LES CAHIERS DE SCIENCE ET VIE n°218 - Page 1 - 218 Etlesartistesprimés parlesDiapasond’ordel’année2024. © EMIL MATVEEV, WARNER MUSIC, OLLIE ALI, HELGE HANSEN-SONY MUSIC ENTERTAINMENT ET JEAN-BAPTISTE-MILLOT. JuliaLezhneva Soprano PenePati Ténor ShekuKanneh-Mason Violoncelle LeifOveAndsnes Piano Victor Julien-Laferrière OrchestreConsuelo (direction) Réservez vos places dès maintenant sur www.theatrechampselysees.fr ou au 01 49 52 50 50 Production : Céleste productions UnesoiréeexceptionnelleproposéeparlemagazineDiapason,laréférence enmusiqueclassique,avecunplateaudeprestige.Accessibleàtous! 2024 13 novembre 2024 L’ÉVÉNEMENT CLASSIQUE DE LA RENTRÉE ! AVEC LES PLUS GRANDS ARTISTES D’AUJOURD’HUI LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 3 haque semaine, l’actualité est marquée par des faits divers en lien avec les trafics de stupéfiants. Marseille détient le triste record en la matière, mais le phénomène s’accroît et s’étend inexorablement aux autres métropoles et jusqu’à certaines villes moyennes de province. En quelques années, nous sommes passés du milieu d’antan qui lavait son linge sale et déjà sanglant en «famille» à une cartellisation du phénomène armant des gamins aux pieds de nos immeubles, produisant son lot de morts pour un territoire, un point de vente, et d’inévitables dommages collatéraux. La cité de Pagnol se mue en Medellín période Escobar, où le chant des cigales est désormais trop souvent couvert par les détonations de Kalachnikovs; le constat est effrayant, particulièrement quand le fait divers devient, par sa récurrence, un fait de société. Et pourtant, la promiscuité qu’entretient le genre humain avec cette vénéneuse compagne qu’est la drogue n’a rien de nouveau. Des cavernes du néolithique à la mondialisation contemporaine, elle a toujours été là… à l’ombre des pyramides dans leur jeune âge, dans les travées du Colisée, pas trop loin des bûchers de l’Inquisition, flottant sur la mer Rouge à bord du boutre d’un aristo flibustier, servant d’auxiliaire zélé aux empires coloniaux, envapant des générations perdues en mal de paradis artificiels – qui masquent en réalité les portes de l’enfer –, coulant dans les veines des gueules cassées de 14/18, faisant rugir les Panzers de Barbarossa et vrombir les Mustangs de la bataille d’Angleterre. Qu’elle s’appelle opium, haschich ou coca, elle est redoutable, soignant parfois, détruisant toujours. Redoutable, car démoniaque, et elle offre aussi une autre manière de raconter notre histoire. Philippe Bourbeillon ÉDITO VOYAGE, VOYAGE CRÉDIT COUVERTURE : MEMENTO IMAGES / AURIMAGES - DELPHINE MAYEUR / AFP - SHUTTERSTOCK - DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE / MUSÉE DÉPARTEMENTAL ALBERT-KHAN - COLLECTION ARCHIVES DE LA PLANÈTE / AURIMAGES CRÉDIT ÉDITO : TALLANDIER / BRIDGEMAN C 4 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE NOUVELLE-CALÉDONIE / / L’ACTU FACE AU PASSÉ SOMMAIRE//N°218 AOÛT - SEPTEMBRE 2024 LE DOSSIER // PAGES 24 À 85 DROGUE 24 Comment elle a fait et défait notre histoire 26 Les drogues, ces ennemies intimes 28 La folie cannabis 30 De l’opium aux opioïdes 32 Du cocaïer à la cocaïne 34 Premiers usages rituels 36 Méditerranée, plaque tournante de l’Antiquité 42 Sus aux plantes diaboliques! 44 Le cannabis dans le sillage du prophète et de Bonaparte 46 Le Club des Haschichins 48 Quand la médecine se pique 52 La drôle de Chasse au dragon des missionnaires 54 La régie de l’opium, pilier du trésor indochinois 57 Les deux guerres de l’opium : la Chine humiliée 58 Les brumes de la Belle Époque 60 Les Croisières du haschich 66 Guerriers sous influence 70 Des années folles, folles, folles 72 Et le drogué devint hors-la-loi 76 French Connection à l’assaut de New York 80 Les drogues de synthèse, fléau du XXIe siècle? 82 Entretien avec l’historien Alexandre Marchant HERITAGE IMAGES / AURIMAGES L’ACTU FACE AU PASSÉ // PAGES 06 À 23 NOUVELLECALÉDONIE 06 Vivre ensemble ? 08 Le rouleau compresseur colonial 15 Des Lapita aux Kanak 16 Le long réveil des Kanak 19 Les «événements» : quatre années de violence 20 Trois décennies de paix… et après? LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 5 RECEVEZ LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE CHEZ VOUS. Votre bulletin d’abonnement se trouve en page 95. Vous pouvez aussi vous abonner par téléphone au 0146484787 ou par Internet sur www.kiosquemag.com. INFORMATIONS AUX ABONNÉSEN PRÉLÈVEMENT AUTOMATIQUE Le prélèvement automatique de votre abonnement aux Cahiers de Science & Vie, auparavant effectué par Mondadori Magazines France, sera désormais directement prélevé par Reworld Media Magazines, nouveau nom de la société éditrice des Cahiers de Science & Vie. En cas de question sur votre abonnement, notre service client est à votre disposition au 01 46 48 4787 du lundi au samedi de 8 h à 20 h, ou par mail sur: www.serviceabomag.fr CULTURE 86 UN ŒIL DANS LE RÉTRO Sir Thomas Lipton, le perdant magnifique de l’America’s Cup 88 AU CŒUR DES EXPOS L’univers olfactif de Léonard de Vinci 90 Madame de Sévigné Une dynastie féminine en Provence 92 Corto Maltese, les mots et la mer 94 Et aussi... Pépinières d’athlètes / Les ports antiques de Narbonne 95 Bandes dessinées 96 Les bonnes lectures ARTOKOLORO / QUINT LOX / AURIMAGES 6 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE NOUVELLE-CALÉDONIE / / L’ACTU FACE AU PASSÉ AKG-IMAGES / DE AGOSTINI / BIBLIOTECA AMBROSIANA L’ACTU FACE AU PASSÉ L’ACTU FACE AU PASSÉ NOUVELLE-CALÉDONIE : NOUVELLE-CALÉDONIE : LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 7 VIVRE ENSEMBLE? VIVRE ENSEMBLE? es Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester français. Ils l’ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester. » Le 12 décembre 2021, le président de la République EmmanuelMacronseréjouitmanifestementdes résultatsdutroisièmeréférendumd’autodétermination organisé dans l’archipel… enfaisantfidelanon-participation de 90 % des Kanak au scrutin! Depuis, le dialogue est rompu et les tensions n’ont fait qu’aller crescendo, jusqu’aux émeutes du printemps dernier. Les deux premières consultations n’ont pourtant pas posé problème, même si le «non» à l’indépendance l’emporte. Mais la troisième est décisive, car elle est la dernière prévue par les accords de Nouméa. Et en pleine période de deuil coutumier, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) réclame son report, puis, n’obtenant pas gain de cause, appelle à ne pas y participer. D’où une abstention record, un divorce consommé, et pour finir de violents affrontements… comme en 1987! À l’époque, déjà, les Calédoniens sont appelés à choisir leur destin. Or, la veille du scrutin, le leader du FLNKS Jean-Marie Tjibaou ne mâche pas ses mots : «Certains vont sabrer le champagne. Le lendemain, nous serons là, pour dire merde, et pour dire que nous sommes là et que nous serons toujours là.» Et pour cause. Dans le siècle suivant la prise de possession du Caillou au nom de Napoléon III, les Kanak sont spoliés de leurs terres ancestrales au profit des bagnards, des colons et de leurs descendants. Pis, ils sont parqués dans des réserves, et soumis à l’ignominiedurégimedel’Indigénat.Etdanslesannées60, à la suite des politiques de migration décidées par l’État, leur part dans la population passe sous la barre des 50 %. Or, en 1983, leur «droit inné et actif» à l’autodétermination est enfin reconnu par l’État. Immédiatement, les Kanak acceptent de le partager avec les «victimes de l’histoire». Mais pas question pour eux de laisser des habitants présents depuis seulement trois ans décider du destin de l’archipel, comme le prévoit le référendum de 1987. Le FLNKS appelle alors à un boycott actif, qui vire au drame avec la prise d’otages d’Ouvéa. Quelque trente ans plus tard, une même cause, «un projet de loi visant à ouvrir les élections locales à tous les habitants présents depuis dix ans», crée les mêmes effets, et met le Caillou à feu et à sang au printemps dernier. La dissolution de l’Assemblée nationale a tout annulé. Et les élections qui ont suivi ont permis à la Nouvelle-Calédonie d’être représentée par un loyaliste et un indépendantiste – à savoir le fils de Jean-Marie Tjibaou. Une voix kanak au Palais Bourbon suffira-telle à renouer un dialogue bien amoché sur cet archipel du fin fond du Pacifique? A.L.-B. et F.L. L Maison d’un chef autochtone près de Kanala, Nouvelle-Calédonie, dessiné par Jean-Pierre Moynet (1863-1866). 8 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE NOUVELLE-CALÉDONIE / / L’ACTU FACE AU PASSÉ LE ROULEAU LE ROULEAU COMPRESSEUR COMPRESSEUR COLONIAL COLONIAL Baie de Balade, au nord-est de la Grande Terre, 13 septembre 1774. À bord du HMS Resolution, c’est l’heure des adieux. À la suite d’une escale de neuf jours auprès du chef kanak Ti Bouma, l’explorateur britannique James Cook lève l’ancre. Touché par l’accueil reçu, l’infatigable arpenteur du Pacifique s’empresse de consigner quelques impressions dans son journal de bord. «Les habitants de ce pays, notet-il, sont robustes et courtois, peu enclins au vol comme les indigènes des autres îles que nous avons visitées dans ces mers… C’est la moins fertile des terres où j’ai eu l’occasion d’aborder, mais je ne serais pas surpris qu’elle recèle des richesses minières.» Séduit par les reliefs arrondis et massifs de cette terre encore inconnue des Européens, son littoral dentelé, le jeu des couleurs, il lui donne le nom latin de l’Écosse, New Caledonia. XVIIIE SIÈCLE - 1946 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 9 qui le contrediront tant les escarmouches avec les autochtones sont fréquentes. Ni les teachers polynésiens protestants qui s’installent en différents points en 1840, ou les missionnaires maristes français qui s’implantent dans le nord de la Grande Terre en 1843, et qui eux aussi se heurtent à l’agressivité des «naturels». L’attaque et l’incendie de leurs missions de Balade puis de Pouébo obligera d’ailleurs les Pères à fuir vers les Nouvelles-HéDécouvert par James Cook à la fin du XVIIIe siècle, l’archipel ne deviendra une colonie française que sous Napoléon III, cherchant alors à renforcer l’influence de la France dans le Pacifique. Une difficile politique de peuplement se fera au détriment du peuple kanak. Une poignée d’explorateurs s’y hasarderont à sa suite, tel le contre-amiral Bruni d’Entrecasteaux, en 1792, parti à la recherche du comte de La Pérouse disparu dans la région quelques années auparavant. Contrairement à Cook, il trouve les Kanak faméliques, agressifs et féroces, avides de chair humaine et voleurs! Et ce ne sont pas les baleiniers ou les santaliers australiens qui fréquentent l’archipel dans les premières décennies du XIXe siècle James Cook, navigateur, explorateur et cartographe britannique (1728-1779). La Nouvelle-Calédonie, dessinée à l’encre de Chine par William Hodges lors du second voyage de James Cook, de 1772 à 1774. BRITISH LIBRARY / AURIMAGES - NATIONAL MARITIME MUSEUM, GREENWICH / AURIMAGES 10 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE NOUVELLE-CALÉDONIE / / L’ACTU FACE AU PASSÉ AKG-IMAGES / DE AGOSTINI / BIBLIOTECA AMBROSIANA - DR occupent la Nouvelle-Zélande et l’Australie tout en apportant un soutien militaire aux missions catholiques françaises en difficulté. Avec le projet d’établir, à plus ou moins long terme, une nouvelle colonie pénitentiaire. En 1855, une garnison française s’implante donc au sud de la Grande Terre et y fonde Port-de-France (rebaptisée Nouméa en 1866). Cependant, éloigné de quelque 18000 kilomètres de la métropole, l’archipel séduit peu, et pas suffisamment pour faire de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement, à l’instar de l’Algérie. Pour attirer les volontaires, l’amiral Du Bouzet élabore une première charte foncière afin de pouvoir leur concéder des terres et leur en garantir l’usage. «Au cours des années qui suivent, l’État en achète certaines et s’approprie celles jugées “inoccupées”. Les communautés kanak se voient de facto progressivement privées de leurs lieux sacrés, des parcelles en jachère, de leurs terrains de cueillette, de pêche ou de chasse et même de certains de leurs endroits de sépultures…», commente Christophe Sand. Les conflits entre indigènes et militaires se multiplient, sévèrement réprimés, avec à la clef une désorganisation des systèmes coutumiers. La décision, en 1863, de transformer la Nouvelle-Calédonie en une colonie pénitentiaire et d’y installer un bagne marque un nouveau tournant. En France, une loi de 1854 avait institué le régime de la transportation pour les auteurs de brides… Ils ne reviendront sur l’île qu’en 1851. L’irruption de ces nouveaux venus, aussi peu nombreux soient-ils, accélère la déstructuration des sociétés kanak entamée des décennies auparavant. «Les Kanak vont en effet succomber en masse aux épidémies de grippe, tuberculose, rougeole et autres maladies infectieuses apportées par les Européens et contre lesquelles ils ne sont pas immunisés. Les famines, les conflits entre tribus et la crise des organisations sociales qui s’ensuivent les fragiliseront plus encore. Tout cela conduit à un premier effondrement démographique, comparable à celui qui a lieu ailleurs dans le Pacifique à la même époque. Au début des années 1850, la population kanak a déjà diminué de façon significative, les Français estimant lors de leur installation que les habitants ne sont guère plus de 50000, un chiffre probablement sous-évalué», précise l’archéologue Christophe Sand (Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie). COLONIE PÉNITENTIAIRE Et la fin du calvaire est encore loin. Car le 24 septembre 1853, le contre-amiral Auguste Febvrier–Despointes, commandant en chef des forces navales françaises dans l’océan Pacifique, prend officiellement possession de la Nouvelle-Calédonie au nom de l’empereur Napoléon III, puis quatre jours plus tard, de l’île des Pins. L’objectif est double : renforcer l’influence de la France dans le Pacifique, alors dominé par les Britanniques qui Mission française en Nouvelle-Calédonie dans le magazine L’Illustration, Journal Universel, le 22 juillet 1871. Le contreamiral français FebvrierDespointes (1796-1855) LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 11 non pas propriétaires.» En d’autres termes, l’État français contrôle dorénavant l’ensemble des terres indigènes! Les conflits s’intensifient. Des colonnes expéditionnaires sont mises sur pied, composées principalement de supplétifs kanak enrôlés pour être placés en première ligne. Les hameaux sont détruits et les chefs capturés, pour beaucoup envoyés en exil. Afin de mieux contrôler les autochtones, le gouverneur Guillain crée, en 1867, une variante de la chefferie traditionnelle kanak, la «tribu», dirigée par un chef nommé par l’administration et rendue collectivement responsable des délits de ses membres. Il s’engage à ce que les terres de chaque tribu soient «insaisissables, inaliénables, incessibles, incommutables»; l’État se réservant néanmoins le droit de les exproprier des terrains jugés nécessaires au développement de la colonie… Ces arrêtés sont lourds de conséquences puisqu’ils ouvrent la voie au cantonnement des Kanak dans des territoires délimités à cet effet et donc à leur exclusion et leur marginalisation. Lesquelles ne feront que s’accentuer au cours des décennies suivantes. Car la colonie finit par grossir. Au début des années 1870, la métropole a déjà expédié quelques milliers de forçats supplémentaires en NouvelleCalédonie, auxquels s’ajoutent les déportés de la Commune, les insurgés kabyles d’Algérie, ainsi AURIMAGES crimes et l’exécution des peines de travaux forcés dans les établissements coloniaux (voir l’encadré Transportés, déportés, relégués…, ci-dessous). Le but était de débarrasser le territoire des «indésirables» en les exilant dans une lointaine colonie, où ils pouvaient contribuer à son peuplement et son développement aux côtés d’«honnêtes» migrants. Encore fallait-il leur offrir un avenir. Et celui-ci passait par le travail et l’octroi, à l’issue de leur peine, d’une concession de terre. L’expérience entamée d’abord en Guyane s’étant révélée très mortifère, les autorités se sont tournées en 1863 vers la Nouvelle-Calédonie, plus clémente. Le premier convoi de 250 forçats arrive dès l’année d’après. D’autres suivront. «Avec eux, c’est toute une administration qui se met en place, avec son cortège de gendarmes, de gardiens de prison, etc. et qui va devenir un État dans l’État. La Grande Terre étant encore largement méconnue, les bagnards représentent surtout une source de main-d’œuvre quasiment gratuite et corvéable à merci, qui va être utilisée pour la construction des pénitenciers, de la ville de Nouméa, des routes et autres infrastructures», explique Christophe Sand. Ils vont aussi être mis à disposition des grandes compagnies minières qui commencent à voir le jour dans ces années 1860 pour exploiter les gisements de nickel, d’or, de chrome, de cuivre ou de cobalt que l’on découvre peu à peu. «Ces compagnies passent des contrats qualifiés “de chair humaine” avec l’administration pénitentiaire. Dans un deal absolument épouvantable, celle-ci s’engage à remplacer immédiatement tout bagnard mourant sur site, et ils sont nombreux tant les conditions de travail sont rudes», poursuit le chercheur. Très vite, la question foncière revient sur le devant de la scène, que ce soit pour installer les forçats en fin de peine ou les colons libres que l’on cherche toujours à attirer. Faute de finances pour acheter ces terres, l’administration va les prendre aux Kanak. EXPROPRIATIONS En février 1866, une circulaire annonce la couleur : «Les indigènes sont seulement usufruitiers et La réserve pénitentiaire, second camp de la ville de Nouméa (forteresse de Montravel, vers 1895). Transportés, déportés, relégués… L Le bagne calédonien, qui ouvre en 1864, accueille dans un premier temps les transportés. Condamnés à des peines de travaux forcés assorties du «doublage», ceuxci ont l’obligation à leur libération de résider dans la colonie un temps égal à leur peine si celle-ci est inférieure à huit ans, à perpétuité au-delà. Ils sont rejoints dans un second temps par les déportés politiques : les Communards dès 1872 (telle Louise Michel), puis les insurgés kabyles, à la suite de la révolte de 1871 en Algérie. Les premiers, amnistiés en 1879, quitteront tous la Nouvelle-Calédonie. Enfin, à partir de 1887, sont également transférés des relégués, ces récidivistes ou vagabonds condamnés à de faibles peines sans travaux forcés, mais qui sont expulsés de métropole. Au total, l’archipel verra débarquer entre 1864 et 1897, année du dernier convoi, quelque 20000 transportés, 4000 relégués et 4000 déportés, auxquels s’ajoutent plus de 500 femmes condamnées.
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