE LA VALLÉE POUR TÉLÉRAMA | SORTIES D’USINE PRODUCTIONS/INSTITUT LUMIÈRE | DURAN DURAN/MICHAEL PUTLAND/GETTY IMAGES | JULIEN MUGUET/HANSLUCAS SOMMAIRE EN COUVERTURE Chimamanda Ngozi Adichie en novembre 2024. Photo Juankr Ce numéro comporte pour la totalité des kiosques: une couverture spécifique «Paris-IDF»pour les abonnés et les kiosques de Paris-IDF, et une couverture nationale. Posés sur la 4e de couverture pour les abonnés de la France métropolitaine: un feuillet 2 pages Festival Mythos pour les abonnés des dép. 35 et 44; un encart 4 pages Bloomberg sur le dép. 75 et les Gpub; un encart 4 pages La Croix (en aléatoire) sur une sélection d’abonnés particuliers payants des dép. 22, 29, 35, 38, 44, 56, 57, 59, 62, 67, 68, 69 et 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95; un magazine 6 pages 4 Saisons du jardin bio sur une sélection d’abonnés payants de la France métropolitaine. Édition régionale, Télérama+Sortir, pages spéciales, foliotée de 1 à 56 jetée pour les kiosques des dép. 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94, 95, posée sous la 4e de couverture pour les abonnés des dép. 75, 78, 92, 93, 94. 16 38 52 26 Dossier Menace sur la culture Musique Années 80 Cinéma Les frères Lumière Voyage La Toscane de Galilée ACADÉMIE DES SAVOIR-FAIRE #FONDATIONHERMES Télérama 3923 19/03/25 BANDE À PART FILMS/LES FILMS DU POISSON/RED LION | ANTONIO OBA/ESTUDIOEMOBRA/COURTESY DE L’ARTISTE ET MENDES WOOD DM | ARTE.TV 6 DU 22/3AU 28/3 58 Cinéma La Cache 74 Arts «Corps et âmes» 83 Télévision Musique et coup d’État MAGAZINE CRITIQUES TÉLÉVISION & PLATEFORMES RADIO & PODCASTS 3 Premier plan Les cahiers de doléances enfin ouverts à tous 8 L’instant T La comédienne Dominique Reymond 10 L’œil sur l’actu 14 Story-board La fresque «Black Lives Matter» effacée à Washington DOSSIER 16 Menace sur la culture La baisse des subventions met à mal le secteur culturel ENTRETIEN 22 Chimamanda Ngozi Adichie L’écrivaine féministe publie un nouveau roman, L’Inventaire des rêves 26 Lumière sur les Lumière Trois images décryptées par Thierry Frémaux 30 Le père d’«Adolescence» Rencontre avec le scénariste de la série, Stephen Graham 32 Boulez à facettes Le musicien aurait eu 100 ans 36 Peindre le temps De Paris à Brest, cent œuvres qui racontent le climat 38 Âme des années 80 Le meilleur et le pire de la musique des eighties 42 Une épidémie de féminicides Dans les réserves indiennes, des femmes assassinées 45 Où en est le cinéma russe ? Entre propagande et films populaires, la production est florissante IDÉES 48 La nouveauté, cette machine à consommer L’analyse de la philosophe Jeanne Guien VOYAGE 52 La Toscane de Galilée De Pise à Florence BEAU GESTE 54 On vous passe un savon Alain Dougnac, maître savonnier à Limoges 58 Cinéma La Cache, ou la vie fantaisiste de la famille Boltanski en 1968, dernier film avec Michel Blanc 64 Musiques Un album pop de haute tenue signé Japanese Breakfast 68 Livres Bourdieu et Panofsky, l’histoire de la rencontre de deux figures des sciences humaines EN LUMIÈRE 74 Arts «Corps et âmes», une exposition remarquable et engagée sur le genre humain 78 Scènes Circus Remake: le cirque percute l’actualité, dans une mise en scène palpitante 80 Pass week-end musées 83 Musique et coup d’État mêlés dans un documentaire singulier 84 La solitude face au handicap 86 Border Line, un film glaçant 89 Aimee Lou Wood, l’Anglaise ingénue de The White Lotus 90 Les Fossoyeurs, scandale dans les Ehpad 92 La rotoscopie, késaco? 94 Les sélections 100 Programmes et commentaires 142 Le meilleur de la semaine radio & podcasts Au cœur de l’orchestre avec Pierre Boulez; être LGBT à la campagne; un podcast sur l’Ukraine et trois sur Jules Verne; Rodolphe Burger À voix nue; les bons plans de Valère Corréard sur Ici… 147 Les programmes 152 Talents 153 Mots croisés 156 Conversation C O L L E C T O R ’ S E D I T I O N* 500e Giorgio Armani Collector’s Edition se distingue par ses détails uniques et emblématiques, dessinés par Giorgio Armani. Au quotidien, prenez les transports en commun #SeDéplacerMoinsPolluer TOUTES LES ÉLECTRIQUES NE SONT PAS HABILLÉES PAR GIORGIO ARMANI *Edition spéciale (1) Location longue durée 37 mois / 30 000 km maximum d’une Fiat 500e RED MY25 berline 23,8kWh sans option en stock au tarif conseillé en vigueur au 22/10/2024 après un 1er loyer de 7 900 € ramené à 3 900 € après déduction du bonus écologique de 4 000 € selon les conditions du décret n°2024-1084 du 29 novembre 2024 (voir conditions d’éligibilité sur www.economie.gouv.fr). Offre valable jusqu’au 31/03/2025, sur stock uniquement, non cumulable, réservée aux particuliers pour toute LLD d’une Fiat 500e neuve dans le réseau FIAT participant, sous réserve d’acceptation du dossier par CREDIPAR, loueur et SA au capital de 138.517.008 €, RCS Versailles n° 317 425 981, ORIAS 07004921 (www.orias.fr), 2-10 bvd de l’Europe 78300 Poissy. Modèle présenté : 500e Giorgio Armani Collector’s Edition à 259 €/mois aux mêmes conditions. Gamme Fiat 500e : Consommations min/max (Wh/km) : de 130 à 149 ; Émissions de CO2 (g/km) : 0 à l’usage. Jusqu’à 320 km d’autonomie électrique en WLTP. FIAT 500e, 500% ÉLÉCTRIQUE DÈS 99€/MOIS(1) SANS AUCUNE CONDITION DE REPRISE LLD 37 Mois - Apport de 3 900 € - Bonus éco 4 000 € déduit 8 Télérama 3923 19/03/25 RUDY WALKS POUR TÉLÉRAMA L’INSTANT T Propos recueillis par Frédéric Strauss LA COMÉDIENNE 2023 L’Amour et les forêts, de Valérie Donzelli. 2022 Irma Vep, minisérie d’Olivier Assayas. 2010 Les Chaises, d’Eugène Ionesco, mise en scène de Luc Bondy au Théâtre NanterreAmandiers. Dominique Reymond Une famille de cinéma «Les acteurs disent toujours que les tournages se passent bien. Parfois, c’est vrai. Une grâce a plané sur La Cache, nous vivions vraiment, devant la caméra, comme la famille que nous jouons, grands-parents, parents, arrière-grand-mère et petit-fils collés les uns aux autres, faisant bloc d’une manière poétique. En voyant le film, je reconnais le lien qui existe entre Lionel Baier, le réalisateur, Christophe Boltanski, qui a écrit le livre La Cache, et Michel Blanc, qui joue le grand-père, mon mari. Trois hommes délicats, trois personnalités pudiques. Je crois que ce film a infiniment touché Michel [dernier film tourné par Michel Blanc avant sa mort, le 3 octobre 2024, ndlr]. On le sentait vraiment investi dans son personnage, c’était très beau à voir, très émouvant. Ça l’est encore plus aujourd’hui.» Le roman de l’actrice «Le théâtre a occupé toute la place dansmavie.Danslesannées1980,ils’y passait des choses démentes. C’était Vincent Macaigne puissance dix, partout! Mais les comédiens de théâtre étaient mal vus par les gens de cinéma. On se méfiait de nous, on nous prenait peut-être pour des penseurs… C’est le contraire aujourd’hui, nous sommes recherchés. Pour un petit rôle dans un film, nous sommes efficaces, sympathiques. Compte tenu de la disponibilité que me laissait mon travail sur scène, j’ai surtout eu, à l’écran, des seconds, troisièmes, quatrièmes rôles. Mais ils m’ont rendue heureuse. En tournant La Cache, je me suis retrouvée au volant d’une Ami 6, comme dans Y aura-t-il de la neige à Noël?, de Sandrine Veysset, le premier film où j’ai eu un rôle important, en 1996. Il n’y a aucun lien de l’un à l’autre, sauf peut-être ce qu’Antoine Vitez, qui a tant compté pour moi, appelait le roman de l’acteur. Sans s’en rendre compte, on fait passer un fil rouge entre nos différents personnages et on donne forme à une histoire.» • Ma famille «Je suis née à Genève. Mon père est mort quand j’avais un mois et ma mère, qui venait d’un milieu modeste, a épousé mon parrain, qui appartenait à la grande bourgeoisie protestante genevoise. Je tiens la main à ces deux mondes, je les comprends très bien. Cela m’a ouvert l’esprit pour beaucoup de choses et cela a sans doute contribué à m’ouvrir aussi un large éventail de rôles. J’étais une enfant à la personnalité débordante, le genre qui fatigue tout le monde… Ma mère m’a collée dans un cours de théâtre pour canaliser cette énergie et je n’ai plus jamais arrêté. J’étais adolescente au début des années 1970, j’ai le sentiment d’être de la première génération de femmes qui n’ont pas eu pourseulhorizond’éleverdesenfants, qui ont pu choisir ce qu’elles voulaient faire de leur existence.» l’actu La comédienne est à l’affiche de La Cache, en salles le 19 mars, et de L’Amante anglaise, mise en scène d’Émilie Charriot, à partir du 21 mars à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (lire p. 79). En proposant la farine Récoltons l’Avenir, produite à partir de blé issu d’une démarche bas carbone, à prix E.Leclerc, Marque Repère fait de la décarbonation le combat de tous. Celui des agriculteurs, que nous accompagnons dans une démarche de réduction de leur empreinte carbone en travaillant moins les sols, en alternant les cultures et en enrichissant les terres avec des plantes non récoltées. Et bien sûr celui des consommateurs, qui profitent d’une excellente farine à prix accessible. C’est aussi cela le sens de : « Pour le meilleur et pour le prix ». Décarboner à tout prix, oui. Décarboner hors de prix, non. démarche de réduction de leur empreinte Farine de blé Farine de blé 1Kg 1Kg Pour le meilleur et pour le prix. 10 Télérama 3923 19/03/25 L’ŒIL SUR L’ACTU AFP | ANTIPODE FILMS - YABAYAY La solidarité internationale s’organise autour de l’écrivain, détenu depuis novembre en Algérie. Ici, dans le 5e arrondissement de Paris. LA TENDANCE Tout pour la musique LE CHIFFRE 146 C’est, en milliers, le nombre d’entrées en salles au 13 mars pour Personne n’y comprend rien, le documentaire sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi réalisé par Yannick Kergoat. Coproduit par Mediapart, le film a été intégralement financé par les 10178 contributeurs (tous cités au générique) qui ont participé à l’opération de crowdfunding (financement participatif). Depuis 2015 (son niveau le plus bas jamais atteint), le marché français de la musique ne cesse de progresser, dans une croissance que le secteur veut croire infinie. C’est encore le cas en 2024, comme l’atteste le bilan annuel des chiffres de la production musicale française publié la semaine dernière par le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep). Avec 1,031 milliard de chiffre d’affaires (contre 968 millions en 2023), elle égale celui de l’année 2007, mais reste encore à mi-chemin de celui de 2002, quand l’industrie du disque, insouciante, engrangeait des profits record avant de s’effondrer sous l’effet du téléchargement gratuit. Toujours selon ces chiffres, les Françaisontécoutéenmoyenne19heures de musique par semaine, ce qui constitue une augmentation de 42 minutes par rapport à 2023. Concernant le temps sur l’année, cela équivaut à 40 jours et 40 nuits passés à écouter de la musique en continu. Impressionnant. Mais cela ne dit pas si l’écoute s’est faite en conscience, en fond sonore ou même assoupi… ▶ Jean-Baptiste Roch LE RECOURS L’affaire Boualem Sansal devant les Nations unies «On ne dit pas assez qu’il est innocent», a rappelé, mardi 11 mars, lors d’une conférence de presse dans les locaux des éditions Gallimard, l’avocat de Boualem Sansal, François Zimeray. Sans accès, depuis quatre mois, ni à l’écrivain emprisonné à Alger, ni à l’énoncé des charges retenues contre lui par la justice algérienne, ni au magistrat instructeur, et confronté à «l’impossibilité physique d’exercer son métier » alors que ses demandes de visa pour l’Algérie sont demeurées sans réponse, Me Zimeray a annoncé saisir «les procédures spéciales des Nations unies» pour dénoncer la «détention arbitraire» de son client. Sur quoi cette initiative peut-elle déboucher? Sousqueldélai?Quelsqu’ensoientles résultats, elle aura le mérite de continuer de faire entendre et résonner le nom de Boualem Sansal, «incarcéré et persécuté» depuis quelque cent vingt jours, «otage de la relation dégradée entre Paris et Alger». D’ébranler, peutêtre, le régime autoritaire algérien, en menaçant d’abîmer davantage son image auprès des instances internationales. D’éviter que, les mois passant, le silence peu à peu s’installe autour de la situation de l’écrivain franco-algérien,arrêtéle16novembre dernier à l’aéroport d’Alger et depuis lors privé de toute défense et de contact avec ses proches — seule son épouse est parfois autorisée à le voir. Aux questions des journalistes sur l’état de santé de Boualem Sansal, âgé de 75 ans et qu’on sait souffrir d’un cancer, Me Zimeray et Antoine Gallimard, l’éditeur de l’écrivain, n’ont pu apporterbeaucoupderéponses,parmanque d’informations: «C’est un homme âgé et atteintd’uneaffectiongravequinécessite des soins», et qui serait actuellement hospitalisé. Un homme fragile physiquement, qui, enfermé et isolé depuis quatre longs mois, commencerait à montrer des signes de «dépression». ▶ Nathalie Crom 11 Télérama 3923 19/03/25 Basel Adra, journaliste et coréalisateur de No Other Land, dans son village de Cisjordanie. LA PHRASE «Riendeplusdifficile quedes’extraire deladéterminationdesavie.» LE METTEUR EN SCÈNE WAJDI MOUAWAD Le 11 mars, lors d’un cours au Collège de France dans le cadre de la chaire annuelle «L’invention de l’Europe par les langues et les cultures», disponible en podcast. LE TÉMOIGNAGE En Israël, des projos sous le manteau Oscar du meilleur documentaire, No Other Land, sur la confiscation des terres en Cisjordanie, est projeté en Israël, malgré les pressions du gouvernement, par l’organisation Standing Together. Explications du militant Omri Ouaknine-Yekutieli. Pourquoi avez-vous décidé d’organiser ces projections ? Comme les cinémas ne le montraient pas en raison des pressions gouvernementales, les réalisateurs — deux Israéliens, Yuval Abraham et Rachel Szor, et deux Palestiniens, Basel Adra et Hamdan Ballal —, l’ont mis sur Internet. Après l’Oscar, alors que les critiques du pouvoir redoublaient, nous avons décidé de le projeter dans les locaux de notre organisation, et dès la première, nous avons compris que cela ne suffirait pas. De nombreuses personnes se sont manifestées, partout en Israël et en Palestine, pour voir le film. Nous avons donc cherché à monter des séances ailleurs. Quelqu’un s’est porté volontaire pour le faire chez lui, dans son salon. Nous avons réitéré l’opération. Plus de vingt projections ont ainsi eu lieu en une semaine, à Haïfa, Tel-Aviv, Jérusalem, et bientôt dans des villes bédouines ou arabes et dans des villages. Quel est le public ? À la fois des Juifs et des Arabes. Beaucoup de jeunes, et beaucoup qui doivent faire l’armée. Nous avons aussi des plus âgés, dont certains ont activement milité pour la paix dans leur jeunesse. Souvent, ce sont les plus vieux qui organisent les projections, et des jeunes qui y assistent. Chaque fois, deux représentants de Standing Together viennent animer une discussion après le film. Le gouvernement fait-il pression sur vous ? Non. Plus le gouvernement prétend que ce film propage des fake news, plus nous recevons de demandes de projections et de visionnages. Nous avons eu deux mille inscriptions en une semaine, c’est considérable pour un petit pays comme Israël. Si le gouvernement fait pression, il y en aura quatre mille la semaine prochaine, et six mille la semaine suivante. Les gens n’en peuvent plus de la guerre, les Palestiniens mais aussi les Israéliens, et aucun de nous n’a d’autre endroit où aller. La seule option, c’est donc de nous entendre pour vivre ensemble. À plein d’égards, nous le faisons déjà. Et nous montons des projets ensemble. Cette campagne de projections, comme le film lui-même, en est la preuve. ▶ Propos recueillis par Valérie Lehoux 12 Télérama 3923 19/03/25 L’ŒIL SUR L’ACTU SANDRA REINFLET L’expo «Nouvelles reines» dans la basilique de Saint-Denis a été attaquée par l’extrême droite. Ces trente et une femmes vivent à Saint-Denis et Aubervilliers, pas loin de la basilique. À l’ombre, en quelque sorte, du monument historique. La photographe Sandra Reinflet a choisi de les habiller de lumière, celle filtrée et colorée par les vitraux de l’édifice. Un geste magnifiant des femmes qui sont pour la plupart issues de l’immigration. Ces portraits sont exposés depuis septembre 2024 dans l’église, qui est aussi nécropole des rois de France. Mais depuis quelques jours, cette exposition, intitulée «Nouvelles reines», fait l’objet d’attaques de militants d’extrême droite sur les réseaux sociaux, critiquant violemment le fait que trois des modèles sont voilés. Sandra Reinflet a également reçu des menaces. Le 11 mars, une poignée de membres d’un groupuscule, Les Natifs, a même brièvement recouvert trois clichés dans la basilique. Le Centre des monuments nationaux, gestionnaire du site, a réagi, expliquant que l’exposition «ne présente aucun caractère religieux ou revendicatif d’une quelconque nature. Les légendes de l’exposition ne font référence qu’au parcours des femmes ». Le diocèse a ajouté que les clichés ne portaient «atteinteniauxvaleursdel’Évangile, ni au culte catholique». La Ville de Saint-Denis a condamné «cette tentaL’AGRESSION Qu’est-ce qu’ils veulent à ces «reines»? L’ACTION EN JUSTICE Meta assigné pour contrefaçon «On ne mène pas un combat d’arrièregardecontrel’IA.Cequ’onveut,c’estfixer le droit.» Ce 12 mars, le Syndicat national de l’édition (SNE), le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac) et la Société des gens de lettres (SGDL) ont annoncé unir leurs forces pour s’attaquer à un géant de la tech. Les trois organisations assignent Meta tive de censure» qui «s’attaque non seulement à une œuvre artistique, mais également aux valeurs de diversité et d’ouverture qui fondent l’identité de notre ville». Cet été, l’exposition photographique « La trêve », de Sophie Comtet Kouyaté, présentée dans la basilique, et qui mettait également en majesté, sur un mode antique, des habitants de Saint-Denis, avait déjà donné lieu, selon l’autrice, à des commentaires racistes quotidiens sur le livre d’or. Avec l’action il y a une semaine des Natifs, qui ont voulu occulter des images artistiques et des visages de femmes, la violence est montée d’un cran. ▶ Marie-Anne Kleiber devant le tribunal judiciaire de Paris pour «contrefaçon» et «parasitisme économique», car ils soupçonnent la société californienne d’avoir entraîné LLaMA, son outil d’«intelligence artificielle», à l’aide d’œuvres protégées par le droit d’auteur. En Californie, une procédure judiciaire a obligé Meta à admettre «avoir utilisé des portions de l’ensemble de données Books3», une collection «pirate» d’environ 195 000 livres numériques où l’on trouve des auteurs comme Thomas Piketty, Fred Vargas, Annie Ernaux ou Amélie Nothomb. De quoi donner des armes pour prouver devantletribunalfrançaisqu’ilyabien eu «pillage monumental». ▶ Thomas Bécard
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