MARIANNE n°1482 - Page 1 - 1482 HORS-SÉRIE POLAR EN KIOSQUE TOUT L’ÉTÉ HORS-SÉRIE Enpartenariatavec LES SEPT FAMILLES DU POLAR AvecLisaGardner MarinLedun SandrineCollette DeonMeyer PhilippeJaenada LouiseMey ArnaldurIndridason LES BONNES FEUILLES DES PROCHAINS ROMANS DonnaLeon HarlanCoben JoNesbø AndréeA.Michaud MichèlePedinielli S.A.Cosby INCLUS LE JEU DES 7 FAMILLES DU POLAR PAR COCO INCLUS LIBÉ LIBÉPOLAR Hors-sérieLibération x Eté2025 x 10,90€x 16,40CHF LEPOINTDEVUEDE parÈveSzeftel LEPOINTDEVUEDE M êmesinousallonsêtretaxéesderéac,disons-led’emblée: oui,noussaluonslarévolution#MeToo,parcequenous avons subi, jeune fille puis jeune femme, le sexisme, la drague lourde, le harcèlement et même le chantage sexuelàlapige,auCDD,leconfrèreplusâgéquipromet de vous aider et vous agresse sexuellement ; parce que nous ne voulons pas que nos filles vivent ce que nous avonsvécumaisexpérimententdesrelationslibrementconsenties (toutes ces fois où nous avons couché pour faire plaisir, parce que nous n’osions pas dire non). Mais,dèsledébutdecettenouvellevagued’émancipationféminine, nous avons alerté contre les injustices, qui risquaient de se retournercontrelesfemmesetdedesservirlacausequ’ellesvoulaient défendre, celle d’une égalité réelle, jusque dans la sphère intime, avec, en son cœur, la question du consentement. Éric Brion, livré à la vindicte par le hashtag rageur #BalanceTonPorc pour une propositionsalaceémisehuitansauparavant,fut la première victime. D’autres suivirent. On nefaitpasd’omelettesanscasserdesœufs, nousa-t-onobjecté.Ceàquoil’écrivainroumain Panaït Istrati avait répondu, au sujet de la révolution bolchevique : « Je vois bien lesœufscassés,maisoùdoncestl’omelette?» Demême,lorsquenousmettionsengarde contre les généralisations abusives, afin de ne pas mettre tous les hommes dans le mêmesac,onnousobjectaitquel’argument du « not all men » était l’alibi de la défense du patriarcat. Et quand nous appelions à reconnaître les progrès réalisés sur le plan de l’égalité, obtenus grâce aux combats de nos aînées, à encourager les hommes plutôt qu’à les dénigrer, quand nousfaisionsvaloirquenotrepèrevenaitnouschercheràl’école,que notre conjoint prenait sa part des tâches éducatives et ménagères, on nous opposait que c’était l’exception qui confirmait la règle. Et lorsque,àproposduprocèsPelicot,oninterrogeaitl’existenced’une «cultureduviol»,commesitousleshommesétaientdesvioleursen puissance,ons’entendaitdirequenousétionsaliénées,desidiotes utilesdupatriarcat.Enfin,quandnousquestionnionsceféminismeà géométrievariable,promptàdénoncer«lesmâlesblancscisgenres» maismuetfaceaupatriarcatislamiste,nousétionsracistes,levoile n’étant,àlescroire,qu’uninoffensifboutdetissu! Etcequidevaitarriverarriva:lesexcèsde#MeTooontconduit à un « backlash » massif sous la forme d’une giga-poussée de testostérone.Àunenouvelleguerredessexesopposant«mascus» radicalisés à féministes ultras. C’est l’objet du dossier de cette semaine:raconterceséparatismerampantquimenacecesgrands progrès sociaux que sont la mixité et l’égalité de genre. Rien de nouveau sous le soleil : à la sortie du Deuxième Sexe, même l’irréprochable Albert Camus y était allé de sa condamnation. « Vous avezridiculisélemâlefrançais»,avait-illancéàSimonedeBeauvoir. Mais aucune leçon n’a été tirée du passé. Au contraire, au lieu de chercher la réconciliation, on se tourne le dos. LouisNeymon,doctorantenanthropologie,expliqueàMarianne l’attraction des jeunes hommes pour le masculinisme par « des récits personnels, marqués par la honte, le rejet, des expériences traumatiques ». On pense à la série télévisée britannique « Adolescence », qui met en scène un ado de 13 ans mal dans sa peau, harcelé sur les réseaux sociaux à cause de son physique chétif, et qui finit par poignarder à mort l’amoureuse qui l’a éconduit. Cette série illustre un cas extrême, un passage à l’acte meurtrier comme il s’en est produit auxÉtats-Unisetamanquédes’enproduire en France. Les confidences recueillies par Louis Neymon sont plus banales, et tristes à pleurer : « J’ai rencontré des garçons incapables de montrer leur visage, convaincus de leur laideur. L’un d’eux vivait dans l’idée qu’il n’avait aucune chance de séduire. » On songe alors à Michel Houellebecq, quifutlepremier,avecExtensiondudomaine delalutte,paruen1994,àmettreledoigtsur cephénomène,lasolitudedel’hommeoccidentalquiseprenddesrâteaux,éternellosersurlemarchédérégulé du sexe. Aujourd’hui, le personnage de Houellebecq aurait sans doute cherché à rompre sa solitude en s’inscrivant dans un de ces boys clubs animés par la haine du féminin. Or ce « gender gap », cette polarisation genrée, est lourd de conséquencespolitiques.Commelaradicalitéécologiqueouidentitaire, la radicalité néoféministe contribue à pousser les Français dans les bras de l’extrême droite. Socialisées à l’ère #MeToo, les femmes de moins de 40 ans sont 32 % à voter pour la gauche radicale, contre 24 % chez les jeunes hommes, qui sont en revanche 14 % à se tourner vers la droite radicale (en hausse de 7 points par rapport à 2002), selon une étude récente du Cepremap. « C’est le groupe social le plus défiant, explique Yann Algan, le coauteur de l’étude. Seulement un jeune homme sur cinq dit faire confiance aux autres,etcechiffreestenbaisse.»Ditautrement,lesjeuneshommes vontmal,ilssesententmenacésdansleuridentité.Etcetteinsécurité fera le lit des Trump ou Milei français de demain. M Comme la radicalité écologique ou identitaire, la radicalité néoféministe contribue à pousser les Français dans les bras de l’extrême droite. Néovirilisme contre néoféminisme : vers un séparatisme genré 7au13août2025-Marianne-3 Couverture : Fred Haslin / MaxPPP - Illustration : Jiho 4-Marianne-7au13août2025 No 1482 du7au13aožt2025 3 LEPOINTDEVUEDE“MARIANNE” par Ève Szeftel Néovirilismecontrenéoféminisme: versunséparatismegenré 5 L’ŒILDENatacha Polony ÉlogedelaFranceheureuse 6 CequeMarianneenpense SandrineRousseau: “puretépolitique”etretourdebâton Marianne DÉCRYPTE 14 Panneaux solaires : le ras-le-bol des campagnes Marianne DÉCRYPTE 16 Les patrons français vont-ils se ruer aux États-Unis ? Marianne RACONTE 18 ReportageenIsraël:“Sinousnecombattons pas maintenant, nous mourrons plus tard” 20 Cisjordanie:laFrancehausse(unpeu)leton 46 Mieuxvautenrire! 50 LEMOTDELAFINpar Frédéric Taddeï LeséditosdeChatGPTauxquelsvousavezéchappé LEDOSSIER LA GUERRE DES GENRES CETTE JEUNESSE QUI SE RADICALISE 11 Thomas, “incel” repenti : “Une haine de soi qui finit par se retourner vers l’extérieur” 12 Féminin sacré, chamanisme et hurlements LEDESSINdeBesse 8 21 L’ŒILDENatachaPolony Éloge de la France heureuse plantation d’arbres supplémentaires pour retrouver l’aspect originel du parc et remise en état du kiosque à musique. LerésultatestuneimagedélicieuseetapaisantedelaFrance heureuse. Sous le chapiteau du kiosque, un groupe local joue des standards américains ou des pots-pourris de Nino Ferrer pendantquel’assistancedanselerockoulepaso-doble.Unpeu plus loin, un professeur de sport a posé son enceinte et rythme lesexercicesdesesélèves.Lesfamillessepromènent,lesenfants jouent dans les jets d’eau. Un peu plus loin, sur l’Allier, d’autres gaminss’essaientauparcoursaquatique.CetteFrance-làestde touteslescouleurs,detouteslesorigines,maiscommuniedans unmodedeviefaitdesociabilitésimpleetdejoiepartagée.Etla ville,fièredecetartdevivreàlafrançaisequiarayonnéàtravers lespalacesaujourd’hui quasidisparus,demandeleclassement du thermalisme européen et des plus beaux spas du continent au patrimoine immatériel de l’humanité. Il y a des banlieues à Vichy. Il y a des quartierspluspauvres.Ilyasansdoute mêmedeladroguepuisqueaucuneville française, même la plus préservée, n’est plus désormais à l’abri de ce fléau, ni des réseaux qui le diffusent. Une chose est certaine, pourtant : les Français qui passent leur été dans le Bourbonnais, loin des foules et de la fureur, ceux que l’on croise plus loin, dans l’Aveyron ou le Cantal, attendent de leurs politiques qu’ils perpétuent cela. Très exactement cela.Qu’ilsentretiennentunpatrimoine environnemental, paysager et architectural à nul autre pareil, qu’ils assurent une tranquillité qui est la condition du bonheur et qu’ils leur permettent de vivre de leur travail pour leur donner les moyens de s’offrir un délassement simple et sans ostentation. Les innombrables candidats à l’élection présidentielle qui font assaut de propositions chocs et de slogans calibrés connaissent-ils seulement cette France-là ? Ont-ils un jour ressenti cette joie spontanée devant le plaisir pur d’un couple de danseurs du dimanche ? Aiment-ils tout simplement ces Françaisqu’ilsprétendentreprésenteretquienontassezdesesentir méprisésouregardésdehaut?Deceuxquilesaccusentàmotsà peinecouvertsdefainéantiseàceuxquiveulentfairetablerase et les traitent de réactionnaires, en passant par tous ceux qui attisent les haines et les conflits pour faire fructifier leur fonds de commerce, on en voit bien peu pour s’engager à défendre la France telle que les Français l’aiment et veulent la voir vivre. M E n ce début de mois d’août, les sujets d’éditorial ne manquent pas. L’ultimatum de Donald Trump à Vladimir Poutine et les deux sous-marins nucléaires américainsqu’ilannonceavoirpositionnéspourrépondre àl’énièmeprovocationdeDmitriMedvedev;lamanière dontleprésidentaméricaintentedetorpillerlemouvementquienfinsefaitjourpourquedesnationsmembres du G7 et du Conseil de sécurité de l’ONU reconnaissent un État palestinien;lesdébatsautourdelapropositiondeloiDuplomb et la façon dont, sous le couvert de la défense des agriculteurs etdelaluttecontrelefléaudel’inflationnormative,leministère efface progressivement toutes les avancées en matière d’agroécologie; l’incapacité chronique des représentants européens à comprendre le piège dans lequel les enferme leur refus de favoriser le marché intérieur et la production européenne… tout cela viendra. Mais qu’il nous soit permis d’échapper pour quelques jours encore au fracas du monde et de parler de la France. Pas du budget,deladette,desdésertsmédicaux etdesnouvellesmafias,maisdelaFrance et des Français. Prenons une sous-préfecture de 25000habitants,dontlenomesthélas, pour le plus grand malheur de la ville, associéàlaplusgrandehonte,àlaflétrissurelaplusprofondedel’histoiredupays. Vichy ne fut choisi par le gouvernement dumaréchalPétainqueparcequelaville concentraitàl’époqueunnombreincalculable de palaces destinés à accueillir la riche clientèle internationalequivenaitprendreleseauxetqu’elleétait,pourcette même raison, dotée du central téléphonique le plus moderne de France. Depuis, les palaces ont fermé, le thermalisme a été remplacé dans la hiérarchie des destinations prestigieuses par le soleil et la plage, et Vichy s’est doucement endormi. Pourtant, qui se promène à Vichy en été a peut-être une chancedecomprendrecequ’attendentlesFrançaisdeleurs dirigeantset quelle idée ils se font de leur pays. Non pas que se manifestent là de grandes ambitions ou un programme époustouflant. Le maire, Frédéric Aguilera, n’est pas chef de file d’un grand parti politique, il n’écume pas les plateaux de télévision, etl’auteuredeceslignesnel’ajamaisrencontré,maisilaentrepris, il y a deux ans, la rénovation du parc des Sources, l’espace vertcentralquirelielesplendideopéradestyleArtnouveauau pavillonquiabritelessourcesthermales.Réfectiondesgaleries qui protègent les promeneurs des excès de soleil ou de pluie, Cette France-là estde toutesles couleurs, de toutes lesorigines, mais communiedans un modedevie faitdesociabilité simple etde joie partagée. 7au13août2025-Marianne-5 6-Marianne-7au13août2025 CORSE Républiquedivisible Finalement, pas une virgule du projet de révision constitutionnelle sur l’autonomie de la Corse ne sera modifiée. Ce texte, présenté en Conseil des ministres le 30 juillet, prévoit d’octroyer à l’île une certaine autonomie législative et de graver dans le marbre la notion de « communauté historique, linguistique, culturelle et ayant développé un lien singulier avec sa terre ». Une évolution lancée en 2022 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, à la demande d’Emmanuel Macron, pour mettre un terme aux violences sur l’île provoquées par la mort en prison du militant indépendantiste Yvan Colonna. Ce projet est un « texte de compromis » et « peut aboutir », a martelé le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, faisant fi de l’avis du Conseil d’État, qui avait notamment recommandé de remplacer la notion de « communauté » et refusait un pouvoir législatif autonome à la Collectivité de Corse. Pour cause, outre l’« anarchie juridique » à prévoir si ladite révision constitutionnelle était adoptée, le maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas, Benjamin Morel, déplore une « transformation de la manière dont on conçoit les fondements de la République ». « On obtiendrait une forme de constitutionnalisation du communautarisme », ajoute-t-il, bafouant ainsi l’égalité des citoyens inscrite à l’article 1er de la Constitution, mais aussi le principe de non-discrimination, dicté par le traité de fonctionnement de l’Union européenne. Si le texte a obtenu le feu vert du gouvernement, il lui reste à franchir les (très) nombreuses étapes que requiert une révision constitutionnelle pour être adoptée. Pas une mince affaire. Chloé Semat LECHIFFREQUICHIFFONNE -3millions Le nombre de voitures vendues en Europe est passé de 16 à 13 millions entre 2019 et 2024. Un recul de 3 millions de véhicules, préjudiciable à l’emploi sur tout le Vieux Continent. Le marché chinois en revanche continue sa progression avec 21 % d’unités supplémentaires au cours de la même période. DETTEPUBLIQUE Chouette,latutelle! U ne vieille astuce rhétorique : faire peur pour parvenir à ses fins. En l’occurrence, évoquer l’arrivée du pompier financier FMI au chevet d’une France percluse de dettes pour faire passer la pilule rigoriste. Début juin, en mission commandée, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, évoquait ainsi l’humiliante hypothèse quelques semaines avant l’annonce par le Premier ministre, François Bayrou, de son plan d’économies budgétaires. Après tout, un peu de rouerie politiquedel’exécutifnemangepasde pain, surtout quand aucune majorité ne se dégage de l’Assemblée. Plus gênant, en revanche, la mécanique d’intimidation relayée par les élites économiques et médiatiques. Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’ultralibérale fondation Ifrap, ne se fait pas prier pour jouer les cassandres sur fond de masochisme national : en casd’interventionduFondsmonétaire international,elleparledansl’émission «Cdansl’air»de«baissedespensionsde retraiteenGrèceouauPortugal»,drapée dansunlangagedevérité(«C’estçaqu’il faut dire aux Français »). Dans le même registre, l’essayiste Édouard Tétreau estime dans le Figaro « le scénario à la grecque de plus en plus plausible ». Paris Match décrit même par le menu les conséquences concrètes pour le budget de l’État et la vie des Français d’une mise sous tutelle. Orpetitrappel:laFrances’endetteà 3,3 % aujourd’hui quand la Grèce et le Portugal,aumomentdetéléphonerau FMI, à la BCE et à la Commission européenne, devaient acquitter respectivement 16 % et 12 % pour trouver de l’argentauprèsdesinvestisseursboursiers. Éditorialistes et économistes de plateauxredoutent–etnonsouhaitent– l’arrivée à Paris des petits hommes en grisduFMIavecleurmégapland’austéritésurlesbras.Maisilsyvoientl’opportunité d’accabler avec un certain zèle l’« absence de réformes », le « manque de courage des politiques », l’« hostilité aux changementsdesFrançais».Cespèresla Rigueurfiniraient-ilsparpenserquele changementstructureltantattendune pourraitvenirquedel’extérieur,autrementditduFMI,desmarchésfinanciers, voire de Coblence ? M FranckDedieu ALARMISTE ? Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, le 28 mai, à l’Assemblée. Vincent Isore / IP3 / MaxPPP Ceque Marianne enpense “J’en ai marre des interdits.” PATRICK SÉBASTIEN, surlascènedelaFoireauxvinsd’Alsace,àColmar,quelquesjours aprèsavoirsimulé(affirme-t-il)unefellationavecunespectatricedansunspectaclefamilial. L es habitants de Dinéault (Finistère) sont furibards depuis que Sandrine Rousseau veut y acquérir une résidence secondaire : que vient donc faire l’emblème caricatural d’une gauche ultra-urbaine dans une commune qui compte 38 exploitations agricoles ? Pour ne rien arranger, la députée écolo a récemment affirmé qu’elle n’avait « rien à péter » de la rentabilité des agriculteurs. Sandrine Rousseau se situe là au centre d’un conflit entre deux principes opposés. Le premier : le droit à une vie privée. Il n’y a rien d’illégal à acheter une maison, et le déballage autour des choix de vie d’une personnalité politiqueaquelquechosedeprofondément dérangeant. Le second : la conformité entre les idées que l’on prône et la vie que l’on mène. C’est la vieille histoire du curé au bordel : lorsqu’un politique promet de laver plus blanc que blanc, il n’a pas intérêt à être pris en flagrant délit de contradiction. Ici, ce n’est pas tant la volonté de Sandrine Rousseau de s’installer dans la ruralité qui devrait être pointée du doigt que sa décision d’acheter une résidence secondaire. Ce n’estpaslapremièrefoisquelesapôtres d’une vie sobre et frugale semblent surtout vouloir l’imposer aux autres plutôt qu’à eux-mêmes. Avoir sa maison de campagne n’a rien de méprisable, mais cela devient amusant lorsqu’on se pose en pasionaria de l’anticapitalisme vert. Surtout, la députée écologiste est ici la victime d’une tendance dont elle est l’une des promotrices les plus acharnées : la politisation de la vie privée. De l’usage du barbecue à la sexualité, elle est en première ligne d’une cohorte de prêcheurs qui exhortent à ne plus seulement prendre en compte les idées qu’une personne défend, mais à scruter son mode de vie pour en tirer des enseignements. « Le privé est politique », serinent ceux qui, comme Sandrine Rousseau, revendiquent de « regarder dans le lit et dans les foyers des gens ce qui s’y passe » pour y dénicher les « injustices structurelles ». Le retour de bâton est inévitable, et peutêtre même bienvenu, tant cette logique de pureté absolue est inquiétante. M Hadrien Mathoux PUBLIC-PRIVÉ La députée écologiste, qui envisage d’acquérir une résidence secondaire dans le Finistère, se retrouve sous le feu des critiques. SANDRINEROUSSEAU “Puretépolitique” etretourdebâton Trump-Poutine LATHÉORIE DUFLOU Ça commence évidemment comme une bagarre dans la cour de récré, avec une provocation et une réponse disproportionnée. Jeudi 31 juillet, l’ancien président russe Dmitri Medvedev, devenu agitateur sur les réseaux sociaux, a fait, en réponse à Donald Trump, une allusion à la « main morte », système soviétique de déclenchement automatisé du feu nucléaire. Le lendemain, le président américain a annoncé l’envoi de deux sous-marins nucléaires non loin de la Russie « au cas où ces déclarations idiotes et incendiaires seraient plus sérieuses que cela ». Aussitôt, des analyses parlent de « guerre froide » et d’un retour de la fameuse « théorie du fou » – un marronnier de psychanalyse géopolitique –, inspirée par Richard Nixon, qui se serait volontairement montré imprévisible face à l’URSS pour convaincre l’adversaire qu’il pouvait déclencher la guerre nucléaire. Depuis, on l’accole à Donald Trump pour éviter d’avoir à trop réfléchir. Mais la stratégie trumpienne est plutôt une rhétorique du flou : il envoie des sous-marins, d’accord, mais est-ce seulement leur propulsion qui est nucléaire, ou les ogives qu’ils portent ? On peut également s’étonner de la nature même de cette déclaration puisque la base de la dissuasion nucléaire, c’est justement que des sous-marins porteurs de la bombe sont en permanence en position de frapper l’adversaire. En l’occurrence, les menaces invisibles sont capables d’atteindre Moscou d’à peu près partout sur la planète, nul besoin d’être dans la baie de Saint-Pétersbourg. Seule chose certaine, Trump veut montrer que, contrairement à Joe Biden, il peut arrêter cette guerre rapidement, à coups d’ultimatums incessants et de menaces cryptiques. Mais en est-il vraiment capable ? M Antoine Margueritte “Ah… si tu pouvais fermer ta g…” 7au13août2025-Marianne-7 Victor Joly / Abaca - Victor Aubry / Sipa Laguerredesgenres CETTEJEUNESSE QUISERADICALISE L e 2 juillet, Timothy G., un jeune homme de 18 ans se revendiquant de la mouvance incel, a été mis en examen à Saint-Étienne pour association de malfaiteursterroriste.Élèveenclassepréparatoire, il projetait, selon le Parquet national antiterroriste,uneattaquecontredesfemmes.Nourriepar des mois de vidéos masculinistes visionnées sur TikTok,saradicalisations’estmatérialiséelorsqu’ilaété arrêtéàproximitéd’unlycéeavecsurluideuxcouteaux. Cetteaffaire,inéditeparsaqualificationjudiciaire,abrutalementmisenlumièreuneidéologiejusqu’icicantonnée aux marges numériques. Lemasculinisme,conceptpeurevendiquémaisdeplus enplusinfluent,agitàbasbruit.«Cen’estpasunmouvement ausensclassique,avecuneidéologiecohérenteetdesfigures organisées. C’est un spectre, une matrice culturelle, que l’on peut absorber sans même se dire masculiniste », explique Louis Neymon, doctorant en anthropologie à l’EHESS. Aprèsunmémoiresurlesincelsfrancophones,ilconsacre aujourd’hui sa thèse aux masculinités dans les sports de force. Selon lui, l’adhésion à ces idées passe par des biais multiples:influenceurs,forums,vidéos.Maiselles’appuie aussisurunterreaupsychologique.«Beaucoupdegarçons qui se radicalisent ont déjà une appétence pour le virtuel, les jeuxvidéo,lesplates-formescommeDiscordouleforum18-25 de Jeuxvideo.com, bastion d’une extrême droite ripolinée où circulentlesidéesd’AlainSoraloudeRenaudCamus. » “Uneidéologiedurenoncement” Le Covid a accentué ce phénomène. « Certains ont trouvérefugedanscessphères»,préciselechercheur.Mais leslogiquesd’adhésionsontplusanciennes.«EnFrance, les discours masculinistes sont façonnés par une histoire politiquesingulière.LerejetdeMai68,l’idéequelalibération des femmes a dévirilisé la société. » La situation française diffère du contexte nord-américain, où les incels sont plus nombreux. « Le forum Incel.is, par exemple, est le plus fréquentéaumonde.Onyretrouveaujourd’huiuneprésence francophonedeplusenplusvisible»,développe-t-il.Làoùles incelsnord-américainsadoptentvolontiersundiscours biologisant,puisédanslapsychologieévolutionniste,les francophones,eux,«justifientdavantageleursconvictions par des récits personnels, marqués par la honte, le rejet, des expériencestraumatiques».Lesdiscourspeuventconverger, mais les points d’entrée diffèrent. Lesjeuneshommesconcernéssontsouventenrupture scolaire,neurodivergents,oudansunprofondrejetd’euxmêmes. « J’ai rencontré des garçons incapables de montrer leurvisage,convaincusdeleurlaideur.L’und’euxvivaitdans l’idéequ’iln’avaitaucunechancedeséduire»,détailleLouis Neymon.Lesforumsincelsalimententcettelogiquefataliste, ce qu’on appelle la « black pill » : l’idée que tout est déterminé par la biologie, que le patriarcat est naturel et indépassable. « C’est une idéologie du renoncement. » Danssonessai FemaleChoice,labiologisteallemande MeikeStoverockavanceunethéoriedécriée:selonelle, 80%desfemmesseraientattiréesparseulement20%des hommes–lesplusforts,beaux,intelligents…Unschémade sélectionquinousviendraitdel’époqueoùleshumains étaientnomades,lesfemmeschoisissantlespartenaires les plus aptes à assurer la survie de leurs enfants. Cette logique, qu’elle estime inscrite dans nos gènes, continuerait d’influencer les dynamiques amoureuses. Mais de nombreux chercheurs ont contesté ses affirmations, soulignantl’absencedefondementsempiriquessolides. Louis Neymon observe aussi une évolution générationnelle.Lespremiersmouvementsantiféministesdes années 1980-1990, comme les MGTOW (lire glossaire), sont désormais portés par des hommes plus âgés, souventcentréssurlaquestiondudroitdegardedesenfants après un divorce. Les incels, eux, ont en majorité moins de25ans.«Maiscettepopulationvieillit.SurIncel.is,onvoit de plus en plus d’hommes de 28 ou 30 ans. » Enface,chezcertainesjeunesfemmes,d’autresformes de rejet apparaissent. Cela passe par des expressions comme«mâleblanccishétéro»,«fragile».Parfoispardes rupturesnettes:finilesamisgarçons,lesrelationshétérosexuelles…Cesdernièresannées,laparoleféministes’est libérée,portéepar#MeTooetlesmouvementsdedéfense desdroitsLGBTQIA+.Maiselleestaussiparfoisdevenue plus tranchée, plus méfiante, voire plus méprisante. Sur TikTok,«maletears»(larmesdemec)devientunhashtag viral.Descomptescomme@misandrequeenpartagent des conversations avec des hommes pour en souligner laviolence,l’absurdeoul’indignité.Danscertainscas,la colère se mue en rejet global, sans nuance ni dialogue. En2022,leHautConseilàl’égalitéentrelesfemmeset les hommes notait une recrudescence de la misogynie chez les jeunes. Un collégien sur cinq estime qu’il faut quelquefoisêtreviolentpoursefairerespecter,unsurtrois pense que certaines filles aiment être dominées. L’école est souvent démunie face à ces discours, qui circulent plus vite que les outils pour les contrer. Dans les établissements,leséquipeséducativespeuventêtreprisesentre deuxfeux:d’uncôté,desgarçonsquinecomprennentpas pourquoionlesaccused’êtresexistes;del’autre,desfilles quidénoncentdescomportementsintrusifsouviolents. Entre thèses masculinistes, violemment misogynes, et prolifération d’espaces en non-mixité, qui confinent à la misandrie, deux discours aussi opposés que radicaux séduisent de plus en plus les jeunes. Enquête sur ces nouvelles lignes de front, nourries par les influenceurs et les réseaux sociaux. Par Margaux Acosta 2014 C’est l’année charnière dans la radicalisation des communautés masculinistes, avec le premier attentat considéré comme “incel”, la tuerie d’Isla Vista, en Californie, perpétrée par Elliot Rodger. 33% C’est le nombre d’hommes entre 18 et 25 ans qui ont donné leur voix à la droite et à l’extrême droite à l’élection de 2022, contre 16 % de jeunes femmes. Source : étude Ifop-Hexagone, mai 2025. 45% des hommes de moins de 35 ans considèrent qu’il est difficile d’être un homme aujourd’hui. 60%des jeunes femmes jugent que les hommes sont mieux écoutés que les femmes dans le débat public. Source : Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, janvier 2025. Glossaire INCEL : les « célibataires involontaires », ces hommes qui s’estiment privés de relations sexuelles ou amoureuses, souvent à cause de leur apparence physique ou de leur statut social. Leur frustration peut se transformer en haine envers les femmes. MASCULINISME : courant de pensée qui affirme défendre les droits des hommes, en réaction au féminisme. Regroupe des discours variés, allant de revendications sur la garde des enfants ou les violences conjugales subies par les hommes jusqu’à des formes plus radicales. MGTOW (Men Going Their Own Way / « Les hommes qui suivent leur propre voie ») : mouvement masculiniste qui prône un retrait volontaire des relations avec les femmes. 7au13août2025-Marianne-9 Laguerredesgenres et antiféministes. Il défend l’idée que les hommes blancs seraient«dévirilisés»parleféminismeetlasociété«moderne»,etprôneunretouràunordrepatriarcalautoritaire. Deuxsolitudesenmiroir Dans cet univers, les incels occupent la marge la plus extrême.Àforced’isolementetdeforums,ilsglissentdans un récit où la haine des femmes devient une explication rassurante. À l’opposé, d’autres femmes, elles aussi en souffrance,cherchentdesréponsesdansdesgroupesen non-mixité,parfoismilitants,parfoisspirituels.Le«fémininsacré»,parexemple,attiredeplusenplus.Cerclesde parole, retraites, rituels autour du corps… ces pratiques s’organisent en dehors du cadre médical ou militant et rencontrentunsuccèscroissant.Dansunrapportpublié en2023,laMissioninterministérielledevigilancecontre les dérives sectaires (Miviludes) décrit ce type d’offres : stages coûteux, promesses de guérison, discours ésotériques sur l’endométriose ou la bénédiction de l’utérus. Lerapport yvoitunrisqued’emprise mentale. Ce qui émerge dans ces espaces, ce ne sont pas tant deuxcampsquedeuxsolitudes.D’uncôté,desgarçonsqui réapprennentlavirilitésurDiscordoudansdessallesde sport. Del’autre,des fillesqui seretrouvent danslaforêt ou dans des retraites yoga. Entre eux, peu de dialogues, peudeponts.Unefracturegénérationnellemaissurtout numérique,oùchacunconstruitsesréponsesenvaseclos. Mêmedanslesurnes,lesclivagessecreusent.D’après uneenquêteIfop-Hexagoneparueenmai,prèsd’unejeune femme sur trois âgée de 18 à 24 ans (32 %) envisagerait de voter pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2027. Chez leurs homologues masculins, ils ne sont que 24 % à exprimer la même intention. À l’inverse, les jeunes hommes penchent nettement plus à droite. Lors du scrutin présidentiel de 2022, seules 16 % des femmes demoinsde25ansontvotépouruncandidatdeladroite nationaliste,contre33%deshommesdelamêmetranche d’âge.Ce«gendergap»(«clivagedegenre»),encorepeu visibleilyaquelquesannées,s’affirmedésormaiscomme un clivagegénérationnelmajeur. M M.A. Certainesfiguresféministes,plusfrontales,cristallisent aussilestensions.AliceCoffin,militantelesbienneetélue écologisteàParis,estuneciblerécurrentedescritiques. Dans son pamphlet le Génie lesbien, publié en 2020, elle écrivaitavoircessédeconsommerdesœuvrescrééespar deshommes–livres,films,musiques–,qu’elleassociaità uneformed’agressionsymbolique.«Cequ’onmereproche –etc’estcequejeveuxmontrerdanslelivre–,c’estquej’ose pointerleshommes,leursprivilèges,etrefusertoutcediscours delacomplémentarité»,expliquait-ellealors.Surnommée «lanouvelleharpieduféminisme»parValeursactuelles,elle aétéviséepardesmenacesdemort,cequiluiavalud’être placée sous protection policière à l’été 2020. Cettepostureradicaleresteminoritaire,néanmoinselle alimenteuneidéedésormaisbieninstalléedanscertains cerclesmasculinistes:celled’unféminismedevenu«antihommes».Enmiroir,surlesréseaux,descoachsdevirilité, comme Killian Sensei ou La Menace, capitalisent sur ce ressentiment. Leurs vidéos, parfois violentes, parlent à desgarçonspersuadésd’avoirétédépossédésdequelque chose. L’obsession du « vrai mec », le rejet des femmes jugées « toxiques », la hantise d’être dominé… Tout un discourscirculaire,où l’humiliation justifielarevanche. Selonl’anthropologueMélanieGourarier,silemasculinismeestétroitementliéàl’extrêmedroite,c’estparcequ’il véhiculeunepenséeracialeetmartialefondéesurl’ordre,la conquêteetlesvaleurstraditionnelles.DanielConversano, ancien du mouvement Égalité & Réconciliation, d’Alain Soral, tient des discours à la fois masculinistes, racistes Pourquoilamenace“incel”estpriseausérieux Le 27 juin, la Direction centrale du renseignement intérieur interpellait à Saint-Étienne un jeune homme de 18 ans, suspecté de fomenter un attentat au couteau visant des femmes, et qui se réclame de la mouvance « incel ». Cette idéologie a déjà fait l’objet de signalements adressés à la Miviludes, qui lutte contre les dérives sectaires. Dans son viseur, la succursale française du « Mankind Project », une organisation états-unienne censée « aider les hommes à s’éveiller à leur pleine maturité ». « Certains groupes et individus [sont] susceptibles, par leurs discours et méthodes, d’induire un lourd endoctrinement [d’ordre] violent et sexiste », explique le rapport 2021 de la Mission. De fait, un adolescent issu de cette nébuleuse a été arrêté en Haute-Savoie le 25 février, juste avant son passage à l’acte. De quoi faire écho à une dizaine d’attaques perpétrées depuis 1989 en Amérique du Nord, en Allemagne et au Royaume-Uni. D’où l’attention portée à cette menace par les services français. Thomas Rabino LEDOSSIER LEDOSSIER À 17 ans, Thomas s’interrogeait : pourquoi les filles ne s’intéressaient-elles pas à lui ? De forums en vidéos, il a découvert les thèses masculinistes et glissé vers la sphère des “incels” – les célibataires involontaires –, qui cultivent la virilité tout en “objectifiant” les femmes. Avec le recul, il explique son basculement. Puis sa prise de conscience. Propos recueillis par Margaux Acosta condamnéàêtrerejeté.Absurde,mais,àl’époque,çame semblaitlogique.Cesthéoriesexpliquaientmeséchecs.Et offraientunecible.Sijesouffrais,c’étaitàcausedesfemmes. Cesdiscoursdéresponsabilisent.Cen’estplusunedifficultésocialepassagère,c’estlafautedesautres.C’estça,la mentalitéincel:unehainedesoiquifinitparseretourner versl’extérieur.Jenemerevendiquais pas incel – le mot me paraissait trop radical – mais je partageais certains postulats. Je pensais quelesfemmesétaientinjustes. Lathérapiecommesolution Je regardais aussi des vidéos de RaptorDissident,unjeunedelafachosphère française.Lesfemmesyétaientméprisées, «objectifiées».En2016,parexemple,après une vidéo contre le harcèlement de rue publiée sur le site Madmoizelle, il a alimenté une campagne de cyberharcèlement contre la vidéaste féministe Marion Séclin. Elle a reçu des milliers d’insultes, de menacesdemortetdeviol.Danslesmilieux plusradicauxencore,ontrouvedespublicationsoùlesfemmessontappelées«foids», contractionde«femoids»,commesielles n’étaientmêmeplushumaines.Cespropos m’ont mis mal à l’aise mais, au lieu de tout rejeter,jemesuisrepliésurlesversionsplus socialementtolérées. Heureusement,j’aifiniparprendredu recul. En première littéraire, ma classe étaitpresqueentièrementféminine.Ces fillesn’avaientrienàvoiraveclescaricatures quej’avaisentête.J’aiaussiarrêtédefréquenterceuxqui m’enfermaientdanscesidéesetcommencéunethérapie. Parler de ce que je ressentais a tout changé. J’ai compris quemonmal-êtrenejustifiaitpasd’ycollerdesthéories toutes faites. Mes sœurs m’ont également aidé. Aujourd’hui,jenemeconsidèrepascommeféministe. Ce serait malhonnête. Mais je comprends l’importance du féminisme, pas seulement pour les femmes, mais aussipournous.Poursortirdecetteidéequ’unerelation seraitunerécompenseàlamasculinité.J’aicomprisque lesfemmescommeleshommesviventetévoluentaussi dansunesociétéremplied’injonctionscontradictoires. M J e m’appelle Thomas, j’ai 24 ans, je suis étudiant en sciences sociales. Issu d’un milieu plutôt petitbourgeois, de centre gauche, je me considère aujourd’hui comme de gauche même si je n’aime pas trop les étiquettes. Au lycée, je ne connaissais personne et me sentais isolé, en décalage, mal dans ma peau.J’avaisenviedevivreunerelation romantique, mais je ne me prenais quedesrâteaux.Jevoyaislesautres nouerdesliensfacilement,j’enétais jaloux. Et dans ce vide, les idées « incel » sont apparues. C’est par la polémique opposant des joueurs de jeux vidéo et des femmesjournalistesetdéveloppeuses, le « Gamergate », que j’ai découvert le mouvement antiféministe. On en parlait sur le site américain Reddit, des forums comme 4chan ou bien consacrésauxjeuxvidéo,etdansdes communautésdejeuxdestratégiemilitaire,trèsmasculinesettrèsjeunes quejefréquentais.J’aicruquec’était ça,lavérité,surcesespacesoùlespropos sexistes et racistes étaient tolérés, jediraismêmeintégrésdanslaculture. Hiérarchiesociosexuelle En classe de seconde, un ami qui galérait aussi dans ses relations disait que les femmes n’étaient attirées que par des hommestrèsvirils,etquenousn’aurions jamais notre chance. Je m’identifiais à lui.C’estenlefréquentantquej’aiglissé. Plus tard, un autre camarade de classe m’a encouragé à êtreplusvirilpourattirerlesfemmes.Ilpensaitqu’ilfallait correspondre à un idéal masculin – musclé, dominant – pourexister.Cegenredediscoursrenforcelesentiment d’échec,d’inadéquation.SurInternet,onretrouvaitexactement les mêmes idées formulées comme des vérités scientifiques. Par exemple, ce concept de hiérarchie sociosexuelle, auquel j’ai cru sincèrement. L’idée que les femmes classeraient les hommes selon des archétypes : alpha, beta, sigma, omega… et que seuls les plus masculins avaient unequelconquevaleur.J’étaiscenséêtreun«beta»,donc Thomas, “incel” repenti “Unehainedesoiquifinit parseretournerversl’extérieur” 7au13août2025-Marianne-11
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